Biopsie musculaire

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Biopsie musculaire
Introduction :

De par son importance quantitative dans l’organisme, le tissu musculaire est sujet à de nombreux remaniements primaires ou secondaires.

C’est ce que peut explorer la biopsie musculaire.

Deux types lésionnels principaux peuvent être reconnus et représentés, soit par une atteinte spécifique myogène ou neurogène, soit par une atteinte systémique.

Quelle que soit son indication, la biopsie musculaire intervient comme quatrième étape dans l’exploration d’une affection neuromusculaire après les études cliniques, biologiques et électrophysiologiques.

Du fait de la facilité technique de la biopsie, son indication peut être large sans être désordonnée. Le prescripteur indique au patient les raisons de cet examen, les éventualités diagnostiques attendues et les quelques complications possibles ; ces dernières sont mineures lorsque les conditions d’asepsie sont garanties et quelques règles d’hygiène postbiopsie respectées.

La biopsie chirurgicale ou la biopsie au trocart est affaire d’écoles. Une anesthésie générale est souvent nécessaire chez le nouveau-né et le petit enfant.

Les muscles récemment traumatisés ou soumis à une étude électromyographique ne doivent pas être prélevés du fait de lésions nécrotiques ou inflammatoires persistantes.

Les contre-indications à la biopsie concernent les troubles de la coagulation (anticoagulants) et une éventuelle allergie aux anesthésiques locaux.

Le choix du muscle à biopsier est essentiellement déterminé par la clinique qui prend en compte le déficit, l’hypotonie, puis l’atrophie, une éventuelle nouure intramusculaire, plus accessoirement des crampes et des myalgies.

Il s’agit en fait d’un muscle « suffisamment pathologique pour que les lésions soient interprétables, mais modérément pour qu’elles le restent ».

En pratique, les biopsies sont effectuées sur les muscles deltoïde, biceps et palmaire pour le membre supérieur et quadriceps, péronier et gastrocnémien pour le membre inférieur.

La destinée des prélèvements doit être envisagée de façon extensive : microscopie optique et ultrastructurale, histoenzymologie et immunohistochimie éventuelle, biochimie et génétique moléculaire.

L’étude de l’innervation sur fibres dissociées peut également être réalisée.

Un prélèvement sanguin peut utilement compléter la biopsie musculaire dans certaines circonstances et chez les collatéraux dans le cas d’une affection familiale.

Les éventuelles erreurs relèvent de plusieurs causes : – le manque de renseignements cliniques, indispensables pour rendre compte de l’indication de la biopsie ;

– certaines affections comme les anémies ou les perturbations électrolytiques ne s’accompagnent pas de lésions significatives ; dans d’autres affections, la biopsie est normale ou ne révèle que des lésions non spécifiques ; c’est le cas des myopathies endocriniennes, de la myasthénie auto-immune, des myoglobinuries, des syndromes myotoniques non dystrophiques et des paralysies périodiques ;

– des artefacts histopathologiques, le plus souvent liés à des conditions inadéquates de prélèvement et de préparation des spécimens, peuvent être interprétés comme des lésions élémentaires ; c’est le cas des bandes de contraction simulant des lésions nécrotiques et des vacuoles de décongélation interprétées comme une surcharge ;

– une bonne connaissance des structures normales permet de reconnaître les jonctions myotendineuses, les fuseaux neuromusculaires et les organes tendineux de Golgi, et de ne pas leur accorder une quelconque signification pathologique.

Les résultats de la biopsie musculaire sont le reflet de son évolution : d’une part les indications sont devenues plus extensives, puisque la biopsie, limitée aux affections neuromusculaires dans une première approche, a pris actuellement une très grande importance en pathologie générale ; d’autre part les progrès techniques ont permis un accroissement des connaissances : descriptives dans un premier temps, puis fonctionnelles avec l’histoenzymologie et la microscopie électronique, et moléculaires ces dernières années avec l’immunohistochimie, les techniques de western blot, de polymerase chain reaction (PCR) et d’hybridation in situ et la recherche d’acide ribonucléique messager (ARNm) dans le muscle.

Techniques utilisées :

A – HISTOPATHOLOGIE CONVENTIONNELLE :

La microscopie optique permet une bonne appréciation et une description analytique des lésions élémentaires.

Elle est réalisée sur des coupes après inclusion en paraffine colorées par l’hématéineéosine et le trichrome de Masson, des coupes de tissu congelé colorées par l’hématéine-éosine et le trichrome de Gomori à la recherche d’inclusions fuchsinophiles et éventuellement des coupes semi-fines après inclusion en résine.

