Atteintes multiples des nerfs crâniens

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Lésions intra-axiales :

Atteintes multiples des nerfs crâniensÀ l’exception du I et du II, tous les nerfs crâniens peuvent être intéressés par une lésion du tronc cérébral.

Les difficultés du diagnostic sont toutefois moindres que dans les atteintes extraaxiales, en raison de l’association de signes d’atteinte des voies longues, et du meilleur rendement de l’imagerie, dans laquelle l’imagerie par résonance magnétique (IRM) est au premier plan.

A – SCLÉROSE EN PLAQUES (SEP) :

Si plusieurs nerfs crâniens peuvent être atteints sur leur trajet intraaxial par une plaque de démyélinisation, les atteintes multiples simultanées sont rares.

Les paralysies oculomotrices sont de loin les plus fréquentes et plus souvent le fait d’une atteinte supranucléaire que périphérique.

Le type le plus évocateur est l’ophtalmoplégie internucléaire antérieure, mais diverses atteintes de la latéralité ou de la verticalité sont possibles.

La SEP peut aussi être responsable d’une névralgie du trijumeau ou d’une paralysie faciale. Le diagnostic repose sur le contexte clinique, la constatation d’hypersignaux à l’IRM sur les séquences pondérées en T2, et d’une sécrétion intrathécale d’immunoglobulines (Ig) G avec un profil oligoclonal.

B – ACCIDENTS VASCULAIRES CÉRÉBRAUX :

Certains syndromes lacunaires peuvent comporter une paralysie de la latéralité, de la verticalité, une ophtalmoplégie internucléaire ou un syndrome « un et demi » de Fisher.

Ce dernier peut être associé à une paralysie faciale ipsilatérale. Les infarctus territoriaux sont généralement responsables de signes bilatéraux : syndrome de Parinaud par infarctus mésencéphalique, diplégie faciale, paralysie de la latéralité et double hémiplégie avec locked-in syndrome par lésion du pied de la protubérance.

Le tableau peut prendre la forme d’un syndrome alterne où l’atteinte des nerfs crâniens est ipsilatérale à la lésion et celle des voies longues du côté opposé : syndrome de Millard-Gubler (VI et VII avec hémiplégie contralatérale), syndrome de Wallenberg (V sensitif, Claude Bernard-Horner, syndrome vestibulaire, et paralysie des nerfs mixtes avec syndrome spinothalamique croisé), syndrome de Jackson (X et XII avec hémianesthésie croisée).

Le syndrome nucléaire du nerf moteur oculaire commun associe une atteinte ipsilésionnelle du III et contralésionnelle du droit supérieur car les fibres destinées à ce dernier muscle transitent par le noyau du III contralatéral et sont de ce fait impliquées dans toute lésion nucléaire de ce nerf.

Une atteinte prénucléaire du III peut causer une paralysie dissociée de la verticalité (syndrome un et demi vertical par paralysie conjuguée de l’élévation et paralysie unilatérale d’un droit inférieur).

Enfin, la diplopie, symptôme fréquent au cours des lésions du tronc cérébral quelle qu’en soit l’origine, est parfois due à une skewdeviation (comme dans le syndrome de Wallenberg par exemple) et n’a pas de ce fait la même valeur localisatrice qu’une paralysie oculomotrice.

Les hématomes du tronc cérébral peuvent reproduire pratiquement les mêmes symptômes que les infarctus, y compris lacunaires, à l’exception probablement du syndrome de Wallenberg, et échappent parfois au scanner s’ils sont de petit volume, de sorte que l’IRM est désormais indispensable à un diagnostic précis en matière de pathologie vasculaire de cette région. TUMEURS

L’atteinte des nerfs crâniens peut être au premier plan de la symptomatologie des tumeurs infiltrantes du tronc cérébral.

Le tableau clinique peut être déroutant du fait du caractère serpigineux et parfois peu systématisé de l’infiltration tumorale, avec une évolution insidieuse, voire fluctuante, et des signes d’hypertension intracrânienne ou d’atteinte des voies longues qui font souvent défaut au début.

Les tumeurs primitives comprennent les astrocytomes de grade II ou III (anaplasiques), à point de départ protubérantiel, plus rarement les glioblastomes et les lymphomes primitifs.

Les métastases peuvent également atteindre le tronc cérébral.

Les localisations de lymphomes systémiques sont plus souvent méningées qu’intra-axiales.

Le diagnostic repose entièrement sur l’IRM.

C – ENCÉPHALOPATHIE DE GAYET-WERNICKE :

Elle mérite d’être signalée ici.

Elle peut en effet se présenter de prime abord comme une ophtalmoplégie isolée, les troubles de la vigilance et le syndrome cérébelleux étant retardés de plusieurs jours ou semaines.

Les paralysies oculaires sont bilatérales mais asymétriques, prédominant sur l’abduction au début, mais pouvant prendre l’allure d’une ophtalmoplégie internucléaire, d’une paralysie de la latéralité ou d’une ophtalmoplégie complète.

Le ptosis et les anomalies pupillaires sont rares.

Le diagnostic repose sur l’association à un nystagmus multidirectionnel, la recherche de troubles de la mémoire et de la coordination, un contexte étiologique évocateur et une réponse spectaculaire à la thiamine.

Il faut l’envisager systématiquement, les examens complémentaires n’étant d’aucun secours dans le délai requis par la mise en route du traitement.

D – SYRINGOBULBIE :

L’extension au tronc cérébral d’une fente syringomyélique est responsable de symptômes propres à cette localisation, et souvent unilatéraux : vertiges, nystagmus rotatoire, V sensitif et plus rarement moteur, XII, paralysie des nerfs mixtes avec parfois syndrome de Gerhardt, Claude Bernard-Horner, voire paralysie faciale, éventuellement associés aux signes de la malformation de la charnière et de l’atteinte médullaire sous-jacente.

E – AFFECTIONS DÉGÉNÉRATIVES :

Les formes à début bulbaire de sclérose latérale amyotrophique représentent environ 25 % des cas, et ne posent guère de problèmes diagnostiques : dysphonie caractéristique, dysarthrie, troubles de la déglutition, atrophie et fasciculations de la langue, signes neurogènes à l’électromyogramme de la langue et de la houppe du menton.

Un certain degré d’atteinte bulbaire est habituel dans les formes chroniques d’amyotrophie spinale, et au premier plan dans le syndrome de Kennedy (amyotrophie bulbospinale liée à l’X).

Quant aux paralysies bulbaires progressives isolées, familiales ou sporadiques de l’adulte ou de l’enfant, elles sont exceptionnelles.

Une forme sans doute encore plus rare d’amyotrophie spinale avec paralysie des cordes vocales a été décrite (syndrome de Young et Harper).

Une paralysie bulbaire peut également s’inscrire dans un tableau d’atrophie multisystématisée, où l’atteinte partielle du noyau ambigu peut provoquer une paralysie des dilatateurs de la glotte (syndrome de Gerhardt) responsable d’une dyspnée laryngée avec asphyxie aiguë.

Il faut penser à cette étiologie quand ce tableau survient chez un patient présentant un syndrome parkinsonien et/ou une dysautonomie.

