Aspects neurologiques des pathologies psychiatriques

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Aspects neurologiques des pathologies psychiatriques
Introduction :

Une réflexion sur les aspects neurologiques des pathologies psychiatriques amène immédiatement à se poser la question, plus délicate qu’il y paraît, de la définition des termes employés, c’est-à-dire du domaine respectif des deux spécialités.

Une première réponse est liée à l’histoire et considère les maladies neurologiques comme des pathologies définies que l’on a progressivement dégagées du champ imprécis des « maladies nerveuses » .

Cet aspect défini des pathologies neurologiques résulte d’une correspondance cohérente et régulière entre une symptomatologie, qui a été fixée, et une étiopathogénie, dans ses aspects lésionnels et/ou physiopathologiques.

Mais plusieurs raisons ne permettent pas de considérer les pathologies psychiatriques simplement comme des affections en attente d’une définition précise.

La plus forte résulte du fait qu’il s’agit de troubles de l’esprit et que ceux-ci ont toujours paru dépendre étroitement de facteurs psycho-socio-génétiques de milieu, offrant par là des schémas de compréhension et de soins psychologiques.

Le champ de la psychiatrie, tel qu’il s’était délimité depuis plusieurs décennies, reposait schématiquement sur un critère négatif : l’absence d’organicité cérébrale démontrée et sur des symptômes psychopathologiques propres qui étaient, et restent, étroitement liés dans l’esprit de la plupart des psychiatres à des conceptions de psychogenèse.

La mise en évidence, ces dernières années, d’anomalies cérébrales lésionnelles et/ou fonctionnelles au cours de la plupart des pathologies psychiatriques « vraies » est en train de bouleverser la distinction traditionnelle entre le domaine de la neurologie et celui de la psychiatrie.

La dichotomie organique versus fonctionnel est maintenant dépassée et nombre de psychiatres assistent avec inquiétude au changement de statut de certains troubles qui sont déjà passés dans le champ de la neurologie (épilepsie, démences) où y basculent, par exemple, la maladie des tics, la dyslexie, l’autisme même.

Certaines pathologies psychiatriques consacrées revêtent des aspects neurologiques qui ont toujours suscité l’intérêt des psychiatres attirés par la tradition empiriste-mécaniste.

Un choix sera fait dans cet article au profit des troubles les plus graves, ceux dont on peut imaginer par simple bon sens qu’ils reposent sur une atteinte cérébrale stable, et seront présentés en priorité les travaux portant sur les grandes psychoses, nous limitant aux formes de l’adulte.

L’échec relatif de la « psychiatrie biologique », qui recherchait des marqueurs d’entités, était prévisible car tous les cliniciens savent qu’il n’existe en psychiatrie aucune symptomatologie pathognomonique caractérisant les entités.

Une nouvelle voie paraît prometteuse qui, partant cette fois de symptômes (ou syndromes) bien choisis, va rechercher dans une perspective transnosologique, et typiquement neuropsychiatrique, en quoi ces symptômes pourraient représenter le déficit de capacités comportementales et fonctionnelles physiologiques ; nous en verrons quelques exemples.

Enfin, nous n’aborderons pas le problème de l’hystérie, même si en pratique ce sont les aspects neurologiques que rencontrent en priorité les neurologues.

Il s’agit en effet de troubles pseudo-neurologiques (au même titre que les troubles simulés) qui ne relèvent pas en tant que tels d’une pathologie cérébrale mais de mécanismes purement psychologiques : la conversion, l’imitation, etc.

La superposition de comportements hystériques à l’ensemble des pathologies psychiatriques et neurologiques étant par ailleurs une réalité quotidienne.

Un syndrome neuropsychiatrique : la catatonie

Le groupe de symptômes réunis en 1874 par Kalhbaum sous ce vocable, qui signifie « folie tonique », a bien résisté au temps et les classifications actuelles, CIM 10, DSM IV (diagnostic and statistical manual of mental disorders), en reprennent la description classique ; toutefois, sa situation au sein de la nosologie a bien changé.

La catatonie réunit comme symptômes une immobilité motrice pouvant aller jusqu’à la stupeur, avec mutisme plus ou moins complet (le malade reposant comme un gisant ou étant figé dans des postures qui sont parfois surprenantes).

À l’examen, on constate une rigidité qui est de type oppositionniste (négativisme) avec parfois la classique flexibilité cireuse et le maintien des attitudes imposées (catalepsie).

On inclut dans la catatonie la possibilité paradoxale d’une activité motrice incoercible avec des déambulations impulsives et un cortège de signes que l’on rassemble, dans la terminologie française, sous le nom de discordance (nous les examinerons en détail ultérieurement).

L’état général peut se trouver altéré, secondairement du fait des difficultés de l’alimentation, de complications du décubitus ou d’infections, ou bien en raison de l’existence d’emblée d’un dérèglement neurovégétatif (tachycardie, sueurs profuses, variations tensionnelles, fièvre centrale) pouvant réaliser une forme maligne, parfois mortelle.

À l’inverse, la catatonie peut être transitoire, cédant (actuellement après traitement) au bout de quelques jours et ne jamais se reproduire.

