Artériopathie diabétique des membres inférieurs

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Artériopathie diabétique des membres inférieurs
Introduction :

Localisation classique de la macroangiopathie diabétique, l’artériopathie des membres inférieurs est fréquente, mais son caractère souvent silencieux et son évolution imprévisible expliquent le retard trop fréquemment constaté à la prise en charge.

D’autant que celle-ci est complexe, car l’intrication quasi constante de la neuropathie et de la surinfection concourent à l’installation du « pied diabétique », dont le traitement nécessite une équipe multidisciplinaire, garant d’une amélioration du pronostic fonctionnel et vital de ces patients fragiles.

Données épidémiologiques :

On considère actuellement qu’il y a en France 2 millions de personnes atteintes de diabète sucré, dont 90 % ont un diabète de type 2.

Il existe une association nette entre diabète et prévalence accrue d’artériopathie des membres inférieurs (AMI).

Les patients diabétiques ont quatre à six fois plus souvent une AMI que les non diabétiques.

Dans une étude rétrospective portant sur 1000 patients hospitalisés pour une AMI, 17 % des patients étaient diabétiques.

Dans l’étude CODIAB incluant 427 patients diabétiques de type 2 19,4 % des patients présentaient une AMI, dont 6,3 % une forme sévère (claudication intermittente ou stades plus sévères).

La durée d’évolution, la sévérité du diabète et l’âge sont corrélés à l’incidence et à la gravité de l’AMI.

Dans l’étude CODIAB, la prévalence de l’AMI chez des diabétiques âgés de moins de 54 ans mais avec une durée d’évolution du diabète de plus de 15 ans, était similaire à celle des diabétiques de plus de 54 ans dont le diabète datait de 5 ans au plus.

Environ 5 % des diabétiques présentent une lésion chronique du pied.

On estime que 30 à 70 % des amputations non traumatiques des membres inférieurs concernent les diabétiques.

Le coût des lésions du pied diabétique est difficile à évaluer précisément.

Le coût moyen annuel des hospitalisations pour des lésions ne conduisant pas à une amputation était estimé (il y a déjà 10 ans) à 1200 millions de francs, 1500 en tenant compte des suites.

Le coût des amputations était évalué lui à 500 millions de francs, 800 en incluant les suites (rééducation surtout).

Une équipe a calculé qu’éviter neuf amputations de jambe permettait de rémunérer pendant 1 an trois médecins, cinq infirmières, une diététicienne, une secrétaire et trois aides-soignantes.

Enfin, les hommes payent un lourd tribut à l’AMI : elle touche deux hommes pour une femme chez les diabétiques, alors que ce ratio est de dix hommes pour une femme non diabétique.

Rôle des facteurs de risque :

A – ÉQUILIBRE GLYCÉMIQUE :

L’hyperglycémie chronique est un facteur important du risque vasculaire du diabétique.

Biologiquement, l’hyperglycémie est responsable de plusieurs phénomènes physiopathologiques qui concourent à son rôle pathogène : diminution de la synthèse d’oxyde nitrique, activation de la protéine kinase C, glycation des low density lipoproteins (LDL) petites et denses, altération de la fonction endothéliale, prolifération des cellules musculaires lisses, hyperagrégabilité plaquettaire.

Il faut citer également les produits de glycation avancés, responsables, à eux seuls, d’un certain nombre de phénomènes biochimiques athérogènes.

Une étude d’intervention, la United Kingdom Prospective Diabetes Study (UKPDS), a apporté des arguments épidémiologiques importants.

Cet essai britannique multicentrique avait pour but d’évaluer l’effet d’un traitement rigoureux du diabète de type 2 sur la morbi-mortalité due à la maladie.

Pour cela, 3867 diabétiques de type 2, âgés en moyenne de 54 ans, ont été inclus, et randomisés en deux groupes : un groupe « traitement intensif » par sulfamides hypoglycémiants ou insuline (ou metformine chez les patients en surpoids), afin de maintenir la glycémie à jeun inférieure à 1,08 g/l, et un groupe traité de façon « conventionnelle », à savoir (au moins initialement) des mesures diététiques seules, pour que la glycémie à jeun soit maintenue au-dessous de 2,70 g/l.