Atteintes extra-axiales localisées (espaces sous-arachnoïdiens, trous et canaux de la base du crâne) :

Après leur sortie du tronc cérébral, les nerfs crâniens cheminent dans l’espace sous-arachnoïdien, perforent la dure-mère et traversent les orifices de la base du crâne.

Dans ce trajet, ils peuvent être comprimés par des lésions qui, pendant un certain temps, n’ont pas de retentissement cérébral.

La symptomatologie est alors uniquement faite de paralysie de plusieurs nerfs crâniens.

On est orienté vers cette localisation par :

– l’unilatéralité habituelle des signes ;

– leur groupement « anatomique » facilement rapporté à un étage de la base du crâne ou plus spécialement à un orifice.

A – ÉTAGE ANTÉRIEUR :

Limité en arrière par le tubercule de la selle et l’arête sphénoïdale, l’étage antérieur de la base est traversé par le nerf optique qui passe dans le canal optique et les filets du nerf olfactif qui traversent la lame criblée de l’ethmoïde.

Une anosmie bilatérale doit évoquer un méningiome olfactif, mais l’atteinte des nerfs olfactifs au cours des traumatismes de l’étage antérieur est beaucoup plus fréquente.

Le syndrome de Foster Kennedy, qui comprend une atrophie optique du côté de la lésion et une stase papillaire contralatérale, est généralement dû à une tumeur de la base (méningiome de la petite aile du sphénoïde, métastase osseuse) ou du lobe frontal.

B – ÉTAGE MOYEN :

Centré par la selle turcique, il est limité en avant par l’arête sphénoïdale et en arrière par le bord supérieur du rocher.

Il s’ouvre en avant et en dedans par la fente sphénoïdale qui le fait communiquer avec la cavité orbitaire, en arrière et en dedans par les trous ovale et grand rond, par où passent les nerfs maxillaires inférieur et supérieur pour se rendre dans la fosse ptérygomaxillaire.

Les nerfs oculomoteurs et l’ophtalmique de Willis (branche supérieure du trijumeau) traversent l’étage moyen dans sa partie interne, cheminant dans le sinus caverneux et la fente sphénoïdale.

Le ganglion de Gasser, réunissant les trois contingents du trijumeau, est situé dans le cavum de Meckel, à la partie postéro-interne de l’étage.

1- Syndromes latérosellaires :

* Aspects cliniques :

Le syndrome de la fente sphénoïdale comprend une atteinte des nerfs III, IV, V1 (ophtalmique) et VI.

La paralysie du III (en particulier le ptosis) est souvent la première en date.

Elle est suivie d’une ophtalmoplégie complète, avec ptosis et paralysie de l’accommodation.

L’état de la pupille est variable. Le myosis indiquerait que le ganglion ciliaire est préservé et que la lésion est extraorbitaire ; à l’inverse, la mydriase évoquerait une cause intraorbitaire.

Le territoire de l’ophtalmique peut être le siège de sévères douleurs et de paresthésies ; la sensibilité cornéenne, voire de la paupière supérieure et du front, est diminuée ou abolie.

Il peut exister une exophtalmie par compression de la veine ophtalmique.

Le syndrome du sinus caverneux comprend lui aussi une ophtalmoplégie unilatérale mais qui, le plus souvent, débute par la paralysie du VI, une atteinte de la branche ophtalmique du trijumeau, une exophtalmie unilatérale et des signes de paralysie du sympathique.

On en distingue trois formes topographiques :

– la forme antérieure identique au syndrome de la fente sphénoïdale ;

– la forme moyenne qui comprend une ophtalmoplégie totale, une atteinte de l’ophtalmique et du nerf maxillaire supérieur ;

– la forme postérieure qui associe une atteinte complète du trijumeau avec parfois une paralysie des muscles masticateurs.

La paralysie oculomotrice peut se limiter au VI.

Ce syndrome est identique à celui du trou déchiré antérieur, considéré comme symptomatique d’un anévrisme de la carotide intracrânienne.

Il pourrait se limiter à une paralysie du moteur oculaire externe avec larmoiement par atteinte du grand nerf pétreux superficiel.

À ces trois formes, il faut ajouter le syndrome du sinus caverneux bilatéral le plus souvent asymétrique en relation avec une mucocèle sphénoïdale ou une tumeur médiane.

* Étiologies :

+ Tumeurs :

Elles sont la première cause des syndromes latérosellaires.

Au niveau de la fente sphénoïdale, il peut s’agir de tumeurs provenant de l’orbite : le tableau clinique s’enrichit, dans ce cas, d’un exorbitisme parfois impressionnant.

Elles prennent naissance soit dans le nerf optique (gliome), soit dans les parois osseuses (sarcome, myélome, granulome éosinophile, maladies de Hand-Schüller-Christian, de Paget, de Hodgkin, métastases, chordome).

Il peut encore s’agir d’un méningiome de l’arête sphénoïdale propagé aux berges de la fente sphénoïdale ou de lésions expansives d’origine congénitale (méningoencéphalocèles, kystes dermoïdes ou épidermoïdes).

Au niveau du sinus caverneux, il peut s’agir de tumeurs d’origine locale (craniopharyngiomes, adénomes hypophysaires, chordomes parasellaires, métastases intrahypophysaires [cancer du sein]), régionale (tumeurs malignes du nasopharynx ou de la trompe d’Eustache étendues à la base du crâne) ou de métastases à distance (carcinomes, myélomes, lymphomes).

+ Infections :

Les thrombophlébites infectieuses du sinus caverneux, avec leur état septicémique, l’oedème palpébral et le cordon veineux induré, l’exophtalmie douloureuse, l’ophtalmoplégie, l’anesthésie cornéenne, compliquant une cellulite de la face, sont devenues exceptionnelles.

Elles peuvent être compliquées d’une ischémie des artères rétiniennes à l’origine d’une cécité bilatérale.

Leur origine est habituellement bactérienne, mais un cas d’origine aspergillaire a pu être observé.

L’hypopituitarisme peut en être une complication retardée.

L’IRM peut permettre un diagnostic précoce et contribuer ainsi à améliorer le pronostic.

L’abcès de l’hypophyse peut être à l’origine d’une forme bilatérale.

Les mucocèles sphénoïdales sont relativement plus fréquentes, insidieuses et trompeuses.

Elles sont marquées par une douleur fronto-orbitaire persistante, une ophtalmoplégie, une anesthésie dans le territoire du V.

Le diagnostic repose sur le scanner, les radiographies et surtout les tomographies de face, qui montrent l’aspect soufflé du sinus sphénoïdal.

Plus rarement, les mucocèles donnent un syndrome d’insuffisance antéhypophysaire ou une compression du nerf optique.

Le drainage chirurgical par voie rhinoseptale basse amène la guérison.

+ Causes vasculaires :

Il peut s’agir de pathologies malformatives, traumatiques ou ischémiques :

– anévrismes de la carotide interne infraclinoïdienne ou malformations artérioveineuses ;

– fistules carotidocaverneuses d’origine traumatique.

