Aspects neurochirurgicaux des adénomes hypophysaires (Suite)

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Première partie

Diagnostic différentiel :

Aspects neurochirurgicaux des adénomes hypophysaires (Suite)Au terme de cette analyse clinique, biologique et radiologique, le diagnostic de tumeur hypophysaire est en général hautement probable.

Il est certain, quand il existe un syndrome clinique et biologique d’hypersécrétion hormonale spécifique et une imagerie patente.

Il peut être plus douteux dans trois circonstances particulières :

– découverte d’une hyperprolactinémie inférieure à 200 ng/mL.

Elle ne signifie pas obligatoirement adénome à prolactine, car un grand nombre d’autres lésions sellaires ou parasellaires peuvent augmenter la prolactinémie par un mécanisme de dysconnexion hypothalamohypophysaire (méningiome suprasellaire et craniopharyngiome) ;

– existence d’un syndrome de Cushing clinique et biologique.

Elle ne correspond pas de façon obligatoire à un adénome hypophysaire à adrenocorticotrophic hormone (ACTH).

C’est ainsi qu’un syndrome de Cushing à imagerie normale doit faire rechercher les autres causes du syndrome.

La résolution actuelle de l’IRM permet de mettre en évidence des adénomes hypophysaires de plus de 2 mm de diamètre.

C’est ainsi qu’un certain nombre d’adénomes inframillimétriques peuvent échapper à la détection radiologique.

La technique de cathétérisme des sinus pétreux peut dans ce cas s’avérer extrêmement utile pour affirmer l’origine hypophysaire du syndrome ;

– problème des adénomes hypophysaires géants. Il peut s’agir d’un difficile challenge diagnostique.

En effet, il s’agit du diagnostic d’une tumeur géante de la base du crâne, laquelle est détruite.

Les signes cliniques sont des signes de compression de voisinage, visuels, oculomoteurs, voire syndrome frontal, épilepsie ou des manifestations oto-rhino-laryngologiques (ORL) à type d’obstruction nasale ou d’épistaxis.

Seule la biopsie permet un diagnostic certain, encore que le diagnostic d’adénome doit être évoqué de manière systématique et faire pratiquer une étude immunocytochimique sans se contenter d’un classique diagnostic de tumeur neuroépithéliale.

Ces formes géantes sont souvent l’apanage des prolactinomes géants, et le dosage de la prolactinémie est là encore systématique.

Dans ces cas, le traitement par agonistes dopaminergiques a pu entraîner des réductions volumétriques considérables entraînant une rhinorrhée cérébrospinale.

En dehors de ces trois circonstances particulières, le diagnostic de tumeur hypophysaire est aisé, mais le diagnostic d’adénome peut être parfois plus difficile.

En effet, il existe un certain nombre de lésions intra- ou suprasellaires non adénomateuses qui peuvent représenter une difficulté diagnostique avant l’intervention.

– Craniopharyngiome.

Cette tumeur embryonnaire survient classiquement plus souvent chez l’enfant.

Elle est intra- et/ou suprasellaire, calcifiée, en partie kystique aussi.

Elle se traduit par un retard de croissance, un diabète insipide (éventualité jamais retrouvée dans un adénome), des troubles visuels, une insuffisance hypophysaire dissociée.

Son diagnostic avec un adénome hypophysaire kystique ou nécrotique peut être difficile.

– Kyste de la poche de Rathke.

Son origine est embryonnaire.

La poche de Rathke apparaît à la quatrième semaine de la gestation.

Elle est à l’origine de l’antéhypophyse, la partie antérieure constituant la pars distalis et la partie postérieure de la poche la pars intermedia.

Si la lumière de la poche n’est pas oblitérée, la constitution d’un kyste entre le lobe antérieur et le lobe intermédiaire est possible.

Histologiquement, la paroi du kyste est constituée d’un épithélium pseudostratifié au-dessus d’une lame de tissu conjonctif.

Les manifestations cliniques sont celles de l’effet de masse locale, et incluent un dysfonctionnement hypophysaire, des céphalées, des signes visuels et souvent une hyperprolactinémie par compression de la tige pituitaire.

Son association avec un adénome est possible.

