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Bilan clinique de la voix

Introduc
Bilan clinique de la voix
tion :

« La voix est un support acoustique, la parole est une forme imposée au son laryngé, image des cavités de résonance. »

Elle est à la base du moyen de communication orale spécifique à l’homme.

Pour la prise en charge des troubles de la voix, l’examen de l’appareil vocal, l’évaluation de son fonctionnement et l’étude de la production acoustique sont fondamentaux.

Cependant, seule l’analyse globale de la phonation restituée dans le contexte de la vie du patient permet de comprendre les fluctuations de la performance vocale et les symptômes sensoriels non accessibles aux mesures objectives.

Bilan clinique :

A – BILAN FONCTIONNEL :

Au niveau lésionnel, l’analyse des rapports entre les différentes structures participant à la production vocale et leur fonctionnement permet de déterminer le mécanisme physiopathologique de la dysphonie et de poser un diagnostic fonctionnel.

Celui-ci est différent du diagnostic étiologique qui est spécifiquement médical et repose essentiellement sur l’endoscopie.

Au niveau de l’incapacité, l’étude de l’altération des caractéristiques de la voix et de la réduction des performances vocales permet d’évaluer l’importance du trouble et son impact sur les différentes fonctionnalités de la voix.

Au niveau du handicap, les difficultés vocales, confrontées à la vie quotidienne, permettent d’apprécier les conséquences relatives à la dysphonie sur les activités du patient.

Le résultat de cette analyse, globalisée par le clinicien, relativisée par rapport au ressenti du patient, est à la base des décisions thérapeutiques.

Elle nécessite un apprentissage spécifique pour acquérir une habileté clinique.

Les difficultés sont multiples.

L’absence de normalité, établie aussi bien dans le domaine des caractéristiques vocales que dans celui de la réalisation du geste vocal, atténue la frontière avec la pathologie.

Ceci est lié, entre autres, au fait que la normalité fonctionnelle est relative au niveau de performance dont le sujet a besoin pour réaliser ses activités, à la grande variabilité de la production vocale aussi bien interindividuelle qu’intra-individuelle avec son aspect psychologique, à l’aspect « esthétique » de la voix qui est également variable selon les cultures, les époques…

Les explorations objectives restent du domaine de la recherche dans la mesure où le choix des outils pertinents n’a pas fait l’objet de consensus, et où ce choix dépend du type d’appareil choisi avec des contraintes souvent plus commerciales que scientifiques.

Cependant, l’informatisation et les différents travaux de consensus devraient permettre, dans les années à venir, leur intégration systématique dans le bilan clinique de la voix.

Des connaissances extramédicales, notamment linguistiques, phonétiques, acoustiques et musicales sont nécessaires pour appréhender les différentes fonctionnalités de la voix.

Ce bilan est plus ou moins complet en fonction de ses indications.

Il est adapté en fonction de ses objectifs (diagnostique, pré- ou postthérapeutique, ou recherche clinique), des pathologies (avec, comme cas particuliers, les voix neurologiques ou les voix sans corde vocale), des caractéristiques du patient (comme pour les enfants, les professionnels de la voix et surtout les artistes).

B – INTERROGATOIRE :

Par l’interrogatoire, le clinicien identifie la gêne ressentie par le patient, recherche les antécédents médicaux pertinents par rapport à l’histoire de la maladie et évalue le contexte du trouble vocal.

1- Histoire du trouble vocal :

Depuis quand existe la gêne vocale ?

Comment est-elle apparue ? (description des circonstances d’apparition, recherche d’un facteur déclenchant…)

Présente-t-elle des fluctuations avec des facteurs aggravants ou améliorants ?

Peut-elle régresser complètement et, si oui, à quelle occasion et/ou sur quel type d’émission apparaît-elle (voix projetée, chant…) ?

Y a-t-il des moments où elle prédomine dans la journée ?

Le patient a-t-il présenté des épisodes antérieurs et, si oui, quelles mesures ont été prises ?

Quelle est la tendance évolutive ?

Quels essais thérapeutiques ont été réalisés ?

2- Description de la gêne :

L’absence de symptôme oto-rhino-laryngologique (ORL) associé (dysphagie, dyspnée, otalgie, difficultés d’articulation, de mastication…) confirme l’indication du bilan vocal.

