Ascite

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AsciteL’ascite correspond à un épanchement liquidien dans la cavité péritonéale (sang et pus exclus).

Diagnostic positif :

L’ascite se manifeste par une augmentation progressive du volume de l’abdomen et une prise de poids.

Cliniquement, il existe une matité des flancs à la percussion de l’abdomen ; cette matité est à concavité supérieure, encadrant la sonorité péri-ombilicale ; elle est déclive, se collectant dans le flanc inférieur lorsque le malade est en décubitus latéral.

Elle est détectable en clinique lorsque son volume atteint environ 2,5 L.

La ponction exploratrice affirme le diagnostic lorsqu’elle ramène du liquide.

Elle est réalisée au lit du malade celui-ci n’étant pas à jeun, après désinfection de la peau avec de la Bétadine.

La ponction est faite par un médecin ganté, au niveau de la fosse iliaque gauche, en un point situé entre le tiers externe et les deux tiers internes d’une ligne joignant l’épine iliaque antéro-supérieure et l’ombilic, en pleine matité.

L’aiguille utilisée est une aiguille à intramusculaire, le plus souvent de 40 mm de longueur et de 0,8 mm de diamètre, avec une seringue de 50 mL.

Systématiquement, le liquide est recueilli sur 4 tubes différents : un tube pour le dosage des protides adressé en biochimie (tube sec de 10 mL), un tube pour la cytologie (tube hépariné de 10 mL) pour le compte des cellules et leur formule, un tube pour la bactériologie (tube sec stérile de 10 mL) et un ensemencement dans un flacon d’hémoculture (aérobie et anaérobie).

Les autres examens sont fonction de l’orientation étiologique de l’ascite.

Lorsque l’ascite est de petite abondance, l’échographie est l’examen le plus sensible pour en faire le diagnostic et permet éventuellement une ponction échoguidée.

A contrario, lorsqu’il n’y a pas d’ascite à l’échographie, on peut être certain que l’ascite n’existe pas.

Diagnostic différentiel :

  • Un volumineux kyste ovarien constitue le piège diagnostique le plus classique.

La matité convexe vers le haut permet le diagnostic différentiel.

Une rétention urinaire caractérisée par un globe suspubien à convexité vers le haut est habituellement aisément diagnostiquée.

Le diagnostic peut être difficile chez l’obèse.

En cas de doute, l’échographie affirme ou élimine le diagnostic.

  • Il faut également éliminer les épanchements intrapéritonéaux non citrins :

– hémopéritoine ; il se caractérise par un épanchement sanglant dont la mesure de l’hématocrite du liquide est supérieure à 5 %.

En dehors d’un carcinome hépatocellulaire rompu dans la cavité péritonéale et compliquant 9 fois sur 10 une cirrhose, il faut rechercher une cause gynécologique.

L’hémopéritoine est à distinguer de l’ascite hémorragique.

Dans l’ascite hémorragique, correspondant souvent à la blessure d’un petit vaisseau, l’hématocrite est approximativement de 0,5 % ;

– ascite chyleuse ; elle est à distinguer de l’ascite chyliforme par son importante teneur en lipides, supérieure à 1 g/L, dont plus de 75 % de triglycérides.

Il faut rechercher une compression des lymphatiques par des adénopathies ou une tumeur (cancer du pancréas surtout) ou une cause traumatique ;

– maladie gélatineuse du péritoine.

Il s’agit d’une maladie exceptionnelle.

À la ponction, le liquide est de consistance visqueuse. Elle est due à la rupture dans la cavité péritonéale de mucus, d’origine ovarienne ou appendiculaire.

Diagnostic étiologique :

L’ascite de la cirrhose et la carcinose péritonéale représentent les 2 principales causes d’ascite.

A – Ascite chez les malades atteints de cirrhose :

1- Physiopathologie :

L’ascite est due essentiellement à l’hypertension portale.

Celle-ci s’associe à des manifestations hémodynamiques systémiques, splanchniques et rénales, plus importantes chez les malades ascitiques que chez les cirrhotiques sans ascite.