Des colorations spéciales comme la coloration à l’acide périodique de Schiff (PAS) qui colore les glycolipides et les glycoprotéines, le noir Soudan (coloration des lipides) et le rouge Congo à la recherche d’amylose sont également utilisées.

B – HISTOENZYMOLOGIE :

1- Techniques ATPasiques :

L’activité adénosine triphosphatasique (ATPasique) des différentes myosines musculaires, lente et rapide, varie en fonction du pH d’incubation de la lame.

Ces techniques permettent donc de connaître la répartition des différents types de fibres.

Trois pH d’incubation sont principalement utilisés : pH 9,4 ; pH 4,6 ; pH 4,3.

Les fibres de type I (type lent et résistant) sont fortement colorées aux pH 4,3 et 4,6.

Les fibres de type IIA (type rapide et résistant) sont visibles uniquement à pH 9,4.

Les fibres de type IIB (type rapide et peu résistant) sont fortement colorées à pH 9,4 et légèrement colorées à pH 4,6. Les fibres IIC (fibres régénératives) sont colorées quel que soit le pH.

2- Techniques oxydatives :

Les fibres de types I et IIA sont plus fortement colorées par ces techniques.

Elles incluent les colorations des enzymes suivantes :

– nicotinamide-adénine-dinucléotide-tétrazolium réductase (NADH-TR), enzyme présente dans les mitochondries, le réticulum sarcoplasmique et les tubules T, et dont la coloration permet d’apprécier le « réseau intermyofibrillaire » ;

– succinate déshydrogénase (SDH), complexe 2 de la chaîne respiratoire mitochondriale et entièrement codée par l’acide désoxyribonucléique (ADN) nucléaire ;

– cytochrome oxydase (COX), complexe 4 de la chaîne respiratoire mitochondriale et partiellement codée par l’ADN mitochondrial ; la coloration combinée COX-SDH permet de préciser le pourcentage de fibres déficientes en activité COX ;

– a-glycérophosphate déshydrogénase liée à la ménadione, présente dans les mitochondries et le sarcoplasme, qui teste l’activité oxydative des fibres de type II.

3- Autres techniques enzymatiques :

La myophosphorylase, enzyme de dégradation du glycogène, la phosphatase acide, enzyme lysosomiale, et la phosphatase alcaline, marqueur de la régénération, sont également accessibles à l’histoenzymologie.

C – MICROSCOPIE ÉLECTRONIQUE :

Elle n’est pas systématique ; son indication découle de l’examen histopathologique et du type de pathologie en cause.

Elle peut permettre d’affirmer une myopathie oculopharyngée, de rechercher des inclusions nucléaires et cytoplasmiques en faveur d’une myosite à inclusions, de caractériser précisément des vacuoles : surcharge lysosomiale des déficits enzymatiques de la myopathie à la chloroquine, dilatation du réticulum, accumulation de formations pseudomyéliniques plus ou moins associées aux inclusions nucléaires dans la myosite à inclusions et dans la myopathie oculopharyngée.

D – IMMUNOHISTOCHIMIE ET « WESTERN BLOT » :

L’immunohistochimie en microscopie optique est une technique simple et rapide, permettant la détection sur coupe tissulaire d’antigène dont la nature est le plus souvent protéique.

Cette technique s’est très largement développée ces dernières années du fait de la commercialisation d’un grand nombre d’anticorps monoclonaux spécifiques.

De nouveaux anticorps deviennent régulièrement disponibles.

Les techniques de révélation les plus utilisées en pratique diagnostique sont les techniques d’immunoperoxydase et d’immunofluorescence.

L’utilisation de système d’amplification (biotine, streptavidine) a permis d’augmenter la sensibilité.

De plus, les automates d’immunohistochimie de type Ventana permettent la réalisation simultanée d’un grand nombre de techniques, leur standardisation, et augmentent la qualité et l’intensité des marquages.

L’immunohistochimie peut être utilisée pour affirmer un diagnostic ou le préciser, ou encore dans un but pathogénique.

Chaque technique d’immunohistochimie nécessite une mise au point préalable : choix des dilutions d’anticorps, réalisation de contrôles positifs et négatifs tissulaires, omission de l’anticorps primaire ou encore une immunoabsorption.

Ces contrôles sont indispensables pour la validation et la crédibilité de la technique.

