Ataxies et paraplégies spastiques héréditaires

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Ataxies et paraplégies spastiques héréditaires
Introduction :

Au cours de la dernière décennie, de considérables progrès liés à l’essor des techniques de génétique moléculaire sont intervenus dans le domaine des ataxies et paraplégies génétiquement déterminées, rendant obsolète l’ancien terme d’« hérédodégénérescences cérébelleuses et spinocérébelleuses » par lequel elles étaient désignées.

La classification actuelle de ces maladies fait donc intervenir les éléments suivants :

– en premier lieu la caractéristique clinique dominante, ataxie ou paraplégie spastique ;

– en deuxième lieu, le type d’hérédité (autosomique dominante ou récessive, ou bien liée au chromosome X) ;

– enfin, la présence de signes d’accompagnement (tels qu’une atteinte oculomotrice, un syndrome extrapyramidal, une atteinte des fonctions supérieures…).

L’identification de nombreux gènes responsables d’ataxies ou de paraplégies génétiquement déterminées a par ailleurs souligné une caractéristique importante de ces affections, appelée hétérogénéité génétique : des mutations dans différents gènes peuvent être responsables de phénotypes identiques aux plans cliniques et radiologiques.

L’exemple le plus frappant de cette hétérogénéité génétique est donné par les ataxies cérébelleuses autosomiques dominantes, pour lesquelles une vingtaine de loci ont été caractérisés, et neuf gènes identifiés à ce jour.

L’association à des signes d’accompagnement particuliers peut cependant orienter le diagnostic, comme cela sera développé plus bas.

Ataxies héréditaires :

A – ATAXIES AUTOSOMIQUES RÉCESSIVES :

Les différents types d’ataxies autosomiques récessives ont pour caractéristiques communes un début généralement précoce (dans les deux premières décennies), et l’atteinte d’une seule génération (parents indemnes, un ou plusieurs enfant atteints, le risque de transmission étant de un quart pour chaque grossesse).

La consanguinité augmente le risque de ces affections, comme pour toutes les maladies génétiques autosomiques récessives.

1- Maladie de Friedreich :

C’est la plus fréquente des ataxies héréditaires (prévalence de 1/50 000 environ).

Le début se fait généralement entre 6 et 16 ans, mais peut être plus précoce ou plus tardif.

Il se caractérise avant tout par des troubles de l’équilibre et de la marche, rendant la course impossible puis la marche difficile. L’existence de pieds creux et d’une scoliose est parfois notée dès le stade de début.

Une atteinte cardiaque peut être révélatrice.

* Signes cliniques principaux :

– Signes neurologiques.

La maladie de Friedreich réalise un tableau clinique très particulier, lié à l’atteinte conjointe radiculocordonale postérieure, cérébelleuse et pyramidale.

Les troubles de la statique et de la marche sont au premier plan.

Ils sont dus à une atteinte conjointe cordonale postérieure et cérébelleuse.

La station debout est instable, avec une danse des tendons au niveau du cou-de-pied.

La marche est lente, ataxique, avec élargissement du polygone de sustentation et embardées latérales.

L’atteinte cordonale postérieure entraîne un talonnement à la marche et un signe de Romberg à l’occlusion des yeux. Le syndrome cérébelleux cinétique est responsable d’une incoordination motrice, avec dysmétrie, asynergie et adiadococinésie.

L’atteinte cordonale postérieure aggrave l’incoordination lors de l’occlusion des yeux.

Il existe une dysarthrie dans presque tous les cas.

La parole est lente, maladroite, avec parfois des éclats de voix explosifs en fin de phrase.

Elle devient difficilement compréhensible.

La dysarthrie de la maladie de Friedreich ne peut s’expliquer par la seule atteinte cérébelleuse et une atteinte conjointe motrice (parétique) ou sensitive (afférences sensitives profondes des nerfs sensitifs du tronc cérébral) a été suggérée.

La force musculaire segmentaire est longtemps conservée, mais un déficit moteur s’observe dans les formes évoluées.

Il prédomine au niveau des membres inférieurs et sur les muscles raccourcisseurs.

Les réflexes ostéotendineux (ROT) sont abolis dans la grande majorité des cas.

Avant le diagnostic moléculaire de la maladie de Friedreich, l’abolition des réflexes constituait même un critère diagnostique indispensable, mais il est maintenant avéré que les ROT peuvent persister chez des patients atteints de maladie de Friedreich prouvée par analyse moléculaire.

C’est notamment le cas des formes à début plus tardif (après l’âge de 20 ans).

Le réflexe cutané plantaire est en extension dans la plupart des cas.

C’est habituellement la seule manifestation du syndrome pyramidal dont les autres éléments sont masqués par l’atteinte cordonale postérieure.

Une spasticité transitoire est possible, mais elle s’estompe généralement au cours de l’évolution. Les troubles sensitifs sont dominés par l’atteinte de la sensibilité profonde.

Celle-ci prédomine aux membres inférieurs et en distalité.

Il existe généralement un trouble de la pallesthésie et du sens de position des orteils.

Un déficit de la sensibilité tactile discriminative est au second plan.

Une atteinte des nerfs crâniens est possible, avec notamment la survenue relativement fréquente d’une atrophie optique (estimée à 25 % des cas).

Elle se manifeste par une diminution plus ou moins marquée de l’acuité visuelle associée à un rétrécissement concentrique du champ visuel. Une atteinte auditive est beaucoup plus rare.

– Signes dysmorphiques. Des pieds creux sont observés dans 50 à 80 % des cas.

Il s’agit d’un pied creux varus équin avec tassement antéropostérieur.

La première phalange est en hyperextension, avec saillie des tendons extenseurs sous la peau, les autres phalanges étant en hyperflexion.

La déformation est longtemps réductible, s’atténuant considérablement si l’on appuie sur le talon antérieur du pied. Une main bote est bien moins fréquente.

La cyphoscoliose s’observe dans 60 à 80 % des cas. Elle est plus fréquente lorsque la maladie débute plus précocement, s’accentuant souvent rapidement pendant les périodes de croissance.

Elle débute par une scoliose dorsale, puis s’installe une cyphose qui entraîne une déformation thoracique, et parfois une gêne respiratoire.

– Signes cardiaques.

