Atteinte ostéoarticulaire des tréponématoses

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Syphilis :

L’incidence des maladies sexuellement transmises reste très élevée de par le monde et celle de la syphilis, certes bien moindre qu’avant 1945, reste importante, compte tenu des modifications de la nature des groupes à risque.

Ses manifestations ostéoarticulaires doivent donc être connues en Europe et en Amérique du Nord.

Elles sont difficiles à répertorier dans les pays en voie de développement où règne surtout la syphilis endémique ou bejel, non vénérienne, principalement chez les enfants des régions désertiques africaines ou du Moyen-Orient.

Les lésions ostéoarticulaires du bejel, en particulier osseuses, qui sont de loin les plus fréquentes, sont superposables à celles de la syphilis vénérienne.

Les manifestations ostéoarticulaires de la syphilis vénérienne sont extrêmement variées, le plus souvent trompeuses, d’autant que la maladie causale est moins connue des médecins qu’autrefois, compte tenu de sa rareté relative par rapport au passé.

Elles varient surtout en fonction du contage de la maladie et sont retrouvées dans deux cadres différents :

Atteinte ostéoarticulaire des tréponématoses

– celui des périodes secondaire et tertiaire de la syphilis acquise ;

– celui d’une syphilis congénitale contractée in utero, responsable de lésions osseuses qui peuvent être précoces, survenant principalement entre la naissance et le quatrième mois, essentiellement (90 % des cas) avant le 60e jour.

Tardives, elles apparaissent entre 6 et 12 ans, et les atteintes observées sont alors identiques à celles de la syphilis acquise tertiaire.

L’atteinte osseuse est liée à la dissémination hématogène du germe responsable.

A – Syphilis congénitale précoce :

C’est autour des orifices naturels et sur la face que siègent les signes cutanés reproduisant les lésions de la syphilis secondaire et s’accompagnant éventuellement de lésions muqueuses comme le coryza syphilitique.

La sévérité de l’infection est caractérisée par la fréquence et la gravité d’une atteinte viscérale inconstante.

L’atteinte osseuse est retrouvée dans moins de 80 % des cas, signalée dans 65 % des observations récentes d’Afrique du Sud ou du Maroc dans lesquelles l’atteinte polyviscérale est retrouvée une fois sur deux.

Elle est provoquée par la multiplication du tréponème dans l’organisme foetal dès le cinquième mois de la vie in utero.

Les localisations osseuses les plus fréquentes intéressent les os longs des membres, principalement le fémur, le tibia et l’humérus, alors que métacarpiens et phalanges sont plus rarement touchés.

Elles sont en général symétriques et réalisent trois tableaux qui peuvent être isolés ou associés.

1- Ostéochondrite :

Il s’agit de l’atteinte de la région épiphysométaphysaire des os longs du membre supérieur (humérus au voisinage de l’épaule) ou inférieur au voisinage du genou.

Elle concerne 23 à 57 % des malades.

Elle peut se traduire par la classique pseudoparalysie de Parrot observée actuellement dans 25 %des cas seulement, donc pour une ostéochondrite sur deux.

Elle réalise une impotence motrice douloureuse brutale en général avec attitude vicieuse en demi-flexion qui siège surtout aux membres supérieurs, d’apparence molle et flasque, et traduit une fracture pathologique métaphysaire distale.

Sur la radiographie existent, de façon précoce, un élargissement et un épaississement de la métaphyse avec des irrégularités de la ligne d’ossification.

Une ou plusieurs bandes claires métaphysaires traduisent une déminéralisation plus tardive.

Secondairement disparaît la zone d’ossification qui se marque surtout de profondes érosions symétriques sur le bord interne des métaphyses intéressées pouvant contenir des séquestres et réalisant les classiques encoches de Wimberger, présentes dans 20 % des observations.

Cela entraîne le déplacement de l’épiphyse et l’impotence fonctionnelle brutale qui constitue la pseudoparalysie de Parrot.

2- Périostite :

Ossifiante, elle est latente et découverte sur la radiographie, intéressant principalement la face interne des tibias.