Ainsi, il est constaté chez ces malades, une hypercinésie avec augmentation de la fréquence cardiaque, vasodilatation périphérique, diminution de la pression artérielle, diminution du débit sanguin rénal et du débit de filtration glomérulaire.

La rétention hydrosodée, due à l’augmentation anormale de la réabsorption tubulaire du sodium, est le deuxième élément physiopathologique important.

2- Clinique :

On recherche les signes associés à l’ascite et en faveur d’une cirrhose qu’est la présence de signes d’insuffisance hépatocellulaire clinique : les angiomes stellaires, l’érythrose palmaire, les ongles blancs et éventuellement d’autres manifestations de la décompensation de la cirrhose que sont l’encéphalopathie et l’ictère.

On recherche la présence d’autres signes d’hypertension portale tels que la présence d’une circulation collatérale épigastrique, d’une splénomégalie.

Il est parfois possible de percevoir le foie dur donnant le signe du glaçon : la dépression brusque de la paroi refoule le foie et sa remontée est perçue sous la main de l’examinateur.

Les facteurs déclenchants de la poussée d’ascite à rechercher sont l’hémorragie digestive, le carcinome hépatocellulaire, une poussée évolutive de l’hépatopathie chronique (hépatite alcoolique aiguë…), toute agression (intervention chirurgicale…).

L’ascite peut s’accompagner d’oedèmes des membres inférieurs, inconstants et souvent d’importance modérée par rapport au volume de l’ascite.

Elle peut s’accompagner d’un épanchement pleural appelé hydrothorax (5 % des cas), localisé à droite dans plus de deux tiers des cas.

L’analyse du liquide, outre la biochimie, la cytologie et la bactériologie standard, doit comporter un prélèvement sur flacon d’hémoculture pour réaliser une asciculture, étant donné la fréquence de l’infection du liquide d’ascite sur ce terrain, qui peut être asymptomatique.

3- Ascite « habituelle » ou non compliquée :

Résultats du liquide d’ascite : l’ascite a les caractéristiques d’un transsudat, c’est-à-dire que son taux de protides est faible, inférieur à 25 g/L et le plus souvent inférieur à 20 g/L.

L’examen cytologique montre une concentration cellulaire faible, inférieure à 200 éléments par mm3, constituée essentiellement de cellules mésothéliales.

En l’absence d’infection, la concentration en polynucléaires neutrophiles est inférieure à 250/mm3 et l’asciculture est négative.

Lorsqu’il existe un épanchement pleural associé, la composition est la même que celle de l’ascite.

Il arrive cependant, qu’au cours de l’évolution, le taux de protides de l’épanchement pleural augmente.

4- Ascite cirrhotique compliquée :

  • Complications infectieuses : l’infection du liquide d’ascite est une complication grave, qui s’observe dans 5 à 10 % des cas.

Elle est le plus souvent spontanée.

– Physiopathologie : la translocation bactérienne, définie par le passage de bactéries depuis l’intestin vers la cavité abdominale, sans rupture de la membrane intestinale, est un mécanisme essentiel. Le deuxième mécanisme fait appel à la colonisation de l’ascite au cours d’un épisode de bactériémie.

Une diminution de la réponse immunitaire, caractérisée par une diminution de l’activité phagocytaire du système réticulo-endothélial, une activité opsonisante déficiente du liquide d’ascite et une perturbation de la fonction des polynucléaires neutrophiles, favorisent l’infection du liquide d’ascite.

Les facteurs prédictifs de l’infection spontanée du liquide d’ascite sont la sévérité de l’hépatopathie, une hémorragie digestive, une concentration en protides basse (< 10 g/L) et un antécédent d’infection spontanée du liquide d’ascite.

– Clinique : elle peut se manifester par des signes tels que la fièvre, des douleurs abdominales et même une défense abdominale avec tableau pseudochirurgical ou état de choc, mais elle peut aussi être latente et doit être recherchée de principe devant toute aggravation de la cirrhose (apparition d’une encéphalopathie, insuffisance rénale…) par la ponction exploratrice avec numération des polynucléaires neutrophiles et asciculture.