L’atteinte cardiaque est extrêmement fréquente dans la maladie de Friedreich, et constitue l’un des facteurs pronostiques de la maladie.

Il s’agit d’une cardiomyopathie hypertrophique, habituellement concentrique, évoluant secondairement vers l’insuffisance cardiaque. Des troubles du rythme associés sont possibles.

Environ 30 % des patients présentent des signes cliniques cardiologiques, et 80 à 90 % des anomalies échocardiographiques ou électrocardiographiques.

– Troubles endocriniens.

Un diabète sucré de gravité variable se rencontre chez 10 à 20 % des patients.

Il peut s’agir d’une simple intolérance au glucose ou au contraire d’un diabète insulinodépendant, et dans ce cas, il constitue une cause majeure de morbidité et de mortalité dans la maladie de Friedreich.

– Explorations complémentaires. Les explorations biologiques sont normales, notamment le dosage de vitamine E qu’il convient de réaliser afin d’éliminer un déficit d’origine génétique, qui peut donner un tableau clinique similaire.

Les autres explorations complémentaires sont de peu d’intérêt, hormis les radiographies du rachis qui permettent de quantifier la scoliose et d’envisager, le cas échéant, un traitement orthopédique adapté.

S’il est réalisé, un électromyogramme (EMG) montre un effondrement des potentiels sensitifs, reflétant l’atteinte ganglionnaire postérieure.

* Anatomie pathologique :

Les descriptions classiques de la maladie de Friedreich rapportent une atteinte conjointe touchant plusieurs systèmes médullaires :

– dégénérescence des cordons postérieurs, constante, avec atrophie des racines postérieures, et parfois atrophie des ganglions postérieurs et raréfaction neuronale ;

– dégénérescence des faisceaux spinocérébelleux dorsaux ;

– démyélinisation des faisceaux pyramidaux.

En outre, il peut s’y associer une atteinte des cornes antérieures de la moelle avec raréfaction des motoneurones, ainsi qu’une atrophie cérébelleuse à prédominance vermienne, avec raréfaction des cellules de Purkinje.

* Génétique moléculaire :

La maladie de Friedreich est causée par des mutations sur les deux allèles du gène de la frataxine, localisé sur le chromosome 9q13.

Dans la grande majorité des cas (94 %), la mutation responsable de la maladie est une expansion instable d’un trinucléotide GAA situé dans le premier intron du gène. Les sujets atteints présentent une expansion allant de 66 à 1 700 triplets, tandis que la taille de la région répétée dans le gène normal est de 7 à 28 triplets.

Les patients portant les expansions de taille élevée ont en moyenne un âge de début plus précoce et un phénotype plus sévère (avec diabète et cardiomyopathie).

Dans une minorité de cas (6 %), les patients sont porteurs d’une mutation ponctuelle du gène sur un de leurs chromosomes et d’une expansion sur l’autre.

La présence d’une expansion dans le premier intron est responsable d’une diminution de l’expression du gène.

La frataxine est une protéine mitochondriale codée par le génome nucléaire.

Elle semble impliquée dans le métabolisme du fer à l’intérieur de la mitochondrie.

Une diminution de son expression entraînerait donc une accumulation de fer dans la mitochondrie, responsable d’un stress oxydatif via une production accrue de radicaux libres.

Cette accumulation de fer a été démontrée chez l’homme comme dans les modèles animaux de la maladie.

Par ailleurs, il a été décrit comme conséquence de la déficience en frataxine une perte d’activité de diverses protéines fer-soufre, qui pourrait également intervenir dans la pathogénie de la maladie.

* Formes cliniques particulières de la maladie de Friedreich :

L’identification du gène responsable de la maladie de Friedreich a permis d’élargir le phénotype de cette affection, montrant l’existence de variations sensibles par rapport à la forme classique (décrite cidessus).

On a notamment identifié :

– les maladies de Friedreich à début tardif (patients de plus de 20 ans), dont l’évolution est plus bénigne et qui présentent une moindre atteinte dysmorphique.

Dans ce cas, les expansions de triplets GAA sont plus courtes, allant de 120 à 156 ;

– les formes de maladie de Friedreich à réflexes conservés (expansions de taille similaire à celles des formes classiques) ;

– une forme acadienne (en Louisiane, États-Unis), présentant un phénotype moins sévère, avec atteinte périphérique plus lente, incidence de la cardiomyopathie plus faible et espérance de vie prolongée.

* Pronostic :

Dans les formes classiques de maladie de Friedreich, le début des signes cliniques survient avant l’âge de 20 ans, et le délai médian de perte de la marche (confinement au fauteuil roulant) est de 11 ans.

Les données concernant la survie des patients sont rares ; une étude italienne a trouvé une survie à 30 ans (du début des signes cliniques) de 61 %, tandis qu’une autre étude allemande plus récente observait une survie supérieure à 34 ans pour 75 % des patients.

Cela signifie qu’en règle générale, les patients vont passer plus de 20 ans de leur vie sévèrement handicapés et confinés au fauteuil roulant.

L’atteinte cardiaque et le diabète peuvent bien sûr être responsables d’un pronostic plus péjoratif dans certains cas.

* Traitement :

Il a été récemment montré l’efficacité probable d’un analogue à chaîne courte de la coenzyme Q10, l’idébénone (Mnesist) sur la myocardiopathie hypertrophique de la maladie de Friedreich, à la dose de 5 à 10 mg kg–1 j–1..

Ces résultats s’appuient sur des données expérimentales montrant l’effet protecteur de ce produit sur la dysfonction mitochondriale induite par une surcharge en fer.

L’effet potentiel de ce traitement sur l’atteinte neurologique de la maladie de Friedreich reste à évaluer, et des études contrôlées randomisées sont en cours pour confirmer l’effet bénéfique sur l’atteinte cardiaque.

2- Autres ataxies récessives apparentées à la maladie de Friedreich :

* Maladie de Friedreich non liée au gène de la frataxine :

Rarement, la maladie de Friedreich n’est pas due à des mutations du gène de la frataxine, les études de liaison génétique effectuées excluant le locus 9q13 classique.

Quelques familles ont été décrites, et dans l’une d’elles, une liaison génétique a été trouvée avec des marqueurs du bras court du chromosome 9 (9p23-p11).

Le gène responsable n’a pas encore été identifié.