Le suivi a duré en moyenne 10 ans.

Cette étude a montré que la relation entre équilibre glycémique et survenue de complications est nette : pour une HbA1c moyenne dans les valeurs habituellement admises comme normales (6 %), l’incidence des complications du diabète est de 40 pour 1000 patients-années, et elle double pour une HbA1c à 9 %, valeur témoignant d’un diabète déséquilibré.

Il n’y a pas de seuil dans la relation entre le taux d’HbA1c et la survenue des complications liées au diabète : une diminution de 0,9 % d’HbA1c en 10 ans de suivi (passant de 7,9 % à 7 %) est associée à une réduction significative de 12 % du risque des différentes complications (tous types confondus).

L’hyperglycémie était associée à une prévalence accrue d’artériopathie des membres inférieurs, indépendamment de l’âge, de la pression artérielle systolique, du cholestérol-HDL, et du tabagisme.

Chaque augmentation d’HbA1c de 1 % était associée à une augmentation de 28 % du risque d’artériopathie périphérique.

B – HYPERTENSION ARTÉRIELLE :

L’hypertension artérielle (HTA) est un facteur de risque cardiovasculaire reconnu dans la population générale, mais elle est plus fréquente et plus grave chez les diabétiques.

Sa prévalence chez le diabétique est élevée : en 1998, Laakso retrouvait une HTA chez 60 % des diabétiques connus, 40 % des diabétiques nouvellement diagnostiqués, et chez 30 % de sujets non diabétiques.

Dans l’étude MRFIT, 23,6 % des décès chez les diabétiques sont dus à l’HTA, versus 14,6 % chez les non-diabétiques.

Par ailleurs, à pression artérielle égale, le risque absolu de maladie coronarienne à 10 ans est supérieur de 5 % chez le diabétique par rapport au patient non diabétique.

L’histoire naturelle de l’HTA varie selon le type de diabète.

Chez le diabétique de type 1, elle apparaît de façon parallèle à la microalbuminurie ; d’abord labile, elle se pérennise lorsque la fonction rénale s’aggrave, et est presque toujours constante au stade de macroprotéinurie (excrétion urinaire d’albumine supérieure à 300 mg/24 h).

Chez le diabétique de type 2, l’HTA est souvent présente dès que le diagnostic de diabète est porté, en raison principalement de l’excès de poids (surpoids ou obésité) concomitant, contribuant ainsi à la constitution du syndrome X métabolique.

L’HTA contribue à majorer l’atteinte macroangiopathique dans toutes ses localisations : sa présence multiplie en particulier le risque relatif d’artériopathie des membres inférieurs par 2,5 chez l’homme et 5,7 chez la femme.

La définition de chiffres de pression artérielle « normaux » chez le diabétique a longtemps été imprécise, et un consensus n’est toujours pas adopté, bien que certaines convergences se fassent jour à la lumière d’essais cliniques récents, tel l’UKPDS.

En effet, outre l’étude principale portant sur l’effet du contrôle glycémique, l’UKPDS a comporté une étude ancillaire évaluant l’effet du contrôle tensionnel sur les évènements micro- et macrovasculaires.

Mille cent quarante-huit diabétiques de type 2 hypertendus ont été randomisés en deux groupes avec un objectif tensionnel différent : contrôle strict (objectif < 150/85 mm Hg, TA effectivement obtenue 144/82 mmHg sous captopril ou aténolol, n = 758), contrôle moins rigoureux (objectif < 180/105 mmHg, TA effectivement obtenue 154/87 mmHg sous diurétiques ou calcibloqueurs, n = 390). Le suivi a été en moyenne de 8,5 ans.

Dans le groupe « contrôle strict », la mortalité liée au diabète a baissé de 32 % (p = 0,02), le taux d’accident vasculaire cérébral de 44 % (p = 0,01), le taux d’infarctus du myocarde de 21 % (p = 0,13), le taux d’artériopathie périphérique de 49 % (p = 0,17).