L’aspect peropératoire est souvent décrit comme un liquide puriforme aseptique de consistance gélatineuse.

– Autres lésions intra- et/ou suprasellaires.

Il s’agit en général de découverte histologique : hypophysite, métastases, choristome, abcès, chondrome ou chondrosarcome.

Traitement clinique :

A – PRÉPARATION :

Quelle que soit la voie d’abord choisie, l’intervention est précédée :

– d’une consultation d’anesthésie, obligatoire certes, mais indispensable chez les sujets âgés ou en insuffisance hypophysaire, mais aussi chez l’acromégale où des difficultés d’intubation sont prévisibles, nécessitant souvent une intubation orotrachéale sous fibroscopie ;

– d’un traitement médical ayant fait l’objet d’un consensus de l’équipe médicochirurgicale.

Dans notre centre, ce consensus comporte :

– pour les tumeurs hypophysaires en dehors de la maladie de Cushing ou du syndrome de Nelson :

– 50 mg de succinate d’hydrocortisone avec la prémédication, puis 25 mg en intramusculaire ou en intraveineux direct toutes les 6 heures.

À la 18e heure après la prémédication, hydrocortisone 20 mg per os ;

– antibiothérapie de 24 heures :

– lincomycine : 10 mg/kg (dose maximale 600 mg chez l’adulte) ;

– gentamicine : 1 mg/kg ;

– ces deux antibiotiques sont administrés avec la prémédication, puis deux autres fois à 8 heures d’intervalle.

– pour les adénomes hypophysaires dans le cadre de la maladie de Cushing ou du syndrome de Nelson :

– Lovenoxt 20 mg sous-cutané 2 heures avant l’intervention chez les patients de plus de 20 ans ;

– traitement substitutif :

– maladie de Cushing avec hypercorticisme évolutif : 50 mg de succinate d’hydrocortisone en intramusculaire, puis 25 mg toutes les 6 heures ;

– maladie de Cushing sous traitement freinateur : poursuite du traitement antérieur la veille, 75 mg de succinate d’hydrocortisone en intramusculaire avec la prémédication puis 75 mg toutes les 6 heures en intraveineux direct avec surveillance de la pression artérielle ; Syncortylt 5 à 10 mg en intramusculaire toutes les 12 heures, si nécessaire associé au protocole antibiotique des 24 heures identique (lincomycine/gentamicine).

B – VOIES D’ABORD :

Les deux approches chirurgicales les plus courantes vers la selle turcique sont la voie intracrânienne (sous-frontale et ptérionale) et la voie rhinoseptale transsphénoïdale.

C’est cette dernière qui est le plus souvent utilisée dans la chirurgie des adénomes hypophysaires (97,7 % de notre série).

La voie d’abord crânienne (2,3 %) est réservée aux expansions tumorales inaccessibles par voie rhinoseptale, et en l’absence de possibilité de traitement médical antitumoral efficace.

1- Voie rhinoseptale transsphénoïdale :

Sous anesthésie générale, la patient est installé en position dite « transatlantique », demi-assis, tête droite orthogonale à la salle d’opération. Un petit champ stérile séparé est systématiquement préparé au niveau de la cuisse droite, permettant si nécessaire un prélèvement de fascia lata et de muscle en cas de fuite de LCR peropératoire.

Depuis longtemps, l’intervention est réalisée par le neurochirurgien seul.

L’intervention est réalisée sous microscope opératoire et contrôle permanent de la position des instruments sous amplificateur de brillance et contrôle télévisé.

D’autres apports techniques sont possibles, mais non utilisés en routine dans notre expérience :

– fibroscopie peropératoire : elle permet de vérifier la qualité de l’exérèse dans des zones où la vision directe sous microscope est difficile (sinus caverneux et prolongement supérieur) ;

– échographie peropératoire : cette technique peut être un apport prometteur, en particulier dans les cas de maladie de Cushing à IRM normale ;

– chirurgie assistée par ordinateur (neuronavigation) : elle peut dans certains cas représenter un appoint supplémentaire si une difficulté de voie d’abord est prévisible.