* Ataxie avec déficit isolé en vitamine E :

Il s’agit d’une affection rare, due à un trouble du métabolisme de la vitamine E d’origine génétique.

Le phénotype clinique est très similaire à celui de la maladie de Friedreich, de même que l’âge de début (4 à 18 ans).

Une caractéristique clinique particulière est la survenue régulière d’une rétinopathie pigmentaire, rare dans la maladie de Friedreich.

Une cardiomyopathie peut se rencontrer. Cette affection est due à des mutations du gène de la protéine de transfert du tocophérol (PTT), localisé sur le chromosome 8q13.

Il s’agit de mutations ponctuelles du gène, résultant en un décalage de la phase de lecture (avec arrêt prématuré de la traduction) le plus souvent.

La PTT a pour fonction l’incorporation hépatique de l’a-tocophérol dans les lipoprotéines, et sa déficience conduit à un défaut d’apport de vitamine E dans le système nerveux central.

Une carence en vitamine E (aux fonctions antioxydantes) d’origine non génétique mais par malabsorption peut produire les mêmes effets délétères sur le système nerveux central.

Dans les deux cas, un traitement de substitution par vitamine E est efficace sur les troubles neurologiques, avec stabilisation, voire régression des symptômes.

Cela explique qu’une carence en vitamine E soit systématiquement recherchée (par dosage plasmatique de l’atocophérol) chez les patients présentant un tableau clinique évocateur de maladie de Friedreich, mais sans mutations dans le gène de la frataxine.

3- Ataxie-télangiectasie et maladies apparentées :

* Ataxie-télangiectasie :

C’est une maladie caractérisée par la survenue d’une ataxie précoce d’aggravation progressive et de télangiectasies oculocutanées (notamment conjonctivales), chez le jeune enfant (entre 3 et 5 ans en général).

Une apraxie oculomotrice (difficulté à initier les mouvements oculaires volontaires, par opposition aux mouvements de poursuite qui sont bien réalisés.

Souvent, les patients clignent des yeux pour compenser ce déficit).

Secondairement s’associent d’autres troubles neurologiques, tels que des mouvements anormaux choréoathétosiques, une dystonie (très fréquents), une dysarthrie, une atteinte de la sensibilité profonde associée à une diminution des réflexes ostéotendineux.

À ces manifestations neurocutanées se surajoutent une prédisposition aux infections respiratoires liée à des désordres immunitaires (hypoplasie thymique, lymphopénie, hypogammaglobulinémie…) ainsi qu’un risque élevé de leucémie, lymphome ou cancer solide.

Sur le plan biologique, il est rapporté da façon très fréquente une augmentation de l’a-foetoprotéine dans le plasma des malades (non spécifique).

La fréquence des naissances d’enfants atteints a été estimée entre 1/80 000 et 1/300 000 dans les pays anglo-saxons ; elle est inconnue en France.

Dans la grande majorité des cas, les patients présentant un phénotype classique et complet sont porteurs d’une mutation du gène ATM (pour Ataxia Telangiectasia Mutated) sur le chromosome 11q22-23 (mutations ponctuelles, insertions ou délétions de quelques acides nucléiques).

La protéine ATM est une protéine kinase (protéine phosphorylant d’autres protéines), de localisation nucléaire.

Elle fait partie des protéines de la famille de la phosphatidylinositol-3 kinase, qui répondent aux dommages de l’acide désoxyribonucléique (ADN) par une phosphorylation de substrats impliqués dans la réparation de l’ADN et le contrôle du cycle cellulaire.

On a montré qu’ATM est notamment capable d’activer par phosphorylation les produits de gènes suppresseurs de tumeur (tels que P53), ainsi que des complexes protéiques de réparation de l’ADN double brin.

Ces effets pléiotropes de la protéine ATM permettent de rendre compte de l’atteinte plurisystémique observée chez les malades.

Des données expérimentales suggèrent que les mutations du gène ATM ont également pour conséquence une incapacité de la cellule à répondre de façon appropriée à un stress oxydatif, avec hypersensibilité aux radicaux libres, ce qui pourrait expliquer le type d’atteinte neurologique rencontrée dans l’ataxie-télangiectasie (mécanismes apparentés à ceux de la carence en vitamine E et de la maladie de Friedreich).

* Autres maladies liées à un désordre de la réparation de l’ADN :

Le syndrome de Cockayne et le xeroderma pigmentosum sont deux affections génétiquement hétérogènes, dues à des mutations dans différents gènes de réparation de l’ADN, notamment les gènes ERCC2 à ERCC6 (pour Excision-Repair Cross Complementing).

Il s’agit d’associations syndromiques, le xeroderma pigmentosum se manifestant par une photosensibilité majeure, des cancers cutanés précoces et une atteinte neurologique avec ataxie progressive, détérioration cognitive, mouvements anormaux et surdité.

Le syndrome de Cockayne comprend, quant à lui, une hypersensibilité cutanée nettement moins importante que dans le xeroderma pigmentosum, un nanisme, une dysmorphie (longs membres, grands pieds et grandes mains, contractures en flexion), un vieillissement prématuré, une rétinopathie pigmentaire et, sur le plan neurologique, un retard mental associé à une ataxie progressive.

Il est donc bien évident que l’ataxie n’est pas au premier plan dans ces deux affections.

* Ataxies de phénotype proche de l’ataxie-télangiectasie :

Il a été décrit récemment, outre des cas rares d’ataxie-télangiectasie non liés à des mutations du gène ATM, deux affections neurologiques proches mais dépourvues des anomalies immunitaires et de la susceptibilité aux tumeurs observées dans l’ataxie-télangiectasie.

Il s’agit des ataxies avec apraxie oculomotrice, de type 1 et 2.

L’ataxie avec apraxie oculomotrice de type 1 se manifeste par une ataxie cérébelleuse de début précoce (entre 3 et 12 ans), une apraxie oculomotrice qui paraît constante, un syndrome choréoathétosique, une neuropathie périphérique sensitivomotrice, une atteinte cognitive.

Sur le plan biologique, une hypoalbuminémie a été mise en évidence chez des patients présentant une longue durée d’évolution de la maladie.