Dans d’autres cas, on verra le malade présenter des épisodes récurrents de « catatonie périodique ».

La catatonie a, par la suite, été incorporée par Kraepelin (1898) dans le cadre de la démence précoce (DP) dont elle constituait l’une des formes cliniques, les deux autres étant l’hébéphrénie et la démence paranoïde.

Cette incorporation a été maintenue par Bleuler lorsqu’il décrivit en 1911 la « dementia præcox ou groupe de schizophrénies », si bien que ce trouble a pendant longtemps été considéré comme appartenant exclusivement au cadre de cette psychose.

Cependant, plusieurs auteurs, dont Baruk, ont toujours soutenu le caractère non spécifique de la catatonie qui peut apparaître au cours d’un grand nombre de troubles mentaux ou en réponse à des atteintes diverses du système nerveux (il s’agit donc d’un syndrome).

Des travaux récents et concordants ont réattribué la majorité des cas de catatonie à une pathologie de l’humeur, ce que le DSM IV a reconnu puisqu’il en fait un élément de spécification de ces troubles.

Toutefois, des cas de catatonie symptomatique ont toujours été régulièrement publiés, soit à la suite d’atteintes diverses de l’encéphale, soit indirectement lors d’affections médicales générales (néoplasiques, toxiques, infectieuses, parasitaires).

Scheepers et al en concluent que la catatonie n’appartient ni au champ de la neurologie ni à celui de la psychiatrie, mais que sa réalité neuropsychiatrique indique que la division entre la neurologie et la psychiatrie n’est qu’une affaire de concept.

La possibilité d’observer ce syndrome psychomoteur, d’allure si neurologique, à la suite d’atteintes définies de l’encéphale, a depuis longtemps conduit certains neurologues ou psychiatres organicistes à lui chercher une origine lésionnelle.

En réalité, une revue de la littérature démontre que les affections neurologiques responsables sont de localisation et de nature très diverses et les quelques cas explorés récemment en imagerie morphologique ou fonctionnelle ne permettent de découvrir ni localisation lésionnelle ni localisation fonctionnelle unique.

On soulignera également l’absence de lésion neuropathologique spécifique lors des formes malignes vérifiées. Les discussions sur la pathogénie de la catatonie, du moins dans sa forme maligne, ont été relancées, depuis l’introduction des neuroleptiques, par l’analogie que l’on peut faire entre cette forme et le syndrome malin des neuroleptiques (SMN).

Ce syndrome, qui a été très tôt décrit, doit associer, selon les critères duDSMIV, à l’apparition d’une rigidité musculaire et d’une température élevée lors d’un traitement neuroleptique, au moins deux signes d’une série de dix comprenant des troubles de la conscience (mutisme, confusion, coma), des modifications cardiovasculaires et végétatives (tachycardie, tension artérielle labile, sueurs profuses) et des signes biologiques (hyperleucocytose et augmentation de la créatine kinase).

Il s’agit donc d’un tableau très proche de celui de la catatonie pernicieuse et certains l’estiment même indifférenciable.

À partir de cette similitude, on a incriminé le mécanisme d’un blocage dopaminergique au niveau des noyaux gris et de l’hypothalamus.

Toutefois, le rôle de la dopamine est loin d’être établi car d’autres substances que les neuroleptiques ont été mises en cause.

On a ainsi décrit récemment des SMN lors de l’arrêt brutal de divers antiparkinsoniens.

L’existence d’une pathogénie biochimique unique n’impliquant qu’un neuromédiateur est donc douteuse.

Finalement, de nombreux auteurs sont prêts à considérer le SMN comme une catatonie maligne induite et à en faire une réaction non spécifique au stress.

Cette position était déjà celle que défendait Baruk à propos de la catatonie qu’il considérait comme une réaction de défense de la personnalité face à des agressions diverses.

Ainsi ce syndrome psychomoteur, loin d’être évocateur d’une atteinte neurologique définie, se trouverait proche d’un phénomène aussi peu spécifique mais aussi médical que la confusion mentale.

Enfin, on ne pourra pas manquer de rapprocher cette conception de la catatonie de celle queWidlöcher a proposée pour le ralentissement dépressif (dont l’expression majeure est la stupeur) et qui, selon lui, aurait également une finalité adaptative.

Démences psychiatriques précoces :

En 1863, Kalhbaum attira l’attention sur une nouvelle maladie mentale aboutissant rapidement à un état démentiel qu’il nomma pour cette raison hébéphrénie, « folie de la jeunesse » (même si c’est à son disciple Hecker que l’on doit, en 1871, sa description classique).

L’hébéphrénie représenta par la suite, et jusqu’à nos jours, le concept de DP, cette entité ayant été épargnée par la révision de Bleuler qui, à terme, fît disparaître le terme de DP.

La CIM 10 conserve cette forme clinique de schizophrénie qui implique l’existence d’un pronostic médiocre ; parmi les critères diagnostiques, il n’est pas fait mention d’une détérioration intellectuelle mais de l’apparition précoce de « signes négatifs » dont un émoussement des affects, une perte de la volonté et un trouble du cours de la pensée entraînant un comportement sans objet, non orienté vers un but.