Au niveau vocal, l’interrogatoire essaiera de faire la part entre les plaintes liées aux modifications des caractéristiques de la voix (timbre, hauteur, stabilité…) et la diminution des capacités vocales (étendue, durée du temps de parole…).

La voix n’est pas toujours la plainte principale et les symptômes localisés au niveau de la gorge et du cou sont aussi importants, signant la présence de tensions anormales.

Il est important que le praticien mesure la signification que possède, pour le patient, le terme de « fatigue vocale ».

Il peut s’agir d’une modification de la voix, d’un hemmage, d’une gêne plus ou moins douloureuse de la gorge, d’une diminution des possibilités vocales survenant après un certain délai d’utilisation.

Préciser après combien de temps d’utilisation continue de la voix cette fatigue vocale apparaît et comment, puis en combien de temps elle régresse.

Ces informations sont intéressantes pour en apprécier l’importance.

3- Conséquences sur les possibilités phonatoires :

La dysphonie génère-t-elle un trouble de l’intelligibilité ?

Les difficultés vocales perturbent-elles un ou plusieurs types d’expression vocale ? (la voix projetée avec l’appel, le cri, la voix chantée, la voix chuchotée…).

Les performances vocales sont-elles réduites ?

Les possibilités d’adaptation de la voix aux différentes situations d’utilisation sontelles limitées ?

4- Conséquences sur la vie du patient :

Les questions orienteront vers la gêne ressentie dans la vie professionnelle, la vie relationnelle et l’impact psychique du trouble vocal.

Une enquête sur les conséquences du symptôme vocal pour le patient, réalisée par Scott, met en évidence : 60 % de plaintes lésionnelles en relation avec l’altération de la voix et la gorge, 26 % de plaintes en rapport avec l’incapacité résultant du manque de projection et de clarté, 14 % de handicap psychologique, social et professionnel, avec des effets sur la famille et les amis.

5- Autoévaluation vocale :

Cet outil permet de connaître comment le patient perçoit sa voix et comment il se situe par rapport à son problème vocal.

Il permet la confrontation de ces informations recueillies par l’examinateur à l’évaluation faite par le patient.

Fondamentale, elle permet de se rendre compte de la différence entre l’appréciation du clinicien et celle du patient.

Elle participe à l’évaluation de l’efficacité des thérapeutiques proposées.

Enfin, elle pose les bases d’une réflexion sur les données vocales du moment et leur évolution possible en fonction du projet thérapeutique.

Différentes grilles peuvent être utilisées.

* Échelle bipolaire d’autoestimation vocale :

Elle utilise le principe du différenciateur sémantique.

Elle comprend 11 paires d’adjectifs avec une cotation en sept degrés, du plus mauvais au meilleur, sur la qualité de la voix.

Deux consignes peuvent être utilisées :

– Comment trouvez-vous votre voix actuellement ?

– Quelle voix aimeriez-vous avoir ?

* « Voice handicap index » :

Il propose un inventaire psychométrique de l’incapacité et du handicap vocal pouvant être utilisé pour une grande variété de pathologies.

Trente questions, divisées en trois groupes, cotées de 0 à 4, ont été validées.

Les trois groupes ciblent les aspects fonctionnels (impact du problème vocal sur les activités quotidiennes), les aspects émotionnels (impact psychologique) et l’aspect physique (propre perception des caractéristiques physiques de la voix).

Le total réalise 40 ´ 3 = 120 points.

Elle a permis des corrélations avec une grille de qualité de vie, démontrant que le handicap d’un problème vocal, sur le plan social et émotionnel, est plus important que pour une sinusite chronique, une angine de poitrine ou une sciatique.

En dehors des grilles, l’autoévaluation est réalisée au minimum en demandant au patient, au moment de l’évaluation vocale, comment il trouve sa voix ce jour-là.

6- Contexte médical :

La recherche des antécédents pertinents pour l’histoire du problème vocal dépasse largement le cadre de l’oto-rhino-laryngologie.

Mené classiquement, l’interrogatoire permet de retenir toutes les pathologies et tous les facteurs de risques pouvant influencer la voix.