L’utilisation de l’immunohistochimie en ultrastructure reste encore du domaine de la recherche. Les techniques de western blot sont effectuées à partir de muscle congelé, pesé puis homogénéisé.

Après une phase de préparation, une migration des protéines musculaires sur gel de polyacrylamide est réalisée.

Après transfert sur une membrane, les anticorps correspondant aux protéines recherchées sont hybridés. Cette technique nécessite des contrôles multiples.

La chaîne lourde de myosine permet la quantification des protéines au sein des extraits et la vérification de la qualité de ces derniers.

Des extraits musculaires de sujets normaux déposés en quantité identique et dilués au demi servent de contrôles positifs.

Les techniques de western blot multiplex permettent l’identification simultanée de protéines musculaires de poids moléculaires différents.

Cette approche assure un contrôle supplémentaire en permettant la vérification de la qualité des protéines détectées.

La principale indication du western blot est l’exploration d’une dystrophie musculaire.

E – ÉTUDES BIOCHIMIQUES COMPLÉMENTAIRES :

Elles sont indispensables pour caractériser les myopathies métaboliques : recherche d’une surcharge glycogénique par mesure du taux de glycogène et quantification de certaines enzymes du métabolisme du glycogène, évaluation de l’activité des différents complexes de la chaîne respiratoire mitochondriale dans les mitochondriopathies et dosage de certaines enzymes du métabolisme des lipides et de la carnitine.

F – GÉNÉTIQUE MOLÉCULAIRE :

Il est possible de rechercher une mutation dans un gène donné sur tissu musculaire ou dans le sang.

Les ADN nucléaire et mitochondrial peuvent être analysés.

Lésions élémentaires :

A – HISTOPATHOLOGIE CONVENTIONNELLE ET COLORATIONS SPÉCIALES :

1- Atrophie, hypertrophie, variation de taille des fibres :

L’atrophie se caractérise par une réduction de taille et de volume des fibres musculaires.

Les fibres atrophiques sont le plus souvent arrondies dans les processus myopathiques et anguleuses dans la dénervation et les états de non-utilisation.

La topographie de l’atrophie est un élément important dans l’orientation diagnostique, des groupes de fibres atrophiques anguleuses se rapportant à une dénervation tandis que des fibres atrophiques disséminées sont plutôt l’apanage des dystrophies musculaires.

Une atrophie périfasciculaire est très caractéristique de la dermatomyosite.

L’hypertrophie est souvent associée à l’atrophie et correspond à un processus compensatoire. Les fibres hypertrophiques comportent souvent des remaniements structuraux comme des centralisations nucléaires et des segmentations.

Elles peuvent être dues à une surcharge (glycogène) ou comporter une opacité de leur sarcoplasme avec un arrondissement exagéré de leurs contours comme les fibres hypercontractées dans les dystrophies musculaires de Duchenne et de Becker.

La présence de fibres atrophiques et hypertrophiques entraîne une augmentation de la variation de taille des fibres.

2- Nécrose, régénération, segmentation :

La nécrose est la lésion dégénérative de base.

C’est une altération segmentaire de la fibre musculaire avec homogénéisation sarcoplasmique bien limitée par rapport aux myofibrilles sus- et sous-jacentes.

Les membranes musculaires sont habituellement détruites au cours de la nécrose et rendent compte de la libération sanguine des enzymes musculaires.

Habituellement observées dans les myopathies, ces nécroses peuvent être notées dans tous les processus aigus de dénervation, telle une sclérose latérale amyotrophique d’aggravation rapide.

Le segment nécrotique subit une phagocytose par les histiocytes-macrophages.

La régénération du secteur nécrosé implique une prolifération myoblastique à partir des cellules satellites.

Cette régénération est plus ou moins complète, expliquant des segmentations plus ou moins persistantes.

Le taux élevé d’acides nucléiques rend compte de la basophilie du cytoplasme des fibres régénératives.

Il est parfois difficile de faire la part de tous les noyaux présents dans ces foyers : hyperplasie de noyaux sarcolemmiques, noyaux des myoblastes proliférants, noyaux des phagocytes.

La répartition des nécroses et des régénérations a une bonne valeur d’orientation.

Elles intéressent des fibres isolées et se répartissent de façon disséminée dans tous les processus rhabdomyolytiques.

Elles réalisent de petits groupes dans les dystrophies musculaires progressives.

Elles se situent en périphérie des fascicules dans la dermatomyosite.

De larges groupes de fibres nécrotiques correspondent à des infarctus au cours des dermatomyosites et autres vascularites.