Il n’y a pas de données sur la fréquence de cette affection en France, mais au Portugal, elle représente 21 % des cas d’ataxie héréditaire autosomique récessive, contre 38 % pour la maladie de Friedreich.

Le gène responsable de cette ataxie a été identifié : il est situé en 9p13 et code pour une protéine nommée aprataxine, qui appartient à la superfamille des protéines « à triade histidine ».

Il s’agit d’un nucléotide hydrolase, qui a pour substrat les nucléotides polyphosphates.

L’ataxie avec apraxie oculomotrice de type 2 semble beaucoup plus rare que le type 1.

Cette affection porte mal son nom, car seule une des deux familles décrites présente une apraxie oculomotrice.

L’âge de début paraît plus tardif (entre 11 et 22 ans), et le phénotype moins sévère.

Des mouvements choréoathétosiques et des postures dystoniques, tous deux d’intensité modérée, ont été rapportés, de même qu’une abolition des réflexes ostéotendineux en rapport avec une neuropathie sensitive (abolition des potentiels sensitifs à l’EMG).

Des télangiectasies conjonctivales ont été observées dans une famille.

Une liaison génétique a été trouvée avec un locus en 9q34, dans les deux familles identifiées à ce jour.

4- Autres ataxies récessives :

Diverses maladies héréditaires dégénératives peuvent se manifester par un syndrome ataxique accompagné de divers autres signes neurologiques ou extraneurologiques.

La présence de l’ataxie signe seulement une atteinte dégénérative prédominant sur les cordons postérieurs, les faisceaux spinocérébelleux et/ou le cervelet, tandis que d’autres maladies touchant préférentiellement les faisceaux corticospinaux donneront des paraplégies spastiques, avec un syndrome pyramidal au premier plan.

Il faut cependant mentionner l’existence d’une affection particulière, qui se situe précisément à la jonction entre les ataxies et les paraplégies spastiques : l’ataxie spastique de Charlevoix-Saguenay.

Cette maladie autosomique récessive est particulièrement fréquente au Québec, dans la région de Charlevoix-Saguenay-Lac Saint-Jean, du fait de l’existence d’un coefficient de consanguinité élevé dans cette zone (fréquence de l’ataxie : environ 1/2 000 naissances).

Des familles atteintes ont été rapportées plus récemment en Tunisie et en Turquie (parents consanguins dans les deux cas).

Sur le plan clinique, on observe l’association d’une ataxie très lentement progressive et d’une spasticité marquée des membres inférieurs, expliquant que cette maladie soit parfois classée dans les paraplégies spastiques compliquées.

Il est difficile de préciser l’âge de début exact, du fait du caractère très progressif des troubles, mais il semble que la grande majorité des patients n’ait jamais marché normalement.

Les autres signes cliniques associés sont une dysarthrie, une amyotrophie distale, et une striation rétinienne au fond d’oeil.

Le gène responsable (nommé SACS, pour Spastic Ataxia of Charlevoix-Saguenay) est situé en 13q11 et code pour une protéine appelée sacsine.

La sacsine est une protéine de très grande taille (près de 4 000 acides aminés), rendant la détection de mutations ponctuelles difficile.

Cependant, du fait de l’existence d’un effet fondateur au Québec, deux mutations ponctuelles représentent à elles seules près de 100 % des mutations québécoises, et sont donc plus aisées à détecter.

Il n’a pas été rapporté pour l’instant de mutations de ce gène dans les familles identifiées dans le reste du monde.

Parmi les autres ataxies autosomiques récessives, on a identifié, sur des bases purement cliniques, le syndrome de Behr (atrophie optique et ataxie), le syndrome de Marinesco-Sjögren (cataracte congénitale, syndrome dysmorphique, ataxie, atteinte cognitive), l’ataxie cérébelleuse avec hypogonadisme, l’ataxie cordonale postérieure avec rétinopathie pigmentaire…

Aucun de ces syndromes n’a pour l’instant été caractérisé sur le plan génétique (études de liaison et a fortiori identification des gènes responsables).

Enfin, nous ne traiterons pas des épilepsies myocloniques progressives, de type baltique (Unverricht-Lundborg), méditerranéen, ou de type Lafora.

Ces affections autosomiques récessives comportent une ataxie cérébelleuse progressive, mais celle-ci est au deuxième plan dans le tableau clinique, et n’est pas présente au début de la maladie.

Les gènes responsables de ces maladies ont été identifiés.

B – ATAXIES AUTOSOMIQUES DOMINANTES :

Les ataxies autosomiques dominantes ont été individualisées nettement plus tard que la maladie de Friedreich, archétype de l’ataxie autosomique récessive.

La principale raison en est probablement l’importante hétérogénéité clinique que l’on peut observer d’une famille à l’autre, et parfois à l’intérieur d’une même famille (donc chez des sujets porteurs de la même mutation génique).

Sur des bases purement cliniques, les ataxies autosomiques dominantes ont été classées en trois groupes (ataxies cérébelleuses autosomiques dominantes de type I, II ou III) par A. Harding il y a environ 20 ans.

Elles ont un début en général plus tardif (après l’âge de 20 ans) que les ataxies autosomiques récessives. Le type I est caractérisé par une ataxie cérébelleuse accompagnée de signes neurologiques variés (signes pyramidaux ou extrapyramidaux, troubles oculomoteurs, atteinte des nerfs crâniens, neuropathie périphérique et/ou syndrome démentiel).

C’est de loin le type le plus fréquent dans les pays occidentaux (plus de 80 % des ataxies cérébelleuses autosomiques dominantes).

Le type II adjoint une rétinopathie pigmentaire au tableau clinique précédent.

Le type III correspond à une ataxie cérébelleuse « pure » (sans troubles oculomoteurs, syndrome extrapyramidal ou démence), de début plus tardif en général que le type I.

Il existe une assez bonne corrélation radioclinique entre les anomalies observées à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale et le type d’ataxie : les patients atteints des types I et II présentent en général à l’IRM cérébrale une atrophie olivo-ponto-cérébelleuse (correspondant à l’atrophie olivo-ponto-cérébelleuse héréditaire de Menzel, autrefois décrite par les neuropathologistes), tandis que les patients présentant le type III ont plus souvent une atrophie cérébelleuse isolée (correspondant en neuropathologie à l’atrophie cérébelloolivaire de Holmes, ou atrophie cérébelleuse corticale familiale).