Dans ce domaine, aucune liste exhaustive ne peut être établie, chaque information doit être analysée en fonction de nos connaissances par rapport au bon fonctionnement de la voix, comme par exemple :

– tout ce qui peut modifier les structures anatomiques participant à la phonation (pathologie endocrinienne, intubations, chirurgies cervicales, thoraciques, médicaments…) ;

– tout ce qui peut favoriser les irritations du carrefour aérodigestif (infections ORL, allergie, reflux gastro-oesophagien, tabac, alcool, exposition à des agents physicochimiques…) ;

– tout ce qui favorise les efforts à glotte fermée (constipation, toux, sport…) ;

– tout ce qui peut diminuer la liberté respiratoire du patient (pathologies respiratoires, interventions par voie abdominale ou thoracique, syndromes dépressifs, surpoids…) ;

– tout ce qui peut perturber le contrôle de la production vocale (pathologies auditives, exposition aux bruits, pathologies neurologiques, pathologies psychiatriques…).

7- Contexte vocal :

Le clinicien réalise une véritable enquête sur l’histoire sociale de la voix et l’usage vocal.

* Quelles sont les différentes situations d’utilisation vocale ?

– En situation familiale : notion de dysphonie dans la famille, habitudes vocales familiales actuelles et dans la petite enfance, nombres de personnes vivant au foyer (adultes et enfants)…

– En situation professionnelle, comprenant les activités « paraprofessionnelles » : syndicats…

– En société : rôle social, réunion d’amis, soirées, loisirs, téléphone.

* Quels sont les modalités d’utilisation ?

– Quel type de message supporte la voix ?

Le sujet doit-il imposer son autorité, convaincre ?

A-t-il des objectifs artistiques ?

– Quels sont les différents types d’émissions vocales utilisés et leur fréquence ? (voix projetée, cri, chant…)

Dans quelles conditions ? (niveau de bruit, degré d’attention de l’auditeur ou de l’auditoire, climatisation intensive…)

– Quel est le comportement vocal dans les différentes activités de la vie du patient ? (position, posture…)

A-t-il besoin de réaliser des performances vocales ? (conditions, nombre d’auditeurs, fréquence et durée, type et efficacité des amplifications…).

– Quelle est la durée quotidienne et hebdomadaire d’utilisation de la voix ?

Les méthodes d’évaluation objectives, du domaine de la recherche, confirment l’intérêt de cette évaluation avec une augmentation des lésions nodulaires, parallèle au temps de parole.

* Quel est le niveau d’éducation vocale ?

A-t-il réalisé un travail d’expression vocale ?

A-t-il pratiqué une activité de théâtre, de chant ?

Exerce-t-il une activité corporelle non sportive ?

Écoute-t-il de la musique ?

Joue-t-il d’un instrument ?

La pratique vocale du chanteur ou du comédien demande des compléments d’informations spécifiques.

Comme le souligne Heuillet-Martin : réaliser un bilan vocal c’est « entrer dans l’histoire d’une voix et d’une vie ».

L’approche du profil psychologique du patient demeure capitale, mais il est difficile à apprécier au cours d’un entretien.

Au terme de cet interrogatoire, les éléments pathogéniques du dysfonctionnement vocal vont apparaître (mise en évidence de facteurs organiques, présence d’un surmenage et/ou d’un malmenage…), les bases de l’évaluation de la situation dans sa globalité sont posées.

Voix :

La voix est une transformation d’énergie aérienne en énergie acoustique perçue par l’oreille. Son analyse est surtout acoustique.

A – DIFFÉRENTS MOYENS D’ANALYSE DE LA PRODUCTION ACOUSTIQUE :

En raison tant de la complexité du phénomène physicoacoustique que des phénomènes psychoacoustiques, l’élaboration d’une méthode unique est impossible.

1- Méthodes subjectives/méthodes objectives :

La recherche de techniques objectives est difficile.

En premier lieu parce que, dans la réalité, c’est toujours par notre oreille que nous entendons et analysons la production vocale, généralement pour décoder le message qu’elle véhicule.

L’analyse perceptive reste donc la référence, bien qu’elle soit subjective.

