Antiseptiques en dermatologie

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Antiseptiques en dermatologie
Introduction :

Les antiseptiques (AS) possèdent une activité antimicrobienne rapide, transitoire et non spécifique qui les oppose aux antibiotiques.

Le spectre d’activité est propre à chaque famille d’AS et peut inclure les bactéries, les champignons, les spores, les virus et les parasites.

L’activité sur les prions est négligeable pour la grande majorité des AS.

Les AS peuvent être responsables d’une disparition des agents infectieux sur lesquels ils sont actifs (activité dite « bactéricide », « virucide », etc) ou d’une simple inhibition de leur croissance (activité dite « bactériostatique », « virustatique », etc).

L’antisepsie doit être distinguée de l’asepsie, de la désinfection et de la stérilisation.

L’asepsie est l’ensemble des mesures physicochimiques destinées à prévenir l’apport exogène de micro-organismes.

La désinfection est la destruction des microorganismes sur les surfaces inertes (matériel et locaux à usage médical).

La disparition des micro-organismes après stérilisation est par définition maintenue dans le temps.

L’activité des AS a été standardisée par l’Agence française de normalisation (Afnor) pour les différents types de microorganismes.

Un AS est ainsi dit bactéricide s’il réduit in vitro la quantité initiale de cinq souches données de bactéries d’un facteur 105 après un temps de contact de 5 minutes.

L’activité des AS est réduite dans de nombreuses circonstances physiques ou (bio)chimiques, en particulier lors de la présence de matières organiques (sang, sérum, pus).

La connaissance de cette limite est essentielle pour appréhender l’activité des AS in vivo.

Les AS peuvent être l’objet d’une résistance naturelle ou acquise de la part de certains micro-organismes.

Certaines bactéries sont à la fois résistantes à des antibiotiques et à des AS.

Les AS sont souvent présents comme conservateurs dans des topiques ou cosmétiques (dentifrices, déodorants, etc).

Ils peuvent être responsables d’effets secondaires et sont désormais qualifiés d’« excipients à effet notoire ».

Les AS employés autrefois en préparations magistrales ont le plus souvent laissé la place à des spécialités pharmaceutiques industrielles.

Les spécialités mentionnées dans ce chapitre sont celles utilisées en dermatologie pour l’antisepsie de la peau.

Les spécialités utiles pour l’antisepsie de la bouche et des organes génitaux externes y sont associées mais pas celles destinées à l’antisepsie des yeux, des conduits auditifs externes, du nez, du vagin ou de l’anus, ni celles associant AS et antibiotiques, antifongiques, anti-inflammatoires ou anesthésiques locaux, en règle peu prisées des dermatologues.

Il est impossible d’être exhaustif dans le recensement des spécialités destinées au grand public (spécialités dites over the counter « OTC ») et seules les spécialités figurant dans l’édition 2001 du dictionnaire Vidalt sont ici mentionnées avec un prix indicatif du plus petit conditionnement commercialisé et le taux de remboursement.

Principales familles, molécules et spécialités antiseptiques :

A – ACIDES :

Les acides sont caractérisés par la présence de la fonction carboxylique -COOH.

Le plus utilisé pour l’antisepsie en dermatologie est l’acide borique.

Les acides acétique, benzoïque, lactique et tartrique entrent dans la composition de topiques et préparations en qualité de conservateurs, mais sont également associés dans quelques spécialités antiseptiques (Dermacidet, Lactacydt).

Leur spectre d’activité comprend les bactéries à Gram négatif et dans une moindre mesure les bactéries à Gram positif et les champignons. Les acides sont bactériostatiques et fongistatiques.

L’utilisation d’un AS acide est toutefois favorable au développement de Candida albicans.

Les mycobactéries, les spores et la majorité des virus résistent aux acides.

L’activité antiseptique des acides est donc globalement faible.

Leurs effets secondaires sont essentiellement locaux.

Compte tenu des concentrations utilisées (0,5 à 5 %) la causticité est rare. Un rinçage soigneux diminue encore ce risque.

Acide borique et borate de sodium (borax) :

Ils sont principalement utilisés en dermatologie dans l’ « eau boriquée » (solution aqueuse d’acide borique à 3 %) pour diminuer la colonisation des plaies chroniques par Pseudomonas aeruginosa.

La démonstration de leur intérêt clinique n’est pas faite.

