Spondylarthrite ankylosante

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Introduction :

Spondylarthrite ankylosanteLa spondylarthrite ankylosante est un rhumatisme inflammatoire chronique touchant avec prédilection les structures axiales, rachis et sacro-iliaques, à tendance ankylosante par ossification sous-ligamentaire et des enthèses.

Affectant principalement les sujets masculins, la maladie débute le plus souvent chez l’adulte jeune, évolue par poussées et peut s’exprimer par des manifestations systémiques.

Un terrain génétique particulier, matérialisé par la présence de l’antigène HLAB27, favorise la survenue de la maladie et est au centre des recherches physiopathologiques.

Historique :

La spondylarthrite ankylosante est vraisemblablement le rhumatisme inflammatoire chronique le plus ancien de l’histoire de l’humanité, si l’on retient les arguments paléopathologiques sur des vertèbres ou des pièces de colonne vertébrale retrouvées en Europe et en Égypte et datées de – 5 000 à – 2 000 avant JC.

La première description anatomique semble revenir à Connor dans sa thèse de doctorat en 1691, à Reims.

Les premières descriptions cliniques cohérentes datent de la fin du XIXe siècle.

Von Strumpell, en 1884 et 1897, parle « d’inflammation chronique ankylosante de la colonne vertébrale et des hanches ».

En revanche, il n’est pas certain que ce qu’a décrit Bechterew, en 1893, sous les termes « enraidissement et incurvation de la colonne vertébrale », corresponde effectivement à des cas de spondylarthrite.

En 1898, Marie rapporte un tableau d’ankylose à peu près complète de la colonne vertébrale et des articulations de la racine des membres sous le terme « spondylose rhizomélique » ; il complète, quelques années plus tard, avec son élève Leri, la description par des études anatomiques et considère la maladie comme une ostéopathie infectieuse ou toxi-infectieuse à tendance raréfiante avec ossification ligamentaire.

Le terme de syndesmophyte est proposé par Sicard et Forestier en 1931.

Il faut signaler ensuite l’importante contribution de l’ouvrage de synthèse,

La spondylarthrite ankylosante de Forestier, Jacqueline et Rotes-Querol en 1951, qui consacre le terme générique de la maladie et en précise les aspects cliniques principaux et radiologiques, en particulier l’atteinte sacroiliaque.

En 1958, de Sèze propose le terme de « pelvispondylite rhumatismale ».

En 1973, la relation de la maladie avec l’antigène d’histocompatibilité HLA B27 est établie conjointement par Brewerton et Schlosstein, matérialisant l’agrégation familiale de la spondylarthrite.

Nosologie :

Si l’école française a toujours nettement séparé la spondylarthrite ankylosante de la maladie rhumatoïde, ce ne fut pas le cas des équipes anglo-saxonnes qui, jusqu’au début des années 1960, considéraient cette maladie comme une forme clinique de polyarthrite rhumatoïde.

La proposition des premiers critères de diagnostic à Rome, en 1961, consacre la reconnaissance et l’individualisation de la spondylarthrite ankylosante sur le plan international (ankylosing spondylitis).

La mise en évidence, en 1973, de l’étroite relation avec l’antigène HLA B27 scelle cette entité et contribue à la naissance du concept de spondylarthropathie ou « spondarthrite séronégative » proposé en 1974 par Moll etWright.

La spondylarthrite ankylosante représente le chef de file du groupe des spondylarthropathies, qui réunit également les arthrites réactionnelles du syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter, certaines formes de rhumatisme psoriasique, d’arthrites des entérocolopathies inflammatoires (rectocolite hémorragique, maladie de Crohn) et, plus rarement et de façon plus discutée, de maladie de Behçet, maladie périodique, de syndrome Sapho.

Ce regroupement est justifié par la communauté de manifestations cliniques (atteinte pelvirachidienne, oligoarthrite asymétrique, enthésopathie inflammatoire), la possibilité de forme de passage entre ces différentes entités rhumatologiques, la fréquence de manifestations extrarhumatologiques voisines (atteinte ophtalmologique, cutanéomuqueuse), un terrain génétique commun matérialisé par la présence fréquente d’un gène HLA de classe I et rendant compte de l’agrégation familiale fréquente, et enfin l’absence habituelle de facteurs rhumatoïdes sériques, justifiant le qualificatif « séronégative » initialement proposé.

Cette conception prend ainsi en compte les constatations cliniques et anamnestiques effectuées au cours de la maladie depuis un demi-siècle et permet d’envisager le cadre de spondylarthropathie indifférenciée.

Épidémiologie :

A – Prévalence :

L’évaluation de la fréquence de la maladie est dépendante de la performance des critères utilisés pour le diagnostic, de la prise en compte ou non d’un critère radiologique.

Les études utilisant les données hospitalières exposent au risque de ne prendre en compte que les formes typiques et les plus sévères.