Cette classification clinique est encore utilisée pour décrire la symptomatologie des patients, mais elle est maintenant remplacée par une classification génotypique des ataxies autosomiques dominantes, avec l’utilisation d’une numérotation chronologique à mesure que les loci génétiques de chacune d’entre elles sont identifiés.

Les groupes génétiquement homogènes portent donc les noms de SCA1 (pour Spino-Cerebellar Ataxia 1), SCA2, … à SCA25 la plus récemment identifiée (mars 2003).

Cette numérotation est attribuée par l’Organisation du génome humain (Human Genome Organization, HUGO), souvent avant publication de les données des différentes équipes, ce qui explique que certains numéros sont attribués sans mention pour l’instant d’une localisation chromosomique.

Les sujets atteints d’ataxies cérébelleuses autosomiques dominantes ont en commun, par définition, de ne porter qu’un seul allèle muté sur les deux exemplaires du gène en cause dans leur maladie.

De ce fait, l’anomalie génétique en cause n’est habituellement pas une perte de fonction (comme on peut le voir dans les ataxies récessives où les deux allèles du gène sont mutés) mais un « gain de fonction » pour la protéine codée par le gène muté.

Ce « gain de fonction » est très souvent dû à un type de mutation particulier, l’amplification de courtes séquences nucléotidiques (triplets le plus souvent), résultant en une adjonction d’acides aminés dans la protéine mutée.

Par souci d’homogénéité, la mutation en cause dans chaque groupe génétique sera mentionnée avant la symptomatologie qui en résulte.

Seules les ataxies autosomiques dominantes pour lesquelles le gène muté a été identifié seront décrites en détail.

Les fréquences des différentes ataxies autosomiques dominantes sont tirées de la base de données OMIMTM (Online Mendelian Inheritance in Man ; http://www.ncbi.nlm.nih.gov/omim/).

1- SCA1 :

Le gène responsable, situé en 6p23, code pour une protéine appelée ataxine-1.

La mutation en cause est une amplification de triplets CAG dans la séquence codante du gène.

Cette amplification entraîne donc l’adjonction d’une série de glutamines (acide aminé codé par la séquence CAG) dans la séquence de la protéine. Le gène non muté présente 6 à 38 répétitions CAG, le gène muté 40 à 81.

En outre, on a mis en évidence chez les sujets indemnes présentant une amplification d’au moins 21 triplets la présence d’un à trois triplets CAT venant interrompre les triplets CAG, tandis que chez les personnes atteintes, l’amplification CAG n’est pas interrompue par des triplets CAT. Ces interruptions CAT ont donc probablement pour effet de stabiliser la région répétée.

La fonction de l’ataxine-1 n’est pas réellement connue, mais on sait que sa localisation est nucléaire, sauf dans les cellules de Purkinje où on la trouve dans le cytoplasme.

Lorsqu’une amplification de triplets est présente, on a observé la formation d’inclusions intranucléaires, contenant la protéine, qui pourraient avoir un effet cytotoxique.

Des transglutaminases (enzymes « pontant » des protéines entre elles par l’intermédiaire de deux glutamines) seraient impliquées dans la genèse de ces inclusions, leur action étant favorisée par une configuration (et/ou une localisation subcellulaire) anormale de la protéine mutée.

Cette hypothèse ouvre des perspectives thérapeutiques nouvelles via l’inhibition de l’action des transglutaminases.

Chez les sujets atteints, on observe un tableau clinique de type I, sans atteinte extrapyramidale ni démence habituellement ; le début se fait généralement dans la troisième ou la quatrième décennie.

Cependant, comme c’est généralement le cas des mutations par amplification de triplets dans la séquence codante, il existe une corrélation négative entre la taille de l’amplification et l’âge de début : une amplification de plus grande taille induit une dysfonction plus importante de l’ataxine-1 et donc un âge de début plus précoce.

Or, quand c’est le père qui transmet une mutation de ce gène à l’un de ses enfants, l’amplification de triplets est souvent de plus grande taille chez l’enfant que chez le père.

Lors des transmissions paternelles, on observe donc un âge de début des troubles en moyenne plus précoce chez les enfants que chez les pères.

Ce phénomène porte le nom d’anticipation génétique.

L’allongement de la région amplifiée a lieu lors de la gamétogenèse, comme cela a été montré par l’étude de la taille des amplifications de triplets CAG dans le sperme d’hommes atteints.

Une femme atteinte, en revanche, transmettra à ses enfants une amplification de taille similaire à celle qu’elle porte, voire plus courte.

Même si elle a été la première forme génétiquement identifiée, la fréquence de SCA1 parmi les ataxies cérébelleuses autosomiques dominantes de type I dans les pays occidentaux est généralement plus faible que celle de SCA2 ET SCA3, comprise entre 3 et 15 % (à noter une fréquence beaucoup plus élevée, à 41 %, en Italie).

2- SCA2 :

Elle est due à des mutations dans le gène de l’ataxine-2, situé en 12q24.

La mutation responsable est ici également une amplification de triplets CAG dans la phase codante du gène, avec un nombre de triplets compris entre 14 et 31 dans le gène normal, 34 et 59 dans le gène muté.

Le gène normal contient, là aussi, un à trois triplets « non CAG » (ici CAA, qui code également pour une glutamine), non présents dans le gène muté qui voit ainsi son instabilité majorée.

Il existe également :

– une corrélation inverse entre le nombre de triplets et l’âge de début ;

– une expansion de la taille des répétitions lors de la transmission paternelle.

La fonction et la localisation de l’ataxine-2 normale sont inconnues ; la protéine mutée forme des agrégats intracytoplasmiques.

Le tableau clinique est celui d’une ataxie de type I, avec une symptomatologie très proche de SCA1.

Avant l’identification du locus de SCA2 en 1993, elle avait d’ailleurs été décrite comme une phénocopie de SCA1 (même phénotype mais sans mutation dans le gène de l’ataxine-1), dans une grande famille cubaine.

Dans les pays occidentaux, la fréquence de SCA2 parmi les ataxies cérébelleuses autosomiques dominantes de type I est comprise entre 10 et 30 %.

3- SCA3 (maladie de Machado-Joseph) :

Elle est due à des mutations dans le gène de l’ataxine-3, situé en 14q24.3-q31.