La toxicité générale (possiblement mortelle), rénale, neurologique et/ou digestive de l’acide borique et de ses dérivés après applications répétées sur peau lésée est à connaître.

Un eczéma de contact est rare.

L’acide borique et le borax sont présents dans Eau Précieuset, Hydralint, Glyco-Thymoline 55t et Borostyrolt solution, mais aussi dans certains talcs, Pâte à l’eau Roche-Posayt et Homéoplasminet pommade (excipients à effet notoire).

B – ALCOOLS :

Les alcools sont des molécules organiques comprenant le radical hydroxyle -OH.

Ils peuvent être utilisés comme solvants d’autres AS avec lesquels ils sont synergiques, et comme conservateurs.

Les molécules utilisées en dermatologie sont l’alcool éthylique (éthanol) et l’alcool benzylique.

Tous deux sont excipients à effet notoire.

L’activité antiseptique des alcools repose sur la dénaturation des protéines et la dissolution des membranes lipidiques des microorganismes en présence d’eau.

Les alcools sont très rapidement bactéricides, fongicides et virucides.

Leur spectre comprend également les mycobactéries.

En revanche, les spores sont insensibles à l’alcool et sont de possibles contaminants des solutions antiseptiques alcooliques.

L’activité sur les prions semble nulle.

La rémanence des alcools est courte.

1- Alcool éthylique :

La concentration optimale de l’alcool éthylique pour l’activité antiseptique est de 70 %. Une concentration inférieure à 30 % est inactive.

L’alcool éthylique est un excellent et rapide (< 1 min) AS cutané utilisé avant prise de sang ou injection.

La principale limite à son utilisation est le dessèchement cutané qu’il entraîne par dissolution des lipides épidermiques.

L’application de cet alcool sur les muqueuses ou à proximité des yeux ainsi que sur une peau lésée n’est pas recommandée du fait de sa causticité.

L’utilisation chez le prématuré et le jeune nourrisson est déconseillée.

À cet âge, l’alcool a en effet été rendu responsable d’intoxications éthyliques et de nécroses cutanées parfois hémorragiques.

L’alcool éthylique modifié pour l’usage médical contient 0,2 % de camphre et est coloré en jaune par la tartrazine.

La présence de ces additifs est à connaître en raison de leurs effets indésirables propres : toxicités neurologique et digestive pour le camphre, hypersensibilité de type I pour la tartrazine.

L’activité antimicrobienne des dérivés iodés et de la chlorhexidine est augmentée en solution alcoolique.

2- Alcool benzylique :

C’est un alcool aromatique.

Il est présent dans Biseptinet, et comme conservateur dans de nombreux topiques.

C – ALDÉHYDES :

Formaldéhyde et glutaraldéhyde ont été utilisés par le passé pour l’antisepsie de la peau.

Leur spectre est large, leur activité est rapide et prolongée.

Mais ils sont responsables de dermite irritative et d’eczéma fréquents et ne servent donc plus aujourd’hui que pour la désinfection.

D – AMMONIUMS QUATERNAIRES :

Les ammoniums quaternaires sont caractérisés par leur bipolarité et leur caractère tensioactif.

Les plus utilisés comme AS en dermatologie sont le chlorure de benzalkonium (excipient à effet notoire), le chlorure de miristalkonium et le cétrimide (mélange de bromure de cétrimonium et de dodécyl-triméthyl-ammonium).

Ils sont commercialisés sous formes de solutions aqueuses ou alcooliques ou de crèmes à la concentration de 0,5 % environ.

Leur activité antimicrobienne repose sur l’existence d’un pôle cationique qui favorise l’adsorption à la surface négative des micro-organismes.

Cette adsorption est responsable de lésions membranaires irréversibles.

Les ammoniums quaternaires sont plus actifs sur les bactéries à Gram positif que sur celles à Gram négatif.

Ils sont bactériostatiques et fongistatiques.

L’activité sur les mycobactéries, les spores et la majorité des virus est pratiquement nulle, mais le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est sensible.

Leur spectre est donc étroit, ce d’autant que des résistances acquises ont été décrites pour certains bacilles à Gram négatif et pour des souches de staphylocoque résistant à la méticilline.

Les Pseudomonas sont des contaminants assez fréquents.