Une augmentation de 10 mm de la TA systolique était associée à une augmentation de 25 % du risque d’artériopathie périphérique.

Pour répondre donc à la question des chiffres de TA souhaitables, on peut recommander une valeur inférieure à 140/85 mmHg.

Pour la conférence de consensus de l’ADA, se prévalant du JNC VI, le contrôle tensionnel optimal est £ 130/85 mmHg.

L’Association de langue française pour l’étude du diabète et l’Agence nationale d’analyse et d’évaluation des soins (ANAES) retiennent un seuil de 140/80 mmHg.

C – DYSLIPIDÉMIES :

Dans la genèse des complications cardiovasculaires du diabétique, les dyslipidémies jouent un rôle important.

On parle en fait plus volontiers de dyslipoprotéinémies que d’hyperlipoprotéinémies, car il existe non seulement des modifications quantitatives des lipoprotéines mais également des anomalies qualitatives.

Dans le diabète de type 2, on trouve les deux types d’anomalies, alors que dans le diabète de type 1, il s’agit plutôt d’anomalies qualitatives.

L’UKPDS a montré que l’effet du diabète sur les lipides plasmatiques est plus marqué chez la femme que chez l’homme, contribuant peut-être ainsi à l’excès de risque cardiovasculaire des femmes diabétiques par rapport aux hommes.

Le profil lipidique le plus fréquemment retrouvé dans le diabète de type 2 associe une élévation du taux plasmatique des triglycérides (TG) (et des very low density lipoproteins [VLDL]) et une diminution de celui des high density lipoproteins (HDL).

En revanche, si le taux de LDL est plus rarement augmenté, ce sont ses perturbations qualitatives qui sont les plus importantes (prépondérance de LDL de type petites et denses, glycation de l’ApoB, oxydation du LDL).

Dans le diabète de type 1, les choses sont un peu différentes, et dépendent grandement du degré d’équilibre de la glycémie. Lorsque ce diabète est déséquilibré, le taux des lipoprotéines riches en TG (chylomicrons et VLDL) est augmenté, le taux de LDL est augmenté, et celui de HDL diminué.

En cas de diabète équilibré, TG et LDL sont quasi normaux, cependant on peut noter un taux de HDL augmenté.

Par ailleurs, les anomalies qualitatives des lipoprotéines sont similaires à celles observées dans le diabète de type 2.

D – MICROALBUMINURIE :

Il s’agit de l’élimination urinaire d’albumine à un taux anormalement élevé, compris entre 30 et 300 mg/24 h.

Ce taux marque le début de l’atteinte rénale du diabète, ou néphropathie diabétique. Son apparition n’a pas la même signification selon le type du diabète.

En effet, au cours du diabète de type 1, elle survient en général après une dizaine d’années d’évolution, et traduit l’atteinte microangiopathique du rein.

Son apparition dans le diabète de type 2 a une signification plus large, et en particulier témoigne d’un risque cardiovasculaire augmenté.

Un certain nombre d’auteurs la considère en effet comme le témoin d’une pathologie plus diffuse, la dysfonction endothéliale.

D’autre part, elle dépend également en grande partie de l’existence d’une HTA.

Une étude récente a montré que la présence d’une microalbuminurie était associée à un risque relatif d’évènements cardiovasculaires majeurs doublé chez le patient diabétique, et que, par ailleurs, pour chaque augmentation du rapport albumine/créatinine urinaire de 0,4 mg/mmol, ce risque augmentait de 5,9 %.

E – TABAGISME :

Le rôle aggravant du tabac, classique dans l’installation et la progression de l’athérosclérose, prend toute son importance pour l’artériopathie des membres inférieurs.

Dans la cohorte de l’UKPDS, il y avait 55 % de fumeurs parmi les patients diabétiques classés comme artériopathes à l’inclusion dans l’étude (n = 58), contre 31 % chez les patients indemnes d’artériopathie (n = 4929).