Le DSM IV, en revanche, ne mentionne plus ce terme qui est plus ou moins remplacé par celui de schizophrénie de type désorganisé.

Des signes de discordance motrice caractérisent également ces formes.

La disparition du terme de DP s’explique par deux raisons :

– par le fait que le concept de démence tel que nous l’utilisons désignait déjà des démences corticales, évoluant à partir du présenium vers une détérioration progressive inéluctable et reposant sur des critères neuropathologiques précis ;

– par le fait que la DP ne répondait à aucune de ces caractéristiques.

Le succès durable du concept de schizophrénie, la « maladie vedette » des psychiatres, provient précisément, à notre avis, de l’abandon du critère « neurologique » de démence et de son remplacement par un critère proprement psychopathologique : la dissociation mentale (Spaltung), c’est-à-dire une dislocation des associations.

Pour Bleuler, cette dissociation représentait un symptôme fondamental (sans être nécessairement un symptôme primaire qui, pour lui, traduisait directement l’origine organique de l’affection).

La dissociation pouvait aussi se manifester au cours des symptômes secondaires, pour lui psychogènes, constituant l’essentiel de la symptomatologie apparente, et qui se trouvaient donc accessibles à la psychothérapie.

Le succès prodigieux et l’extension démesurée du concept de schizophrénie découlent peut-être de ces prémisses et de l’absence de critères neuropathologiques, ce qui avait également abouti à la création du concept de « psychose fonctionnelle ».

Mais si la majorité des psychiatres se sont rapidement accordés pour estimer que les déficits intellectuels présentés par ces malades n’avaient pas les caractères d’une démence vraie mais étaient liés à des déficits d’ordre « affectif », certains n’acceptaient pas l’abandon de la DP qui représentait pour eux une affection naturelle, au profit d’une schizophrénie dont les symptômes « neurologiques » pouvaient se résoudre selon les conceptions de Bleuler à des explications psychologiques.

C’est dans cet état d’esprit que Dide et Guiraud introduisirent en 1922 le terme d’athymhormie, non pas tant pour remplacer celui de DPqu’ils estimaient « fâcheux » que pour tenter d’empêcher l’introduction du terme de schizophrénie qui avait pour eux le tort de reposer sur des bases psychologiques et non cliniques, et d’utiliser de façon « inadmissible » la conception psychogène de la psychanalyse.

Le concept d’athymhormie, dont l’usage est resté limité à notre pays, et qui signifie la perte de l’élan vital et de l’affectivité, représentait pour ses auteurs le noyau fondamental d’une maladie dont ils situaient, suite à leurs travaux antérieurs, la cause dans « l’involution élective de cellules situées dans la région sous-optique et probablement au niveau du locus niger ».

Par là même, ils rejetaient l’origine corticale de l’affection, critiquant notamment les constatations neuropathologiques de Klippel et Lhermitte.

Même si « les lésions cytodystrophiques neurovégétatives » de Dide n’ont jamais été confirmées, le mérite de ces auteurs a été d’orienter les travaux futurs vers le diencéphale et vers la recherche d’un déficit moins intellectuel que motivationnel.

Le concept d’athymhormie sera par la suite utilisé par Guiraud pour désigner l’hébéphrénie, et on peut regretter que cet auteur (et bien d’autres), attiré par l’allure neurologique de la catatonie et de l’hébéphrénie, ait cru utile de les réunir pour former un concept hybride : l’hébéphrénocatatonie, alors qu’il s’agit probablement de deux troubles de nature complètement différente.

Il est remarquable que le terme d’athymhormie, tel que décrit par Dide et Guiraud, ait été repris en 1988 par Habib et Poncet pour désigner les conséquences comportementales d’une atteinte lacunaire des noyaux striés ; ce syndrome s’intègre dans un trouble général de l’action qui a perdu son caractère spontané alors que les mêmes actes sont parfaitement exécutés sur stimulation extérieure.

Ce dernier point rejoint le concept de perte de l’autoactivation psychique (PAP) introduit dès 1981 par Laplane et al comme conséquence d’une interruption bilatérale de l’un des circuits cortico-souscortico-corticaux isolés ces dernières années et appelé boucle limbique. Dans la conception initiale de Laplane et al, la PAP ressemblait beaucoup au syndrome hébéphrénocatatonique et pouvait en constituer un modèle approché.

Toutefois, Laplane et Dubois ont estimé récemment que la PAP ne pouvait pas s’assimiler au concept d’athymhormie, tel que défendu par Habib et Poncet, puisque les malades qui en sont atteints ne sont finalement pas privés d’affectivité et, qu’en conséquence, leur état mental ne peut pas être celui des schizophrènes dont l’affectivité serait « arasée ou pervertie ».