Dans ce dernier cas, s’associent à une ophtalmoplégie volontiers douloureuse, une protrusion du globe oculaire et une infiltration oedémateuse conjonctivale ;

– syndromes ischémiques artériels : la vascularisation des troncs des III, IV et VIe paires crâniennes ainsi que de la branche ophtalmique du V est assurée, à l’intérieur du sinus caverneux, par un tronc commun (le tronc inférolatéral) issu de la carotide intracaverneuse.

Il a été décrit des atteintes multiples, récurrentes et non douloureuses des nerfs oculomoteurs en relation avec des embolies dans le territoire de cette artère.

En raison des variations anatomiques, la cause ischémique artérielle de ce type d’ophtalmoplégie est difficile à démontrer ;

– diabète ;

– maladie de Horton ;

– migraine ophtalmoplégique.

+ Traumatismes :

La fracture de la petite aile du sphénoïde donne surtout une paralysie des IIIe et IVe nerfs crâniens ; en revanche, le trijumeau serait le premier atteint en cas de déchirure du sinus de Breschet.

Ces fractures sont mises en évidence par des radiographies centrées sur les fentes sphénoïdales, sur les canaux optiques et des tomographies de l’étage antérieur (fréquence des fractures propagées aux deux étages) et surtout grâce au scanner avec fenêtres osseuses.

+ Pseudotumeurs fibreuses parasellaires :

Elles sont en relation avec des lésions de pachyméningite et, s’intégrant dans le cadre plus large des fibroscléroses multifocales des aponévroses et séreuses (maladie de Dupuytren, sclérose testiculaire, fibrose rétropéritonéale…), peuvent être à l’origine d’une atteinte conjointe des nerfs crâniens V, VI ainsi que de la branche sensitive du VII associée à des signes d’insuffisance antéhypophysaire.

L’IRM peut montrer un épaississement de la tente du cervelet, et la ponction lombaire un liquide inflammatoire.

+ Syndrome de Tolosa-Hunt « idiopathique » :

Le syndrome de Tolosa-Hunt comporte une douleur péri- ou intraorbitaire accompagnée ou suivie d’une ophtalmoplégie plus ou moins complète, auxquelles peuvent s’associer une atteinte de la branche ophtalmique du trijumeau et/ou un syndrome de Claude Bernard-Horner.

Il s’agit en fait d’une variété étiologique de syndrome latérosellaire dû à un granulome inflammatoire infiltrant la paroi et les septa du sinus caverneux et comprimant les nerfs qui le traversent ainsi parfois que la carotide intracaverneuse.

L’extension ipsilatérale postérieure des lésions peut occasionner une atteinte des autres branches du V ou une paralysie faciale.

L’IRM (coupes coronales + + +) montre une lésion infiltrante du sinus caverneux prenant le gadolinium, sans modification osseuse.

Cette image n’est pas spécifique et peut correspondre aussi à une infiltration tumorale ou une sarcoïdose.

L’angiographie par résonance magnétique (ARM) ou l’artériographie peuvent montrer une sténose de la carotide intracaverneuse.

Le liquide céphalorachidien (LCR) est habituellement normal, toute anomalie persistante devant faire rechercher une étiologie spécifique.

Il a été rapporté dans quelques cas une accélération de la vitesse de sédimentation (VS), voire des anticorps antinucléaires, mais en principe le syndrome de Tolosa-Hunt idiopathique n’affecte pas le reste de l’organisme.

Il s’agit d’un diagnostic d’élimination, qui suppose la recherche d’autres étiologies, en particulier tumorales.

2- Autres syndromes de l’étage moyen :

Bien que ces syndromes ne diffèrent des précédents que par des détails sémiologiques, ils ont une valeur d’orientation dont la connaissance peut faciliter l’enquête étiologique.

* Syndrome de l’apex orbitaire :

Il ajoute au syndrome de la fente sphénoïdale une atteinte du nerf optique responsable d’un scotome central et des signes d’atrophie au fond d’oeil.

Les traumatismes en sont une cause plus fréquente que les tumeurs, mais donnent souvent un syndrome incomplet.

Des lésions de mucormycose chez un patient diabétique mal équilibré ont été rendues directement responsables d’un tel syndrome habituellement compliqué dans cette étiologie de douleurs rétrobulbaires ainsi que d’une éventuelle thrombose de la carotide interne par extension de voisinage.

* Syndrome du plancher de l’orbite et syndrome de la fosse ptérygopalatine :

Il résulte de l’envahissement du plancher de l’orbite par une tumeur de voisinage.

L’atteinte du nerf maxillaire supérieur est précoce et s’ajoute au syndrome de la fente sphénoïdale.

Dans le même registre, des cancers cutanés de la face ou du cou peuvent être responsables d’un envahissement périneural des nerfs V et VII puis des nerfs oculomoteurs.

* Syndrome infraclinoïdien :

Il est en rapport avec un anévrisme de la carotide interne dans la partie antérieure du sinus caverneux, et donne les mêmes signes que le syndrome de l’apex orbitaire.

La radiographie et le scanner peuvent montrer une érosion de l’apophyse clinoïde antérieure et parfois de la paroi latérale du canal optique.

L’artériographie permet le diagnostic.

* Syndrome de Raeder (ou syndrome paratrigéminal) :

Il comporte une douleur fronto-orbitaire, ou plus profonde à type de cuisson affectant le territoire du nerf ophtalmique ou de l’une de ses branches, avec une atteinte sympathique : myosis, parfois syndrome de Claude Bernard-Horner.

Bien que l’observation de Raeder concerne une tumeur et qu’on ait pu également rapporter ce syndrome à un anévrisme carotidien, une fracture, une artérite syphilitique ou une méningite, de nombreux cas correspondent à une algie vasculaire de la face.

* Syndrome de la pointe du rocher (ou syndrome de Gradenigo) :

Située aux confins des étages moyen et postérieur de la base du crâne, la pointe du rocher peut être le siège de lésions infectieuses ou tumorales qui réalisent une paralysie du VI et une atteinte du nerf ophtalmique (douleur ou au contraire anesthésie).

Le syndrome de Gradenigo peut être secondaire à une ostéite de l’apex pétreux ou à une phlébite du sinus pétreux supérieur, elles-mêmes consécutives à une otite.

Les étiologies tumorales ne sont pas rares : cholestéatome (avec lésion ostéolytique), chondrome (calcifications), méningiome, neurinome du V, tumeurs osseuses primitives ou secondaires, fractures.

Dans deux observations, il a été révélateur d’un myélome. Il faut souligner l’intérêt diagnostique des radiographies en incidence de Hirtz et des tomographies en plus de l’IRM et du scanner.

C – ÉTAGE POSTÉRIEUR (FOSSE CÉRÉBRALE POSTÉRIEURE) :

Il est centré par le trou occipital qui constitue son orifice inférieur.

En avant et au-dessus de lui, l’apophyse basilaire de l’occipital forme, avec la lame quadrilatère du sphénoïde sus-jacente, le clivus.