Dans la majorité des cas, la recherche de la porte d’entrée est négative.

Le diagnostic est affirmé par un taux de polynucléaires dans l’ascite supérieur à 250 /mm3.

L’asciculture peut être positive ; les germes les plus fréquemment trouvés sont des germes gram-négatifs.

Lorsque l’asciculture est négative mais le taux de polynucléaires neutrophiles supérieur à 250/mm3, on parle d’ascite stérile riche en polynucléaires neutrophiles à considérer comme une authentique infection et à traiter comme telle.

Lorsque l’asciculture est positive, mais que le taux de polynucléaires neutrophiles est inférieur à 250/mm3, on parle de bactérascitie.

Les germes alors mis en évidence sont dans 1 cas sur 2 des germes gramnégatifs et dans 1 cas sur 2 des gram-positifs.

S’il existe des signes cliniques en faveur d’une infection, il faut traiter rapidement.

S’il n’existe pas de signes en faveur d’une infection, il faut renouveler la ponction d’ascite au bout de 24 heures.

L’évolution du taux de polynucléaires permet de trancher entre infection ou non.

Plus rarement, l’infection n’est pas spontanée mais secondaire à un foyer septique intra-abdominal, dont les plus fréquents sont l’appendicite, la cholécystite, la sigmoïdite diverticulaire.

La surinfection peut aussi être secondaire à la perforation d’un organe creux.

Le caractère secondaire de l’infection de l’ascite doit notamment être suspecté en cas d’infection à plusieurs germes.

La cause peut être aussi une perforation accidentelle de l’intestin lors de la ponction.

  • Complications mécaniques : les hernies ombilicales peuvent se rompre ou s’étrangler.

Une volumineuse ascite, éventuellement associée à un épanchement pleural, peut entraîner une dyspnée.

  • Autres complications : les désordres hydroélectrolytiques (hyponatrémie, insuffisance rénale) compliquent le plus souvent le traitement diurétique et sont moins souvent présents d’emblée.

Le syndrome hépatorénal, insuffisance rénale fonctionnelle spontanée, survient à un stade avancé de la cirrhose et ne régresse pas avec le remplissage vasculaire.

B – Causes d’hypertension portale non cirrhotique :

L’ascite peut être secondaire à un syndrome de Budd- Chiari (thrombose des veines sus-hépatiques) ou à une maladie veino-occlusive (occlusion non thrombotique des veines hépatiques de petit calibre, provoquée par une endophlébite fibreuse).

Exceptionnellement, l’ascite peut être en rapport avec des métastases hépatiques.

De manière tout à fait exceptionnelle également, la thrombose porte peut se compliquer d’une ascite.

Elle suit habituellement un épisode d’hémorragie digestive, est de petit volume et régresse rapidement.

C – Carcinose péritonéale :

1- Physiopathologie :

L’obstruction lymphatique joue un rôle majeur dans la carcinose péritonéale.

Il y a également une augmentation de la perméabilité des microvaisseaux à l’albumine, sous l’action de facteurs de perméabilité vasculaire sécrétés par la tumeur.

2- Clinique :

La carcinose péritonéale survient chez un malade dont le cancer est connu, ou le révèle.

Le cancer de l’ovaire est la cause de 50 % environ des carcinoses péritonéales.

Les autres cancers sont digestifs (pancréas et estomac surtout) ou mammaire, et les lymphomes.

Les principaux signes cliniques incluent une distension abdominale, des douleurs, une anorexie avec parfois nausées et vomissements et parfois un tableau de subocclusion.

À l’examen clinique, il est parfois possible de palper des nodules péritonéaux, surtout après évacuation du liquide.

Ces nodules peuvent être trouvés au toucher rectal.

Fait négatif important, il n’existe pas de signes en faveur d’une cirrhose.