Même s’il n’y a qu’une parenté entre les deux types de troubles (hébéphrénie versus athymhormie ou PAP), on doit accorder une grande valeur heuristique à la constatation que des troubles comportementaux graves et durables pourraient être réalisés par des lésions sous-corticales minimes mais dont la nocivité provient de leur localisation à un goulot d’étranglement de fibres nerveuses au niveau des noyaux gris, et probablement au retentissement fonctionnel cortical de ces lésions.

À l’inverse de ces constatations cliniques précises, signalons ici, parmi les nombreuses hypothèses impliquant des localisations cérébrales qui sont régulièrement proposées à propos de la schizophrénie essentielle, une interprétation neuropsychologique intégrative reposant sur un modèle général du système limbique et des noyaux gris.

Cette interprétation est représentative du caractère hautement spéculatif de nombre de ces travaux et notamment de tous ceux qui sont consacrés à la recherche des critères biologiques permettant de définir cette entité dont la réalité même est discutée.

L’extension démesurée qu’avait pris le concept de schizophrénie a amené dans les années 1970 à restreindre son acception grâce à l’utilisation de critères diagnostiques inspirés des travaux de Schneider, en même temps que des études dimensionnelles introduisaient la notion d’une bipolarité opposant signes négatifs et positifs.

Cette dichotomie sera par la suite contestée par des auteurs comme Liddle qui introduiront une troisième dimension : le facteur désorganisation.

Malgré les arguments développés, d’autres auteurs, notamment à la suite des travaux de Carpenter et al, croient toujours à l’existence, au sein de la schizophrénie, d’une entité déficitaire à symptomatologie négative primaire (c’est-à-dire excluant le rôle de la dépression et l’effet des neuroleptiques) survenant chez des sujets ayant eu avant l’éclosion de leur trouble des difficultés d’adaptation, dont le début est insidieux et l’évolution continue aboutissant à une invalidation sociale.

Ces formes seraient la conséquence d’anomalies cérébrales, dites neurodéveloppementales, dont témoigneraient des soft signs neurologiques et des troubles de la poursuite oculaire.

Ce tableau clinique ne nous paraît pas très éloigné de l’hébéphrénie des classiques avec cette notion admise par tous que plus le début est précoce et torpide, plus l’évolution est grave, ce que l’on retrouve au maximum dans les rares schizophrénies à début infantile (avant 12 ans) récemment rapportées.

Ainsi, malgré la « révision » de Bleuler qui a fait disparaître le terme de DP, il semble bien que la schizophrénie, en tant que syndrome, puisse admettre une sous-forme déficitaire de pronostic redoutable, quelle que soit la façon dont on la nomme.

Discordance, mouvements anormaux, « soft signs » :

Nous avons vu comment Bleuler avait réuni le groupe des schizophrènes sur le critère fondamental de dissociation.

Vers la même époque en France, Chaslin étudiait la discordance qui signifie au niveau sémiologique l’absence d’accord entre, par exemple, la mimique, l’émotion (ou l’humeur) et le délire, ou entre le langage et l’intelligence.

En même temps, il isolait le groupe des « folies discordantes » qui comprenait quatre types dont la folie discordante motrice.

Les « folies discordantes » de Chaslin seront assimilées à la schizophrénie, et cela par Bleuler lui-même qui écrit : « si le terme de Chaslin (folie discordante) avait déjà existé, j’aurai pu tout aussi bien le choisir (à la place de celui de schizophrénie) ».

Ce terme de discordance va demeurer dans la terminologie française mais, comme le souligne Lanteri-Laura, au prix d’une modification de sens puisqu’il va être assimilé à celui de dissociation et qu’il va constituer un signe quasi pathognomonique de schizophrénie.

Il reste encore de nos jours la caractéristique essentielle de la symptomatologie schizophrénique pour les psychiatres français.

C’est à l’intérieur d’une « discordance motrice » qu’a été rangée toute une série de symptômes disparates d’aspect neurologique qui ont été décrits très tôt au cours de la catatonie, puis repris dans la description de la DP et de la schizophrénie.

Il s’agit du maniérisme, de postures et de gestes inappropriés ou bizarres, parfois stéréotypés, de mouvements anormaux divers à titre de balancements ou d’allure choréique, d’éclats de rire ou de larmes immotivés, de déambulations souvent marquées par l’ambivalence et le négativisme (le malade, par exemple, s’éloignant quand on lui demande d’approcher).

Au niveau du visage on peut constater des tics, des grimaces, des mouvements anormaux des yeux. Des altérations de la parole et du langage peuvent être notées à type d’intonations brusques, de mussitation, de « barrages », etc.

D’après la CIM 10, ces signes peuvent être associés à la rigidité de la catatonie mais ils figurent surtout parmi les critères de l’hébéphrénie.

La présence d’anomalies à l’examen clinique neurologique chez les schizophrènes a été observée très tôt, leur fréquence est estimée entre 50 et 65 % par certains auteurs.

D’un point de vue clinique, on oppose les soft signs qui sont des anomalies neurologiques qui ne peuvent pas être mises en relation avec une région cérébrale spécifique, et les hard signs qui, eux, donnent des indications sur les régions cérébrales affectées.