Les ammoniums quaternaires sont détergents et peuvent entraîner des nécroses épithéliales après application intempestive sur les muqueuses ou sur la peau.

Ils sont occasionnellement responsables d’hypersensibilité de type I, avec risque de réaction anaphylactoïde croisée lors d’une anesthésie générale utilisant un curarisant ayant également une structure de type ammonium quaternaire.

Les ammoniums quaternaires sont synergiques avec la chlorhexidine et les alcools mais incompatibles avec les savons anioniques et de nombreux autres AS.

Leur action est diminuée par les matières organiques, ce qui limite encore leur intérêt.

Les spécialités commercialisées sont toutefois nombreuses et appartiennent aux gammes Biseptinet, Cétavlont, Dermasprayt antiseptique, Dermobactert, Erytéalt, Mercrylt, Septiseptt et Sterlanet.

En stomatologie, Alodontt et Pansoralt sont proposés, sans démonstration de leur utilité, pour le traitement des aphtes.

E – CHLORHEXIDINE :

La chlorhexidine est un biguanide utilisé comme AS sous forme de sels (gluconate ou digluconate) en solution aqueuse ou hydroalcoolique à la concentration de 0,05 à 0,5 %.

L’activité antimicrobienne de la chlorhexidine repose principalement sur son caractère cationique qui altère les membranes microbiennes.

La chlorhexidine est rapidement active sur la majorité des bactéries et le plus souvent bactéricide avec une rémanence notable.

L’activité est toutefois médiocre sur certains bacilles à Gram négatif tels que Pseudomonas aeruginosa.

La chlorhexidine n’est pas active sur tous les virus mais elle est virucide pour le VIH.

Elle est mycobactériostatique et faiblement sporostatique.

Des résistances acquises ont été décrites pour certaines souches de bacilles à Gram négatif et de staphylocoques.

L’activité de la chlorhexidine est diminuée en présence de matières organiques.

Sa tolérance cutanée est le plus souvent bonne, mais plusieurs observations d’urticaire, voire de choc anaphylactique, après utilisation sur une muqueuse ou sur peau lésée ont été rapportées.

Un cas de choc après application de chlorhexidine sur peau saine a été récemment décrit.

Un eczéma de contact n’est pas rare.

L’emploi de la chlorhexidine à proximité de la conjonctive n’est pas recommandé, ainsi que dans le conduit auditif externe si l’intégrité du tympan n’est pas connue.

Des cas de surdités irréversibles ont été publiés chez des porteurs d’une perforation tympanique.

Une coloration brune des dents et de la langue, réversible, a parfois été observée.

Une toxicité générale existe après ingestion, avec nécrose des muqueuses digestives, hépatite et hémolyse.

La chlorhexidine peut être associée aux alcools et aux ammoniums quaternaires.

L’utilisation de la chlorhexidine est possible chez le nouveau-né et chez la femme enceinte.

Son large spectre d’action et sa bonne tolérance ont fait de la chlorhexidine l’un des AS majeurs en dermatologie.

La concentration nécessaire pour une antisepsie cutanée satisfaisante est de 0,5 %.

La chlorhexidine est en outre très utilisée en stomatologie, sous forme de solution pour bains de bouche ou de pâte gingivale, pour ralentir la formation de la plaque dentaire.

Les spécialités comprenant la chlorhexidine sont très nombreuses.

La chlorhexidine doit être conservée à température ambiante et à l’abri de la lumière.

La contamination fréquente des flacons de chlorhexidine aqueuse doit faire préférer les solutions hydroalcooliques.

F – COLORANTS :

Leur spectre d’action est limité aux bactéries à Gram positif pour lesquelles ils sont bactériostatiques quelle que soit leur concentration.

Les bactéries à Gram négatif sont naturellement résistantes et fréquemment responsables de contamination.

En outre l’activité des colorants est diminuée en présence de sérum.

Le bleu de méthylène, le bleu de trypan, le violet de gentiane et les solutions de Milian ne sont donc pratiquement plus utilisés en dermatologie.

Éosine :

Ce sel dérivé de la fluorescéine utilisé en solution aqueuse à 2 % n’est pas antiseptique mais reste utilisé pour l’assèchement des lésions suintantes.

En fait, sa couleur rouge qui masque efficacement les dermatoses en limite vraiment l’utilisation.

L’éosine alcoolique est un AS faible dont l’activité est vraisemblablement imputable à l’alcool.