Elle provoque des images d’ostéogenèse périostée diaphysaire, diffuses, symétriques, lamellaires entraînant un aspect condensé en plages. Sa fréquence est de 30 % des cas.

3- Ostéite :

Elle est beaucoup plus rare, 3 à 7 % des observations, et s’associe aux lésions précédentes.

Latente, cette ostéomyélite peut se surinfecter de germes banals, staphylocoque en particulier.

Elle est due à de véritables gommes riches en tréponèmes siégeant sur les diaphyses et les métaphyses des fémur, tibia, cubitus, et radius.

Elle peut être marginale, bilatérale et symétrique à type de lacune corticale isolée ou associée à une ostéogenèse périostée, entrant dans la constitution de l’encoche de Wimberger.

Sinon, elle est centrale diaphysaire à type de lacune ovalaire à l’emporte-pièce pouvant contenir un séquestre.

L’ensemble de ces manifestations osseuses du nouveau-né peut simuler un rachitisme, une malnutrition ou une intoxication par l’aluminium, notamment au début lorsque les signes radiologiques sont peu spécifiques.

Enfin ces manifestations liées à une syphilis congénitale précoce sont sensibles à la pénicilline, comme celles de la syphilis secondaire que nous allons envisager maintenant.

B – Syphilis secondaire :

1- Atteinte osseuse :

L’atteinte osseuse y est beaucoup plus rare, accompagnant la seconde « floraison » caractérisée essentiellement par les atteintes cutanéomuqueuses et les polyadénopathies.

L’atteinte osseuse concerne les formes graves et évolutives (syphilis maligne précoce, syphilis confluante).

Elle intéresse surtout le crâne, les tibias, les clavicules, les côtes et le sternum.

Elle peut se compliquer de manifestations viscérales sous-jacentes comme exceptionnellement une thrombose du sinus longitudinal supérieur au cours d’une ostéite crânienne syphilitique.

Classiquement, les douleurs sont profondes ou superficielles, très pénibles, à recrudescence nocturne, évoluant par accès se surajoutant au fond douloureux quasi permanent.

Mal calmées par les anti-inflammatoires ou les antalgiques, elles évoquent une affection maligne tumorale ou hématologique, en particulier le myélome de Kahler, d’autant que s’y associent des tuméfactions fluxionnaires superficielles.

La fièvre oscille entre 38 et 38,5 °C, 39 °C au maximum.

Les clichés révèlent des images ovalaires ostéolytiques à l’emporte-pièce, à contour net en général, très rarement flous, sur les clavicules, le sternum ou surtout le crâne.

Plus souvent, il s’agit d’images condensantes des os longs du crâne ou du sternum avec appositions périostées irrégulières et étendues à toute la diaphyse.

Les formes mixtes sont rares, donnant un aspect flou aux diaphyses des os longs (tibia, péroné).

À l’histologie sur l’os atteint, les travées osseuses sont diminuées en nombre, désorganisées, repoussées mais pas envahies par un infiltrat cellulaire, nodulaire et intramédullaire, constitué de lymphocytes et de quelques plasmocytes.

Les frottis pratiqués avec ces fragments retrouvent après coloration argentique, le Treponema pallidum.

Cette ostéopériostite passe actuellement souvent inaperçue au sein d’un tableau à prédominance dermatologique même si, à cette phase, les malades signalent une asthénie, des courbatures et des céphalées d’intensité variable.

La découverte en est alors systématique par la radiographie et, si celle-ci est encore normale malgré l’aspect clinique, une scintigraphie osseuse au technétium peut la révéler.

L’évolution de ces lacunes ostéolytiques consiste en leur lente recalcification : 200 à 300 jours, voire plus.

Dans tous les cas, ces manifestations osseuses de la syphilis secondaire sont très sensibles à la pénicilline.

2- Atteinte articulaire :

Elle est très exceptionnelle, rapportée par Kahn et al dans un centre spécialisé à 4 pour 5 000 rhumatismes inflammatoires et 4 pour 60 000 nouveaux consultants.