On décrit essentiellement parmi les soft signs :

– des anomalies de coordination motrice (troubles de l’équilibre, dysadiadococinésie) ;

– des anomalies sensitives : dysfonctionnement des aires d’intégration sensorielle (extinction bilatérale, astéréognosie, graphesthésie) ;

– des signes extrapyramidaux ;

– un grand nombre d’autres anomalies retrouvées de façon inconstante et correspondant à une microsémiologie qui est à prendre avec toute la prudence nécessaire.

Malgré un certain nombre de difficultés méthodologiques, les recherches sur la schizophrénie tentent actuellement de corréler les soft signs à la symptomatologie négative (hébéphrénie, formes déficitaires) plutôt qu’à la symptomatologie positive (délire et hallucinations) et ceci indépendamment des traitements neuroleptiques.

Il est intéressant de remarquer que l’étude de ces symptômes et de ces signes a été pendant longtemps négligée et que certains d’entre eux, les dyskinésies buccofaciales, ont pu être niés comme manifestations spontanées de la schizophrénie (ou des affections rangées sous ce terme) et uniquement considérés comme des dyskinésies tardives (DT) induites par les neuroleptiques.

Actuellement, des travaux concordants retrouvent de tels mouvements anormaux au niveau du visage, mais également au niveau du tronc et des membres, chez des malades jamais traités par neuroleptiques, et surtout s’il s’agit de malades âgés et chroniques.

Par ailleurs, Pourcher et al, examinant des psychotiques jeunes traités par neuroleptiques à faible dose, découvrent que des DT surviennent d’autant plus que les malades présentent des anomalies à l’examen neurologique, lesquelles indiqueraient une atteinte cérébrale occulte.

De nombreux auteurs établissent également une correlation entre dyskinésies tardives et signes déficitaires de psychose.

Le rôle des neuroleptiques dans la survenue des DT a été largement étudié et certains auteurs faisant la synthèse des précédentes constatations, ont estimé qu’ils pourraient agir en tant que révélateurs d’une dégénérescence possible du système dopaminergique lié au vieillissement.

La question se pose ainsi de la spécificité de ce symptôme et de la discordance motrice, par rapport au diagnostic de schizophrénie.

Rappelons déjà que pour Chaslin, la discordance pouvait s’observer dans d’autres entités (par exemple au cours de la paralysie générale) et que des symptômes de ce type, c’est-àdire non systématisés, peuvent se voir au cours de certaines démences, de même que chez des débiles, des autistes, parfois enfin au cours de maladies neurologiques parfaitement définies, mais pas n’importe lesquelles.

Il est intéressant de signaler ici une évolution récente concernant le statut des aspects psychiatriques des affections neurologiques.

Ces aspects qui, il y a peu de temps, étaient considérés comme ressemblant aux affections psychiatriques essentielles (on parlait par exemple de schizophrenia like psychosis), sont maintenant désignés comme des troubles psychiatriques « secondaires » (par rapport aux formes essentielles ou « primaires »).

Une revue de la littérature sur les schizophrénies « secondaires » que l’on observe (avec une grande fréquence) lors de certaines leucodystrophies, a montré que la clé du diagnostic de « schizophrénie » reposait sur la présence de cette discordance motrice (maniérisme, mouvements anormaux divers, grimaces, rires immotivés, etc).

Cette même constatation a été faite dans une autre étude consacrée aux formes schizophréniques de la maladie de Huntington dont on sait qu’elles peuvent précéder de plusieurs années la chorée proprement dite.

Enfin, de nombreuses affections touchant les noyaux gris, telle la maladie de Wilson, comprennent des mouvements anormaux qui s’accompagnent aussi curieusement de troubles mentaux de type schizophrénique.

À partir de ces constatations, il a été estimé que la valeur localisatrice de la discordance motrice était faible mais qu’elle indiquait au moins la probabilité d’une atteinte sous-corticale au sens large.

On peut ainsi penser que ces schizophrénies secondaires ont valeur de modèle vis-àvis de la sous-forme déficitaire essentielle (si tant est qu’elle existe).

Démences psychiatriques tardives :

Les classiques avaient une conception des maladies mentales étroitement inspirée du modèle neurologique ou plutôt lésionnel qui était celui de la première maladie mentale qui avait été définie, à savoir la paralysie générale (c’est à partir d’elle que la catatonie a été décrite).

Ce même modèle de démence organique a non seulement été appliqué à l’hébéphrénie, qui est devenue la DP, mais à l’ensemble des maladies mentales dont on croyait l’évolution démentielle tardive inéluctable.

Le terme de vésanie, qui désignait initialement toutes les maladies mentales, s’était ainsi spécialisé pour désigner cette évolution.

Une telle conception a rapidement été abandonnée en même temps que l’on assistait à la disparition de ce terme.

Des travaux récents concernant le devenir à long terme des schizophrènes mais également des malades atteints de troubles thymiques, nous paraissent devoir redonner de l’actualité à cette question.

Certes, l’hébéphrénie, on l’a vu, n’est pas une démence au sens actuel du terme mais l’évolution des formes déficitaires précoces est rarement favorable et cela malgré tous les moyens mis en oeuvre.