Il faut informer les patients de la très rapide contamination bactérienne des flacons entamés.

L’éosine peut être photosensibilisante.

G – HEXAMIDINE :

L’hexamidine est une diamidine aromatique utilisée pour l’antisepsie en solution hydroalcoolique ou aqueuse (moins stable que la précédente) à la concentration de 0,1 ou 0,15 %.

Les mécanismes de son activité antimicrobienne incluent vraisemblablement réduction de la synthèse protéique et du métabolisme oxydatif et altération des membranes cellulaires microbiennes.

Le spectre de l’hexamidine est étroit et comprend principalement les bactéries à Gram positif pour lesquelles elle est bactériostatique.

Des résistances acquises ont été décrites chez le staphylocoque.

Spores et mycobactéries sont naturellement résistantes ; les virus ne sont pas tous sensibles.

Le délai d’action de l’hexamidine est supérieur à 5 minutes, ce qui rend difficile son utilisation pour l’antisepsie de la peau saine.

Sa rémanence est notable.

Cette molécule est bien connue des dermatologues pour être parfois responsable d’un eczéma de contact particulier cliniquement par son intensité et sa rapide diffusion au-delà des zones d’application.

L’utilisation sur les muqueuses n’est pas recommandée. L’hexamidine est commercialisée sous le nom d’Hexaseptinet, dans la gamme Hexomédinet et en association dans Cytéalt.

Hexomédinet solution alcoolique est bactéricide.

H – HEXÉTIDINE :

L’hexétidine est une hexahydropyrimidine utilisée à la concentration de 0,1 à 0,2 %.

Elle est bactéricide pour plusieurs espèces aéro- ou anaérobies de la flore buccodentaire, sa cible privilégiée.

L’hexétidine est peu active sur les levures.

Sa tolérance muqueuse et cutanée est bonne.

Un eczéma de contact est très rare.

L’hexétidine peut altérer temporairement le goût et l’odorat.

L’hexétidine est incompatible avec les AS oxydants. Les spécialités commercialisées sont utilisées en stomatologie sous la forme de bains de bouche (Givalext, Hextrilt) ou de gel gingival.

L’intérêt de l’hexétidine pour l’hygiène de la cavité buccale et pour le traitement des aphtes n’a jamais été démontré.

I – IODE ET DÉRIVÉS IODÉS :

L’iode est un oxydant très puissant actif sous forme libre (I2), et un excellent AS bactéricide utilisé en solution alcoolique à 2 ou 2,5%.

Les mécanismes de son activité anti-infectieuse rapide restent mal connus, impliquant des altérations des enzymes des chaînes respiratoires et des acides nucléiques.

Son spectre d’activité est très large et comprend les bactéries à Gram positif et à Gram négatif, les mycobactéries, les champignons, les spores et les virus.

L’efficacité paraît conservée sur les bactéries multirésistantes.

L’activité antiseptique est assez brève et diminuée en présence de matières organiques.

L’iode est inefficace sur les prions.

Les limites à l’utilisation de l’iode sont liées à sa mauvaise tolérance cutanée et muqueuse (dermite caustique) dès que les applications sont répétées.

Les eczémas de contact sont peu fréquents ; l’hypersensibilité de type I et la photosensibilité sont rares.

Enfin, il existe une possible toxicité générale.

L’utilisation de l’iode et de ses dérivés est contre-indiquée chez la femme enceinte ou allaitant et chez le prématuré, le nouveau-né et le jeune nourrisson en raison du risque d’hypothyroïdie chez l’enfant.

Exceptionnellement une intoxication aiguë après absorption percutanée importante peut survenir.

Elle se manifeste par une insuffisance rénale aiguë avec acidose métabolique.

L’iode et ses dérivés sont incompatibles avec les mercuriels (risque de nécrose cutanée ou muqueuse) et avec le peroxyde d’hydrogène.

Ils doivent être conservés à l’abri de la lumière et à distance d’une source de chaleur.

1- Alcool iodé :

L’utilisation de l’iode à 1 ou 2% dans l’alcool éthylique est actuellement rare en dermatologie.

2- Polyvinylpyrrolidone iodée (ou povidone iodée) :

C’est le principal iodophore de la pharmacopée française.

Un iodophore est défini par le complexe de l’iode et d’un véhicule, ici la povidone.