Elle ne paraît pas actuellement donner une meilleure garantie en termes de durée ou de sécurité de l’intervention, pas plus qu’en termes de qualité d’exérère ou de résultat, du moins pour une équipe entraînée à cette chirurgie.

L’intervention par voie rhinoseptale dure en moyenne 1 heure, souvent moins.

La durée de l’hospitalisation est de 5 jours.

La voie transsphénoïdale est préférée à la voie narinaire de façon à éviter un écartement en force, une fracture des cornets, de la lame criblée ou de la paroi interne des orbites.

Les modalités de l’intervention sont strictement consignées dans le compte-rendu opératoire, de façon à aider l’interprétation radiologique d’un éventuel résidu tumoral sur les contrôles ultérieurs.

L’absence de sinus sphénoïdal ne contre-indique pas la voie trans-sphénoïdale.

Dans ce cas, la selle turcique est abordée par fraisage sous contrôle télévisé permanent.

Dans certains cas exceptionnels d’adénome hypophysaire dans le cadre de la maladie d’Albright comportant une dysplasie fibreuse extensive du sphénoïde, la selle turcique n’a pu être abordée.

* Surveillance postopératoire immédiate :

En dehors de consignes concernant l’antibiothérapie et le traitement substitutif, il est mis en oeuvre, dès l’arrivée en salle de surveillance postinterventionnelle, une surveillance clinique et biologique qui comprend un bilan hydroélectrolytique des entrées et des sorties, une mesure du volume urinaire, de la densité urinaire horaire et trihoraire et une surveillance de la natrémie.

Si les critères sont réunis pour authentifier un diabète insipide postopératoire immédiat, un traitement par Minirint est institué.

Les patients quittent l’hôpital au cinquième jour de l’intervention sous hydrocortisone après déméchage intranarinaire au troisième jour.

Complications de la voie transsphénoïdale

Elles sont rares mais doivent être rappelées.

L’expérience de cette chirurgie en diminue beaucoup la fréquence.

Mortalité

Elle est passée de 1 % avant 1985 à 0,2 % actuellement.

C’est la maladie de Cushing qui représente le plus grand risque : méningites suraiguës d’évolution fatale malgré le traitement, et thromboses vasculaires, en particulier thromboses veineuses profondes résultant du mauvais état vasculaire des patients atteints de la maladie de Cushing.

Ceci a conduit à instituer systématiquement dans la maladie de Cushing une couverture antibiotique et anticoagulante.

À l’origine des décès sont également notés les hématomes hypothalamiques après exérèse de macroadénomes invasifs.

+ Fuite de liquide céphalorachidien :

C’est la plus fréquente des complications mécaniques.

Elle se produit surtout au cours de l’exérèse des macroadénomes invasifs ayant détruit ou traversé le diaphragme sellaire.

Cette situation est d’ailleurs souvent prévisible, et le patient est averti de cette possibilité.

Elle survient dans deux circonstances distinctes :

– en peropératoire où l’exérèse de l’adénome entraîne une fuite de LCR.

La réparation est assurée par un fragment de fascia lata prélevé sur la cuisse, et monté dans la selle turcique en remplacement du diaphragme sellaire.

Le montage est complété par du muscle, et la fermeture de la paroi antérieure de la selle turcique par un taquet osseux prélevé lors de la voie d’abord.

Un montage plus complexe comportant le comblement du sinus sphénoïdal est réalisé lorsque la selle turcique est détruite ;

– la deuxième éventualité est la rhinorrhée postopératoire précoce ou plus tardive (1 %).

Les raisons en sont la non-reconnaissance de la fuite lors de l’intervention, le détachement secondaire du tissu hypophysaire résiduel après exérèse d’un macroadénome même enclos, la modification locale ultérieure entraînée par la fonte tumorale sous traitement médical ou radiothérapique, sur une selle turcique déjà détruite et mal réparée.

Dans les macroadénomes, la difficulté est de bien obturer la fuite sans reproduire de compression visuelle.

+ Syndrome de selle turcique vide :

Cette complication est devenue exceptionnelle car elle est prévenue de manière systématique.

Son apparition justifie trois conditions : une selle turcique large et ouverte en haut, une expansion suprasellaire volumineuse, et des adhérences entre le diaphragme sellaire distendu et les voies visuelles.