Nombre de ces schizophrènes vieillissent mal, ils perdent leur autonomie et bien que leurs troubles aigus soient éteints, ils doivent être précocement dirigés vers des institutions type maison de retraite (où ils ne posent en général aucun problème de maintien).

On a longtemps cherché si ce déclin avait les caractéristiques d’une détérioration intellectuelle habituelle.

Plusieurs travaux récents et concordants éliminent cette possibilité, ce qui ne veut pas dire que le déclin des schizophrènes ne pourrait pas être accompagné par des déficits cognitifs et/ou émotionnels d’une autre nature. Ainsi il a été constaté à la longue une détérioration sélective du langage chez des schizophrènes chroniques.

Les études longitudinales sur le devenir des schizophrènes sont revenues à l’ordre du jour en raison de l’enjeu théorique considérable que représente la validation ou non de l’hypothèse étiopathogénique de la schizophrénie actuellement la plus défendue : l’hypothèse neurodéveloppementale.

Celle-ci postule l’existence d’atteintes très précoces du système nerveux central (anté- ou périnatales), d’origines diverses (virales, traumatiques, carentielles) dont les conséquences se révéleraient tardivement à l’adolescence et qui laisseraient des anomalies cytoarchitectoniques ou des microlésions que l’on pourrait parfois constater en imagerie cérébrale morphologique sous forme d’anomalies diverses, dont des dilatations ventriculaires.

L’hypothèse neurodéveloppementale repose aussi sur l’affirmation que les anomalies cérébrales découvertes sont précoces et stables.

Or, cette conception de la schizophrénie en tant « qu’encéphalopathie statique » est contestée et d’autres travaux qui découvrent, sous l’effet de l’âge, une discrète majoration de certaines de ces anomalies morphologiques, notamment de l’atrophie corticale, supposent en conséquence la possibilité concomitante d’une détérioration cognitive.

Cette évolution clinique vers la détérioration, quand on l’observe, ne correspond pas en tout cas à un processus dégénératif de type Alzheimer car la grande majorité des travaux neuropathologiques réalisés chez les schizophrènes ne retrouvent pas la présence de la gliose, caractéristique de la dégénérescence.

Nous n’aborderons pas ici les analogies qui existent sur de nombreux plans entre la schizophrénie et la démence de type Alzheimer (DTA), pour rappeler simplement que la DTAest par excellence une affection neuropsychiatrique, ce dont témoigne l’importance des troubles psychotiques, parfois précoces, que l’on y rencontre (et redécouvre).

La DTA répond à des critères neuropathologiques indiscutables mais ce n’est pas le cas du concept général de démence qui repose, pour la plupart des neurologues, sur un « paradigme cognitif ».

Ce dernier est actuellement contesté ; ainsi, pour Tatossian, c’est l’anosognosie et surtout la perte de « l’autoagnosie » qui pourraient constituer le véritable critère de la démence.

Ce point de vue original amène l’auteur à se demander si un meilleur prototype de démence ne serait pas représenté par les démences frontotemporales, ce qui permettrait, a posteriori, de réhabiliter le choix par Kraepelin du terme de DP…

La discussion sur l’évolution cognitive à long terme des schizophrènes est depuis longtemps engagée, en revanche, peu de travaux actuels concernent l’avenir des malades atteints de troubles de l’humeur récurrents, et l’idée même d’une évolution détériorative chez ces malades semble avoir été perdue de vue.

Pourtant, une réflexion sur les caractéristiques des dépressions des personnes âgées et sur le concept de pseudodémence devrait amener à reprendre ce problème.

La délimitation clinique de la pseudodémence d’origine psychiatrique, surtout d’origine dépressive, est relativement récente même si la réalité de ces faits était connue de longue date (c’estWernicke qui, pour la première fois, à partir de 1900, introduisit le terme de pseudodémence).

Il s’agit d’un tableau d’allure démentielle, d’origine dépressive, survenant habituellement à partir du présenium, marqué par sa réversibilité et par l’absence de processus neuropathologique sous-jacent.

Cette réalité clinique constitue l’une des rares modalités de démence curable et la recherche d’une dépression sous-jacente chez tout dément un peu particulier est maintenant évoquée systématiquement.

Le caractère particulier de ces « démences de la dépression » provient de leur profil neuropsychologique qui les apparente beaucoup plus à la démence souscorticale (ou fronto-sous-corticale) qu’à la DTA.

Ceci constitue déjà une piste intéressante concernant les troubles cognitifs de la dépression, par ailleurs très étudiés, notamment de celle des personnes âgées.

Dans cette population, des travaux récents ont découvert, particulièrement au cours des formes endogènes, et en période euthymique, des dysfonctionnements frontaux ou fronto-sous-corticaux.

De plus, plusieurs études catamnestiques ont démontré que nombre des pseudodémences évoluent à terme vers des démences vraies, ce qui amène à considérer la dépression (et l’angoisse) sous-jacente comme une manifestation précoce de la démence et à rapprocher les pseudodémences d’origine dépressive :

– des nombreux cas de démences (non réversibles) à forme initialement dépressive ;

– des dépressions des personnes âgées qui se manifestent souvent par des troubles cognitifs marqués.