Après 6 ans de suivi, parmi les diabétiques ayant développé une artériopathie, 53 % étaient fumeurs actifs, 26 % anciens fumeurs, et 21 % n’avaient jamais fumé, tandis que parmi les diabétiques n’ayant pas développé d’artériopathie, les pourcentages étaient respectivement de 29, 36 et 35 %.

En analyse multivariée, le tabagisme actif est associé à un risque relatif de survenue d’une artériopathie des membres inférieurs quasiment triple (OR 2,90, intervalle de confiance 1,46- 5,73), loin devant l’âge, le taux d’HbA1c, la pression artérielle systolique ou le taux de cholestérol-HDL.

Physiopathologie de l’atteinte vasculaire :

A – ATTEINTE MICROCIRCULATOIRE :

Elle est une complication vasculaire quasi spécifique du diabétique.

Elle a pour facteur causal unique l’hyperglycémie.

Elle est responsable d’une atteinte capillaire globale (rétine, rein, coeur, muscle, peau).

Dans cette atteinte il n’y a pas de lésions occlusives, mais au contraire un élargissement du diamètre des capillaires artériels et un épaississement de la membrane basale et, bien qu’il ne s’agisse pas de pathologie occlusive, l’épaississement de la membrane basale des capillaires peut altérer les échanges nutritionnels avec le tissu interstitiel.

L’atteinte du système nerveux autonome est toujours associée à la microangiopathie entraînant des perturbations circulatoires par ouverture des shunts artérioveineux avec comme conséquence un pied chaud, avec dilatation veineuse et une diminution du flux capillaire vers le tissu interstitiel.

B – ATTEINTE MACROCIRCULATOIRE :

Les sténoses et les occlusions artérielles observées chez les diabétiques sont comparables à celles observées chez les non-diabétiques.

L’artériopathie diabétique ne présente pas de spécificité histologique et elle reconnaît les mêmes facteurs de risque : tabac, HTA, anomalies lipidiques, sédentarité.

En revanche, on met en évidence certaines particularités :

– elle est plus précoce, plus fréquente et plus grave que chez les non-diabétiques ;

– le sex-ratio : l’artérite diabétique atteint deux hommes pour une femme alors que chez le patient non diabétique le rapport est de 10 hommes pour une femme ;

– l’atteinte des artères de jambes est multisegmentaire plus fréquente et plus sévère que chez les non-diabétiques : le trépied jambier est souvent sténosé ou thrombosé ; l’artère péronière est l’artère qui reste le plus souvent perméable.

L’atteinte des artères de jambes est un véritable marqueur de l’atteinte coronarienne.

Cette corrélation est essentielle à connaître chez le diabétique où l’insuffisance coronarienne peut être complètement asymptomatique ;

– paradoxalement, les artères du pied sont généralement perméables, permettant une revascularisation : l’artère pédieuse est l’artère du pied qui reste le plus souvent perméable et utilisable pour un pontage distal.

Les artères des pieds sont même moins atteintes chez les diabétiques par rapport aux non-diabétiques ;

– l’artère fémorale profonde est beaucoup plus souvent pathologique en cas de diabète : il s’agit soit d’une surcharge diffuse, sténosante ou moniliforme du tronc de l’artère fémorale profonde, soit d’une atteinte des branches de division qui sont de petit calibre et qui s’épuisent rapidement.

L’atteinte de l’artère fémorale profonde au cours du diabète représente un facteur de gravité supplémentaire car elle est un carrefour essentiel de la circulation collatérale des membres inférieurs : en cas de revascularisation à l’étage aorto-iliaque, la perméabilité du pontage est largement dépendante de l’état de l’artère fémorale profonde ; en cas de lésions fémoropoplitées, l’irrigation distale dépend largement de l’artère fémorale profonde.

La fréquence de la médiacalcose est 30 fois supérieure à celle observée chez les non-diabétiques.