Dans ce cas et de manière progressive, après exérèse de l’adénome, le chiasma est attiré dans une selle vide, et il va se trouver coudé sur le clivus.

La prévention de ce syndrome secondaire est assurée par le soulèvement de la dure-mère du plancher de la selle en extradural, de façon à diminuer le volume de la selle turcique.

+ Aggravation visuelle :

Dans la chirurgie des microadénomes, cette éventualité n’est pas signalée.

L’aggravation visuelle survient essentiellement après exérèse de macroadénomes présentant déjà en préopératoire une atteinte visuelle sévère, et surtout lors d’une réintervention pour récidive volumineuse (18 % d’aggravations visuelles dans notre série après réintervention pour macroadénome présentant déjà d’importants signes visuels en préopératoire).

Cette aggravation visuelle est le plus souvent transitoire mais peut justifier d’une réintervention urgente, si le scanner postopératoire montre un hématome compressif intra- et suprasellaire.

Les mécanismes de cette aggravation visuelle sont multiples : traumatisme direct des voies visuelles, dévascularisation du tractus optique, fracture des orbites, hématome postopératoire, vasospasme cérébral.

+ Paralysie oculomotrice :

Elle est toujours unilatérale, atteignant le III plutôt que le VI.

Elle est l’apanage des exérèses partielles des adénomes envahissant le sinus caverneux, et correspond à un oedème ou une suffusion hémorragique au sein de la portion intracaverneuse laissée en place.

Cette paralysie oculomotrice est le plus souvent régressive en quelques semaines.

* Complications endocriniennes et métaboliques :

Elles sont de trois ordres.

+ Insuffisance hypophysaire postopératoire :

Elle est exceptionnelle (moins de 0,5 % dans notre série) lorsque la fonction est normale en préopératoire.

Dans la chirurgie du microadénome, l’intervention est donc qualifiée de sélective, conservant le tissu hypophysaire normal.

Le plus souvent, la limite entre le tissu sain et pathologique est visible, et autorise donc la conservation d’une fonction hypophysaire postopératoire normale.

Cette affirmation est valable, même pour la chirurgie du macroadénome à fonction hypophysaire conservée.

Dans ces cas, le tissu sain est retrouvé plaqué contre l’une des parois de la selle, sous la forme d’une languette d’hypophyse normale rosée et adhérente à la dure-mère.

En revanche, s’il existe une insuffisance hypophysaire plus ou moins complète en préopératoire, la chirurgie ne change souvent rien, mais un certain degré de récupération du déficit hormonal est possible.

+ Diabète insipide :

La survenue transitoire d’un diabète insipide en période postopératoire est estimée de 10 à 60 %.

Le risque de diabète insipide permanent est rare (0,6 %).

Cette éventualité est surtout l’apanage des adénomes corticotropes de la maladie de Cushing, où l’exérèse est souvent élargie à la posthypophyse.

La surveillance minutieuse par tranche horaire de la diurèse, des apports liquidiens, de l’osmolarité urinaire, de la natrémie, dans les 48 heures postopératoires, permet un diagnostic précoce et un traitement adapté.

+ Hyponatrémie secondaire :

Elle est attribuée à une sécrétion inappropriée d’hormones antidiurétiques, et survient dans la semaine suivant l’intervention.

L’hyponatrémie est symptomatique avec l’apparition secondaire de céphalées, de vomissements, d’une natrémie en moyenne à 130 mmol/L.

La connaissance récente de ce syndrome a conduit à demander aux patients de faire réaliser de manière systématique une natrémie au septième jour de l’intervention.

La liste des autres complications est longue.

L’expérience chirurgicale en diminue grandement le type et l’incidence : complications anesthésiques, plaie de la carotide intracaverneuse, plaie de l’artère sphénopalatine, contusion hémorragique du diencéphale, perte de vision.

2- Voie trans-sphénoïdale en deux temps :

C’est une alternative intéressante.

La stratégie est la suivante : au cours d’un premier abord trans-sphénoïdal, le pôle supérieur de l’adénome ne descend pas dans la selle turcique malgré les manoeuvres de compression jugulaire.