Les rapports entre dépression et démence sont ainsi complexes et intriqués.

On les saisira mieux si on admet que la dépression, qui est un état clinique transitoire, peut être sous-tendue par des altérations cérébrales fonctionnelles et lésionnelles (ce que la plupart des auteurs acceptent) mais qu’elle pourrait aussi évoluer, lors de ses récurrences, vers des modifications cérébrales non réversibles.

Dans une étude longitudinale, il a été constaté que dix malades sans antécédent ayant présenté à la cinquantaine des états dépressifs typiques d’évolution initialement favorable sous traitement, mais récurrents, avaient évolué une douzaine d’années plus tard en moyenne vers une détérioration de type frontale.

Tous ces malades avaient eu une tomoscintigraphie à l’HMPAO (héxaméthylpropylène amine oxime liée au 99mTc) qui avait découvert une hypoperfusion antérieure frontotemporale à prédominance gauche, et il a été supposé que des lésions sous-corticales au sens large étaient à l’origine du trouble de la perfusion cérébrale par l’intermédiaire du mécanisme de la diaschisis.

À titre d’hypothèse supplémentaire, il a été suggéré que celle-ci ayant perdu avec le temps sa réversibilité, la dysthymie initialement fonctionnelle et transitoire avait évolué vers une pathologie lésionnelle et stable.

Approche neuropsychiatrique symptomatique :

Toute une série de troubles situés en marge de la neurologie et de la psychiatrie (pathologie des confins) peuvent bénéficier de ce fait des connaissances acquises à l’intérieur des deux spécialités avec l’avantage supplémentaire qu’une approche transnosologique, à partir de quelques symptômes choisis, pourrait permettre de se débarrasser du carcan représenté par certaines entités complexes (nous pensons à la schizophrénie).

Cette démarche est familière aux cliniciens, c’est celle qui part de cas individuels parfaitement étudiés et qui utilise toutes les méthodes d’exploration de l’encéphale disponibles. Mais elle repose sur un certain nombre de prémisses qu’il importe de préciser.

Elle implique qu’une atteinte cérébrale est nécessaire et que celle-ci va interférer avec une fonction cérébrale définie qui repose, selon un postulat de la neuropsychologie cognitive, sur un processus modulaire et séquentiel où la tâche à accomplir se fait selon des unités indépendantes les unes des autres.

Bien entendu, les malades, qu’ils soient grossièrement cérébrolésés comme le sont les malades neurologiques, ou de façon discrète et subtile comme le sont les malades psychiatriques atteints de troubles idiopathiques, seront explorés de la même façon.

A – Délires d’identification des personnes :

Ils appartiennent aux delusional misidentification syndromes (DMS) des Anglo-Saxons et ont de ce point de vue une valeur paradigmatique car ils peuvent s’observer de façon identique aussi bien chez des malades cérébrolésés (traumatisme crânien, démence) que lors des psychoses essentielles où ils ont été décrits.

Ils concernent en effet une fonction cérébrale définie, celle de la reconnaissance d’autrui et de la mémoire des visages, pour laquelle on dispose d’un corpus de connaissances considérable, dont des tests pouvant permettre de définir le ou les loci défaillant(s) de la chaîne de traitement.

Le syndrome de Capgras, chef de file des DIP, pourrait être considéré de ce point de vue comme une dissociation neuropsychologique puisque les malades méconnaissent l’identité d’un proche alors que la reconnaissance formelle paraît conservée (ils affirment avoir affaire à un double ou à un sosie, un jumeau).

Le syndrome de Capgras et les DMS constituent ainsi un champ d’application privilégié pour une nouvelle discipline : la neuropsychiatrie cognitive.

L’étude de ces syndromes (ou symptômes) est déjà bien avancée.

B – Troubles obsessionnels compulsifs :

Ils sont également de bons candidats à ce type d’approche.

Considérés jusqu’à ces dernières années comme d’origine névrotique et relevant d’interprétations psychodynamiques, on leur reconnaît de plus en plus des bases neurobiologiques et même lésionnelles.

On souligne ici la redécouverte par Laplane et al que des symptômes obsessionnels peuvent s’observer au cours des lésions des noyaux gris.

L’importance des travaux actuels sur les TOC acquis est non seulement d’avoir constaté que des phénomènes obsessionnels pouvaient s’observer au cours des lésions des noyaux gris mais également lors de lésions situées à d’autres niveaux, ce qui fait penser qu’il y a alors interruption d’un circuit anatomique (que l’on suppose être aussi l’une des boucles cortico-sous-cortico-corticales récemment identifiées).

Mais les TOC acquis ou symptomatiques, ou secondaires, sont-ils de même nature que les formes idiopathiques ou primaires ? La question ne peut pas être résolue a priori.

La démarche logique est d’explorer les malades de la même façon.