Sa gravité a longtemps été sousestimée : elle est corrélée au risque d’amputation (multiplié par 5,5), d’insuffisance coronarienne (multiplié par 1,6) et à la mortalité cardiovasculaire (multiplié par 1,5).

L’association macroangiopathie et neuropathie diabétique est retrouvée deux fois sur trois.

Cette association de la neuropathie à la macro- et à la microangiopathie diabétique fait toute la singularité et la gravité de l’ulcère du pied chez le diabétique.

C – PAS D’ATTEINTE SPÉCIFIQUE DES PETITES ARTÈRES CHEZ LE DIABÉTIQUE :

De nombreux travaux ont montré que les sténoses et les occlusions des artérioles n’étaient pas plus fréquentes chez les diabétiques que chez les non-diabétiques.

Le concept erroné de « maladie des petits vaisseaux » mis en avant pour expliquer les ulcères des pieds diabétiques doit être rejeté pour la prise en charge moderne du pied diabétique.

Clinique :

A – CLASSIFICATION DE LERICHE :

L’examen clinique permet de classer l’artériopathie selon les quatre stades classiques de Leriche et Fontaine.

– Stade 1 : il s’agit de l’abolition d’un pouls à la palpation systématique des axes artériels du membre inférieur.

– Stade 2 : c’est le stade de la claudication intermittente.

Il s’agit d’une douleur qui survient dans un territoire musculaire précis après un effort de marche sur une distance donnée (le périmètre de marche).

Elle a une valeur localisatrice selon son siège : une douleur fessière traduit des lésions iliaques, une douleur de la cuisse oriente vers des lésions fémorales, une douleur du mollet signale des lésions fémoropoplitées, et une douleur plantaire indique des lésions des artères de jambe.

Il faut néanmoins savoir que la douleur peut être limitée par l’existence concomitante d’une neuropathie.

– Stade 3 : ce sont les douleurs de décubitus.

Elles surviennent donc au repos, plus souvent mais pas constamment la nuit, et peuvent être soulagées par la mise en déclivité des jambes.

– Stade 4 : il s’agit du stade évolué du trouble trophique.

Il peut survenir spontanément (gangrène sèche d’un orteil), voire révéler l’artériopathie, ou bien être consécutif à un facteur déclenchant.

Ce facteur déclenchant est le plus souvent minime et est en général passé inaperçu : il s’agit le plus souvent du non-respect des règles du « pied diabétique » : chirurgie de « salle de bains », chaussage mal adapté, marche pieds nus…

L’examen clinique permet également d’évaluer l’existence et le degré de sévérité d’une éventuelle neuropathie associée, ainsi que d’une infection.

B – SITUATIONS COMPLEXES ET COMPLICATIONS ASSOCIÉES :

Ce sont toutes les complications situées au niveau du pied chez des patients diabétiques avec ou sans ulcération et/ou infection et/ou destruction des tissus mous et osseux.

Elles sont en rapport avec des anomalies neurologiques et avec des degrés variables d’atteintes vasculaires.

Elles peuvent mettre en danger le pronostic fonctionnel (conservation du membre) et la vie du patient et nécessitent le plus souvent une intervention chirurgicale d’urgence.

Il y a trois types de situations qui nécessitent une intervention urgente : un pied septique sans ischémie, un pied septique avec ischémie, une perte de substance avec ischémie.

Dans tous les cas, une mise en décharge totale et immédiate s’impose.

1- Pied septique sans ischémie :

Il s’agit d’ulcère infecté, d’arthrite, d’ostéomyélite, voire de phlegmon plantaire. Des signes généraux d’infection sont associés avec septicémie et altération de l’état général.

Un traumatisme initial est presque constamment retrouvé : changement de chaussures, soins de pédicures, blessures au cours de la marche pieds nus, autotraitement de durillons plantaires par lame de rasoir ou cutter (« chirurgie de salle de bains »).

L’examen met en évidence les signes de pied neuropathique : pied chaud, sec, turgescence veineuse, insensibilité, aréflexie ostéotendineuse, hyperkératose, pouls distaux perçus parfois bondissants, présence d’un mal perforant plantaire.