La povidone iodée est utilisée en solution de 1 à 10%.

Elle est moins irritante que l’alcool iodé. Elle est commercialisée dans les gammes Bétadinet et Poliodinet et constitue un AS majeur pour les dermatologues.

Il est utile de rappeler qu’il n’existe pas d’ « allergie croisée » entre hypersensibilité immédiate après injection d’iode pour un examen radiologique et eczéma après application cutanée de povidone iodée.

Dans ce dernier cas le responsable de l’eczéma est habituellement la povidone.

J – LAURYLSULFATE DE SODIUM :

C’est un surfactif anionique. Son activité antiseptique est faible et son utilisation est rare en dermatologie (Dermacidet).

Il est présent dans de nombreux topiques comme émulsifiant et détergent.

K – MÉTAUX :

Les métaux lourds sont de vieux AS.

Leur utilisation s’est singulièrement restreinte depuis quelques années.

Leur rapport efficacité/tolérance est globalement défavorable.

1- Dérivés mercuriels :

La merbromine (ou mercurochrome), le mercurobotol et le thiomersal sont des dérivés organiques du mercure.

Ils sont utilisés en solution à faible concentration.

Leur spectre d’activité comprend les bactéries et les champignons pour lesquels ils sont faiblement (et lentement) bactéricides et fongistatiques.

Une résistance acquise est assez fréquente pour le staphylocoque, les entérobactéries et Pseudomonas aeruginosa.

Les mercuriels sont inactifs sur les mycobactéries, les spores et les virus.

Leur activité antiseptique est donc faible et de plus diminuée après contact avec des matières organiques.

Ils sont rapidement caustiques, et ne doivent pas être associés à la chlorhexidine, aux ammoniums quaternaires, aux dérivés iodés et chlorés.

Le risque d’hypersensibilité ainsi que d’effets systémiques (rénaux, neurologiques) après utilisations répétées existe. Les mercuriels ne doivent pas être utilisés chez le nourrisson.

Les principales spécialités à usage cutané sont Dermachromet (thiomersal à 0,1 %), Pharmadoset mercurescéine (compresses de merbromine à 2 %).

Il n’y a plus d’organomercuriel dans Mercrylt solution moussante.

2- Dérivés argentiques :

Ils sont bactériostatiques avec une activité plus importante sur les bactéries à Gram négatif que sur celles à Gram positif.

L’association à la sulfadiazine (Flammazinet, Sicazinet) les rend bactéricides.

Ils sont en outre peu actifs sur les virus et les champignons.

Leur mode d’action repose sur une inhibition de la réplication de l’acide désoxyribonucléique (ADN) microbien.

Les dérivés argentiques sont incompatibles avec les oxydants.

Leur tolérance cutanée est bonne mais les patients doivent être informés de la possible survenue d’un noircissement de la peau après exposition à la lumière.

L’argyrie est une complication exceptionnelle.

* Nitrate d’argent :

Il est utilisé en solution aqueuse de 0,5 à 2 %.

Une concentration supérieure est irritante.

Son activité antiseptique est faible mais ses propriétés asséchantes font qu’il est toujours une prescription des dermatologues.

Le nitrate d’argent doit être conservé à l’abri de la lumière et de l’air.

3- Sels de cuivre et de zinc :

Leur activité antiseptique est faible et ils ne sont plus utilisés que pour leurs propriétés astringentes (Métacuprolt, Dermocuivret pommade, Ramett Dalibour pain et solution).

Des eczémas de contact sont possibles.

L – OXYDANTS CHLORÉS :

La principale molécule active de cette classe est l’acide hypochloreux, métabolite commun aux AS chlorés.

Son activité antimicrobienne rapide repose sur son action sur les membranes cellulaires et sur la dénaturation des enzymes microbiennes.

Son spectre est large, incluant les virus (VIH), les spores.

Toutefois des résistances ont été décrites pour certaines souches bactériennes.

L’activité antiseptique augmente avec la concentration du produit chloré.

Leur tolérance cutanée est bonne aux concentrations usuelles.

L’utilisation des oxydants chlorés est limitée en dermatologie par leur forte inactivation par les matières organiques et par leur faible rémanence.

L’indication des produits chlorés est donc plutôt la désinfection.

Hypochlorite de sodium (solution de Dakin) :

Il s’agit d’une eau de Javel diluée et neutralisée pour l’usage médical.