Le résidu supérieur est donc volontairement laissé en place après une hémostase soigneuse.

Après cette chirurgie incomplète et décompressive, il est généralement constaté une amélioration visuelle.

Le contrôle d’imagerie 2 à 3 mois après cette chirurgie peut montrer la descente spontanée de l’expansion suprasellaire dans la selle turcique, expansion qui devient alors tout à fait accessible à un nouvel abord transsphénoïdal dans le but de réaliser une exérèse complète, de préserver le tissu hypophysaire sain et d’éviter ainsi une radiothérapie.

Cette stratégie a été utilisée avec succès dans notre service dans des cas de plus en plus nombreux de macroadénomes non fonctionnels.

3- Voie crânienne :

Les indications de la voie crânienne en matière de chirurgie des adénomes hypophysaires sont rares (2,3 % dans notre série).

La voie crânienne n’est indiquée que chez des sujets non âgés, présentant des signes visuels non améliorés par le traitement médical, et dont l’adénome n’est pas extirpable par voie transsphénoïdale en raison d’une expansion latérale ou de son caractère fibreux.

En général, il s’agit de macroadénomes symptomatiques non fonctionnels ou gonadotropes, présentant des expansions intracrâniennes multidirectionnelles communiquant avec le contenu intrasellaire par un collet étroit.

C’est ainsi que les expansions audessus du jugum sphénoïdal, rétroclivales ou latérales, peuvent être des indications de voie crânienne de première intention.

Le choix de la voie d’abord est dicté par la direction de l’expansion tumorale : craniotomie bifrontale médiane, abord ptérional sous-frontotemporal ou abord sous-temporal. Dans ce cas, le problème n’est plus endocrinien mais bien tumoral.

La chirurgie est souvent incomplète, longue et complexe.

Ceci est lié à la dissection du tractus optique, des artères du polygone de Willis, des perforantes, des nerfs oculomoteurs et du tronc cérébral.

Cette dissection, qui est très minutieuse, aboutit cependant à une plus grande fréquence de complications postopératoires, et à des suites opératoires plus lourdes que lors d’un abord trans-sphénoïdal.

La voie crânienne ne permet pas une bonne visualisation du contenu intrasellaire du fait de l’auvent du tubercule de la selle.

La seconde indication de la voie crânienne est constituée par l’existence rare d’un adénome fonctionnel en situation ectopique, supradiaphragmatique.

Les adénomes ectopiques sont des adénomes en situation supradiaphragmatique.

Ces cas sont rares.

Ils sont liés à une migration embryologique défectueuse.

Ils concernent préférentiellement les adénomes sécrétants ACTH-dépendants de la maladie de Cushing, et peuvent en partie expliquer certains échecs de la chirurgie par voie transsphénoïdale si l’imagerie n’a pas été performante.

C – INDICATIONS CHIRURGICALES :

1- Deux notions fondamentales :

Les indications chirurgicales sont modulées en fonction de deux notions fondamentales :

– les données anatomiques concernant la tumeur et ses rapports avec les structures nerveuses et vasculaires adjacentes ;

– les possibilités et les limites du traitement médical en fonction du caractère sécrétant ou non de l’adénome.

* Données anatomiques :

Elles ont trait à deux caractéristiques essentielles qui justifient l’analyse radiologique minutieuse préopératoire : l’adénome est-il enclos ou invasif ?

L’adénome enclos est un adénome qui reste, même s’il est « macro », dans les limites des parois de la selle turcique et, même si le diaphragme sellaire est distendu par une expansion suprasellaire, son exérèse complète est possible en respectant le tissu hypophysaire sain.

L’adénome invasif a traversé les parois de la selle turcique ; il a perforé la dure-mère, le diaphragme sellaire, parfois le corps du sphénoïde.

Son exérèse complète est plus incertaine du point de vue tumoral, encore moins du point de vue hormonal s’il s’agit d’une tumeur sécrétante.

* Possibilités et limites du traitement médical :

Sauf cas exceptionnels, les traitements médicaux ne suppriment pas l’adénome, si bien que sous contrôle de leur efficacité, le traitement est institué à vie.

