Ascite

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AsciteL’ascite est définie par la présence de liquide dans la cavité péritonéale. Elle est détectable cliniquement lorsque son volume atteint 2,5 litres environ. L’analyse des caractéristiques du liquide d’ascite est une étape essentielle du diagnostic étiologique. La cirrhose alcoolique en est la cause la plus fréquente dans les pays industrialisés, mais il faut savoir aussi évoquer une carcinose ou une tuberculose péritonéale.

CLINIQUE :

L’installation d’une ascite est plus ou moins rapide en fonction de sa cause. Quand elle apparaît progressivement, elle peut être précédée d’un météorisme abdominal. Elle s’accompagne ensuite d’une sensation de pesanteur abdominale, d’une prise de poids et d’une augmentation du périmètre ombilical.

À ce stade, elle est souvent associée à un oedème des membres inférieurs.

– À l’inspection : distension abdominale, peau tendue et lisse, ombilic déplissé et parfois extériorisation d’une hernie ombilicale ou inguinale qui permet de découvrir l’ascite.

– À la percussion : matité déclive et mobile des flancs et de l’hypogastre surmontée d’un tympanisme péri-ombilical.

– À la palpation : signe du glaçon (dépression brusque de la paroi qui refoule le foie, ce qui donne un choc en retour) et signe du flot.

Quand l’ascite est de grande abondance et s’installe rapidement, elle peut être mal tolérée et être responsable de dyspnée. Un épanchement pleural, souvent droit, peut être présent.

Il est important de rechercher d’autres signes d’hypertension portale et d’insuffisance hépatocellulaire.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :

Ponction d’ascite :

Elle permettra de confirmer le diagnostic d’ascite et d’orienter vers son étiologie grâce à l’analyse biochimique, cytologique et bactériologique du liquide. Elle pourra être évacuatrice si l’ascite est mal tolérée. Elle est le plus souvent réalisée en aveugle en fosse iliaque gauche au niveau du tiers externe de la ligne reliant l’ombilic à l’épine iliaque antérosupérieure gauche, en pleine matité. En cas d’épanchement de faible abondance ou de doute diagnostique elle peut être effectuée sous échographie.

ASPECT MACROSCOPIQUE :

Liquide jaune citrin, fluide, ne coagulant pas, peut être trouble en cas d’infection, ou hémorragique en cas d’origine néoplasique ou tuberculeuse, ou chyleux en cas de compression du système lymphatique.

ANALYSE CYTOLOGIQUE :

Elle doit surtout déterminer la numération leucocytaire. Un taux de polynucléaires neutrophiles supérieur à 250/mL signe l’infection d’ascite.

ANALYSE BIOCHIMIQUE :

Elle permet de mesurer la concentration de protides et d’albumine dans l’ascite. Au concept de transsudat-exsudat (albumine < 25 ou > 25 g/L), il est préférable d’utiliser le gradient d’albumine entre sérum et épanchement (GASE) (albumine sérique moins albumine péritonéale obtenues le même jour). Ce gradient est corrélé à l’existence d’une hypertension portale : les patients ayant une ascite secondaire à une hypertension portale ont un GASE 11 g/L. les étiologies des ascites peuvent ainsi être classées en fonction de l’hypertension portale (tableau 4). Le GASE corrèle directement avec un seul facteur physiologique (la pression veineuse portale), alors que la concentration totale en protéines est directement corrélée au niveau de protéines sériques et inversement corrélée à la pression veineuse portale. Chez les patients cirrhotiques, ces deux facteurs variant largement entraînent des concentrations en protéines hautement variables. Le GASE apporte l’avantage de donner une approche plus rationnelle à la pathogenèse de l’ascite et est d’une importance particulière quand le patient reçoit des diurétiques ou souffre d’une complication de cirrhose.

ANALYSE BACTÉRIOLOGIQUE :

Ensemencement systématique sur milieu aéro-anaérobie et surtout milieu de Löwenstein.

ADÉNOSINE DÉSAMINASE (ADA) :

L’intérêt diagnostique de l’augmentation de l’ADA dans l’ascite est controversé, cependant, en zone d’endémie tuberculeuse, son élévation est évocatrice de tuberculose et a le mérite d’être rapidement disponible pour débuter un traitement. Des seuils variés entre 30 et 70 U/L ont été utilisés, correspondant à une efficacité diagnostique entre 83 % et 100 % (sensibilité 75–100 % ; spécificité 79–100 %).