En effet, notre oreille n’analyse pas les sons de manière physique et a des limites de perception propres à sa structure.

Ses performances sont variables d’un individu à l’autre.

Les stratégies d’analyse sont propres à chaque individu.

En second lieu, bien que la recherche de paramètres « biophysiques » soit en cours, leur objectivité est limitée du fait de l’intervention de la collaboration du sujet testé et du choix par l’examinateur du corpus (échantillon vocal) à analyser (la variabilité étant une caractéristique de la voix).

Toutes ces techniques sont à considérer comme semi-objectives.

Cependant, l’oreille reste peu pertinente pour juger des voix pathologiques, et la poursuite des recherches de méthodes objectives pour décrire et quantifier le comportement vocal reste importante pour les corrélations et la reproductibilité des bilans.

Les travaux de recherche s’orientent vers des analyses multiparamétriques de la voix, corrélées aux critères perceptifs et à des critères biomécaniques, en associant des critères aérodynamiques pour « sensibiliser » les paramètres acoustiques.

En troisième lieu, la voix suit les variations mélodiques à l’origine de la prosodie (mélodie de la parole) dont l’analyse ajoute d’autres difficultés.

Ainsi, l’évaluation perceptuelle est fondamentale.

Elle évalue le trouble vocal comme un tout.

C’est la méthode la plus compréhensible pour le patient et elle joue un rôle important dans l’appréciation subjective de la rééducation vocale.

En fonction des outils à notre disposition, elle peut être complétée par des paramètres plus objectifs.

2- Choix de l’échantillon vocal et enregistrement :

* Choix de l’échantillon :

Le trouble de la voix peut n’être décelé que sur un seul mode de production vocale.

La voix doit donc être testée dans le maximum de situations : voyelle tenue (avec attaque, tenue, fin), voix conversationnelle, voix projetée, voix d’appel, voix chantée (chanson populaire, montée et descente vocaliques, fusée).

Les protocoles sont variables en fonction des habitudes de l’examinateur et sont adaptés au patient.

Revis et al ont démontré que les jugements portés sur des voyelles tenues complètes sont comparables à ceux portés sur la parole ; les jugements portés sur la partie stable des voyelles tenues étant moins sévères que ceux portés sur la parole.

* Enregistrer un échantillon vocal sur un magnétophone :

Cela permet :

– l’écoute de la voix par le patient, avec parfois la découverte de certaines possibilités ;

– au patient de devenir le témoin « objectif » de l’évolution constatée ;

– les comparaisons de la voix du patient avant, durant, pendant le traitement ;

– les comparaisons de la voix du patient à la normale et aux autres pathologies.

Les conditions d’enregistrement doivent toujours être les mêmes : local calme (rumeur de fond inférieure à 40 dB), magnétophone à large bande passante, microphone à la même distance de la bouche du patient, avec une constance et une simplicité du matériel phonétique.

Les standards d’enregistrement sont en pleine évolution.

Le numérique sans compression de données comme le Digital Audio Tape (DAT) reste la référence.

Ce format a été comparé au système numérique le plus courant qui compresse les données : le Mini Disc (MD).

Il n’y pas de différence significative entre ces deux formats pour les analyses acoustiques.

B – CARACTÉRISTIQUES DE LA DYSPHONIE :

Cette évaluation débute durant l’interrogatoire et parfois quand le patient est dans la salle d’attente…

L’analyse décompose le son en ses différents paramètres acoustiques : la fréquence, l’intensité, le timbre et la durée.

1- Fréquence = hauteur :

Sur un plan purement perceptif, la fréquence fondamentale (Fo) peut être qualifiée comme grave, aiguë, instable.

Notre oreille ayant la possibilité de discriminer la fréquence, des mesures quantitatives fiables peuvent être obtenues à l’aide d’un instrument de musique pour repérer la note.

L’usage des instruments de mesure permet une exploitation statistique des résultats.

* « Fondamental usuel moyen » :

C’est la note sur laquelle la voix est le plus fréquemment émise. Il varie en fonction des caractéristiques du discours, avec des écarts différents par rapport à la valeur moyenne.