Elle est considérablement plus rare que l’atteinte osseuse et sa réalité a même été remise en cause aux États-Unis par Clarck.

Cependant, 5 à 10%des malades atteints de syphilis secondaire auraient des arthralgies.

Comme l’ensemble des manifestations de la syphilis, éternelle simulatrice, l’atteinte articulaire peut mimer des arthrites très différentes : arthrite de Lyme, polyarthrite rhumatoïde ou maladie lupique, surtout quand elle est associée à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), maladie de Still, vascularite, syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter, ou, dans les régions en voie de développement, le rhumatisme articulaire aigu, voire l’arthrite de la sarcoïdose.

Le tableau classique est celui d’un pseudorhumatisme aigu ou subaigu évoquant un rhumatisme articulaire aigu, ce qui est encore parfois le cas, mais où, cependant, l’atteinte serait plutôt pauciarticulaire, moins migratrice, intéressant préférentiellement le genou, accompagnée de signes généraux discrets et, ici, contemporaine d’une éruption, en particulier la roséole.

Les quatre malades de Kahn et al avaient des polyarthralgies fixes trois fois et mobiles une fois, tous avaient une atteinte prédominante du genou.

D’autres tableaux sont possibles, comme dans cinq des sept cas de Reginato et al, à type de polyarthrite fixe et symétrique intéressant petites (métacarpophalangiennes et interphalangiennes) et grosses articulations des membres, et de ténosynovite. Des lombalgies avec raideur rachidienne sont exceptionnelles.

Au moment du diagnostic, les symptômes évoluent en moyenne depuis 4 semaines.

Dans deux autres cas, il n’y avait que des arthralgies mais avec une localisation particulière, fixe, à la sternoclaviculaire.

Sur le plan biologique, la vitesse de sédimentation (VS) initiale oscille entre 20 et 100 mm, en moyenne 50 mm, sans facteur rhumatoïde plasmatique ni anticorps antinucléaires.

Le liquide y est toujours inflammatoire avec une cellularité entre 4 000 et 13 000 sans tréponème à l’examen bactériologique.

L’histologie est celle d’une synovite subaiguë aspécifique, à prédominance lymphocytaire et polynucléaire, associée à une hypervascularisation et où cependant existe une augmentation de la couche bordante.

Dans tous les cas où le tréponème a été recherché dans le liquide articulaire, il n’a pu y être mis en évidence, mais en microscopie électronique, des éléments figurés apparemment complets ressemblant très fortement à Treponema pallidum ont pu être mis en évidence dans la synoviale elle-même et la lumière des vaisseaux.

Devant une polyarthrite fixe, la présence de facteur rhumatoïde, d’anticorps antinucléaires et anti-ADN (acide désoxyribonucléique) natif, avant la positivation de la sérologie syphilitique, égare le diagnostic redressé ensuite par cette positivation.

Elle incite surtout à rechercher et retrouver une infection concomitante par le VIH responsable de ces désordres immunologiques.

Dans tous les cas, le traitement par la pénicilline a raison de cette atteinte articulaire qui disparaît en moins de 15 jours, ne laissant évidemment la place à aucune rechute ni anomalie radiologique.

Une atteinte sacro-iliaque a cependant été signalée, contemporaine des manifestations cutanéomuqueuses de la syphilis et se traduisant par des pygalgies associées à des images d’arthrite sacro-iliaque unilatérale avec déminéralisation pure, sans aucun autre signe de spondylarthropathie ni présence d’HLA B27.

La guérison rapide des douleurs par la pénicilline s’est accompagnée 2 mois plus tard d’une ostéosclérose sacro-iliaque cicatricielle, différente des observations voisines de Gerster et al où manquaient cependant les anomalies radiologiques.

L’association à une spondylarthropathie est compréhensible par ailleurs, d’autant que certaines sont liées à une transmission sexuelle.