La déformation du pied neuropathique est caractéristique.

L’infection diffuse ou profonde doit être immédiatement traitée par mise à plat, drainage ; dans un second temps, après « refroidissement » des lésions grâce à une mise en décharge totale et une mise à plat large des parties molles infectées, une antibiothérapie intraveineuse et une correction de l’hyperglycémie par insulinothérapie, on réalise si nécessaire une chirurgie orthopédique conservatrice avec des résections osseuses ou ostéoarticulaires limitées.

Toutes les pièces d’exérèse doivent être prélevées pour identifier les germes responsables et leur résistance aux antibiotiques.

Une ischémie doit être systématiquement recherchée même si on est en présence d’une neuropathie et/ou d’une infection évidente.

2- Pied diabétique septique avec ischémie :

Il s’agit de gangrène d’un orteil ou de l’avant-pied, le plus souvent associée à un phlegmon plantaire.

Un traumatisme est souvent retrouvé comme facteur déclenchant (faux stade IV) mais le signe essentiel est la présence de nécrose, conséquence de l’ischémie.

L’examen met en évidence les signes d’ischémie : pied froid, douloureux ; les pouls périphériques ne sont pas retrouvés, les veines sont en creux. Une prise en charge agressive doit associer simultanément le traitement de l’infection (débridement, mise à plat, excision, antibiothérapie adaptée) et de l’ischémie : il est illusoire d’espérer une amélioration sans revascularisation associée.

En dehors de nécroses limitées (extrémité d’un orteil, nécrose millimétrique sur le pied ou au niveau de point d’appui), le risque des résections sans revascularisation est la chronicisation, l’extension de l’infection aux parties molles et aux pièces osseuses, la nécessité d’amputations plus hautes avec perte d’un étage articulaire et la mise en jeu du pronostic vital.

En cas de pied diabétique avec ischémie, un bilan vasculaire doit être pratiqué pour fixer la stratégie de revascularisation : recours aux pontages distaux, aux techniques endovasculaires.

3- Perte de substance avec ischémie :

Ce sont les cas où l’infection est absente ou reste au second plan.

Il existe une ischémie aiguë, une gangrène sans infection ou une perte de substance étendue.

La macroangiopathie est responsable de ces lésions.

Une exploration par des tests non invasifs suivis d’une artériographie puis d’une revascularisation représentent le meilleur moyen d’éviter une amputation majeure.

Dans les pertes de substance importantes les techniques de lambeaux musculocutanés libres associées aux pontages permettent d’obtenir des résultats inespérés.

Explorations vasculaires :

A – RADIOGRAPHIES SANS PRÉPARATION :

Elles peuvent visualiser la médiacalcose plus fréquente au niveau des artères de jambe et du pied et des images d’ostéolyse au niveau du pied.

B – ÉCHODOPPLER DES MEMBRES INFÉRIEURS :

Il explore la macrocirculation.

Il a des limites chez les diabétiques car les lésions jambières sont plus difficilement explorables par échodoppler, et la présence de calcifications artérielles peut rendre impossible la visualisation de la paroi et l’exploration des flux artériels.

Le doppler continu permet, en revanche, de mesurer les vitesses circulatoires et d’apprécier indirectement sur des critères hémodynamiques les degrés des sténoses artérielles et la valeur des suppléances, en particulier de l’artère fémorale profonde en cas d’occlusion de l’artère fémorale superficielle.

Le doppler continu permet la mesure des pressions systoliques à la cheville.

Il a la même valeur chez l’artéritique diabétique que chez l’athéroscléreux non diabétique dès lors que les artères sont compressibles, ce qui est le cas chez au moins 70 % des diabétiques artéritiques.

Chez le diabétique, la mesure de la pression systolique distale peut être fausse par excès mais jamais par défaut.

En cas de lésions à plusieurs étages, l’échodoppler, comme dans l’artérite non diabétique, n’est pas suffisant et l’artériographie est indispensable.