Sa détermination sur une émission vocalique soutenue (simple ou à la fin d’un mot donné) est la méthode la plus directe, mais reste la moins proche de la réalité de la parole.

Il peut également être mesuré dans les autres types de voix. Les nombreuses études réalisées pour définir des valeurs de références ne sont pas concordantes, probablement en raison de différences au niveau des activités vocales testées et des modes d’analyse.

Globalement, la voix conversationnelle se situe entre La1 et Mi2 pour l’homme, entre La2 et Mi3 pour la femme, entre Mi3 et

La3 chez l’enfant.

Les limites de la normale en voix projetée se situent à plus un à deux tons et en voix d’appel, à plus une octave par rapport à la voix de conversation.

* Histogrammes de fréquence :

À partir du signal acoustique ou du signal électroglottographique, les différentes fréquences et leur pourcentage (mais aussi moyenne, écart-type, coefficient de variation) peuvent être mesurés lors de la lecture d’un texte ou d’un autre échantillon vocal.

Cette méthode est probablement la plus objective.

Elle rend compte de l’étendue des variations de la fréquence qui sont une des caractéristiques de la mélodie de la parole.

2- Intensité :

Sur le plan purement perceptif, les termes de normophone, hyperou hypophone sont utilisés.

La difficulté est de différencier l’intensité et la portée de la voix : la portée dépend de l’intensité et du timbre.

Sur le plan objectif, l’utilisation d’un sonomètre permet des mesures précises et reproductibles, à condition de toujours respecter la même distance lèvres-microphone.

Pour les autres appareils d’analyse, le problème de l’étalonnage d’une part, et de la vérification du niveau d’enregistrement au moyen des vu-mètres d’entrée acoustique d’autre part, rendent souvent illusoire l’obtention de mesures absolues de l’intensité.

3- Timbre :

* Méthodes perceptuelles qualitatives :

L’analyse perceptuelle reste controversée en raison du peu de corrélations entre les utilisateurs.

De nombreux adjectifs sont utilisés, dérivant du vocabulaire musical, pour qualifier le timbre des voix normales : riche, clair, coloré, éclatant…

En pathologie, ils sont également très nombreux : pauvre, voilé, soufflé, éraillé, nasonné, bitonal, forcé, rauque…

Leur correspondance avec une sensation acoustique dépend de nombreux facteurs : des caractéristiques de l’auditeur, du support phonétique, des aspects méthodologiques (choix de l’échantillon vocal, type d’échelle…).

Enfin, acquérir une habilité dans l’analyse perceptive demande un entraînement.

Bassich a montré que 8 heures d’entraînement sont nécessaires pour obtenir une corrélation interjuge de 80 %, avec des juges inexpérimentés et pour un système d’évaluation à 13 paramètres.

Des échelles avec des protocoles de jugement ont été proposées pour pallier ces difficultés.

Il en existe une grande variété, du fait de l’absence de terminologie internationale adéquate pour décrire les qualités de la voix. Parmi les protocoles de jugement perceptuels les plus connus, l’échelle GRBAS (Grade, Rough, Breathy, Asthenic, Strained) est la plus largement introduite sur le plan international.

Sa réputation repose sur sa publication dans l’ouvrage de Hirano, Clinical evaluation of voice, en 1981.

Elle comprend cinq paramètres et quatre catégories, cotées de 0 (absence) à 3 (présence maximale).

Dejonckere propose de rajouter un sixième paramètre « I », défini comme la variabilité au cours du temps.

De même, dans le cadre des études du GREL (Groupe européen de recherche sur le larynx), il propose des indices complémentaires, comme « t » pour le tremblement ou « d » pour la diplophonie, afin de préciser le paramètre « R » (raucité).

Très étudiée, elle a l’avantage de pouvoir être utilisée dans une pratique clinique quotidienne, pour apprécier la qualité de la voix par les cliniciens.

Elle n’exclut pas un complément par des adjectifs choisis par l’utilisateur.

Les corrélations interjuges et intrajuges sont satisfaisantes pour le G, le R et le B.

La reproductibilité est surtout satisfaisante pour le G.

Elle est moins bonne sur le A qui a plus de variabilité dans le temps.

L’expérience augmente de manière significative l’agrément interjuge.