Cette efficacité est diversement appréciée selon les critères retenus et selon le type d’adénome : normalisation hormonale et/ou réduction tumorale.

2- Indications :

* Adénome hypophysaire non fonctionnel avec signes visuels :

L’indication chirurgicale est absolue compte tenu de la menace visuelle et de l’absence de possibilité de traitement médical.

Le choix de la voie d’abord est soumis aux conditions anatomiques.

Chez le sujet âgé, seule la voie trans-sphénoïdale est possible, l’âge n’étant pas une contre-indication à cette chirurgie.

Seule une contre-indication anesthésique formelle, une opposition documentée du malade ou de sa famille dûment informée peuvent faire récuser l’intervention par voie trans-sphénoïdale.

* Adénome hypophysaire non sécrétant sans signe visuel :

Il peut s’agir dans ce cas au maximum d’un « incidentalome » hypophysaire, c’est-à-dire d’une tumeur hypophysaire découverte par hasard, sans signe visuel et sans manifestation endocrinienne clinique ou biologique.

Il s’agit d’un problème auquel le neurochirurgien est confronté plus souvent depuis que le scanner ou l’IRM sont réalisés pour des raisons diverses, sans relation avec une pathologie endocrinienne.

Dans ces cas, un bilan hormonal hypophysaire est recommandé de façon à authentifier une éventuelle hypersécrétion hormonale justifiant un traitement spécifique, ou un déficit hypophysaire même partiel.

Un microadénome hypophysaire découvert comme un « incidentalome » ne justifie pas une chirurgie de première intention, car le risque de croissance tumorale significative est faible.

L’imagerie est contrôlée tous les ans, et l’intervention proposée en cas d’augmentation patente de l’adénome.

Dans le cas de macroadénome de découverte fortuite, l’indication chirurgicale est retenue s’il existe une menace visuelle ou une insuffisance hypophysaire.

En l’absence de ces symptômes, il est possible de surveiller en prévenant le patient qu’une surveillance ophtalmologique deux fois par an est nécessaire.

Chez le sujet âgé, la décision peut être difficile, car l’association avec une pathologie ophtalmologique pure est fréquente.

* Adénomes sécrétants :

+ Adénome enclos :

Qu’il soit micro- ou macro-, l’adénome hypophysaire enclos sécrétant, quel que soit le type de sécrétion, est une bonne indication d’exérèse chirurgicale par voie trans-sphénoïdale, car son exérèse complète et sélective est possible, et la guérison hormonale peut donc être obtenue dans un grand nombre de cas sans altérer la fonction hypophysaire.

+ Adénome invasif :

Il a traversé la paroi de la selle turcique et son exérèse est de ce fait le plus souvent incomplète.

En général, l’indication chirurgicale n’est que secondaire et vient de l’inefficacité partielle du traitement médical, ou de l’absence de réduction volumétrique de la tumeur.

Dans ces cas, la chirurgie a pour but de réaliser une réduction tumorale souvent satisfaisante, mais s’intègre dans une stratégie thérapeutique plus complète.

+ Adénome à imagerie normale :

Il est l’apanage des hyperprolactinémies et de la maladie de Cushing.

– En cas d’hyperprolactinémie à imagerie normale, l’indication chirurgicale ne peut être retenue.

– En revanche, dans la maladie de Cushing, l’attitude est plus nuancée, car il s’agit d’une maladie dont la gravité est reconnue.

Plusieurs attitudes sont possibles dans cette éventualité :

– traiter médicalement et effectuer une surveillance en imagerie jusqu’à la visualisation d’un adénome, éventualité non exceptionnelle dans notre expérience ;

– pratiquer un cathétérisme bilatéral et sélectif des sinus pétreux inférieurs avec dosage de l’ACTH.

Cette technique permet d’affirmer l’origine hypophysaire du syndrome de Cushing, mais ne permet pas formellement de latéraliser la lésion ;

– proposer une exploration chirurgicale hypophysaire systématique, à la recherche d’un microadénome non encore visible à l’IRM.

Dans des centres expérimentés, cette technique apporte de bons résultats.