Les malades sont porteurs d’une amplification de triplets CAG dans la phase codante du gène, avec un nombre de triplets variant entre 56 et plus de 200 (14 à 33 répétitions dans les gènes non mutés).

Il existe une expansion de la taille des répétitions lors de la transmission paternelle mais aussi maternelle, à un moindre degré, ainsi qu’une corrélation négative entre le nombre de triplets et l’âge de début.

L’ataxine-3, de fonction inconnue, est une protéine cytoplasmique, et les mutations conduisent à la formation d’inclusions intranucléaires contenant la protéine.

Sur le plan clinique, l’identification initiale de la maladie se fit dans des familles originaires des Açores (Portugal), dont les familles Machado et Joseph.

Le phénomène d’anticipation génétique fut clairement identifié, et on prit conscience d’une considérable hétérogénéité clinique (sévérité de la maladie et signes neurologiques associés à l’ataxie) dans cette affection.

Il semble qu’une partie de ces différences puisse être liée à la taille de l’amplification de triplets (plus grande sévérité corrélée au début plus précoce et à un nombre plus élevé de triplets CAG).

Certains patients présentent essentiellement une ataxie avec signes pyramidaux et ophtalmoplégie externe ; d’autres, généralement à début précoce, présentent, en outre, des signes extrapyramidaux (dystonie au premier plan), des fasciculations faciales et linguales.

Un troisième type associe à l’ataxie une amyotrophie distale. Enfin, un quatrième type, de début tardif, associe syndrome parkinsonien et neuropathie périphérique, sans ataxie marquée.

La présence de signes extrapyramidaux est donc particulièrement fréquente chez les patients atteints de SCA3, et l’IRM montre régulièrement une atrophie pallidale associée à l’atrophie des hémisphères cérébelleux, ainsi qu’un hypersignal pontique.

Dans les pays occidentaux, SCA3 est la plus fréquente des ataxies cérébelleuses autosomiques dominantes de type I (28 à 63 % du total selon les pays).

4- SCA6 :

Le gène responsable, situé en 19p13, code pour un canal calcium voltage-dépendant (de type a1A : gène CACNL1A4).

Il s’agit ici aussi d’une amplification de triplets CAG dans la phase codante du gène.

Le nombre de triplets CAG est compris entre 4 et 20 dans le gène normal et entre 21 et 33 dans le gène muté.

Des mutations ponctuelles dans le même gène sont responsables de deux autres affections génétiques autosomiques dominantes : l’ataxie paroxystique de type 2, et la migraine hémiplégique familiale.

Le canal calcium muté dans SCA6 est très exprimé dans les cellules de Purkinje, et forme des inclusions cytoplasmiques non ubiquitinées (les inclusions observées dans toutes les autres affections génétiques par amplification de triplets CAG dans la phase codante sont ubiquitinées).

Le phénotype observé est habituellement le type I, mais une ataxie cérébelleuse pure peut se voir plus rarement (type III).

Un phénomène d’anticipation a été observé dans SCA6, mais il paraît moins net que pour SCA1 à SCA3, et il n’a pas été trouvé de différence de risque entre transmission paternelle et maternelle.

La fréquence de SCA6 dans les ataxies autosomiques dominantes est comprise entre 11 et 22 % dans les pays occidentaux.

5- SCA7 :

Elle est causée par une amplification de triplets CAG dans la phase codante du gène de l’ataxine-7, situé en 3q12.

Le nombre de triplets est compris entre 4 et 35 dans le gène non muté, entre 37 et plus de 200 dans le gène muté.

Le phénomène d’anticipation, plus important pour les transmissions paternelles, est l’un des plus considérables parmi ceux de toutes les ataxies dominantes par anticipation de triplets CAG.

De façon corrélée, l’instabilité des amplifications CAG dans SCA7 est la plus importante observée à ce jour.

L’ataxine-7 normale est une protéine nucléaire, et la protéine mutée est retrouvée dans des inclusions nucléaires intracérébrales.

Elle pourrait également induire une dysfonction mitochondriale, comme cela a été suggéré par l’observation d’anomalies des mitochondries (fibres rouges déchiquetées dans le muscle, surcharge mitochondriale sous-sarcolemmique en microscopie optique) chez des patients, ainsi que par la découverte d’une activité réduite des complexes I et IV de la chaîne respiratoire chez un patient au phénotype sévère.

Sur le plan clinique, SCA7 est la seule ataxie autosomique dominante de type II identifiée à ce jour.

Les patients présentent tous une rétinopathie dégénérative et une ataxie.

Les signes neurologiques associés sont les mêmes que ceux rencontrés dans le type I.

L’âge de début est très variable (entre 2 et 65 ans).

Enfin, il s’agit d’une forme très rare d’ataxie autosomique dominante, sauf en Scandinavie (Suède et Norvège surtout) où elle semble particulièrement fréquente.

6- SCA8 :

Elle est causée par une amplification de triplets CTG dans la partie 3’ non codante du gène SCA8, situé en 13q21.

La seule autre affection génétique due à une mutation de ce type est la dystrophie myotonique de Steinert.

Le nombre de triplets dans le gène SCA8 est compris normalement entre 15 et 91, tandis que les malades sont porteurs de 100 à 152 répétitions.

Comme dans la dystrophie myotonique, la présence d’une répétition de triplets dans la partie 3’ du transcrit est responsable d’une instabilité de la molécule d’acide ribonucléique (ARN).

En revanche, cet ARN, contrairement à celui de la myotonine kinase de la maladie de Steinert, ne possède pas de phase de lecture.

Il ne code donc pas pour une « ataxine-8 », mais semble plutôt avoir des fonctions de régulation d’autres gènes (interactions ARN-ADN).

Il est exprimé dans diverses régions du cerveau.

Il n’est pas encore clairement établi si la physiopathologie de SCA8 est liée à la perte d’une partie des molécules d’ARN codées par le gène SCA8 (du fait de l’instabilité du transcrit muté), ou si l’adjonction des multiples triplets CTG conduit à un gain de fonction de l’ARN.

Par analogie avec la maladie de Steinert, la première hypothèse paraît la plus probable.

Sur le plan clinique, le phénotype est une ataxie cérébelleuse de type I, avec début des signes cliniques entre 18 et 65 ans.