Ainsi Berthier et al comparant sur les plans sémiologique, neuropsychologique et en imagerie cérébrale treize malades ayant des TOC acquis à un groupe contrôle de formes idiopathiques, ne découvrent pas de grandes différences sur les plans sémiologique et neuropsychologique (cortège de déficits cognitifs), les treize malades ayant des TOC acquis ont un examen neurologique anormal mais c’est aussi le cas de trois malades du groupe idiopathique.

Il n’est donc pas actuellement possible d’assimiler les deux types de TOC mais au moins de s’appuyer sur les formes symptomatiques pour éclairer la complexité des formes essentielles.

La présence de TOC au cours de la maladie des tics de Gilles de la Tourette, est maintenant communément admise et atteindrait des chiffres de 50 à 75 %. Cette fréquence paraît excessive et semble due à l’intégration, en tant que TOC, de ruminations obsédantes et de phénomènes adaptatifs secondaires à la maladie.

Néanmoins, de nombreux travaux sont consacrés à cette association morbide dans l’hypothèse où existeraient des anomalies anatomiques ou biochimiques communes, ou une même base génétique.

C – Hallucinations sensorielles :

Elles ne sont bien sûr pas spécifiques des pathologies psychiatriques et s’observent aussi bien (parfois selon des modalités cliniques différentes) lors de certaines atteintes cérébrales localisées (temporales, occipitales), lésionnelles ou dysfonctionnelles.

Des études actuelles sur les hallucinations acousticoverbales et visuelles pourraient permettre de les intégrer à des modèles fonctionnels concernant le langage et la vision, et peut-être de découvrir aux formes acquises et aux formes essentielles une pathogénie commune.

Dans une série de travaux, des auteurs anglais constatent, grâce à un protocole ingénieux en imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle, après une stimulation sensorielle (voix humaine, flash lumineux), que la réponse du cortex impliqué dans la modalité hallucinatoire (cortex temporal gauche ou visuel) est spécifiquement inhibée quand le malade est en période hallucinatoire.

Ceci traduirait une compétition entre la perception externe normale et une perception interne hallucinatoire, lesquelles s’effectueraient sur les mêmes zones.

Ces travaux rejoindraient la constatation qu’il existe une diminution de volume du lobe temporal supérieur gauche chez des schizophrènes souffrant d’hallucinations auditives et d’un trouble formel de la pensée.

Il s’agit là d’un des rares résultats, régulièrement reproduits, des études générales sur la schizophrénie. Une autre voie de recherche concerne les hallucinations (habituellement de type hallucinosique mais parfois très élaborées) des sujets présentant des états de désafférentation sensorielle.

On connaît le syndrome de Charles Bonnet des personnes âgées souffrant d’une baisse de l’acuité visuelle, le membre « fantôme » des amputés, les hallucinations auditives, souvent musicales mais parfois verbales des malades âgés ayant une hypoacousie.

Or, plusieurs travaux découvrent l’existence de déficits auditifs périphériques chez des malades présentant des hallucinations auditives, qu’il s’agisse de malades atteints de DTA ou de psychose hallucinatoire chronique.

Des aspects neurologiques peuvent être observés dans la plupart des pathologies psychiatriques essentielles.

Ils orientent rarement vers une localisation lésionnelle ou dysfonctionnelle mais indiquent plutôt une vulnérabilité de l’encéphale que l’on pense être due à des séquelles d’agressions anciennes ou à des facteurs génétiques.

Le vieillissement cérébral pourrait ajouter un effet délétère supplémentaire mais la réalité d’une détérioration spécifique au cours des psychoses (schizophrénie et psychose maniacodépressive) reste très discutée.

Le rôle de l’atteinte cérébrale dans certaines de ces pathologies (lors des atteintes déficitaires précoces des psychoses) paraît actuellement prépondérant par rapport aux facteurs psychosocio- génétiques du milieu ; néanmoins, l’exemple de la catatonie doit mettre en garde contre un réductionnisme excessif répondant au modèle neurologique simple de type lésionnel.

Ce syndrome typiquement fonctionnel oriente plutôt vers une atteinte non spécifique de l’encéphale, à l’origine de laquelle on peut incriminer le stress et évoquer le rôle des facteurs immunologiques.

Le progrès des neurosciences devrait amener une meilleure compréhension des affections psychiatriques mais, dès à présent, et dans une perspective plus clinique, la position charnière de certains symptômes situés entre la neurologie et la psychiatrie (pathologie des confins) offre un champ d’application privilégié pour une neuropsychiatrie en pleine renaissance.

Le retour à cette discipline éviterait cette bascule, que nous avons évoquée, de certaines pathologies psychiatriques dans le champ de la neurologie, ce qui risquerait d’aboutir à l’abandon par les psychiatres de ces pathologies.

Un tel abandon serait regrettable car ces troubles, même si on définit de mieux en mieux leur base matérielle, sont indissolublement liés à des aspects émotionnels (les réactions face au handicap) et relationnels qui constitueront pour longtemps une cible essentielle de la thérapeutique.

Reconnaître les maladies mentalescommeétant des maladies de l’encéphale, c’est-à-dire abandonner le postulat d’une psychiatrie « brainless », ne pourrait pas se traduire par un retour à une neurologie « mindless », également dépassée.

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