Dès 1970 ont été fixés cinq critères positifs et négatifs de diagnostic d’arthrite syphilitique dont les particularités sont importantes :

– atteinte inflammatoire objective, contrôlée par un médecin, avec synovite perceptible et liquide à la ponction ;

– syphilis récente, datant de moins de 6 mois, caractérisée par la connaissance du chancre, l’absence de traitement correct et une éruption syphilitique secondaire ;

– présence du tréponème dans les lésions cutanées et/ou sérologie spécifique positive (à l’époque : BWet Nelson et/ou immunofluorescence) ;

– absence de signes cliniques ou biologiques permettant un autre diagnostic rhumatologique ;

– efficacité rapide et totale de la pénicillinothérapie.

Avec le recul, ces critères appellent des commentaires :

– le premier mérite des précisions : on remarquera que le liquide articulaire de deux des patients rapportés par Kahn et al était paucicellulaire.

L’un en contenait 180/mm3, il était franchement mécanique, l’autre 2000/mm3, il était à peine inflammatoire.

Les deux autres malades avaient un liquide articulaire contenant des éléments cellulaires, respectivement 7 900 et 5 000/mm3, franchement inflammatoire, mais pas de façon extraordinaire. Un liquide d’apparence mécanique n’élimine donc pas le diagnostic d’atteinte articulaire de la syphilis secondaire ;

– le deuxième et le troisième critères imposent la preuve du caractère récent et évolutif de la syphilis, une simple cicatrice sérologique excluant l’étiologie syphilitique d’une arthrite ;

– le quatrième est fondamental puisqu’il écarte tout autre diagnostic rhumatologique, nous avons souligné les nombreux diagnostics différentiels qui peuvent cependant être en cause ;

– le dernier, enfin, est d’un intérêt pratique fondamental : la disparition de l’arthrite grâce à la pénicilline semble signer en pratique sa nature infectieuse directe dont témoigne l’exceptionnelle mise en évidence d’éléments signant ou presque la présence du germe dans la synoviale des malades atteints.

Certes on pourrait discuter avec d’autres une arthrite réactionnelle à Treponema pallidum.

Cependant, ces éléments ressemblant étroitement au tréponème et retrouvés dans la synoviale articulaire ont très peu de chance de n’être que des éléments fragmentaires, témoins passifs venus là par dissémination hématogène à partir d’un foyer bactérien situé à distance comme dans les arthrites réactionnelles classiques.

On peut cependant écarter ici un artefact, ce qui est plus difficile dans certaines arthrites réactionnelles.

Il semble donc bien s’agir d’une arthrite infectieuse authentique, à rapprocher des autres atteintes cutanéomuqueuses et viscérales fourmillant elles aussi de tréponèmes.

Ce spirochète n’étant pas un pyogène, on comprend que le liquide synovial ne soit pas aussi riche en cellules que dans une arthrite septique classique à pyogène.

Enfin, resterait à expliquer l’extrême rareté de ces arthrites infectieuses directes à tréponèmes, peut-être à cause de l’existence d’un terrain génétique particulier et exceptionnel qui reste à découvrir.

C – Syphilis tertiaire et syphilis congénitale tardive :

Les manifestations ostéoarticulaires prennent leur place à côté des atteintes cardioaortiques, neurologiques et, à moindre degré, cutanéomuqueuses.

La syphilis tertiaire, à la recrudescence de laquelle il faut s’attendre compte tenu des données épidémiologiques de ces 25 dernières années, atteint les adultes, 15 ans environ après l’accident primaire négligé ou méconnu.

Dans la syphilis congénitale tardive, la négligence de la contamination foetomaternelle conduit à des manifestations viscérales entre les âges de 5 et 30 ans en moyenne.

Dans ces deux aspects tardifs de la maladie, le rôle de la prolifération du tréponème est en retrait par rapport aux réactions tissulaires qu’il a induites, même s’il est prouvé qu’il est encore présent dans l’organisme à ce stade.

Les lésions tissulaires des syphilis tardives sont pratiquement insensibles au traitement antibiotique spécifique.