L’hypochlorite de sodium peut être préparée à l’officine (< 0,5 % de chlore actif).

Une solution de Dakin prête à l’emploi existe également (Dakin Coopert stabilisé).

L’hypochlorite de sodium est enfin commercialisé sous le nom d’Amukinet en solution aqueuse à 0,06 %.

Il doit être conservé à l’abri de la lumière et au frais (< 5°).

L’hypochlorite de sodium à 6° chlorométriques pendant 60 minutes à 20 °C paraît pouvoir inactiver les prions.

L’eczéma de contact est rare.

M – OXYDANTS NON CHLORÉS NON IODÉS :

1- Peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée H2O2) :

Son activité antiseptique repose sur une dénaturation des protéines microbiennes.

Elle est brève et limitée à certaines bactéries à Gram positif (bactériostatique) et à certains virus (VIH), et est inhibée par le contact avec les matières organiques qui entraîne une effervescence.

Celle-ci peut être utile pour le nettoyage mécanique d’une plaie ou l’hémostase.

L’eau oxygénée peut être irritante pour la peau ; son utilisation est proscrite à proximité des conjonctives.

Elle est commercialisée en solution à 3 % (Eau oxygénée Gilbertt, Dosoxygénéet), et associée dans Spitadermt. Elle doit être conservée à l’abri de la chaleur et de la lumière, et ne pas être associée aux autres AS oxydants.

2- Permanganate de potassium (KMnO4) :

Il est très rapidement antibactérien mais sans activité sur les autres micro-organismes.

Il est inactivé par les matières organiques et sa rémanence est faible.

Il est très caustique et doit donc être dilué au moins au 1/10 000.

La solution finale est alors rose pâle.

N – DÉRIVÉS PHÉNOLIQUES :

Les dérivés du phénol forment une grande famille d’AS, de conservateurs et de désinfectants.

Les principales molécules utilisées en dermatologie sont le chlorocrésol et le triclosan.

L’acide parahydroxybenzoïque (Nisaseptolt, Nisapulvolt, Nisasolt) et ses dérivés (les parabens) sont des conservateurs bien connus des dermatologues.

Leur mode d’action repose sur la dénaturation des membranes microbiennes et des altérations protéiques. Ils sont bactéricides et fongicides.

L’activité est faible sur les spores bactériennes, et nulle sur les mycobactéries, les virus et les prions.

L’activité des phénoliques est lente mais prolongée ; elle diminue en présence de matières organiques.

Ils peuvent être irritants pour la peau.

Il existe un possible passage sanguin responsable d’effets systémiques neurologiques.

1- Chlorocrésol :

Il est utilisé à la concentration de 0,1 à 0,3 %.

Il est présent dans la gamme Cytéalt en association avec l’hexamidine et la chlorhexidine.

Il faut le conserver au frais et à l’abri de la lumière.

2- Triclosan :

Il est utilisé à la concentration de 1 à 2 % et est surtout bactériostatique.

Son activité est faible sur les Pseudomonas.

Un eczéma de contact n’est pas rare.

O – TRICLOCARBAN :

Le triclocarban est un carbanilide utilisé à la concentration de 1 à 2 %. Il est actif sur les bactéries à Gram positif pour lesquelles il est bactériostatique de façon prolongée.

Son activité est faible ou nulle sur les bactéries à Gram négatif et sur les levures, et en présence de matières organiques.

Il peut être responsable d’une dermite de contact orthoergique ou allergique et d’une photosensibilité.

À température élevée (> 50 °C), le triclocarban est dégradé en chloroanilines qui peuvent entraîner une methémoglobinémie après absorption cutanée.

Il est donc déconseillé d’imprégner de triclocarban les vêtements destinés à bouillir ou à être repassés ou de diluer cette molécule dans de l’eau chaude.

Le triclocarban ne doit pas être utilisé chez le nourrisson.

Les principales gammes d’AS comprenant du triclocarban sont Cutisant, Septivont et Solubactert.

En outre, le triclocarban est présent dans certains pains de toilette dermatologiques (Nobactert).

Indications et choix des antiseptiques en dermatologie :

Les AS sont utilisés à grande échelle en dermatologie dans deux circonstances majeures : la « préparation » de la peau saine à une effraction cutanée (biopsie ou chirurgie dermatologique) et le « traitement d’appoint des affections cutanées primitivement infectieuses ou susceptibles de se surinfecter ».