Latéralement, il est limité par la face endocrânienne postérieure du rocher où s’ouvre le conduit auditif interne, les condyles de l’occipital (avec l’orifice du canal condylien antérieur), le trou déchiré postérieur (foramen jugulaire), situé entre ces deux formations, et, en arrière, l’écaille de l’occipital.

La face ventrale du tronc cérébral et les dix paires de nerfs crâniens qui en naissent ou l’abordent répondent aux parois antérieures et latérales de la fosse postérieure.

Toutes les lésions expansives, primitives ou secondaires, développées à ce niveau s’accompagnent de signes d’atteintes multiples des nerfs crâniens en fonction de leur topographie : médiane (néoformation du clivus, tumeur du trou occipital), latérale (de haut en bas : syndromes de l’angle pontocérébelleux, du trou déchiré postérieur et condylodéchiré postérieur), latérale et extracrânienne (syndromes de Villaret et de Tapia).

Un processus tumoral est donc le premier diagnostic évoqué et jusqu’à preuve du contraire retenu. Les explorations paracliniques sont dominées par les examens radiologiques orientés par le tableau clinique qui indiquent un siège lésionnel probable.

Le scanner et surtout l’IRM associée à l’ARM ont révolutionné le diagnostic des atteintes multiples des nerfs crâniens dans la fosse postérieure et la base du crâne, auparavant d’une difficulté redoutable.

L’IRM avec ARM renseigne sur la taille, la composition et les rapports anatomiques des tumeurs, la morphologie et les anomalies des vaisseaux, et permet la visualisation directe des noyaux des nerfs crâniens et de leur trajet intra- et extracrânien.

Le scanner garde tout son intérêt pour l’étude des structures osseuses.

Après l’imagerie, l’étude du LCR est l’examen le plus utile en cas de paralysie multiple des nerfs crâniens, avec en particulier une étude cytologique.

1- Syndromes médians :

* Lésions du clivus :

Une atteinte des nerfs crâniens souvent bilatérale, rarement symétrique, frappant par ordre de fréquence le V (constant), le VIII, le VI et le VII, le IX et le III, doit faire évoquer un méningiome ou un chordome du clivus.

Les chordomes du clivus se révèlent dans 94 % des cas par une atteinte des nerfs crâniens.

Le nerf le plus souvent atteint est le VI (60 % des cas) suivi des IX et X (40 % chacun).

Les paralysies s’accompagnent de céphalées et peuvent avoir une évolution fluctuante avec des périodes de rémission spontanée.

* Neurinome du trijumeau :

Parfois manifestation d’une neurofibromatose, il peut se développer en n’importe quel point du trajet du nerf : fosse postérieure, ganglion de Gasser, branches du V.

Quand il se développe dans la fosse postérieure, il s’accompagne d’une symptomatologie évoquant une lésion du clivus ou de l’angle pontocérébelleux.

L’atteinte sensitivomotrice du V n’est pas obligatoirement initiale ni même constante.

* Syndrome de compression dans le trou occipital :

Il associe une atteinte des voies longues, un syndrome cérébelleux et une combinaison variable de paralysie des derniers nerfs crâniens ; les céphalées sont fréquentes.

Il s’agit essentiellement de méningiomes du bord antérieur du trou occipital qui exercent leur compression sur les premier et deuxième segments médullaires cervicaux et s’accompagnent tardivement de signes d’atteinte des dernières paires crâniennes (X, XI, XII).

Les malformations d’Arnold-Chiari, de diagnostic aisé grâce à l’IRM, doivent également être évoquées.

Paul et al en rapportent 16 cas sur 71 patients et Elster et al, quatre sur 68, toutes associées à une syringobulbie.

2- Syndrome de l’angle pontocérébelleux :

* Clinique :

Ce syndrome associe : des signes cochléaires souvent précoces (bourdonnements d’oreille, surdité unilatérale progressive de perception sans recrutement) ; des signes vestibulaires (vertiges rotatoires, déviation homolatérale des index, nystagmus battant du côté opposé) ; les autres signes d’envahissement régional (atteinte du V, paralysie oculomotrice, syndrome cérébelleux et hypertension intracrânienne) sont plus tardifs et doivent, à l’ère du scanner et de l’IRM, être qualifiés d’historiques.

* Étiologies :

+ Neurinome de l’acoustique :

Il représente en fréquence 75 à 85 % des tumeurs de l’angle pontocérébelleux, parfois multiple dans le cadre de la maladie de Recklinghausen.

La surdité qu’il entraîne peut être brutale et réversible, notamment lorsqu’il est de petite taille. L’aggravation subite des symptômes peut également être déterminée par une exceptionnelle hémorragie intratumorale.

Le scanner a été détrôné par l’IRM qui permet un diagnostic précoce et précise remarquablement les relations de cette tumeur avec les structures voisines.

En écho de spin, les séquences pondérées en T1 montrent un signal intermédiaire et les séquences pondérées en T2 un hypersignal. Les agents de contraste paramagnétique entraînent un fort rehaussement, souvent inhomogène.

Le diagnostic de neurinome est particulièrement probable lorsqu’il existe une composante intra- et extracanalaire et une extension modérée en avant de l’orifice du conduit auditif interne.

La localisation strictement intracanalaire est rare, de même que les neurinomes du VII qui peuvent se développer en n’importe quel point du trajet de ce nerf et entraîner une paralysie faciale progressive et fluctuante assez évocatrice, sans surdité initiale.

+ Autres tumeurs :

Elles sont principalement des méningiomes (10 à 15 %). Viennent ensuite cholestéatome, métastases méningées nodulaires ou en plage de diagnostic très délicat en l’absence de contexte évocateur, paragangliome tympanique, épendymome et papillome des plexus choroïdes invaginés dans l’angle pontocérébelleux, kyste arachnoïdien exceptionnellement symptomatique, chordome, tumeur dermoïde et lipome.

+ Extension nerveuse des tumeurs cutanées de la face :

Les épithéliomas spino- ou basocellulaires, qui présentent, rarement, une infiltration périnerveuse le long des fibres du VII et du V, peuvent déterminer une paralysie de ces nerfs souvent très douloureuse et paresthésiante ou un syndrome du sinus caverneux.

+ Lésions vasculaires :

Une atteinte de l’artère méningée moyenne (souvent au décours d’une angiographie avec embolisation) peut entraîner une paralysie par ischémie des VII, V2 et V3.

Nous citerons également les dissections de la carotide interne (paralysie du V et VII) et les conflits vasculonerveux : boucle artérielle, mégadolichoartère, anévrisme, angiome veineux.

Souvent responsables de névralgie faciale « essentielle » ou d’hémispasme facial, ces conflits anatomiques peuvent être responsables de paralysies plus étendues (V, VII, VIII), voire IX et X.

3- Paralysies des dernières paires crâniennes (IX, X, XI, XII) :

* Clinique :

Elles peuvent donner lieu à un regroupement syndromique caractéristique évoquant d’emblée un siège lésionnel précis ; atteintes extra-axiales et intracrâniennes : syndrome du trou déchiré postérieur et syndrome condylodéchiré postérieur ; atteintes des nerfs dans leur trajet exocrânien à la base du crâne : syndrome de l’espace sous-parotidien postérieur et syndrome de Tapia.