Contrairement à la dystrophie myotonique, qui est responsable de nombreuses manifestations systémiques (cataracte, diabète, alopécie, troubles gastro-intestinaux, …) les patients atteints de SCA8 ne présentent pas de signes extraneurologiques.

7- SCA10 :

Elle est causée par une amplification d’un pentanucléotide, ATTCT, dans l’intron 9 du gène de l’ataxine-10, situé en 22q13.

Le nombre de répétitions est compris entre 10 et 22 dans le gène non muté, tandis qu’elles sont entre 920 et 4 140 dans le gène muté.

Sur le plan clinique, les patients ont un phénotype de type III.

Cependant, dans plusieurs familles (notamment mexicaines) il a été rapporté une incidence assez élevée de crises épileptiques partielles ou généralisées, ce qui est assez particulier à SCA10.

8- SCA12 :

Elle est causée par une amplification de triplets CAG dans la région promotrice du gène de la phosphatase PP2A (133 nucléotides en amont du site d’initiation de la transcription), situé en 5q31.

Le nombre de triplets est compris entre 9 et 18 dans le gène non muté, entre 55 et 78 dans le gène muté.

Il n’a pas été noté de phénomène d’anticipation. Sur le plan clinique, les patients présentent un phénotype de type I.

La particularité de SCA12 est de débuter, dans la quatrième décennie généralement, par des tremblements des membres supérieurs (analysés comme des tremblements d’action), auxquels vont se surajouter ensuite des tremblements de la tête, une ataxie avec dysarthrie, des troubles oculomoteurs, et une démence chez les sujets les plus âgés. Une neuropathie sensitivomotrice a été décrite dans des familles indiennes.

SCA12 peut être considéré comme une cause rare d’ataxie autosomique dominante, sans qu’une fréquence puisse être donnée dans les pays occidentaux.

9- SCA17 :

Elle est causée par une amplification de triplets CAG dans la phase codante du gène de la protéine de liaison à la TATA box (TATA boxbinding protein), situé en 6q27.

Le nombre de triplets est compris entre 25 et 42 dans le gène non muté, entre 43 et 55 dans le gène muté.

Chez le sujet ayant l’amplification la plus courte du gène muté (43 répétitions), l’âge de début était de 52 ans.

Il n’a pas été rapporté de corrélation plus générale entre nombre de triplets et âge de début, et un phénomène d’anticipation n’a été observé qu’une fois dans les six familles connues à ce jour pour être atteintes de SCA17.

Cliniquement, les patients présentent une ataxie de type I, avec syndrome extrapyramidal, troubles cognitifs évoluant vers la démence, et parfois dysautonomie.

10- Ataxie par mutation du gène du « fibroblast growth factor » 14 :

Elle n’a pas encore de numéro d’ordre attribué (SCA x).

Elle a été individualisée dans une famille néerlandaise, et est due à une mutation faux sens dans un gène de facteur de croissance (remplacement d’une phénylalanine par une sérine dans l’exon 4 du gène FGF14, codant pour le fibroblast growth factor 14), situé en 13q34.

Cette mutation aurait pour effet de déstabiliser la molécule, sans que les conséquences de cette perte de stabilité soient connues.

Sur le plan clinique, les membres de cette famille présentent une ataxie de type I, avec tremblements précoces des deux mains, de haute fréquence et faible amplitude, tremblement du chef moins fréquent, dyskinésies orofaciales discrètes et atteinte cognitive.

11- Atrophie dentatorubro-pallidoluysienne :

L’atrophie dentatorubro-pallidoluysienne (DRPLA) est une forme un peu particulière d’ataxie héréditaire. Elle est surtout fréquente au Japon, où elle représente environ 20 % des ataxies cérébelleuses autosomiques dominantes.

Elle a rarement été décrite dans d’autres régions du monde.

Ses manifestations cliniques associent une ataxie cérébelleuse progressive, une épilepsie, des mouvements anormaux (choréoathétosiques et dystoniques), un syndrome parkinsonien, des troubles psychiatriques et une démence.

La DRPLA est due à la présence d’une amplification de triplets CAG dans la phase codante du gène de l’atrophine-1, situé en 12p12.

Le nombre de triplets est compris normalement entre 7 et 35, tandis que les malades sont porteurs de 54 à 83 répétitions.

Il existe un phénomène d’anticipation, favorisé par la transmission paternelle.

L’atrophine-1 est une protéine exprimée de façon ubiquitaire dans le système nerveux central, et des inclusions intranucléaires contenant la protéine mutée sont retrouvées dans les cerveaux des malades.

C – ATAXIES HÉRÉDITAIRES LIÉES À L’X :

Il s’agit de maladies génétiques très rares, extrêmement hétérogènes sur le plan clinique, beaucoup moins bien caractérisées que les ataxies autosomiques dominantes ou récessives.

Dans tous les cas, l’ataxie est associée à des signes neurologiques ou extraneurologiques qui peuvent prédominer par rapport aux troubles de l’équilibre et de la marche.

Paraplégies spastiques héréditaires :

Il s’agit d’un groupe très hétérogène d’affections génétiques, encore désignées par le terme « syndrome (ou maladie) de Strümpell-Lorrain ».

Leur transmission est variée : autosomique dominante ou récessive, ou liée à l’X.

La caractéristique clinique principale de toutes les paraplégies spastiques familiales est une spasticité très marquée des membres inférieurs, responsable de troubles de la marche s’aggravant très progressivement, accompagnée d’une paraparésie modérée, d’un syndrome pyramidal réflexe des quatre membres et d’un signe de Babinski bilatéral.

On peut également rencontrer dans toutes les formes de paraplégie spastique des pieds creux, une atteinte modérée des cordons postérieurs, une perte des réflexes ostéotendineux en distalité, des troubles sphinctériens.

On distingue ensuite les paraplégies spastiques héréditaires pures et compliquées.

Les formes pures se limitent au tableau clinique décrit ci-dessus.

Sur le plan neuropathologique, les paraplégies spastiques héréditaires pures ont pour caractéristique principale une atteinte prédominante du faisceau pyramidal croisé et, à un moindre degré, du faisceau pyramidal direct, ainsi que du faisceau gracile de Goll au niveau cervical (fibres cordonales postérieures provenant des membres inférieurs).

