Antibiothérapie et résistance bactérienne en oto-rhino-laryngologie

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Antibiothérapie et résistance bactérienne en oto-rhino-laryngologieDepuis ces 10 dernières années, la bactériologie des infections ORL se modifie, en particulier avec l’émergence de résistances aux antibiotiques, des germes responsables d’otites moyennes aiguës et de rhinosinusites.

Après avoir été limité à quelques aires géographiques précises, ce phénomène est observé maintenant dans la plupart des régions de France.

Le pneumocoque est le germe pour lequel cette modification est la plus étudiée.

Sa sensibilité vis-à-vis de la pénicilline G diminue, obligeant parfois à utiliser des doses importantes, inhabituelles, pour le traiter.

De nombreuses études épidémiologiques sont réalisées ou en cours, pour comprendre et évaluer l’évolution de ce changement.

Le ou les mécanismes à l’origine de cette modification sont l’objet de controverses : pour certains, c’est le recours t rop systématique à une antibiothérapie dès la moindre infection, en particulier chez l’enfant.

Pour d’autres, la prescription à grande échelle d’une même molécule entraînerait une sélection des germes.

Quelles que soient les raisons, il est indispensable de revoir le mode de prescription des antibiotiques dans les infections ORL, en particulier chez l’enfant.

Des observatoires régionaux et centraux recueillent toutes les informations disponibles dès qu’un pneumocoque est isolé pour informer ensuite les cliniciens, région par région, sur la fréquence et le niveau de résistance du pneumocoque.

L’ORL a un rôle fondamental dans cette démarche puisqu’il est souvent confronté à des situations d’échecs cliniques où plusieurs antibiothérapies ont été prescrites avant sa consultation.

Des recommandations récentes, au vu de ce problème, ont été proposées ; ainsi, devant des situations cliniques, tel que l’échec d’une antibiothérapie bien conduite, la survenue d’une otite chez un enfant vivant en collectivité (crèche), recevant de nombreux antibiotiques, l’ORL est encouragé à réaliser une paracentèse avec un prélèvement bactériologique.

Dans une publication récente, l’étude bactériologique des pus d’otite chez des enfants en échec d’une antibiothérapie a confirmé la prépondérance du pneumocoque, en particulier des sérotypes 23, 14 associé à une résistance à la pénicilline.

De même, d’autres études ont permis d’identifier des situations cliniques en faveur d’une otite à pneumocoque : enfant âgé de moins de 2 ans, gardé en crèche, avec une température supérieure à 38 °C, une otalgie et ayant reçu une antibiothérapie avec un dérivé érythromycine–sulfisoxazole.

Dans ces cas, l’antibiothérapie est d’emblée orientée contre un pneumocoque à résistance augmentée, entraînant la prescription soit de doses élevées de pénicilline adaptée à la concentration minimale inhibitrice (CMI), soit d’une céphalosporine de troisième génération.

Le pneumocoque n’est pas le seul germe dont la sensibilité aux antibiotiques se modifie.

Le nombre d’Hæmophilus sécréteur de bêtalactamases augmente également dans les études les plus récentes et les moraxelles isolées dans les pus d’otites en sont presque toujours productrices.

Ces informations incitent à modifier la décision de l’antibiothérapie probabiliste en utilisant des molécules inhibitrices de bétalactamases.

Mais ces constatations doivent également amener l’ORL à un usage limité et précis de l’antibiothérapie lors de la prise en charge d’une otite moyenne aiguë et à ne pas hésiter, dès que la situation clinique semble inhabituelle ou préoccupante, à réaliser un prélèvement bactériologique, d’autant que le rôle des virus (en particulier le virus syncytial), dans la pathogénie de l’otite moyenne aiguë, semble de plus en plus important.

Cette constatation laisse espérer une diminution des épisodes otitiques bactériens avec une vaccination efficace contre ce virus.

Pour les sinusites ou rhinosinusites, l’émergence de résistances bactériennes est moins forte que pour l’otite moyenne aiguë, mais commence à apparaître.

Pour éviter un accroissement de ce phénomène de résistance, une réflexion est en cours pour essayer de préciser les critères diagnostiques de la pathologie sinusienne infectieuse bactérienne, afin de réduire la prescription trop systématique d’une antibiothérapie devant toute symptomatologie nasale accompagnée d’un décalage thermique.

Le nombre d’infections virales rhinosinusiennes, faute de tests d’identification des agents viraux en pratique quotidienne, est très mal connu mais semble important en particulier chez l’enfant.

Cela amène à discuter l’intérêt et le risque d’une prescription systématique d’un antibiotique devant cette situation clinique.

Même si tous les éléments ne sont pas disponibles pour prendre une position définitive, cette discussion est nécessaire afin de préciser l’intérêt et la place de l’antibiothérapie dans cette pathologie infectieuse.

Le nombre de complications graves lié à une infection ORL a considérablement diminué dans notre pays au prix d’une modification des sensibilités aux antibiotiques des agents bactériens.

Ces deux faits vont probablement inciter, dans les années à venir, à guider la prescription des antibiotiques par des recommandations cliniques et une meilleure connaissance de l’écologie bactérienne.

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