Antibiotiques et reins

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Introduction :

Antibiotiques et reinsEn cas d’insuffisance rénale, il faut adapter les doses de certains antibiotiques, pour éviter l’expression de leurs effets secondaires et ou le risque d’interaction médicamenteux.

Néphrotoxicité des antibiotiques :

Elle est largement dominée par la toxicité rénale des aminoglycosides, qui reste une des premières causes d’insuffisance rénale aiguë iatrogène.

A – Aminoglycosides :

* Généralités :

Les aminoglycosides ont tous une néphrotoxicité directe par concentration dans le cortex rénal.

Ils induisent des lésions de nécrose des cellules tubulaires proximales.

Cette toxicité se manifeste essentiellement par la survenue 5 à 10 jours après le début du traitement, d’une insuffisance rénale organique, le plus souvent à diurèse conservée.

Quand elle complique une insuffisance rénale préexistante, cette néphrotoxicité n’est parfois que partiellement réversible.

Cette toxicité est dose dépendante.

Une bonne adaptation posologique, et le maintien des concentrations sériques dans les fourchettes thérapeutiques sont toujours nécessaires.

En revanche, elles n’excluent pas la possibilité de survenue d’un accident de néphrotoxicité.

* Facteurs prédisposants :

Ce sont des situations essentielles à connaître car le risque de néphrotoxicité des aminosides est très nettement majoré en leur présence.

Dans certaines conditions d’insuffisance rénale ou de cirrhose, le recours aux aminosides ne doit être envisagé que dans des situations exceptionnelles, quand il n’existe pas d’alternative thérapeutique satisfaisante.

* Prévention de la néphrotoxicité :

Sauf cas rares, les aminosides doivent être utilisées de façon brève, moins de 8 jours sans dépasser les posologies recommandées dans le Vidal.

Il est nécessaire de connaître la fonction rénale en particulier l’estimation de la clairance de la créatinine avant toute prescription, cf « Posologie des antibiotiques en cas d’insuffisance rénale ».

B – Bêtalactamines :

* Pénicillines :

La néphrotoxicité des pénicillines (groupes G, V, A, M, uréidopénicillines et carboxipénicillines) est rare et généralement non prévisible.

Si l’on excepte la méticilline, on peut même dire qu’elle est exceptionnelle.

Quand elle survient, cette néphrotoxicité résulte d’un accident immunoallergique touchant l’interstitium rénal (néphrite interstitielle aiguë).

Les signes rénaux associent de façon variable hématurie micro- ou macroscopique, protéinurie et augmentation de la créatinine. Des signes généraux sont possibles : fièvre, arthralgies, éruption cutanée.

Biologiquement, outre la dysfonction rénale, on peut constater une hyperéosinophilie, une cytolyse hépatique, une éosinophilurie.

Si un accident de ce type survient, il est recommandé de consulter un néphrologue.

L’intérêt d’un traitement par corticoïdes n’est pas démontré.

Sauf exception, ce type d’accident doit faire renoncer à l’utilisation ultérieure de l’ensemble des bêtalactamines car des réactions croisées sont possibles.

* Céphalosporines :

Quand elles étaient administrées à fortes doses, la céfaloridine et la céfalotine (céphalosporines de première génération) ont été rendues responsables d’accidents de nécroses tubulaires.

Pour les autres céphalosporines, la toxicité rénale, de type immunoallergique, est très rare (cf « Les pénicillines »).

C – Vancomycine et téicoplanine :

Ces médicaments possèdent un faible potentiel néphrotoxique.

La néphrotoxicité est plus fréquente chez l’insuffisant rénal, si un autre médicament néphrotoxique est administré simultanément ou en cas de posologie excessive.

Une adaptation posologique, aidée par la surveillance des concentrations plasmatiques, est indispensable en cas d’altération même modérée de la fonction rénale.

D – Sulfamides :

Les sulfamides peuvent induire, de façon rare, des accidents rénaux immunoallergiques.

La sulfadiazine peut entraîner la formation de cristaux médicamenteux dans les tubules rénaux.