3- Modifications nucléaires :

Les noyaux musculaires sont normalement situés en périphérie des fibres.

Leur centralisation est un phénomène d’observation commune, aussi bien dans les affections myopathiques que dans les dénervations.

Les centralisations nucléaires en chaînettes sur les coupes longitudinales sont évocatrices de la dystrophie musculaire de Steinert et des myopathies centronucléaires.

De gros noyaux vésiculeux avec nucléole proéminent sont notés dans la régénération.

Des amas de petits noyaux pycnotiques dans des fibres très atrophiques (sacs nucléaires) sont fréquents dans les dénervations.

4- Inclusions cytoplasmiques et nucléaires :

Le trichrome de Gomori est la meilleure coloration.

Il permet de mettre en évidence des inclusions variées, spécifiques ou non.

Dans le cytoplasme, des corps cytoplasmiques, des bâtonnets, des accumulations de desmine et des agrégats de mitochondries sont visibles.

Les corps cytoplasmiques ne sont pas spécifiques puisqu’ils sont visibles dans une myopathie congénitale dite « à corps cytoplasmiques » mais également dans des affections aussi diverses que les dénervations, les myopathies inflammatoires, les paralysies périodiques ou les mitochondriopathies.

Des inclusions congophiles (myosites et myopathies à inclusions) peuvent également être observées.

Des inclusions nucléaires sont possibles dans la myosite à inclusions et la myopathie oculopharyngée.

5- Fibres « ragged-red » (RRF) :

Ces fibres rouges et déchiquetées au trichrome de Gomori sont le signe d’une dysfonction mitochondriale.

Elles contiennent des agrégats mitochondriaux bien révélés par la SDH et peuvent être partiellement ou totalement négatives pour la COX.

Leur contenu en glycogène et en lipides est élevé. Des RRF peuvent être observées dans les myopathies inflammatoires.

Le nombre de fibres négatives pour la COX augmente de façon physiologique avec l’âge mais n’excède pas 5 % des fibres.

À l’inverse, les cytopathies mitochondriales du nouveau-né et du petit enfant peuvent ne pas comporter de RRF.

6- Vacuoles :

La vacuolisation des fibres musculaires est une altération très fréquente.

La taille, la forme et le nombre des vacuoles sont très variables.

Elles peuvent se situer dans les espaces soussarcolemmiques ou intermyofibrillaires.

Il peut s’agir de larges vacuoles arrondies sans limites nettes, comme dans les glycogénoses et les paralysies périodiques, ou de multiples vacuoles de petite taille au cours des surcharges lipidiques, ou encore de vacuoles à contours anguleux bordées par une substance basophile dans les myosites à inclusions, les myopathies oculopharyngées et autres myopathies héréditaires à vacuoles bordées.

Enfin, il peut s’agir de petites vacuoles à contenu granuleux dans les maladies lysosomiales.

L’histochimie et la microscopie électronique sont nécessaires pour déterminer les limites et le contenu de ces vacuoles.

7- Anomalies du tissu interstitiel :

* Histopathologie conventionnelle :

Elle rend compte facilement d’une involution adipeuse qui se substitue progressivement à la perte du tissu musculaire dans les dénervations chroniques.

L’involution fibroadipeuse est plus caractéristique des dystrophies musculaires progressives, en particulier la maladie de Duchenne et d’autres dystrophies autosomiques récessives, et entraîne l’hypertrophie des mollets observée en clinique.

La fibrose peut subir une métaplasie calcaire avec l’apparition de calcification dans les cicatrices d’infarctus de dermatomyosite, surtout infantile.

Les calcifications diffuses du muscle et l’ossification ultérieure sont caractéristiques de la myosite ossifiante.

* Dépôts amyloïdes :

Ils infiltrent la paroi des vaisseaux, enserrent les fibres musculaires ou réalisent des masses volumineuses péri- et endomysiales.

L’immunohistochimie peut permettre de typer l’amylose ; l’utilisation d’anticorps dirigés contre les immunoglobulines et leurs chaînes légères d’une part et contre la transthyrétine, la b2- microglobuline, les composants P et A d’autre part, permet de préciser si l’amylose est de type immunoglobulinique et quelle est la chaîne légère accumulée, si elle est en rapport avec une accumulation de transthyrétine (amylose primaire) ou si elle est consécutive à une accumulation de b2-microglobuline (amylose des dialysés).

* Réactions inflammatoires cellulaires :

Elles constituent des aspects de vascularite ou des infiltrats de l’endomysium et du périmysium.