Cette dernière indication, mal documentée, a soulevé une controverse ces dernières années qui a rompu avec l’empirisme qui prévalait jusqu’alors.

Le prescripteur doit connaître les effets indésirables locaux (causticité, eczéma de contact) ou plus rarement généraux (toxicité viscérale, anaphylaxie) des molécules qu’il utilise, ainsi que les incompatibilités éventuelles des associations d’AS. D’une manière générale, il est préférable de ne pas associer entre elles, simultanément ou successivement, différentes spécialités antiseptiques.

Pour tous les AS, le risque d’effet indésirable local ou systémique augmente en cas d’applications répétées, sur de larges surfaces, sous occlusion, sur une peau lésée, sur une muqueuse, ainsi que sur la peau du prématuré ou du jeune nourrisson.

La possible contamination des AS par des micro-organismes doit être également connue afin de pouvoir choisir le conditionnement et les modalités de conservation (température, exposition à la lumière, etc) appropriés.

La seule limite au recours systématique à des présentations « pour usage unique » est en fait le prix élevé de celles-ci.

Le choix d’un AS repose sur l’efficacité et la bonne tolérance de la molécule.

L’efficacité est appréciée a priori par un spectre antimicrobien large, incluant la flore résidente et les pathogènes cutanés habituels, par un délai d’action bref (moins de 3 minutes), par une action suffisamment rémanente (plusieurs dizaines de minutes), par une activité pas ou peu diminuée par la présence de matières organiques, et éventuellement par une présentation adaptée à l’usage dermatologique.

Il faut admettre que la rémanence des AS dont nous disposons est toujours trop courte, particulièrement en peau lésée, et que la recolonisation microbienne est inéluctable quelques dizaines de minutes après l’application d’un AS.

La bonne tolérance associe une causticité modeste ou absente, un risque d’eczéma faible et des effets systémiques rares ou sans gravité.

L’AS idéal n’existe pas et en pratique dermatologique les qualités requises ne sont réunies que pour un petit nombre d’AS : chlorhexidine et povidone iodée pour l’essentiel, qui sont les seuls AS à bien connaître et à prescrire.

L’association de ces AS à l’alcool éthylique est synergique et utile.

L’intérêt des AS en peau saine est admis par tous avant une effraction cutanée telle que ponction veineuse ou a fortiori avant chirurgie.

Mais la démonstration de l’utilité des AS en peau lésée n’a été que rarement faite.

Les études contrôlées bien conduites comparant un AS au savonnage seul, ou un AS au nettoyage mécanique (à la douchette par exemple) manquent.

Les critères de jugement utilisés dans nombre des travaux publiés ne sont pas adaptés à la pratique clinique.

Les seuls critères pertinents nous semblent en effet être la survenue d’une (sur)infection microbienne locale ou d’une infection généralisée, et non pas la quantification du nombre de germes présents aux sites traités, simple reflet de l’intensité de la colonisation microbienne.

On dispose en revanche d’études plus nombreuses comparant l’efficacité microbiologique des AS entre eux ou comparant AS et antibiotiques locaux.

Il faut garder en mémoire que, quelle que soit la dermatose traitée, c’est la restauration de l’intégrité cutanée qui constitue la meilleure défense contre les germes.

Dans l’état actuel de nos connaissances, et compte tenu d’effets indésirables non rares, l’utilisation des AS en peau lésée doit donc être « raisonnablement empirique » c’est-à-dire réservée aux dermatoses bulleuses et aux brûlures étendues où, de façon consensuelle, les AS pourraient limiter le risque de sepsis grave.

Dans tous les autres cas, l’évaluation du rapport bénéfice/risque doit être systématique, et le souci de ne pas favoriser l’émergence de souches résistantes toujours présent à l’esprit.

A – ANTISEPSIE DE LA PEAU SAINE :

En l’absence d’études convaincantes tenant compte des spécificités de la chirurgie dermatologique (chirurgie « superficielle » et brève, rareté des complications infectieuses locales et plus encore générales) les procédures sont déduites des études publiées sur l’antisepsie chirurgicale et sur l’antisepsie avant ponction veineuse.

Une simplification de ces procédures est possible (consensus professionnel).