Outre leur valeur pour le diagnostic topographique, ces différents syndromes reconnaissent souvent des étiologies communes de sorte qu’il paraît préférable de décrire brièvement leur sémiologie et d’envisager ensuite leurs causes.

+ Syndrome du trou déchiré postérieur (foramen jugulaire) ou syndrome de Vernet :

Il comporte une atteinte des IXe, Xe et XIe nerfs crâniens qui se traduit par des troubles de la phonation (enrouement), des troubles de la déglutition, une régurgitation des liquides par le nez, parfois une salivation excessive et de la toux.

L’examen met en évidence une paralysie du constricteur supérieur du pharynx, un signe du rideau constant, une paralysie de la corde vocale, du sterno-cléidomastoïdien, du trapèze, une agueusie de la partie postérieure de la langue et une hémianesthésie du voile, du pharynx et du larynx.

+ Syndrome condylodéchiré postérieur : syndrome de Collet-Sicard :

Il diffère du précédent par l’adjonction d’une paralysie du XII.

+ Syndrome de l’espace sous-parotidien (syndrome de Villaret) :

À l’atteinte des quatre dernières paires crâniennes lésées dans l’espace sous-parotidien postérieur s’ajoute une atteinte du sympathique cervical se traduisant par un syndrome de Claude Bernard-Horner.

Dans un cas très exceptionnel, faisant suite à une blessure par balle de cet espace, il a été observé un hyperfonctionnement du sympathique cervical (mydriase, hyperhémie et hyperhidrose de la moitié du visage).

+ Syndrome de Tapia :

Il associe une paralysie des IXe et XIIe nerfs.

Le pneumogastrique est également lésé mais en aval de son rameau pharyngé, de sorte que la contractilité du voile est respectée.

Le XIe nerf et le sympathique cervical (syndrome de Claude Bernard-Horner) peuvent également être intéressés.

* Étiologies :

+ Tumeurs de la base du crâne :

Il peut s’agir de tumeurs propres de la base (cartilagineuse, embryonnaire, osseuse, fibreuse, hématopoïétique), de tumeurs intracrâniennes (méningiomes, neurinomes), de tumeurs extracrâniennes envahissant la base, souvent d’origine otorhinolaryngologique (ORL), de métastases à distance le plus souvent mammaires, pulmonaires ou prostatiques.

Envahissements locorégionaux et métastases sont les plus fréquents et peuvent déterminer un syndrome de Vernet, de Collet-Sicard ou de Villaret, ou des paralysies multiples ne correspondant pas à un syndrome défini.

Dans une série de 18 patients souffrant de paralysies multiples et d’une néoplasie ORL, Sigal et al ont montré que des IRM effectuées en fonction des signes cliniques permettaient, chez tous les patients, une excellente corrélation anatomique en montrant une ou plusieurs lésions définies radiologiquement.

+ Paragangliomes (tumeurs du glomus jugulaire) :

Ils se manifestent par une masse cervicale et parfois une paralysie des quatre derniers nerfs.

Ceux qui sont développés aux dépens de la carotide comportent dans 20 % des cas une paralysie des X et XII.

Les paragangliomes de petite taille peuvent être diagnostiqués grâce à l’IRM (absence de signal spontané et fort rehaussement avec le gadolinium).

+ Rares neurinomes du foramen jugulaire :

Développés aux dépens des IX, X et exceptionnellement du XI, ils peuvent se manifester par une combinaison variable de paralysies étagées du V au XII, la surdité étant le symptôme le plus fréquent.

Ils réalisent un syndrome de Vernet lorsque l’expansion est extracrânienne ; les symptômes centraux (ataxie, syndrome pyramidal) sont habituels lorsque l’expansion est intracrânienne.

+ Lésions vasculaires :

Artère pharyngée ascendante.

C’est la première collatérale de la carotide externe.

Elle vascularise les IXe, Xe et XIIe nerfs crâniens par sa branche neuroméningée.

Son atteinte peut donc en théorie donner un syndrome de Collet- Sicard.

Elle-même se divise en rameau jugulaire vascularisant les IX, X et XI intracrâniens, rameau hypoglosse qui vascularise le XII et rameau musculospinal pour le XI qui, par sa double vascularisation, paraît mieux protégé que les trois autres nerfs.

L’atteinte de l’artère pharyngée ascendante a été initialement décrite au décours d’artériographies.

Lors d’embolisation dans le territoire de cette artère, Lasjaunias et Doyon rapportent la survenue de paralysies (le plus souvent transitoires) isolées du XII, ou multiples des IX, X et XI (syndrome de Vernet), parfois associées à une atteinte du XII (syndrome de Collet-Sicard) ou encore une paralysie des IX, X, XII et VII.

Par analogie avec ces atteintes vasculaires évidentes lors d’une angiographie, un mécanisme ischémique est envisagé dans d’autres pathologies : artérite zonateuse, strangulation responsable d’un syndrome de Tapia, syndrome de Collet-Sicard au décours d’une chirurgie cardiaque, syndrome de Vernet réversible sous corticothérapie lors d’une maladie de Horton.

D’autres paralysies qualifiées d’idiopathiques pourraient reconnaître un mécanisme semblable.

Dissections de la carotide interne.

Presque toujours accompagnées de céphalées ou de cervicalgies unilatérales, elles peuvent entraîner une paralysie multiple des derniers nerfs crâniens.

Ce diagnostic doit être systématiquement évoqué lorsqu’il existe un signe de Claude Bernard-Horner.

Mokri et al rapportent huit cas personnels et dressent une revue de 19 autres cas de la littérature, soit 27 observations : une paralysie du XII est constante, un syndrome de Collet-Sicard est constaté dix fois et un signe de Claude Bernard-Horner 13 fois ; les céphalées sont presque constantes et un déficit neurologique lié à l’ischémie cérébrale n’est mentionné que dans quatre cas.

Sont également rapportés : un syndrome de Vernet, ou des atteintes plus diffuses intéressant les nerfs oculomoteurs, le V et le VII.

Le mécanisme supposé le plus fréquent est une compression directe des troncs nerveux par l’anévrisme disséquant plutôt qu’une ischémie dans la mesure où de telles complications ne surviennent pratiquement jamais dans les accidents dus à l’athérosclérose ou à des embolies.

+ Autres causes :

Il faut retenir au premier chef les traumatismes cervicaux : blessures par balle ou arme blanche responsables de syndromes de Tapia et de Villaret, fracture du condyle occipital réalisant un syndrome de Collet-Sicard ou plus souvent des paralysies des derniers nerfs selon des combinaisons variées, traumatismes cervicaux sévères entraînant des paralysies étagées du VI au XII, souvent bilatérales et associées à un déficit tétrapyramidal et sensitif.

Atteintes extra-axiales diffuses :

A – PATHOLOGIE INFECTIEUSE :

1- Infections bactériennes :

La fréquence de l’atteinte des nerfs crâniens dans la méningite tuberculeuse a été évaluée à environ 15 à 30 % des cas.