1- Lésions osseuses :

Elles réalisent, à deux âges différents de la vie, des tableaux cliniques et radiologiques pratiquement identiques qui se caractérisent, contrairement aux aspects précédents, par des lésions focalisées, isolées et asymétriques.

La syphilis endémique rassemble ce type de lésions plus souvent que la syphilis vénérienne où elles sont devenues exceptionnelles.

Cependant, Delahaye et al les signalent dans près de 50 % des cas découverts par la radiographie systématique chez des sujets séropositifs, asymptomatiques par ailleurs.

Le tibia est l’os le plus souvent touché ainsi que le fémur et les os de l’avantbras.

La syphilis congénitale tardive intéresse plus spécialement, à côté des os longs, les os courts comme les phalanges ou peut-être même les vertèbres dont le tassement d’origine syphilitique est mis en cause mais pourrait alors se compliquer de syndrome de la « queue de cheval ».

Les os plats (crâne, os propres du nez) sont assez souvent intéressés, mais la mandibule l’est exceptionnellement.

Les douleurs ostéocopes de la syphilis tertiaire, quand elles existent, sont excruciantes, térébrantes ou constrictives et nocturnes, électivement aux tibias et au crâne.

Douloureuses ou pas, ces lésions osseuses ont une traduction radiologique.

Des déformations progressives avec épaississement osseux donnent au tibia l’aspect classique en « lame de sabre » à convexité antérieure, retrouvée aussi sur les os de l’avant-bras, l’extrémité interne de la clavicule ou la voûte du crâne où viennent saillir les bosses frontales et pariétales.

À la face, les déformations du nez liées à l’ostéite lui donnent un aspect en « lorgnette », en « pied de marmite » ou en « pied de canard ».

Les délabrements historiques ont disparu sous nos latitudes : la mutilation du massif facial, l’effondrement des os propres du nez et de la voûte palatine, la destruction des piliers du voile et la rhinopharyngite mutilante ne sont pratiquement plus jamais signalés dans la syphilis vénérienne, sauf exception et sont beaucoup plus rares dans la syphilis endémique que dans le pian.

Curieusement, la fracture spontanée des os atteints et la fistulisation à la peau d’une gomme osseuse sont très rares alors que les plus typiques des gommes du bejel sont les nodosités juxta-articulaires de Lutz et Janselme : ce sont des gommes des tissus mous de siège paraarticulaire et juxtaosseux.

Les formes condensantes sur les os longs ou le crâne réalisent une hyperostose corticale localisée ou pandiaphysaire.

L’épaississement homogène à contour mamelonné qui caractérise l’hyperostose sous-périostée, rétrécissant la plage médullaire, réalise au contraire chez l’enfant un aspect feuilleté en « pelure d’oignon ».

Cette hyperostose de l’enfant peut s’accompagner d’une accélération locale de la croissance et une déformation importante si l’os pathologique est couplé à un os sain (tibia en « lame de sabre » et péroné normal).

Enfin, une dédifférenciation corticale est possible dans la syphilis congénitale tardive.

Dans les formes localisées, la condensation de la plage osseuse atteint le plus souvent la région métaphysodiaphysaire externe et supérieure du tibia et peut gagner les deux tiers supérieurs de la diaphyse, en particulier dans les formes sérologiques pures.

Les formes ostéolytiques sont rares, traduisant une ostéite gommeuse siégeant électivement sur les os plats (crâne, face).

Elles réalisent l’image d’une ou plusieurs lacunes juxtaposées à contour net, souvent entourées d’un liseré de condensation, plus rarement soufflant la corticale adjacente.

Elle peuvent contenir un séquestre osseux.

Les formes mixtes condensantes et raréfiantes sont plus rares et associent de façon variable les aspects précédents.

2- Lésions articulaires non tabétiques :

En dehors des manifestations ostéoarticulaires du tabès, elles intéressent essentiellement les grosses articulations, les genoux principalement.

On dispose de peu d’observations révélant leurs caractéristiques, mais l’épanchement articulaire chronique est paucicellulaire ou discrètement inflammatoire, quelquefois associé alors à une élévation modérée de la VS, et il peut s’expliquer principalement par l’apparition de gommes synoviales.