La précipitation de ces cristaux peut induire une obstruction tubulaire ou la formation d’une véritable lithiase médicamenteuse. Une hydratation abondante (supérieure à 2 000 mL/j) et alcaline (eau de Vichy ou gélules de bicarbonate) favorise la solubilité des cristaux de cette molécule dans les urines.

E – Autres antibiotiques :

De rares cas de néphrites interstitielles aiguës ont été rapportés avec la rifampicine, l’érythromycine, les fluoroquinolones.

Posologie des antibiotiques en cas d’insuffisance rénale :

* Généralités :

De très nombreux antibiotiques sont éliminés par voie rénale.

L’adaptation de la posologie des antibiotiques au niveau de fonction rénale permet d’éviter des accidents de néphrotoxicité, mais aussi des effets secondaires extrarénaux.

A côté de leur potentiel néphrotoxique, les aminosides, la vancomycine et la téicoplanine font courir un risque de toxicité cochléovestibulaire, qui est nettement majoré en cas d’insuffisance rénale.

Les pénicillines à fortes doses, les fluoroquinolones, l’éthambutol, la nitrofurantoïne, l’acide nalidixique, la colistine, l’isoniagide Rimifon® comportent un risque de toxicité neurologique centrale ou périphérique selon les cas.

Schématiquement, l’adaptation posologique peut être obtenue en réduisant la dose unitaire et en gardant le même intervalle entre les administrations ou en espaçant les intervalles d’administration et en gardant les mêmes doses unitaires.

Pour un antibiotique devant maintenir pendant un temps suffisant une concentration sanguine supérieure à la concentration minimale inhibitrice du germe, il est souvent préférable de conserver les intervalles habituels et de réduire la dose unitaire (bêtalactamines en général).

Pour d’autres antibiotiques (aminosides, fluoroquinolones), il semble plus intéressant d’espacer les administrations (parfois de façon importante) en gardant la dose unitaire.

Dans tous les cas il est essentiel d’être en accord avec les recommandations fournies dans le dictionnaire Vidal.

* Comment estimer la fonction rénale :

Il ne faut pas méconnaître une insuffisance rénale avant de débuter certains antibiotiques.

Le risque d’insuffisance rénale est possible dans de nombreuses situations pathologiques (patients âgés, hypertendus, insuffisants cardiaques, diabétiques, cirrhotiques…).

Souvent, la seule mesure de la créatinine plasmatique reflète mal le niveau réel de la fonction rénale.

Il faut préférer la clairance de la créatinine, estimée à partir de la formule de Cockroft et Gault.

* Quelques règles générales d’utilisation des antibiotiques chez l’insuffisant rénal :

1- La prescription d’un antibiotique, quel qu’il soit, chez un patient dialysé, transplanté ou ayant une clairance de la créatinine inférieure à 15 mL/min doit être effectuée en accord avec l’avis du spécialiste (néphrologue ou réanimateur).

La céfalotine et la céfaloridine, la colistine, l’acide nalidixique, la nitrofurantoïne, les tétracyclines (sauf doxycycline et minocycline) sont à proscrire en cas d’insuffisance rénale (même modérée)

2- Les aminoglycosides, la vancomycine, la téicoplanine ne seront utilisés chez l’insuffisant rénal qu’en l’absence d’alternative thérapeutique.

Ils seront alors utilisés en suivant les recommandations du dictionnaire Vidal, l’adaptation posologique étant nécessaire dès la moindre réduction de fonction rénale.

Au troisième jour, il faudra vérifier que le taux résiduel est en dessous du seuil toxique.

Pendant le traitement, la surveillance de la fonction rénale (créatinine) est nécessaire.

3- Pour les pénicillines en général, les fluoroquinolones, le cotrimoxazole : l’adaptation des doses n’est nécessaire que si la clairance de la créatinine est inférieure à 30 mL/min (les recommandations à suivre sont celles du dictionnaire Vidal).

4- Les macrolides et les synergistines, la doxycycline et la minocycline, la rifampicine, le métronidazole sont utilisables sans réduction de dose.

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