L’utilisation d’une échelle visuelle analogique n’augmente pas le degré d’agrément interjuge.

* Méthodes objectives :

+ Méthodes objectives qualitatives :

Les représentations visuelles, comme le sonagramme et le spectrogramme, permettent de visualiser des phénomènes intermittents ou périodiques (subharmoniques, tremblements), d’apprécier l’importance des bruits de souffle par rapport aux harmoniques.

Yanagihara a proposé une classification des voix pathologiques présentée dans l’encadré ci-après.

Ce type de classification visuelle reste d’interprétation délicate et en partie perceptive (cette fois-ci par l’oeil).

+ Indices quantitatifs objectifs acoustiques :

– Les indices de perturbation à court terme de la Fo sont représentés, entre autres, par les indices de Jitter (factor, ratio…) et l’indice de perturbation relative moyenne.

La caractéristique du Jitter est de mesurer la variation de la Fo cycle à cycle.

Plusieurs méthodes de calcul existent, gênant les comparaisons des données dans la littérature.

Le Jitter est corrélé au « R » de l’échelle GRBAS.

– Les indices de perturbation à court et moyen terme de l’amplitude sont, entre autres, l’indice de Shimmer, le quotient de perturbation d’amplitude.

L’indice de Shimmer mesure les fluctuations de l’amplitude du signal sonore cycle par cycle, il est exprimé en pourcentages ou en dB.

Il est corrélé au « B » pour Dejonckere et au « R » pour Jacobson.

– Les indices explorant la présence de « bruits » au cours de la phonation sont souvent calculés à partir du spectre.

Ils opposent la partie régulière, périodique, du signal, à la partie apériodique « bruyante ».

Ils sont exprimés habituellement en dB.

Différents algorithmes de calcul existent (H/N = harmonic to noise ratio, NNE = normalized noise energy, Sr = relative signal intensity).

Ils semblent corrélés avec toutes les qualités vocales du GRBAS.

* Résonance :

La résonance est souvent exclue des échelles du timbre qui ciblent plutôt la source sonore.

Certaines de ces caractéristiques sont fondamentales, comme la nasalité qui correspond à un trait phonétique, au même titre que la vibration des cordes vocales (le « voisement »).

Elle peut être appréhendée aussi bien sur un mode perceptif (hyper- ou hyponasalité, résonance de poitrine…) que sur un mode objectif, avec l’analyse des formants.

4- Durée/temps :

La durée d’un son est un paramètre important en acoustique.

C’est une notion plus difficile à appréhender au niveau de la voix, notamment dans la situation de parole. Le temps maximal phonatoire est un indice dépendant de nombreux paramètres, notamment aérodynamiques et glottiques (lié au rendement laryngé).

Cependant, il représente la manière la plus directe pour mesurer les possibilités dans le domaine temporel.

Il s’agit du temps le plus long pendant lequel une émission vocalique peut être soutenue sur une seule expiration phonatoire, après une inspiration profonde, recherchée sur une hauteur et une intensité confortables.

L’utilisation d’un modèle permet d’arriver plus rapidement à la performance et trois essais sont suffisants chez l’adulte.

Généralement exécutée sur un [a], la normale est comprise entre 15 et 25 secondes.

En fait, la limite inférieure est la norme intéressante.

Elle est un peu moins élevée chez la femme : 15 secondes chez l’homme, 10 secondes chez la femme.

La dimension temporelle peut être appréciée de manière perceptuelle. Sur une voyelle tenue, elle conduira à l’analyse de l’attaque, de la tenue et de la fin du son.

Sur le plan objectif, le sonagramme ou les extractions d’enveloppe de fréquence et d’intensité permettent une approche objective, qualitative et quantitative. Ils renseignent sur les durées relatives en situation de parole.

5- Mélodie et intonation :

Elles font partie des caractéristiques prosodiques de la parole. Sur le plan acoustique, elles comprennent des variations du fondamental autour du fondamental usuel, mais également des variations de timbre, d’intensité relative, de durée.

Sur le plan perceptif, la voix peut être qualifiée de monotone, peu intonative.