Les vascularites sont des lésions segmentaires et ce caractère focal peut expliquer leur absence dans une biopsie. Les infiltrats sont plus ou moins disséminés.

En dehors de processus infectieux bactériens comportant de nombreux polynucléaires, les vascularites et infiltrats sont essentiellement constitués de cellules mononucléées : lymphocytes, histiocytes, quelquefois des plasmocytes et des éosinophiles, et occasionnellement des cellules géantes.

Les vascularites s’observent dans la périartérite noueuse (PAN) et les autres vascularites nécrosantes, ainsi que dans les dermatomyosites.

Les infiltrats périmysiaux se voient dans les dermatomyosites alors que les infiltrats endomysiaux sont plus fréquents dans les polymyosites et les myosites à inclusions.

Dans ces deux dernières affections, les cellules inflammatoires (lymphocytes et histiocytes) ont tendance à envahir partiellement des fibres non nécrotiques.

Une nouvelle myosite inflammatoire, la myofasciite à macrophages, a été récemment décrite.

Des lésions de vascularite associées à des infiltrats inflammatoires s’observent enfin dans le syndrome des emboles cholestéroliques.

Ces derniers sont souvent difficiles à mettre en évidence du fait de la destruction vasculaire.

Les polynucléaires éosinophiles sont présents dans les affections parasitaires et dans les fasciites et les myofasciites à éosinophiles.

Des lésions granulomateuses avec follicules épithélio-gigantocellulaires caractérisent les myosites granulomateuses correspondant le plus souvent à une sarcoïdose.

Les polymyosites à cellules géantes avec thymome et myocardite correspondent à une autre entité.

Les infections parasitaires et fongiques sont rarement observées.

La trichinose et la toxoplasmose sont les plus fréquemment observées.

B – HISTOENZYMOLOGIE :

1- Techniques ATPasiques :

On peut en attendre les informations suivantes.

– Type-grouping (groupement de fibres de même type histochimique) : il est défini par la présence de fibres encloses appartenant aux deux types de fibres I et II.

Une fibre enclose est une fibre complètement entourée de fibres de même type.

Ceci est la conséquence d’un processus de dénervationréinnervation.

– Prédominance d’un type de fibre : la prédominance d’un type de fibres, en particulier le type I, peut être un argument diagnostique important dans certaines affections neuromusculaires, en particulier les myopathies congénitales.

– Sélectivité des lésions pour l’un des deux types de fibres : de façon générale, les lésions acquises intéressent le plus souvent les fibres de type II tandis que les altérations congénitales prédominent dans les fibres de type I.

En cas d’atrophie sélective, l’atrophie des fibres de type I est la plus informative et peut orienter vers une myopathie congénitale, une dystrophie des ceintures, une dystrophie myotonique de Steinert.

À l’inverse, l’atrophie des fibres de type II est non spécifique.

D’observation fréquente, elle comporte des fibres de type II atrophiques, anguleuses et se répartissant de façon disséminée.

Elle est rencontrée dans de nombreux processus tels que la non-utilisation, les maladies systémiques, la myasthénie, les maladies endocriniennes, les syndromes paranéoplasiques, la corticothérapie.

– L’histoenzymologie a défini la formule histochimique de l’amyotrophie spinale infantile de Werdnig-Hoffmann avec des fibres hypertrophiques représentées de façon sélective par des fibres de type I et une atrophie qui porte aussi bien sur les fibres de type II que sur les fibres de type I.

2- Techniques oxydatives :

Elles permettent de rechercher des modifications du réseau intermyofibrillaire : irrégularité du réseau, fibres lobulées visibles dans les dystrophies des ceintures (NADH-TR), fibres effacées des desminopathies, formations en cible ou cores.

Les formations en cibles résultent d’une perte centrale de l’activité mitochondriale avec un renforcement périphérique. Les cibles sont principalement observées dans les fibres de type I.

Elles s’observent préférentiellement dans les dénervations de type tronculaire, mais aussi dans les dénervations aiguës de type motoneuronal et correspondent à une phase de réinnervation.

Les cores correspondent à des defects de l’activité oxydative mitochondriale et sont observés dans les myopathies à central cores et à multiminicores.

Les techniques oxydatives permettent aussi de rechercher une mitochondriopathie et en particulier des fibres déficitaires en COX.

En résumé, on peut regrouper ces lésions élémentaires sous forme d’affections musculaires primitives (dystrophies musculaires, myopathies congénitales et autres myopathies héréditaires, myopathies inflammatoires) et affections neurogènes.