Les formes dites compliquées se présentent avec des signes neurologiques surajoutés : amyotrophie par atteinte des motoneurones de la corne antérieure de la moelle, neuropathie périphérique sensitive ou sensitivomotrice, signes extrapyramidaux, épilepsie, troubles visuels, surdité, atteinte des fonctions supérieures…

Comme on le verra ci-dessous, il existe une hétérogénéité génétique à l’intérieur des formes de paraplégies spastiques pures comme des formes compliquées. Nous distinguerons donc à l’intérieur de chaque catégorie (pure et compliquées) les différentes formes génétiques identifiées à ce jour.

Chacune d’entre elles porte le nom SPG (pour Spastic Paraple Gia) suivi d’un numéro d’ordre (SPG1, SPG2, …) correspondant à la chronologie de la découverte de la localisation chromosomique de cette forme génétique.

A – PARAPLÉGIES SPASTIQUES HÉRÉDITAIRES PURES :

Les formes initialement décrites par Strümpell et Lorrain étaient des paraplégies spastiques autosomiques dominantes pures.

Cela est probablement dû au fait que les formes autosomiques dominantes sont les plus fréquentes parmi les paraplégies spastiques héréditaires.

Nous décrirons uniquement les formes dominantes et récessives pour lesquelles les mutations causales ont été identifiées.

1- SPG3 (autosomique dominante) :

Elle est due à des mutations du gène de l’atlastine, situé en 14q11.2- q21 (mutations faux sens remplaçant un acide aminé par un autre dans une région conservée de la séquence protéique).

La protéine responsable de la maladie est une guanosine triphosphatase (GTPase), surtout exprimée dans le système nerveux central.

2- SPG4 (autosomique dominante) :

Elle est due à des mutations du gène de la spastine, situé en 2p22- p21.

Il s’agit de mutations faux sens, non sens (introduction d’un codon stop, responsable d’un arrêt prématuré de la traduction), de mutations de sites d’épissage, ainsi que de courtes délétions ou insertions.

La spastine mutée se lie de façon constitutive aux microtubules et pourrait modifier la dynamique des transports intracellulaires, qui font appel aux microtubules.

Il semble que SPG4 soit la plus fréquente des formes pures de paraplégie spastique autosomique dominante.

3- SPG7 (autosomique récessive) :

Elle est due à des mutations du gène de la paraplégine, situé en 16q24.3 (insertion ou délétion d’une ou deux bases, réalisant un décalage de la phase de lecture avec terminaison prématurée de la traduction.

Trois familles seulement ont, pour l’instant, été identifiées.

4- SPG10 (autosomique dominante) :

Elle a été décrite dans une seule grande famille, et est due à une mutation du gène de la kinésine-5A, situé en 12q13.

Il s’agit d’une mutation faux sens transformant une asparagine conservée dans toutes les espèces animales.

La mutation de cette asparagine abolit l’activation d’une adénosine triphosphate-ase (ATPase) par les microtubules, et influe négativement sur le trafic axonal des neurones.

SPG10 serait donc due à une perturbation du transport d’axones, conduisant à une dégénérescence axonale.

5- SPG13 (autosomique dominante) :

Elle a été décrite dans une seule grande famille, et est due à une mutation du gène de la chaperonine mitochondriale HSP60, situé en 2q33.1.

Il s’agit d’une mutation faux sens, remplaçant une valine par une isoleucine.

B – PARAPLÉGIES SPASTIQUES HÉRÉDITAIRES COMPLIQUÉES :

Les différents signes neurologiques associés dans ces paraplégies spastiques héréditaires compliquées est extrêmement varié, en rapport avec une grande hétérogénéité génétique de ces affections.

On y trouve moins de formes autosomiques dominantes, plus de formes autosomiques récessives et toutes les formes liées à l’X identifiées jusqu’ici. Nous décrirons uniquement les formes pour lesquelles les mutations causales ont été identifiées.

1- SPG1 (liée à l’X) :

Les signes associés sont un retard mental, des troubles du langage, voire une aphasie, une adduction des pouces par hypoplasie du long extenseur du pouce, des troubles de la statique rachidienne (lordose, scoliose).

SPG1 est aussi appelée MASA syndrome (Mental retardation, Aphasia, Shuffling gait, Adducted thumbs).

Cette forme résulte de mutations dans le gène d’une molécule d’adhésion cellulaire, L1CAM, situé en Xq28.

Cette glycoprotéine axonale est impliquée dans la migration et la différenciation neuronale.

Dans une même famille, cette mutation peut entraîner un phénotype varié, avec soit un MASA syndrome, soit une hydrocéphalie par sténose de l’aqueduc de Sylvius, soit une agénésie du corps calleux (parfois une association plus complexe, telle que MASA syndrome et sténose de l’aqueduc).

2- SPG2 (liée à l’X) :

Les troubles associés sont un retard mental, une dysarthrie, un nystagmus, et des troubles sensitifs.

Parfois cependant, ces signes associés peuvent manquer, réalisant un tableau clinique évocateur de paraplégie spastique héréditaire pure.

Cette forme résulte de mutations dans le gène de la protéine protéolipide, situé en Xq22, qui est également mutée dans une autre maladie génétique liée à l’X, le syndrome de Pelizaeus-Merzbacher.

Les deux affections sont donc dites alléliques.

3- SPG20 (autosomique récessive) :

Les signes associés sont une dysarthrie et une amyotrophie distale des membres, plus marquée au niveau de la musculature intrinsèque des mains.

SPG20 a été décrite pour la première fois chez 20 sujets appartenant à un groupe d’Amishs de l’Ohio (États-Unis).

Elle fut alors appelée syndrome de Troyer, patronyme de plusieurs des sujets amishs atteints.

La mutation responsable de SPG20 chez les Amishs a été identifiée : il s’agit d’une délétion d’une base dans la phase codante du gène de la spartine, situé en 13q12.3 (conduisant à une troncation de la protéine par arrêt prématuré de la traduction).

La spartine pourrait être impliquée dans les phénomènes de transport intracellulaire des endosomes.

Par ailleurs, elle présente des similarités avec la spastine (impliquée dans les interactions avec les microtubules et mutée dans SPG4) dans sa portion N-terminale.

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