La ponction montre un liquide riche en protides (le plus souvent supérieur à 30 g/L).

La cytologie met en évidence des cellules néoplasiques dans 60 % des cas.

Dans les autres cas, il est souvent nécessaire d’affirmer le diagnostic par la biopsie des granulations péritonéales sous coelioscopie.

D – Autres causes d’ascite :

Par ordre de fréquence décroissante, certaines d’entre elles étant tout à fait exceptionnelles.

On évoque :

– la tuberculose péritonéale ; elle s’observe souvent sur un terrain particulier : malades récemment immigrés et originaires d’un pays en voie de développement, malades immunodéprimés ou ayant une cirrhose alcoolique.

À l’ascite peut s’associer une altération de l’état général et une fièvre inconstante.

Le liquide d’ascite est franchement riche en protides, habituellement supérieurs à 30 g/L.

Il contient entre 1 000 et 3 000 globules blancs/mm3 avec une nette prédominance lymphocytaire.

La recherche de bacilles de Koch tant à l’examen direct qu’après culture sur milieu de Löwenstein est souvent négative.

Deux examens biologiques sont en cours d’évaluation ; il s’agit du dosage dans l’ascite de l’adénosine désaminase et de la recherche du bacille de Koch par polymerase chain reaction.

L’adénosine désaminase est une enzyme qui convertit l’adénosine en inosine et qui est libérée par les macrophages et les lymphocytes lors de la réponse immune.

Sa sensibilité paraît élevée lorsque la tuberculose survient en dehors d’un contexte de cirrhose et sa spécificité est également satisfaisante.

La valeur diagnostique de l’amplification génique de la recherche de la mycobactérie dans l’ascite est à l’étude.

Le plus souvent, la certitude diagnostique est apportée par la coelioscopie avec prélèvement pour examen anatomopathologique des granulations péritonéales ou, en leur absence, des lésions de fibrine ;

– les ascites pancréatiques ; elles sont rares, représentant moins de 5 % des causes d’ascite.

Elles compliquent habituellement des pancréatites sévères. Le plus souvent, il existe une fistule entre le canal de Wirsung et le péritoine (ou la plèvre) environ 1 fois sur 2 par l’intermédiaire d’un pseudo-kyste.

Le liquide d’ascite est riche en protides et surtout l’activité amylasique est très élevée, de l’ordre de 100 fois l’activité amylasique sérique, permettant de rattacher cette ascite à une pancréatite.

Il n’y a pas de tendance à la régression spontanée ;

– l’ascite cardiaque ; elle s’intègre dans un tableau d’insuffisance cardiaque droite ou globale avec, à l’examen clinique, distension des veines jugulaires et reflux hépatojugulaire.

L’ascite est riche en protides et pauvre en cellules ;

– le mésothéliome péritonéal est une tumeur très rare, correspondant à un cancer primitif du péritoine, survenant le plus souvent chez des sujets exposés à l’amiante.

Il est possible de palper des masses péritonéales.

Le liquide est riche en protides et en acide hyaluronique.

En l’absence de localisations pleuropulmonaires, c’est la biopsie sous coelioscopie qui permet la confirmation histologique ;

– l’ascite de l’hypothyroïdie ; elle s’observe le plus souvent chez des malades ayant une hypothyroïdie franche au stade de myxoedème. Elle est beaucoup plus rarement révélatrice de l’hypothyroïdie.

Elle est le plus souvent riche en protides et en cholestérol avec une cellularité variable mais à prédominance lymphocytaire ;

– l’ascite des connectivites ; une ascite peut s’observer au cours du lupus érythémateux disséminé, de la sarcoïdose.

Au cours de la maladie périodique, lors des poussées, il existe souvent un épanchement ascitique minime, dont la présence est en faveur du diagnostic ;

– l’ascite à éosinophiles ; la gastro-entérite à éosinophiles touche les 3 tuniques du tube digestif.

Lorsque l’atteinte prédomine sur la séreuse, elle se traduit par une ascite riche en protides et en éosinophiles.

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