D – FACTEURS INFLUENÇANT LES RÉSULTATS :

Les résultats de la chirurgie sont fonctions d’un certain nombre de paramètres qui sont :

– le volume de l’adénome : plus un adénome est gros, moins l’exérèse a des chances d’être complète, d’où l’opposition entre les tumeurs intrasellaires et les tumeurs expansives, d’où le contraste entre microadénome et macroadénome ;

– le caractère invasif de la tumeur au niveau des parois de la loge sellaire ;

– les taux sanguins d’hormonémie préopératoire dans les adénomes sécrétants : plus ces taux sont élevés, plus les chances de normalisation biologique diminuent.

Un certain nombre d’autres facteurs peuvent également influencer la qualité de l’intervention en termes de guérison hormonale :

– le sexe : en matière d’adénome à prolactine, les résultats chez les hommes sont plus décevants que chez les femmes.

Cela tient au fait que dans la grande majorité des cas chez l’homme, les prolactinomes sont volumineux et la prolactinémie extrêmement élevée.

En revanche, le pronostic du microprolactinome chez l’homme rejoint les très bons résultats obtenus chez la femme ;

– l’âge : si l’adénome a évolué avant la puberté (aménorrhée primaire s’il s’agit d’un prolactinome, acromégalogigantisme s’il s’agit d’un adénome à GH), les résultats chirurgicaux vont en général dans le sens de la non-guérison.

Cette notion n’est pas retrouvée dans les résultats après adénomectomie chez l’enfant dans le cadre de la maladie de Cushing ;

– le traitement médical prolongé préopératoire dans un prolactinome : il peut gêner l’acte chirurgical dans la mesure où le traitement a entraîné des modifications anatomiques de la lésion, qui la rendent moins limitée qu’avec le tissu hypophysaire normal ;

– l’absence d’adénome visible à l’IRM dans le cadre de la maladie de Cushing : elle est source d’une plus grande incertitude quant à la guérison hormonale.

Résultats :

Ils comportent deux aspects principaux : la symptomatologie visuelle et la « guérison hormonale ».

A – PRONOSTIC VISUEL :

L’un des avantages majeurs de la chirurgie est d’apporter une décompression rapide des voies visuelles, éventualité fréquente dans les adénomes non fonctionnels.

Les résultats postopératoires sont souvent bons, voire excellents. Notre expérience atteste des résultats visuels suivants :

– amélioration visuelle : 80 % ;

– pas de changement : 13,8 % ;

– aggravation visuelle : 6,2 %.

Concernant les cas d’aggravation, il s’agit le plus souvent de réintervention pour récidive d’adénomes non sécrétants.

La qualité de l’amélioration visuelle, acuité ou champ visuel, est proportionnelle à l’état visuel préopératoire, à la durée de la compression du chiasma et au choix de la voie d’abord (la voie crânienne étant davantage responsable d’aggravation visuelle du fait de la manipulation peropératoire des nerfs optiques, des risques de dévascularisation partielle du tractus optique).

B – RÉSULTAT ENDOCRINIEN :

Il apparaît très dépendant de l’expérience chirurgicale.

Donner des résultats globaux concernant la chirurgie ne signifie rien, dès lors que l’on s’adresse à des tumeurs différentes allant du microadénome à d’importantes lésions invasives.

C’est donc par catégorie que les résultats doivent être exprimés et ils se trouvent à peu près similaires quelles que soient les équipes.

1- Adénome à prolactine :

L’analyse de nos résultats fait apparaître les données suivantes :

– 90 % de guérisons (prolactinémie inférieure à 10 ng/mL) dans les microadénomes avec une prolactinémie préopératoire inférieure à 100 ng/mL ;

– 75 à 85 % de guérisons dans les microadénomes ou macroadénomes intrasellaires enclos présentant une prolactinémie inférieure à 200 ng/mL ;

– 29 à 40 % de guérisons dans les macroadénomes expansifs dont les possibilités d’exérèse totale sont fonction de l’importance et de la multiplicité des expansions suprasellaires, et du caractère invasif de la tumeur au niveau de la méninge et du sinus caverneux.