Des associations sont possibles.

Biopsie musculaire dans les principales affections neuromusculaires :

A – MYOPATHIES CONGÉNITALES :

Elles représentent un groupe hétérogène dont la classification reste purement descriptive, fondée sur la présence d’une anomalie structurale représentative.

La liste de ces maladies n’est pas exhaustive et susceptible de modifications.

Elles peuvent se manifester comme une hypotonie néonatale avec un nombre variable de dysmorphies ou s’exprimer plus tard chez l’enfant, l’adolescent ou l’adulte avec une expression clinique de type uniquement myopathique.

Actuellement, l’intérêt de l’immunohistochimie dans ces maladies est croissant.

1- Myopathie à « central cores » :

La biopsie musculaire permet d’affirmer le diagnostic avec des cores, defects d’activité oxydative mitochondriale.

Ces zones centrales de désorganisation myofibrillaire, ou plus rarement excentrées ou périphériques, s’étendent sur toute la hauteur de la fibre musculaire.

Le nombre des fibres altérées varie mais l’altération est sélective pour les fibres de type I.

Ces dernières prédominent et sont de plus de taille réduite par rapport à la normale.

Quelques associations avec des accumulations de bâtonnets ont été rapportées.

En microscopie électronique, sur les sections transversales et longitudinales, les cores sont assez bien limités mais ne comportent pas de membrane.

Ils sont constitués par des désorganisations myofibrillaires depuis un simple décalage des sarcomères jusqu’à une désintégration de l’agencement myofibrillaire avec de grandes bavures de stries Z et perte de toute striation.

La myopathie à central cores est associée à une susceptibilité à l’hyperthermie maligne et le gène responsable est celui du récepteur de la ryanodine (19p13.1).

Cependant, aucune anomalie de ce récepteur n’est actuellement détectable en immunohistochimie.

2- Myopathie à bâtonnets :

La biopsie musculaire en donne le diagnostic.

Les fibres de type I prédominent et sont de calibre réduit.

Elles contiennent des bâtonnets très fuchsinophiles au trichrome de Gomori ; ce sont de petites formations allongées de 1 à 8 µm de long sur 0,5 à 3 µm de large, situées dans les espaces sous-sarcolemmiques et intermyofibrillaires.

Les bâtonnets n’ont pas de caractéristiques enzymatiques.

Leur répartition est très inégale d’un muscle à l’autre chez un même patient.

Les études ultrastructurale et biochimique ont montré que les bâtonnets correspondent à un matériel identique à celui des stries Z dont ils dérivent, avec un aspect pseudocristallin.

L’a-actinine en est le constituant protéique majeur et la desmine, filament intermédiaire reliant les stries Z entre elles et au sarcolemme, s’accumule en périphérie des bâtonnets.

Des anomalies des chaînes légères de la myosine ont été rapportées : expression de la myosine de type foetal par certaines fibres et coexpression des myosines lentes et rapides par d’autres.

La nébuline (2q21-22), protéine impliquée dans la forme autosomique récessive, ne présente pas d’anomalie en immunohistochimie.

Par ailleurs, plusieurs autres protéines, dont l’a-tropomyosine lente (gène TPM3, 1q21) seraient impliquées dans les formes autosomiques dominantes.

Des mutations du gène de l’actine a (1q42.1) ont été également observées dans les formes dominantes.

Les bâtonnets ne sont pas spécifiques en eux-mêmes de la maladie : c’est l’ensemble des lésions qui fait la myopathie.

En effet, des bâtonnets ont été retrouvés chez les parents et les collatéraux de forme familiale ne présentant cependant aucune anomalie clinique, ce qui permet de parler pour certains de formes asymptomatiques de la maladie, ainsi que dans des myopathies mitochondriales, inflammatoires, toxiques et dans les muscles de patients porteurs du virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

3- Myopathies myotubulaires et centronucléaires :

La biopsie musculaire met en évidence des centralisations nucléaires bien particulières, nettement différentes de ce qui est observé dans les autres myopathies ou processus de dénervation chronique.

Les noyaux centralisés sont le plus souvent uniques pour une fibre en section transversale et réalisent des chaînettes avec de larges espaces internucléaires en section longitudinale.

Un halo clair périnucléaire est très particulier à la maladie.

Les techniques oxydatives montrent une accentuation de la coloration dans ces espaces périnucléaires et internucléaires alors que les ATPases y sont toujours négatives.