3- Atteinte ostéoarticulaire tabétique :

Il s’agit de manifestations dues à l’atteinte neurologique syphilitique.

Les troubles sensitifs et trophiques rendent compte, comme dans le diabète, la lèpre, l’acropathie ulcéromutilante sporadique ou familiale et la syringomyélie, de la dislocation ostéoarticulaire silencieuse et non douloureuse.

Les arthropathies se constituent en quelques jours ou quelques heures, sans douleur ni fièvre, principalement aux membres inférieurs et sur les grosses articulations qui sont tuméfiées, blafardes ou d’allure pseudo-inflammatoire, lisses et luisantes.

Les mouvements sont d’amplitude normale ou exagérée, conduisant rapidement à la dislocation articulaire longtemps méconnue du fait de l’analgésie et conduisant à un état grabataire.

Des maux perforants aux points d’appui sur les pieds accompagnent ces arthropathies.

L’atteinte articulaire de ces arthropathies nerveuses syphilitiques peut même s’accompagner d’une chondrocalcinose articulaire.

Enfin, des fractures spontanées sont fréquentes, caractérisées par leur indolence presque totale et les attitudes vicieuses liées à une consolidation lente et incorrecte.

Pian :

Cette tréponématose due à Treponema pertenue est endémique dans toutes les régions intertropicales chaudes et humides.

Elle est un véritable fléau social dans les pays pauvres où les carences alimentaires sont importantes et où l’hygiène est inexistante.

Sa transmission n’est pas vénérienne, elle est essentiellement directe, interhumaine, par contact avec des plaies pianiques.

L’infection évolue en trois phases, tout comme la syphilis avec laquelle les réactions sérologiques classiques sont croisées.

C’est l’atteinte cutanéomuqueuse qui caractérise essentiellement les phases primaires et secondaires.

L’atteinte osseuse est grave et s’observe surtout en phase tertiaire, atteignant particulièrement les sujets débilités et carencés.

Cependant, les localisations osseuses de la maladie peuvent se voir dans le pian récent correspondant aux phases primaires et secondaires, c’est-à-dire avant 5 ans d’évolution.

Elles sont nettement plus fréquentes dans le pian tardif évoluant depuis plus de 5 ans.

A – Pian récent :

Les lésions osseuses qui lui sont dues intéressent principalement l’enfant et réalisent trois aspects clinicoradiologiques particuliers.

Elles s’associent aux lésions cutanées des accidents secondaires du pian, apparaissant 6 à 8 semaines après la phase primaire, sous forme de pianides et de pianomes.

1- Ostéopériostite de la face :

C’est la plus spectaculaire.

Elle atteint de façon élective et symétrique le maxillaire supérieur, au niveau de ses apophyses ascendantes, sous forme d’une tuméfaction indurée facile à déceler cliniquement.

La présence d’une réaction d’ostéogenèse périostée lamellaire sur les radiographies rend compte de l’élargissement osseux observé.

2- Ostéopériostite des os longs :

Dans l’évolution de l’infestation, elle correspond en général à la période des éruptions cutanées observées à la phase secondaire.

Cliniquement, elle est dominée par des douleurs osseuses excruciantes à recrudescence nocturne qui atteignent surtout les os de l’avant-bras et des jambes, mais aussi assez fréquemment les petits os des mains (phalanges et métacarpiens).

À l’examen, on ne perçoit en général pas de tuméfaction particulière, mais une sensibilité osseuse douloureuse anormale.

Sur les clichés radiographiques, l’ostéopériostite a une étendue pandiaphysaire.

Les appositions périostées sont stratifiées, lamellaires ou au contraire mamelonnées, conduisant à un épaississement cortical important et diffus.

De manière très évocatrice, est associée une déminéralisation diffuse de l’os cortical des diaphyses à cet aspect d’apposition périostée.

Ailleurs, cette déminéralisation est plurifocale ou même de siège localisé ou isolé, expliquant alors les images lacunaires à contours nets bien dessinés, sans ostéocondensation périphérique ni séquestre intracavitaire.