C – PRESSION SYSTOLIQUE D’ORTEIL :

Elle explore la circulation au niveau des petites artères. Une pression inférieure à 30 mmHg définit l’ischémie critique.

À ce stade, la nécessité d’une revascularisation doit être discutée pour éviter une amputation.

D – TCPO2 DU DOS DU PIED :

Elle explore la microcirculation.

Chez le diabétique, la microangiopathie diminue d’un tiers la TcPo2 par rapport au non-diabétique.

E – VISUALISATION DES ARTÈRES CHEZ LE DIABÉTIQUE :

L’artériographie reste l’examen de référence lorsqu’une revascularisation est nécessaire.

Elle doit permettre la visualisation des artères qui sont encore perméables au niveau de la jambe, de la cheville et du pied.

Des clichés de profil de la cheville et du pied ainsi que des clichés tardifs doivent être obtenus, et si nécessaire des clichés avec soustraction.

La visualisation des artères distales dépend directement de la motivation, de la collaboration et de la persévérance du radiologue.

Elles doivent permettre de se dispenser de réaliser une artériographie peropératoire. Pour limiter le volume d’injection du produit de contraste et pour permettre la meilleure visualisation possible des artères distales, l’injection antérograde, par ponction directe de l’artère fémorale ou par cathétérisme fémoral controlatéral est préférable.

Le risque principal de l’artériographie chez le diabétique est l’insuffisance rénale secondaire à l’injection d’un produit de contraste iodé, qui est dix fois plus élevé que chez le nondiabétique.

Un certain nombre de précautions doivent être prises.

En cas d’insuffisance rénale préexistante, le rapport bénéfice/risque de l’artériographie doit être discuté entre le diabétologue et le chirurgien, et le radiologue doit être informé de l’état rénal afin d’employer une quantité minimale de produit de contraste.

La prévention de l’insuffisance rénale repose sur l’hydratation par perfusion intraveineuse de sérum physiologique, avec alcalinisation éventuelle par bicarbonate.

On peut administrer au patient de la N-acétyl-cystéine (Mucomystt) la veille de l’examen afin de diminuer le risque d’insuffisance rénale postartériographie.

En cas de traitement par la metformine, celle-ci doit être arrêtée 24 heures avant l’artériographie pour n’être réinstaurée que 24 heures après l’exploration, et après s’être assuré de la normalité de la fonction rénale.

L’angio-IRM présente l’avantage de ne pas être vulnérante (absence de cathétérisme artériel, absence d’injection de produit de contraste) et d’avoir une meilleure sensibilité et une meilleure spécificité que l’artériographie conventionnelle.

Le contraste peut être rehaussé avec l’injection intraveineuse de gadolinium.

Cette technique d’opacification artérielle chez le diabétique va certainement supplanter dans l’avenir l’artériographie conventionnelle.

L’angio-IRM accentue cependant les sténoses artérielles, faisant croire à tort à une occlusion courte.

Le temps d’examen pour réaliser une cartographie artérielle est plus long que l’artériographie (1 heure) et surtout la limite de l’angio-IRM est celle de la disponibilité de la machine qui n’est pas aussi grande que celle de l’artériographie.

Les nouveaux scanners multibarrettes permettent d’obtenir des images très fiables mais elles nécessitent comme l’artériographie l’injection de produit de contraste iodé.

Prise en charge :

A – INFECTION :

C’est la complication essentielle à traiter car elle affecte l’équilibre du diabète et le mauvais contrôle de la glycémie favorise l’infection.

Ceci est d’autant plus important que les signes généraux d’infection sont tardifs chez les diabétiques.

Enfin, la gravité de l’infection peut être sous-estimée par le patient qui n’a pas une bonne acuité visuelle ou qui, atteint d’une neuropathie, continue à marcher sur sa plaie.

L’inspection et le débridement de la plaie sont essentiels pour apprécier l’extension en profondeur, une atteinte possible des tendons, d’une articulation ou d’une pièce osseuse.