Les plus fréquemment touchés sont les nerfs II, III, VI, VII et VIII.

Une surdité peut survenir avant toute antibiothérapie par atteinte bactérienne spécifique.

Les nerfs sont lésés dans leur trajet sous-arachnoïdien par l’exsudat tuberculeux, associé ou non à des lésions artéritiques ou à des granulomes contenant des bacilles de Koch (BK).

Plus rarement, une compression extracrânienne par des infiltrats tuberculeux des parties molles du cou (atteinte de IX, X et XII) ou de la mastoïde (VII) est possible.

* Listériose :

Elle atteint préférentiellement les derniers nerfs crâniens réalisant un tableau de rhombencéphalite fébrile avec altération de l’état général.

Des paralysies oculomotrices et un nystagmus sont fréquents.

* Diphtérie :

Elle provoque une paralysie précoce du voile du palais, puis une hypoesthésie du pharynx, une perte de l’accommodation avec conservation du réflexe photomoteur, une ophtalmoplégie externe et une paralysie pharyngolaryngée.

* Brucellose et typhoïde :

Elles peuvent causer un oedème papillaire, des paralysies oculaire et faciale et une surdité, par atteinte dans l’espace sous-arachnoïdien.

De rares cas de paralysie faciale ou récurrentielle ou d’atteinte du VII cochléaire ou vestibulaire ont été attribués à la typhoïde. Le LCR est normal et le mécanisme serait « toxique ».

* Botulisme :

Il donne un bloc présynaptique aux synapses cholinergiques et à la jonction neuromusculaire.

Il s’ensuit des troubles de l’accommodation, une sécheresse buccale et une paralysie bulbaire et oculomotrice.

L’aréflexie pupillaire la distingue de la myasthénie.

* Maladie de Whipple :

Elle atteint préférentiellement les nerfs II (oedème papillaire et scotomes), V sensitif et VIII cochléaire et vestibulaire.

Il peut s’y associer une ophtalmoplégie d’origine supranucléaire.

Le diagnostic est difficile si les troubles digestifs sont au second plan.

* Lèpre :

Elle donne des mononeuropathies multiples. Les nerfs crâniens les plus impliqués sont le VII (possibilité de paralysie prédominant au territoire supérieur) et le nerf sus-orbitaire.

* Maladie de Lyme :

Elle donne une paralysie faciale périphérique uni- ou bilatérale dans environ 25 % des cas, parfois inaugurale.

Le VII est de très loin le nerf crânien le plus atteint dans cette affection : isolément (uni- ou bilatéral) dans presque les trois quarts des cas, associé à d’autres nerfs crâniens dans presque un quart, le reste consistant en paralysies oculomotrices isolées.

Le contexte de méningoradiculite et la sérologie permettent le diagnostic.

Une prise de gadolinium à l’IRM sur le trajet sous-arachnoïdien des nerfs atteints a été signalée.

* Neurosyphilis :

Elle touche par ordre de fréquence les nerfs VIII, VII, II, III, VI, V, IX-X, IV, XII, I et XI.

* Infections à « Mycoplasma pneumoniae » :

Au cours des infections à Mycoplasma pneumoniae, l’atteinte des nerfs crâniens concerne alors le plus souvent les nerfs optiques.

* Légionelloses :

Elles n’affectent qu’exceptionnellement les nerfs crâniens (1,5 % sur une série de 609 cas revus par Plaschke et al).

2- Infections virales :

* Virus de l’immunodéficience humaine (VIH) :

Lors de la séroconversion, une polyneuropathie crânienne aiguë d’évolution spontanément favorable a été décrite : diplopie, oscillopsie, nystagmus, V, VII bilatéral.

Au cours du syndrome de l’immunodéficience acquise (sida) déclaré, une paralysie de nerfs crâniens est le premier signe neurologique dans 9 % des cas.

Les mécanismes possibles sont variés : infection, cancer, neuropathie inflammatoire ou vascularite. Les atteintes sont plus fréquemment multiples qu’isolées.

On peut distinguer les lésions intra- et extraaxiales.

Dans le premier groupe figurent les infections opportunistes du tronc cérébral (toxoplasmose, tuberculose, cryptococcose, leucoencéphalopathie multifocale progressive, encéphalomyélite herpétique) et les lymphomes cérébraux primitifs de même localisation.

Le diagnostic topographique repose sur l’imagerie. L’atteinte extra-axiale est le fait de méningites fongiques (cryptococcose, histoplasmose, mucormycose), bactériennes (BK, Listeria, syphilis), virales (herpès, cytomégalovirus [CMV], VIH) ou néoplasiques.

Dans cette catégorie, les lymphomes méningés méritent une attention particulière.

Au cours des lymphomes primitifs du sida, la diffusion méningée survient dans 20 % des cas environ, révélée trois fois sur quatre par une atteinte des nerfs crâniens qui est multiple dans la moitié de ces cas.

Le VI est le plus fréquemment atteint.

La ponction lombaire montre toujours une pléiocytose, mais la recherche de cellules anormales peut rester négative.

La survie moyenne est de 5 semaines, faisant de cette atteinte la plus grave de toutes les complications neurologiques du sida.

* Autres virus :

Virus du groupe herpès : le virus herpes simplex, cause de l’encéphalite herpétique et de l’herpès cutanéomuqueux, est une cause exceptionnelle de paralysie des nerfs crâniens.

En revanche, le virus varicelle-zona (VZV) les atteint dans 20 % des cas, principalement le V (surtout ophtalmique) et le ganglion géniculé (paralysie faciale secondaire).

Les atteintes multiples sont possibles : VIII et IX associés au VII dans le zona géniculé, ophtalmoplégie au cours du zona ophtalmique.

Des paralysies multiples dues au VZV, mais sans éruption cutanée, sont possibles (VI-VII-VIII, VII-VIIIIX).

Le diagnostic repose alors sur la séroconversion. L’aciclovir est d’une efficacité inconstante.

La mononucléose infectieuse touche le système nerveux dans 1 % des cas.

Les nerfs crâniens sont touchés en association avec une polyradiculonévrite ou une multinévrite.

B – PATHOLOGIE NÉOPLASIQUE :

1- Méningites néoplasiques :

L’atteinte des nerfs crâniens est au premier plan du tableau clinique des méningites néoplasiques, et constante à un moment quelconque de l’évolution.

Les céphalées sont fréquentes mais non constantes.

Dans les méningites carcinomateuses, les nerfs optique et auditif sont fréquemment intéressés.

Au cours des localisations méningées des hémopathies, les paralysies faciales et oculomotrices prédominent.

Lorsque la tumeur primitive n’est pas connue, le diagnostic peut s’avérer laborieux.

La mise en évidence de cellules néoplasiques par ponction lombaire nécessite parfois des examens cytologiques répétés, le liquide pouvant même rester normal jusqu’au décès du patient.

Le lymphome méningé primitif, variété rare de lymphome primitif du système nerveux (et, moins rarement que ce dernier, de type T), peut se révéler par une atteinte bilatérale et extensive des nerfs crâniens (VI + VII) avec une méningite lymphocytaire hypoglycorachique où les cellules néoplasiques ne sont pas toujours évidentes à déceler.