À noter que le dosage des marqueurs tumoraux dans l’ascite n’apporte aucun élément d’orientation étiologique.

Interferon-γ (IFN-γ) :

La mesure du taux d’IFN-γ dans le sang évalue la réactivité immunitaire du patient vis-à-vis du bacille de Koch. Il est utile pour le dépistage initial de personnes avec un risque accru d’infection latente ou active de tuberculose. Un taux d’IFN-γ > 200 pg/mL et un tableau clinique compatible peuvent raisonnablement faire envisager ce diagnostic dans une zone d’endémie.

Échographie abdominale :

Elle est surtout utile en cas d’épanchement de faible abondance.

ÉTIOLOGIES :

Les étiologies peuvent être classées en fonction du GASE (tableau 4). Nous ne traiterons ici que des causes les plus fréquentes : la cirrhose alcoolique, la carcinose péritonéale et la péritonite tuberculeuse.

Cirrhose alcoolique :

Dans les pays industrialisés, la cirrhose est la cause la plus fréquente. Environ 85 % des malades ayant une ascite ont une cirrhose. Environ 50 % des malades atteints de cirrhose «compensée» développent une ascite dans les 10 ans qui suivent le diagnostic. L’ascite complique la cirrhose lorsque deux conditions sont réunies : une hypertension portale et une insuffisance hépatocellulaire. Il existe une rétention hydrosodée liée à un hyperaldostéronisme et une diminution de la pression oncotique par hypoalbuminémie.

Il faut rechercher systématiquement un facteur déclenchant : hémorragie digestive, surinfection virale ou bactérienne, intervention chirurgicale, écart de régime hyposodé, arrêt des diurétiques, survenue d’une hépatite alcoolique aiguë. Il faut rechercher également des signes d’hypertension portale (splénomégalie, circulation collatérale portocave), des signes d’insuffisance hépatocellulaire (angiomes stellaires, érythrose palmaire, baisse du TP et du facteur V, hypoalbuminémie), des oedèmes des membres inférieurs prenant le godet, une oligurie < 500 mg/24 h avec natriurèse basse. Le liquide d’ascite est jaune citrin, pauvre en protides avec un GASE 11g/L et stérile.

La recherche d’une infection du liquide d’ascite (20 % des cirrhotiques avec ascite) est systématique.

L’analyse de l’ascite révèle un taux de polynucléaires neutrophiles 250/mL. L’infection est plutôt monomicrobienne, secondaire à la dissémination hématogène d’un germe entérique. Elle est révélée par des douleurs abdominales diffuses, un météorisme, de la diarrhée, une hypo- ou une hyperthermie, une hypotension artérielle. Parfois, il s’agit d’une encéphalopathie hépatique, d’une altération de l’état général, d’une insuffisance rénale, d’une ascite réfractaire, d’une aggravation de l’insuffisance hépatique.

Les principaux germes isolés sont des bacilles à Gram – dans les deux tiers des cas : Escherichia coli. Le pronostic est sévère, avec 50 % de décès, nécessitant donc un diagnostic précoce et l’institution en urgence d’une antibiothérapie.

En cas de liquide hémorragique, il faut rechercher un carcinome hépatocellulaire. Le liquide est riche en protides avec réaction cellulaire polymorphe.

Carcinose péritonéale :

Elle complique les cancers digestifs, ovariens et hépatiques. Le liquide d’ascite est riche en protides, hémorragique avec présence de cellules tumorales dans le liquide (mais inconstante). Le pronostic (en règle mauvais) dépend de la tumeur primitive, avec parfois des prises en charge intéressantes en cancérologie en particulier pour le cancer de l’ovaire.

Péritonite tuberculeuse :

Elle est fréquente dans les pays en voie de développement. Il s’agit d’une pathologie du transplanté ou du sujet ayant une immunodépression chronique. Il faut l’évoquer devant une notion de contage et un contexte évocateur de tuberculose. Le liquide d’ascite est riche en protides avec un GASE < 11 g/L, riche en cellules et lymphocytaire (> 50 %). L’examen direct de l’ascite est le plus souvent négatif. La culture sur milieu de Löwenstein et milieux liquides (BACTEC) est primordiale. La détection de M. tuberculosis peut se faire par PCR.

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