L’antisepsie des mains de l’opérateur n’est pas nécessaire, un savonnage de 1 minute avec un savon doux liquide bien rincé suffit.

L’antisepsie de la peau du champ opératoire par la chlorhexidine alcoolique à 0,5 % ou la povidone iodée est en revanche utile.

Pour une action optimale l’AS doit être appliqué sur une peau aussi propre que possible.

Une détersion mécanique et un savonnage antiseptique peuvent donc être nécessaires.

Deux applications du même AS (également identique à celui utilisé pour le savonnage) sont faites en respectant un temps de séchage de 2 ou 3 minutes entre les deux applications.

B – ANTISEPSIE DE LA PEAU LÉSÉE :

Avec Wolkenstein et Vaillant, quatre grandes situations correspondant aux circonstances habituelles d’utilisation des AS par les dermatologues ont été retenues.

1- Antisepsie des dermatoses bulleuses étendues :

Cette situation concerne les dermatoses bulleuses héréditaires, les dermatoses bulleuses auto-immunes (pemphigoïde bulleuse, pemphigus) et les toxidermies sévères (nécrolyse épidermique toxique, pustulose exanthématique aiguë généralisée).

Aucune étude spécifique n’étant disponible, l’intérêt des AS dans ces dermatoses a été extrapolé à partir des résultats obtenus chez les brûlés.

En pratique, pour les bulloses étendues on peut proposer un bain quotidien avec de l’eau additionnée de chlorhexidine.

Idéalement, le bain doit être suivi d’un rinçage à la douchette qui permet d’éliminer l’AS, et donc de diminuer sa causticité, mais également de faire disparaître les débris cutanés qui sont de redoutables gîtes de pullulation microbienne.

2- Antisepsie des dermatoses suintantes :

Cette situation comprend surtout l’eczéma aigu et la dermatite atopique, ainsi que quelques dermatoses plus rares telles que les maladies de Darier et de Hailey-Hailey.

Une plaie aiguë traumatique non compliquée pose un problème identique.

L’intérêt des AS dans ces dermatoses, c’est-à-dire la prévention d’une surinfection, est non démontré et probablement faible.

Dans la dermatite atopique, Stalder et al ont montré la supériorité de la dermocorticothérapie sur la chlorhexidine et le permanganate de potassium, illustrant ainsi que la restauration de la barrière cutanée est le meilleur moyen de diminuer la colonisation bactérienne cutanée.

Par extension on peut considérer que l’unique traitement d’un eczéma aigu est la corticothérapie locale.

L’utilisation des AS entre les poussées de dermatite atopique est illogique et délétère.

En ce qui concerne les plaies aiguës, l’intérêt des AS pour accélérer la cicatrisation est douteux.

Un savonnage soigneux et répété, l’ablation systématique d’éventuels corps étrangers sont probablement suffisants.

En l’absence de (sur)infection patente, le traitement repose ensuite sur les pansements du type hydrocolloïde.

3- Antisepsie des (sur)infections cutanées :

Ce grand cadre comprend les infections cutanées primitives superficielles (impétigo, folliculites, furoncles) et la surinfection de dermatoses préexistantes (impétiginisation).

Les dermohypodermites bactériennes relèvent d’une antibiothérapie générale.

La place des AS est ici très difficile à définir car les infections cutanées superficielles guérissent souvent spontanément, et le traitement de la dermatose sous-jacente suffit habituellement pour guérir l’impétiginisation.

Dans une étude sur la dermatite atopique impétiginisée, les dermocorticoïdes ont été aussi efficaces que l’association dermocorticoïdes + antibiothérapie, et supérieurs aux antibiotiques seuls.

Les études comparant chlorhexidine ou povidone iodée et savonnage seul manquent.

L’acné, qui n’est pas une maladie infectieuse, n’est bien sûr pas une indication à l’antisepsie.

4- Antisepsie des plaies chroniques (ulcères et escarres) :

L’intérêt des AS dans la prévention du retard de cicatrisation est nul : la majorité des AS sont en effet cytotoxiques et ralentissent la croissance des kératinocytes et des fibroblastes.

En outre, vouloir « stériliser » une plaie chronique paraît illusoire.

Compte tenu du risque important de sensibilisation de contact aux antiseptiques chez les patients porteurs de plaies chroniques, l’emploi des AS doit être évité.

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