2- Atteintes paranéoplasiques :

Elles sont exceptionnelles et s’intègrent le plus souvent dans le tableau d’une encéphalo-myélo-neuropathie ou d’un syndrome de Lambert-Eaton.

D’une manière générale, l’atteinte unique ou multiple des nerfs crâniens d’origine néoplasique recèle des pièges redoutables pouvant conduire à des retards de diagnostic dramatiques.

Il faut donc, devant l’atteinte d’un ou plusieurs nerfs crâniens qui ne fait pas sa preuve, persévérer dans la recherche de cellules néoplasiques dans le LCR, d’une anomalie radiologique de la base du crâne en utilisant toutes les ressources de l’imagerie, et savoir diriger les recherches vers le segment extracrânien des nerfs en cause si les investigations intracrâniennes sont négatives.

C – PATHOLOGIE INFLAMMATOIRE :

1- Neuropathies inflammatoires démyélinisantes :

* Polyradiculonévrites :

Le syndrome de Guillain-Barré atteint habituellement les nerfs crâniens au terme de son évolution ascendante.

Certaines variantes, dans lesquelles l’atteinte des membres fait défaut, peuvent poser un problème diagnostique.

* Syndrome de Miller-Fisher :

Il comporte l’apparition rapide d’une ophtalmoplégie bilatérale, associée à une ataxie et à une aréflexie tendineuse.

L’ophtalmoplégie peut atteindre la motricité pupillaire et l’accommodation, le ptosis est absent ou peu marqué. Une ophtalmoplégie partielle peut en imposer pour une paralysie internucléaire.

Certains patients ont en outre une paralysie faciale uni- ou bilatérale, des paresthésies du visage, une dysarthrie ou une dysphagie.

La dissociation albuminocytologique est fréquente, mais non indispensable au diagnostic.

Les potentiels sensitifs distaux sont constamment altérés, confirmant que ce syndrome est bien une variante de la polyradiculonévrite aiguë de Guillain-Barré.

Cependant, l’association d’une ataxie, d’une ophtalmoplégie et d’une aréflexie tendineuse peut aussi être causée par une méningite carcinomateuse.

* Variante encore plus rare : polynévrite crânienne :

Elle réalise une atteinte bilatérale des derniers nerfs crâniens (V, VII, IX, X, XII), sans ophtalmoplégie, avec dissociation albuminocytologique du LCR.

À la différence du syndrome de Miller-Fisher, les nerfs rachidiens peuvent être entièrement épargnés, y compris à l’examen électrophysiologique.

Les gammaglobulines intraveineuses seraient efficaces, mais pourraient faire courir un risque d’accident vasculaire cérébral chez le sujet âgé.

* Neuropathies motrices avec bloc de conduction :

Enfin, une paralysie avec amyotrophie et fasciculations de la langue a été décrite dans le cadre de certaines neuropathies motrices multifocales avec bloc de conduction, accentuant encore la ressemblance de cette entité avec la sclérose latérale amyotrophique.

2- Collagénoses et vascularites :

* Syndrome de Gougerot-Sjögren :

Il comporterait une atteinte du système nerveux périphérique dans 10 à 32 % des cas.

L’atteinte des nerfs crâniens (en dehors des neuropathies optiques) peut prendre plusieurs formes caractéristiques : neuropathie trigéminale, atteinte du IV, syndrome d’Adie, paralysies multiples et récidivantes des nerfs crâniens.

Dans le lupus érythémateux disséminé, les paralysies de nerfs crâniens sont généralement d’origine centrale, par infarctus multiples du tronc cérébral, et s’accompagnent de signes neurologiques centraux.

Cependant, des cas isolés de paralysies oculaires d’origine périphérique ont été décrits, pouvant réaliser un syndrome du sinus caverneux, d’origine présumée ischémique.

* Vascularites :

La périartérite noueuse et le syndrome de Wegener peuvent occasionner une ophtalmoplégie, une diplégie faciale ou une paralysie du X, associées ou non à une atteinte des nerfs rachidiens.

Le diagnostic repose sur le contexte, mais parfois sur la seule élévation des anticorps anticytoplasme des polynucléaires (ANCA).

Les traitements immunosuppresseurs sont efficaces.

Outre la neuropathie optique ischémique, la maladie de Horton peut causer des paralysies oculomotrices.

Un cas anatomique a montré qu’il s’agissait d’une nécrose des muscles oculomoteurs eux-mêmes.

La neuropathie crânienne est une caractéristique de l’amylose familiale de type finlandais (type IV).

Cependant, elle n’est pas exceptionnelle, et peut même être révélatrice, au cours d’une amylose primaire, associée à une gammapathie monoclonale (atteinte en combinaison variable des nerfs III, IV, V, VI, VII).

Le diagnostic repose sur la mise en évidence de la protéine monoclonale et de substance amyloïde à la biopsie.

Dans le contexte d’une gammapathie monoclonale, l’atteinte des nerfs crâniens peut aussi s’inscrire dans un syndrome polyneuropathie-organomégalieendocrinopathie-protéine monoclonale-anomalies cutanées ou skin changes (POEMS), ou encore témoigner d’une infiltration plasmocytaire de la base du crâne.

L’atteinte du système nerveux est de l’ordre de 5 % au cours de la sarcoïdose, et la moitié de ces patients ont une atteinte des nerfs crâniens, dominée par une paralysie faciale uni- ou bilatérale.

La survenue est relativement précoce dans la maladie, la régression est la règle, et le pronostic favorable sauf parfois pour les atteintes du VIII. Le LCR est normal en l’absence d’atteinte centrale associée.

Des cas plus rares de paralysies de nerfs crâniens par lésion centrale ont été décrits. Une névrite optique est possible.

* Autres causes :

D’autres causes de neuropathie crânienne récidivante symptomatique ont été rapportées : périartérite noueuse, cryoglobulinémie, métastases de la base du crâne, méningite tuberculeuse, diabète, syndrome de Guillain-Barré et porphyrie aiguë intermittente.

* Neuropathie crânienne multiple et récidivante :

C’est une entité nosologique de physiopathologie incertaine.

Elle serait plus fréquente en Asie du Sud-Est que dans les pays occidentaux.

Les « poussées » débutent par des céphalées localisées ou des algies faciales.

Tous les nerfs de I à XII peuvent être touchés, avec une préférence pour les nerfs oculomoteurs et facial.

Les poussées successives peuvent toucher ou non les mêmes territoires.

Il peut exister une accélération de la VS ou une réaction inflammatoire du LCR.

Les corticoïdes ont souvent un effet favorable, avec une possibilité de rechute à l’arrêt du traitement.

Ce syndrome serait la variété récidivante de la « polynévrite crânienne idiopathique » décrite par Steele et Vasuvat (début par une céphalée, atteinte par ordre décroissant de fréquence des nerfs VI, III, V, IV, VII, VIII, IX, X, XI et XII, LCR anormal deux fois sur trois [légère pléiocytose], sensibilité aux corticoïdes), celle-ci n’étant ellemême qu’une variante étendue de l’ophtalmoplégie douloureuse.