Le cal fibreux autour du mal perforant plantaire doit être excisé : le callus doit être enlevé à l’aide d’une lame de bistouri pour exposer le fond de l’ulcère et permettre un drainage efficace et la réépithélialisation à partir des berges de l’ulcère.

Le décollement du derme et de l’hypoderme doit être mis à plat.

L’existence d’une neuropathie diabétique, par l’analgésie qu’elle implique, permet de réaliser ces gestes simples sans anesthésie en salle de consultation.

Les prélèvements à visée bactériologique sont mis en culture pendant qu’une antibiothérapie à large spectre est entreprise et adaptée selon les résultats de l’antibiogramme.

Les pansements doivent rester simples : compresses humides imprégnées de solutions diluées d’antiseptiques. Ils sont renouvelés tous les jours, voire deux fois par jour.

En cas d’infection grave menaçant la conservation du membre, le patient doit être hospitalisé en urgence.

Taylor a décrit les principes de la prise en charge en urgence du pied diabétique menacé d’amputation.

Exceptionnellement, une amputation doit être réalisée en urgence pour sauver la vie du patient.

Dans les autres cas, le débridement et la mise à plat de tous les tissus nécrotiques doivent être faits en urgence en salle d’opération.

Il est illusoire, inefficace et dangereux de réaliser des débridements a minima par des incisions cutanées limitées associées ou non à un drainage car le diabétique tolère très mal une infection incomplètement mise à plat.

Le débridement, s’il doit être large, doit être utilisé après évaluation des possibilités ultérieures de reconstruction et de conservation de l’appui plantaire.

B – ÉVALUATION ET TRAITEMENT DE L’ISCHÉMIE :

Ils ne se conçoivent que lorsque l’infection est contrôlée.

En effet, aucune reconstruction vasculaire ne peut être tentée tant que l’infection menace la conservation du membre.

L’appréciation clinique est essentielle pour évaluer le degré de l’ischémie.

1- Place de l’angioplastie transluminale percutanée (ATP) :

Ses avantages sont bien connus : il s’agit d’un traitement moins vulnérant qui peut être envisagé lorsqu’un pontage est impossible (absence de capital veineux, ulcérations étendues ne permettant pas un abord chirurgical, anesthésie générale à risque en raison de la sévérité de l’état cardiaque) ; elle permet de simplifier des revascularisations complexes à double étage (dilatation iliaque ou fémorale associée à un pontage fémoropoplité ou poplitéopédieux).

Si chez le diabétique les lésions artérielles diffuses et distales (fémoropoplitées et jambières) sont les moins bonnes indications de l’ATP, des résultats encourageants sont publiés en cas de sténoses ou d’occlusions courtes des artères de jambes avec des taux de sauvetage de membres satisfaisants.

2- Pontages distaux :

Ils ne doivent être effectués qu’une fois traitées les lésions de cellulite ou de lymphangite, et du matériel veineux (veines saphènes, veines de bras, veine fémorale superficielle) où des allogreffes doivent être utilisés en raison du risque infectieux.

Chez le diabétique, l’artère pédieuse est plus souvent revascularisable que l’artère plantaire, et l’artère fémorale superficielle est plus souvent perméable que chez le non-diabétique, permettant ainsi de réaliser des pontages courts à partir de l’artère poplitée.

Les pontages très distaux ne sont pas toujours acceptés comme une méthode valable et l’amputation reste encore trop souvent considérée comme le traitement de première intention.

Les bons résultats de ces pontages sont encore insuffisamment connus et trop de diabétiques sont amputés avant d’avoir été explorés par un bilan artériographique correct et avant d’avoir consulté une équipe chirurgicale motivée et spécialisée dans ce type de revascularisation.

La controverse concernant l’utilité, l’efficacité et la durabilité des pontages distaux chez les diabétiques devrait faire partie du passé car actuellement de nombreuses publications ont démontré les bons résultats de ces revascularisations (60 à 70 % de perméabilité secondaire à 5 ans, 70 à 80 % de sauvetage de membres à 5 ans) et la similitude de ces résultats chez les patients diabétiques et non diabétiques.

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