Un aspect radiaire périnucléaire du réseau intermyofibrillaire est bien révélé par les différentes colorations histochimiques.

Comme pour d’autres myopathies congénitales, la prédominance et l’hypotrophie des fibres I sont habituelles, en particulier dans les formes à révélation tardive.

La microscopie électronique confirme la réalité du halo clair contenant du glycogène et des mitochondries.

Les myofibrilles péricentronucléaires ont un diamètre plus réduit que les myofibrilles périphériques.

Dans les formes adultes, l’accumulation péricentronucléaire de desmine et de dystrophine est très particulière et résulterait de la disposition inhabituelle des myofibrilles et du réseau intermyofibrillaire.

La forme liée à l’X est liée à la myotubularine (Xq28), protéine tyrosine phosphorylase, tandis que les gènes impliqués dans les formes autosomiques dominantes et récessives ne sont pas identifiés.

4- Myopathie à « multicores » ou à « multiminicores » :

Les lésions qui sous-tendent ces deux types de myopathies sont en elles-mêmes non spécifiques puisque caractérisées par de multiples petits foyers de désorganisation de la striation myofibrillaire portant sur quelques sarcomères et mesurant de 1 à 3 µm pour les minicores et 5 à 10 µmpour les multicores ; ils peuvent en effet s’observer dans un grand nombre d’autres affections musculaires parfaitement définies : dermatomyosite, dystrophies musculaires diverses, hyperthermie maligne, myopathies endocriniennes, métaboliques et médicamenteuses.

Les myopathies à multiminicores seraient des affections multigéniques.

5- Myopathies à corps cytoplasmiques et corps sphéroïdes :

Tous les modes de transmission sont possibles.

À l’histologie, le nombre de fibres lésées et le nombre d’inclusions sont très inégaux d’un cas à l’autre.

Ces inclusions de forme arrondie ou allongée sont rouges au trichrome de Gomori et ne réagissent pas avec les techniques ATPasiques et oxydatives.

Elles prédominent dans les fibres de type I alors que les corps cytoplasmiques non spécifiques prédominent dans les fibres de type II.

Les protéines constitutives des corps cytoplasmiques ne sont pas toutes identifiées : matériel de la strie Z, protéines myofilamentaires, desmine.

Au microscope électronique, les corps sphéroïdes sont constitués d’agrégats granuleux denses aux électrons et de filaments myofibrillaires de 7 à 10 nm orientés dans tous les sens, entourés de désorganisation des myofibrilles environnantes.

Les corps cytoplasmiques présentent une zone centrale granuleuse de haute densité cytoplasmique et une couronne de filaments radiaires réalisant une zone de moindre densité.

En immunohistochimie, les corps cytoplasmiques de la myopathie congénitale à corps cytoplasmiques sont marqués en périphérie par les anticorps antidesmine et antidystrophine.

Leur centre est marqué par les anticorps antiactine.

Il n’y a pas actuellement de gène responsable identifié.

Cependant, certaines de ces myopathies entreraient dans le cadre des desminopathies.

6- Desminopathies et myopathie myofibrillaire :

Il s’agit actuellement d’une entité clinique, histologique et génétique très hétérogène caractérisée par une accumulation de desmine anormale dans les fibres musculaires.

L’atteinte est musculaire, cardiaque ou multisystémique. Histologiquement, de nombreux aspects sont possibles : inclusions, corps sphéroïdes et cytoplasmiques, aspect de « fibres effacées » avec la NADH-TR .

Des vacuoles bordées sont parfois observées.

Un excès de desmine est retrouvé en immunohistochimie, au niveau des inclusions, autour des corps sphéroïdes ou de façon plus diffuse intermyofibrillaire.

En ultrastructure, on observe un matériel granulofilamentaire émanant des stries Z et des zones de désorganisation et de destruction myofibrillaire.

De nombreuses molécules autres que la desmine (en particulier aB-cristalline, ubiquitine) ont été retrouvées dans les fibres anormales par certains auteurs.

Ces derniers préfèrent alors le terme de myopathie myofibrillaire, qui insiste sur les phénomènes de dégradation des myofibrilles, à celui de desminopathies.

Des mutations dans les gènes de la desmine (2q35) et de a-cristalline (11q22) ont été rapportées dans ces myopathies.

7- Myopathie à agrégats tubulaires :

Ils représentent le plus souvent une modification structurale observée dans de nombreuses maladies neuromusculaires et sont alors associés à d’autres altérations morphologiques, comme par exemple dans les paralysies périodiques.