La seule différence avec le syndrome de Tolosa-Hunt est d’ordre topographique (dans ce dernier, les paralysies sont confinées aux nerfs traversant le sinus caverneux). Ces diagnostics exigent en fait l’exclusion d’autres pathologies locales ou systémiques, en particulier la maladie de Horton ou un envahissement tumoral de la base du crâne.

La forme crânienne du syndrome de Guillain-Barré s’en distingue par l’absence ou la discrétion des céphalées et souvent une petite note extracrânienne de neuropathie périphérique.

La neuropathie crânienne idiopathique, avec ses cas particuliers topographiques (Tolosa-Hunt) ou évolutifs (forme à rechutes), apparaît comme une entité nosologique en continuité avec la pseudotumeur de l’orbite et la myosite orbitaire, dont elle partage l’absence d’étiologie reconnue, le caractère « inflammatoire » et la sensibilité aux corticoïdes.

D – ATTEINTES TOXIQUES, POSTRADIOTHÉRAPIQUES ET POSTCHIRURGICALES :

1- Intoxication aiguë par inhalation de trichloréthylène :

Elle peut donner, dans les formes graves, une atteinte extensive des nerfs crâniens dans les jours ou les heures qui suivent : anesthésie faciale, paralysie des masticateurs, paralysie faciale puis atteinte du voile, du pharynx et du larynx.

Le mécanisme supposé en est une neuropathie axonale aiguë avec dégénérescence rétrograde responsable de lésions des noyaux des nerfs impliqués à l’autopsie.

Des troubles de l’oculomotricité peuvent survenir dans certains comas toxiques (barbituriques, amitriptyline).

Un nystagmus bilatéral, parfois très marqué, est fréquent dans l’intoxication éthylique aiguë et les surdosages en psychotropes, particulièrement les tranquillisants et les antiépileptiques.

2- Neuropathies induites par les chimiothérapies anticancéreuses :

Elles peuvent occasionnellement affecter les nerfs crâniens : atteintes du V, du VII et du VIII par la vincristine, du VIII par le cisplatine.

La prudence s’impose de toutes façons avant d’attribuer au traitement une paralysie focale chez un sujet atteint d’un cancer.

3- Radiothérapie crânienne :

Elle entraîne fréquemment des troubles sensoriels (anosmie, agueusie, otite radique), plus rarement une atteinte visuelle ou des paralysies.

4- Chirurgie cervicofaciale :

Notamment carcinologique, elle peut laisser des paralysies séquellaires des nerfs VI et IX à XII.

E – COMPRESSIONS NON TUMORALES D’ORIGINE OSSEUSE OU MÉNINGÉE :

Plusieurs variétés d’hyperostoses peuvent comprimer les nerfs crâniens à leur passage dans les trous de la base du crâne.

L’hyperostose corticale généralisée familiale dans ses formes récessives (syndrome de Van Buchem et ostéosclérose) ou dominantes peut entraîner une compression lente et progressive du VII et du VIII (40 à 80 % des cas) et parfois des paralysies oculomotrices.

Le diagnostic est évoqué sur les déformations squelettiques.

L’hyperostose crânienne interne, exceptionnelle, qui atteint seulement les os du crâne, est responsable de paralysies faciales récidivantes et parfois d’une atteinte associée des nerfs I, II et VIII.

La maladie d’Albers-Schönberg (ostéopétrose) atteint le nerf optique, les nerfs oculomoteurs, facial et auditif.

La maladie de Paget peut atteindre tous les nerfs crâniens.

Outre le VIII (la surdité étant le symptôme le plus fréquent), les nerfs de I à VII peuvent être comprimés au niveau de la base, l’atteinte de nerfs IX à XII étant plutôt en rapport avec une éventuelle déformation de la charnière.

La calcitonine est inconstamment efficace.

F – PATHOLOGIE NEUROMUSCULAIRE :

La myasthénie doit être évoquée devant toute atteinte progressive et sans atrophie de la musculature céphalique.

La myasthénie oculaire respecte toujours la motricité intrinsèque.

Le ptosis est fréquent, la paralysie prédomine souvent sur l’élévation et l’adduction, mais elle peut prendre toutes les formes possibles y compris celle d’une pseudo-ophtalmoplégie internucléaire, et même comporter des secousses d’allure nystagmique.

Une faiblesse associée de l’orbiculaire des paupières est un bon signe d’orientation.

Une myasthénie peut également être révélée par une dysphonie (voix nasonnée), des troubles de la déglutition (dysphagie, fausses routes) ou de la mastication.

L’ophtalmopathie thyroïdienne est, selon Glaser et Bachynski, une des causes les plus fréquentes de diplopie à l’âge moyen de la vie.

La fonction thyroïdienne n’est pas nécessairement altérée.

L’anomalie la plus caractéristique est la paralysie unilatérale de l’élévation.

Le diagnostic repose sur les signes ophtalmologiques associés (asynergie oculopalpébrale, oedème conjonctival, chémosis, hypertrophie de l’insertion des muscles oculaires visible en IRM), et sur la mise en évidence d’une limitation mécanique de l’excursion oculaire comme mécanisme de la diplopie, par rétraction fibreuse des muscles oculomoteurs.

Outre les deux causes précédentes, une ophtalmoplégie externe progressive peut correspondre à une dystrophie oculopharyngée, à une maladie mitochondriale (syndrome de Kearns-Sayre ou délétions multiples) ou à un ensemble disparate d’affections dont l’ophtalmoplégie n’est qu’un aspect sémiologique particulier : dystrophie myotonique de Steinert, myopathie centronucléaire, abêtalipoprotéinémie, maladie de Refsum, syndrome polyneuropathie-ophtalmologie-leucoencéphalopathie-pseudoobstruction intestinale (POLIP), syndrome de Moebius (paralysie congénitale bilatérale du VI et du VII), maladie de Steele-Richardson (où les signes sont en fait d’origine supranucléaire).

G – PARALYSIES FAMILIALES DES NERFS CRÂNIENS :

Ce groupe comprend des cas de paralysies faciales héréditaires, le plus souvent récidivantes.

Une étroitesse congénitale de l’aqueduc de Fallope a été proposée comme explication.

Il existe en outre quelques rapports anecdotiques de paralysies faciales et oculomotrices associées dont le mode de transmission et le mécanisme restent incertains.

Conclusion :

L’interminable catalogue des syndromes topographiques et étiologiques des paralysies multiples des nerfs crâniens ne doit pas faire perdre de vue les principes directeurs de la démarche clinique.

Atteinte intraaxiale : savoir déceler des signes centraux associés ; atteinte extraaxiale : importance majeure de l’imagerie et de l’étude du LCR ; toute paralysie unilatérale extra-axiale multiple des nerfs crâniens doit être considérée comme tumorale jusqu’à preuve du contraire ; rechercher la lésion en dehors du crâne si l’imagerie intra-crânienne est négative ; penser aux pathologies curables ou urgentes : dissections, anévrismes, myasthénie, ophtalmopathie thyroïdienne, encéphalopathie carentielle.

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