Cet aspect réalise sur les mains l’aspect classique de spina ventosa pianique qui respecte pratiquement toujours les phalanges distales, donnant ainsi une déformation des doigts en « navet », aspect d’ailleurs également décrit au cours des drépanocytoses.

Un aspect particulier aux paumes des mains et aux plantes des pieds associe à ces lésions osseuses sousjacentes des pianomes qui brisent la couche cornée, cisaillent la base, qui devient ainsi douloureuse aux deux lèvres de l’ulcération : c’est le « pian crabe » douloureux, en particulier chez les enfants marchant pieds nus.

3- Anomalies du tibia :

Elles ont des caractéristiques identiques à celles des syphilis vénérienne et endémique.

Elles définissent les aspects en « lame de sabre » des auteurs francophones ou en boomerang des anglophones.

Les douleurs chroniques s’associent aux déformations liées à l’accélération de la croissance osseuse qui se traduit par l’incurvation diaphysaire à convexité antérieure.

Radiologiquement, l’hyperostose est importante, de siège sous-périosté en endostal.

B – Pian tardif :

Les lésions du pian tardif, en particulier osseuses, ne s’observent qu’après l’âge de 10 ans et chez l’adulte.

Elles sont particulièrement douloureuses, invalidantes, atteignant les os longs des membres et les os de la face.

Elles sont contemporaines des ulcères pianiques qui définissent cliniquement le pian tardif.

1- Atteinte de la face :

C’est la localisation au nez du tréponème qui domine, avec destruction de la cloison nasale et des os propres du nez.

On lui donne le nom africain de goundou.

Elle se caractérise avant la destruction par une hypertrophie de ces os propres du nez et par des tumeurs paranasales qui sont quelquefois si développées qu’elles peuvent gêner la vue.

Pour certains auteurs, cette atteinte ne serait pas spécifique des seules tréponématoses mais serait la traduction de toute infection chronique des cavités nasales.

L’atteinte du palais, presque aussi fréquente, surtout dans sa partie postérieure, provoque une mutilation rhinopharyngée majeure, appelée gangosa, rapidement responsable de troubles importants de la déglutition et de la nutrition.

Ces lésions délabrantes évoluent vers la destruction locorégionale.

2- Ostéopériostite des os longs :

Les lésions osseuses observées sont essentiellement déminéralisantes et raréfiantes.

Elles intéressent principalement les corticales diaphysaires des os longs.

Les lacunes observées sur les clichés radiographiques sont ici à contours flous, mal délimités, irréguliers et peuvent renfermer des séquestres.

Elles s’entourent quelquefois d’une large condensation hétérogène de la région lacunaire, conférant aux diaphyses intéressées un aspect mité et macrolacunaire.

Les régions articulaires voisines peuvent être ellesmêmes intéressées par le processus et par les modifications statiques qui l’engendrent, en particulier aux membres inférieurs.

Ces anomalies se compliquent fréquemment de fractures pathologiques.

Ces foyers multiples diaphysaires d’ostéite pianique sont en réalité des gommes intraosseuses dont la caractéristique est de pouvoir s’ouvrir dans les parties molles et de se fistuliser à la peau, provoquant la formation d’ulcères pianiques.

L’évolution chronique et lente de ces anomalies explique les processus de reconstruction secondaire à type d’appositions périostées lamellaires largement étendues, en particulier sur le tibia et le péroné, qui sont ainsi nettement épaissies par cette périostite hypertrophique.

Cependant, contrairement à ce que l’on observe dans le pian récent, les lésions sont plus limitées, paucifocales.

Elles sont même volontiers mono-osseuses aux petits os des mains et des pieds où est réalisée une monodactylite très caractéristique, déformant largement les doigts qui subissent des phénomènes d’angulation et de raccourcissement très différents de ceux que l’on observe dans les monodactylites des « orteils en saucisse » des spondylarthropathies et exceptionnellement de la sarcoïdose.

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