À long terme, 15 à 25 % des cas présentent une récidive biologique. La majorité de ces récidives concerne ceux dont la prolactinémie postopératoire était à la limite supérieure de la normale.

Ces cas justifient donc une surveillance biologique annuelle qui peut confirmer la réascension progressive du taux de prolactine, et la réapparition du syndrome clinique.

2- Adénomes somatotropes :

Les résultats de la chirurgie des adénomes somatotropes sont plus difficiles à analyser car les catégories utilisées, et surtout les critères de guérison, ont évolué et se sont affinés.

Avec un critère de guérison postopératoire ayant un taux de GH inférieur à 5 ng/mL, la guérison est obtenue dans 70 % des cas.

Avec des critères plus stricts, ceux qu’il faut utiliser actuellement, à savoir un taux de GH sanguin inférieur à 2 ng/mL, voire à 1 ng/mL, une immunoglobuline (Ig)F1 normale, une réponse normale de la GH sous HGPO, l’analyse de la littérature fait apparaître que les microadénomes sont guéris dans 51,7 % des cas quand le taux de GH est inférieur à 20 ng/mL.

Les résultats sont très dépendants de la taille de l’adénome et du taux de GH préopératoire.

Le taux de récidive des microadénomes opérés et guéris varie de 0 à 14 %. En réalité, actuellement, on ne peut parler de guérison.

Il est probablement plus justifié de parler en termes de contrôle ou de rémission.

L’observatoire français de l’acromégalie permettra sans doute dans les prochaines années d’optimiser ces résultats.

3- Maladie de Cushing :

Concernant la maladie de Cushing, les critères de guérison et les facteurs prédictifs de non-récidive après intervention par voie transsphénoïdale ont eux aussi évolué : il semble exister un consensus actuel pour parler de guérison ou de rémission.

On accorde une valeur pronostique certaine au dosage bas, voire indétectable de cortisol urinaire postopératoire, à l’absence de réponse du cortisol au CRH et à une longue thérapie substitutive.

Les résultats globaux font état d’un pourcentage de rémission immédiate de l’hypercorticisme de 70 à 80 %.

Notre expérience de 375 maladies de Cushing suivies depuis 1995 fait état d’une guérison immédiate de 75 %, mais peut atteindre 90 % s’il existe un microadénome à l’IRM.

Malgré cela, les pourcentages de récidives restent de 9 % à 20 % en moyenne à 3 ans, avec un risque de récidive multiplié par cinq s’il existe un eucortisolisme postopératoire (dans la série de l’hôpital Foch, les récidives sont évaluées à 11,5 %).

4- Adénomes thyréotropes :

Ils sont donc rares. Comme les autres types d’adénomes, leur pronostic est lié à leur taille et à l’importance de l’hyperhormonémie préopératoire.

La moitié d’entre eux sont sensibles aux analogues de la somatostatine, lesquels peuvent avoir entraîné des réductions tumorales importantes.

Problème de la chirurgie des récidives des adénomes hypophysaires :

Il s’agit d’un problème difficile qui se pose souvent depuis la connaissance des effets délétères, en particulier endocriniens, de la radiothérapie.

En pratique, la réintervention peut se discuter si la radiothérapie est contre-indiquée, s’il n’y a pas de possibilité de traitement médical et si l’imagerie est cohérente, et si cette nouvelle intervention peut prétendre à une nouvelle « guérison » endocrinienne ou à une amélioration des signes visuels dans les adénomes non fonctionnels.

La menace visuelle, l’absence de contrôle de l’hypersécrétion par le traitement médical, le caractère invasif et le siège de la récidive sont d’autres éléments dans la discussion de réintervention.

En présence d’une menace visuelle, la réintervention est hautement recommandée en cas d’adénome non sécrétant, mais elle représente un risque plus important de complications visuelles et liquidiennes (9 % de fuites de LCR en cas de réintervention), surtout en cas de radiothérapie antérieure, laquelle accroît le caractère fibreux de l’adénome.

Dans les adénomes sécrétants, les résultats de la chirurgie réitérée par voie transsphénoïdale font globalement état de 0 % à 50 % de succès, avec un risque important (70 %) d’insuffisance hypophysaire postopératoire.

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