Sur le plan objectif, c’est une notion difficile à appréhender avec de multiples indices (indices de variation à long terme de la Fo et modulation d’amplitude, des descriptions d’enveloppes…) qui n’arrivent pas à rendre compte du phénomène.

Les représentations visuelles (sonagramme, méthodes d’extraction d’enveloppe) apportent des informations quantifiables, mais surtout une vue globale des différents paramètres, avec toujours la même difficulté d’analyse.

C – CAPACITÉS VOCALES :

1- Fréquences fondamentales extrêmes :

L’étendue est définie comme l’écart fréquentiel entre la note la plus aiguë et la note la plus grave que le sujet est capable d’émettre.

Le résultat est le plus souvent exprimé en demi-tons.

La recherche des valeurs extrêmes est réalisée en demandant au sujet une émission de voyelle sous la forme d’un « glissando » ascendant, puis descendant.

Amy de la Bretèque propose une fusée sur un [i] pour la note la plus aiguë, dont l’intérêt est souligné par Van de Heyning.

L’étendue normale est au moins de deux octaves, avec une importante variabilité individuelle en fonction de l’âge, du sexe, de l’éducation vocale.

Pour les chanteurs, la tessiture est l’ensemble des notes que le sujet peut utiliser en pratique pour le chant.

Sa connaissance, ainsi que celle des différents registres et passages entre les mécanismes, font partie de la spécificité du bilan vocal du chanteur.

2- Extrêmes de l’intensité :

La dynamique est définie comme l’écart entre l’intensité la plus forte possible et l’intensité la plus faible possible.

Il existe aussi une grande variabilité individuelle. Van de Heyning souligne l’intérêt de déterminer l’intensité la plus basse.

La dynamique normale est de 55 à 113 dB chez la femme, 58 à 117 dB chez l’homme ; la dynamique moyenne est de 30 à 50 dB.

3- Phonétogramme (profil vocal ou courbes vocales) :

C’est la représentation graphique du champ dynamique vocal obtenu en quantifiant les intensités sonores minimales et maximales, en fonction de la hauteur tonale du son fondamental sur toute l’étendue de la voix.

Il donne l’ensemble des possibilités et limites physiologiques de la voix du sujet, permet la classification vocale, la détermination des « passages », la quantification de la dynamique d’expression vocale, met en évidence les effets de l’éducation vocale et d’un entraînement spécifique.

C’est un document de référence et de comparaison intraindividuelle et interindividuelle.

Sa réalisation demande du temps et une certaine habitude.

Elle peut être effectuée à l’aide d’un sonomètre et d’un instrument de musique.

Réalisable automatiquement par des appareils informatisés, sa vulgarisation a donné lieu à des variations de méthodologie et de résultats.

Certains proposent des phonétogrammes automatiques, à partir d’un texte lu ou d’une conversation, qui s’apparentent à des distributions de fréquence et d’intensité, avec détermination des valeurs extrêmes.

Le phonétogramme peut être complété par des annotations supplémentaires concernant les fréquences usuelles des différents types de production vocale, la qualité du timbre, le type de voix dans le chant.

Normalement, une augmentation de l’intensité avec la hauteur est observée, sauf pour les fréquences les plus élevées.

Il n’y a pas de différence entre les deux sexes à part le décalage tonal.

4- Test d’endurance :

Sur les recommandations de l’Union européenne des phoniatres (UEP), ce test a été standardisé sous la forme d’une lecture à voix haute de 20 minutes pour évaluer l’endurance vocale, un assourdissement peut y être associé.

Combiné avec le contrôle de perturbations au niveau de l’analyse perceptuelle, du temps maximal phonatoire et de l’examen laryngé, avant et après le test, il peut avoir une valeur prédictive sur la survenue de certaines pathologies.

Pour certains, cette capacité peut être appréciée en demandant au sujet de compter rigoureusement jusqu’à 100.

5- Facilités à modifier sa voix :

Elles peuvent être évaluées en demandant à un adulte de parler comme un enfant ou en demandant de faire des phrases avec une forte proportion de nasalité.

6- « Dysphonia severity index » :

C’est un indice multiparamétrique calculé avec le temps maximal phonatoire, la fréquence la plus élevée possible, l’intensité la plus basse possible et le Jitter. Il est en cours de validation.

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