Mais dans trois groupes de myopathies, ils représentent la seule anomalie structurale.

Il s’agit en premier lieu d’un syndrome associant crampes et myalgies d’effort sans anomalies métaboliques décelables mais il n’y a pas d’évolution myopathique dans cette éventualité.

Un deuxième groupe est représenté par une maladie neuromusculaire ayant des caractéristiques myasthéniques.

Le troisième groupe comporte une myopathie isolée, débutant dans l’enfance, prédominant aux ceintures et d’évolution lentement progressive.

Ce groupe peut être considéré comme une myopathie congénitale dont l’hérédité est de type autosomique dominante ou récessive, ou qui se présente comme des cas sporadiques.

La biopsie musculaire montre que les agrégats tubulaires dans ce groupe réalisent des inclusions de taille variable, sous-sarcolemmiques et intermyofibrillaires.

Leur histogenèse, suggérant qu’il s’agit d’une accumulation de réticulum proliférant, explique leur mise en évidence par la NADH-TR et l’adénosine monophosphate désaminase.

Ils sont négatifs avec les autres techniques enzymatiques oxydatives.

La microscopie électronique révèle la présence de nombreux amas de tubules parallèles contenant généralement un ou plusieurs tubules de plus petit diamètre invaginés à l’intérieur.

8- Disproportion congénitale des types de fibres :

La biopsie musculaire montre une hypotrophie des fibres de type I qui sont prédominantes ; les fibres de type II sont moins nombreuses mais paraissent hypertrophiques.

Elles peuvent faire envisager une hypertrophie compensatrice.

Il n’y a pas d’autres modifications morphologiques.

9- Autres myopathies congénitales :

Elles ont été plus rarement décrites.

La myopathie à corps en « empreinte digitale » comporte des inclusions constituées par des empilements de structures lamellées situées dans les espaces sous-sarcolemmiques.

La myopathie sarcotubulaire se traduit par des aspects de myopathie vacuolaire due à des dilatations plus ou moins importantes des canaux du réticulum sarcoplasmique.

La myopathie à corps zébrés a été décrite à propos d’une accumulation inhabituelle de leptofibrilles dans une biopsie musculaire d’un enfant présentant une myopathie non déterminée avec diverses anomalies morphologiques.

La myopathie à corps réducteurs reste aussi exceptionnelle.

Elle a été décrite dans le contexte d’une myopathie grave avec hypotonie sévère, troubles respiratoires et arthrogrypose.

Des cas moins sévères et un cas adulte se présentant comme une myopathie scapulopéronière ont été rapportés.

Des inclusions anormales sont démontrées par des réactions histochimiques pour les groupes sulfydrile ; elles réduisent les sels de tétrazolium sans addition de substrat.

En immunohistochimie, elles sont marquées par les anticorps antidystrophine, antisarcoglycanes et antiubiquitine.

Leur marquage par les anticorps antidesmine est variable et elles ne réagissent pas avec les anticorps anti-aactinine et anti-aB-cristalline.

En microscopie électronique, ces corps réducteurs sont toujours situés à proximité des noyaux et sont constitués de divers éléments : glycogène, ribosomes, vacuoles autophagiques ou petits agrégats de filaments de 12 à 16 nm de diamètre.

Régulièrement, de nouvelles formes de myopathies congénitales sont décrites : myopathie congénitale avec fibres en mosaïque et sarcomères entrelacés ; myopathie congénitale avec excès de filaments fins.

Cette dernière est liée à des anomalies dans le gène de l’actine a (1q42.1) et s’intégrerait dans ce que l’on appelle les actinopathies.

À côté des myopathies congénitales assez bien définies qui ont été envisagées plus haut, la pratique myopathologique confronte le neurologue et le pédiatre avec des enfants hypotoniques dont la biopsie musculaire ne comporte que des anomalies minimes non spécifiques : petits foyers de désorganisation myofibrillaire dans quelques fibres, atrophie de quelques fibres de type II, prédominance anormale du type I, disproportion non convaincante.

Nombre de ces anomalies peuvent être regroupées dans ce que Dubowitz a appelé minimal change myopathy.

Mais il faut bien se rappeler qu’une biopsie musculaire effectuée dans la période néonatale immédiate pour une hypotonie sévère qui ne montre que quelques anomalies non spécifiques peut, si elle est répétée, révéler quelques mois ou années plus tard une myopathie congénitale bien définie ou une dystrophie musculaire congénitale (DMC).

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