Ces études, revues par Gran et Husby, avancent une prévalence de 0,1 à 0,2 %.

Ces chiffres diffèrent peu selon les régions (Scandinavie, Europe centrale, États-Unis) et paraissent stables sur une période de 40 ans.

Les études de population révèlent des disparités géographiques associées à des variations de répartition de l’antigène HLA B27.

Cependant, dans la population générale de race blanche, les différentes études de population rapportent des chiffres de prévalence compris entre 0,05 et 0,2 %.

Une étude norvégienne, menée en 1985 sur plus de 21 000 personnes âgées de 20 à 54 ans, rapporte une prévalence estimée entre 1,1 et 1,4 %.

Braun, en 1998, estime la prévalence, à Berlin, à 0,86 %. Lors d’études autopsiques, la fréquence de la spondylarthrite ankylosante est de 0,6 à 0,8‰.

Dans les autres ethnies, la fréquence de la maladie est plus variable.

Ainsi, chez les Indiens haïda, la prévalence de la spondylarthrite est de 6,2 % avec une prévalence de HLA B27 de 50 % ; chez les Indiens Pimas, la fréquence de la maladie est de 5,9 %et celle de B27 de 17 %.

Au Japon, la prévalence de la spondylarthrite serait de 0,2 ‰, la fréquence de B27 dans la population générale étant inférieure à 1 %.

En Afrique noire, la maladie est très rare, la fréquence de B27 dans la population est également rare (inférieure à 1 %).

La fréquence de B27 module donc la prévalence de la maladie.

Le pourcentage de malades B27 varie cependant selon les ethnies et la répartition géographique : proche de 100 % pour les Indiens haïda, 90 % pour les sujets blancs européens et nord-américains (où la fréquence de B27 dans la population générale est comprise entre 4 et 12 %), 50 % en Afrique noire et au Japon.

La prévalence de la maladie chez les sujets HLA B27 varie aussi, selon les études, de 3 à 20%, en fonction de l’absence ou la présence d’antécédents familiaux.

Une étude finlandaise récente a évalué l’incidence et la prévalence de la maladie sur la base des remboursements sociaux.

L’incidence annuelle est estimée à 6,9 pour 100 000 adultes, stable sur les 3 ans de l’étude, avec une prévalence de 0,15 %, comparable aux chiffres obtenus à Rochester (Minnesota) entre 1935 et 1989 : 7,3 pour 100 000 personnes par an.

B – Sexe :

La prédominance masculine est confirmée par la plupart des études, avec un ratio hommes/femmes variant de 3 à 8 pour 1.

Cette prédominance a tendance à diminuer dans les études les plus récentes, peut-être du fait d’une meilleure connaissance de la maladie chez la femme.

Les formes féminines auraient été sous-estimées antérieurement.

Il semble que le sex-ratio varie en fonction de l’âge de début ; augmentant dans l’enfance jusqu’à 30-39 ans, puis diminuant pour les formes de début après 40 ans.

C – Âge :

Bien que difficile à affirmer avec précision, le début des symptômes se situe, dans la majorité des cas, entre 20 et 30 ans.

Les formes à début précoce juvénile sont plus fréquentes en Afrique du Nord.

Pour Masi, les débuts avant 20 ans représentent plus de 20 %des cas.

Les cas débutant après 40 ans sont beaucoup plus rares et correspondent souvent à des formes à révélation tardive, peu ou pas symptomatiques jusqu’alors.

Pour Will et Calin, l’âge de début a augmenté entre 1940 et 1983 au Royaume-Uni, alors qu’il est resté stable à Rochester de 1935 à 1989.

D – Génétique :

Très tôt, le grand nombre de cas de spondylarthrite ankylosante héréditaire ou familiale avait fait suggérer une part génétique au déterminisme de la maladie ; 5 à 20%des malades auraient au moins un parent atteint.

1- Gènes HLA de classe I :

Déjà évoquée plus haut, la liaison de la maladie avec l’antigène d’histocompatibilité HLA B27 est venue conforter cette composante génétique.

La fréquence de près de 90 %deHLAB27 dans les cas de maladie, contre 4 à 12% dans la population générale caucasoïde, confère à cet élément génétique un risque relatif de 90.

Les études familiales suggèrent qu’à côté du rôle majeur joué par B27, d’autres gènes participent à la susceptibilité génétique.

Différentes études ont évalué que la contribution de B27 dans le risque génétique pouvait aller de 16 à 50%.

La molécule HLA B27 est en fait hétérogène et, à l’échelon moléculaire, 12 sous-types de B27 sont individualisés, variant par quelques acides aminés du sous-type ancestral B*2705.

La plupart sont associés, à des degrés divers, avec la maladie, mais il semble que B*2706, et particulièrement B*2709, soient associés à un risque moindre pour la spondylarthrite. B27 offre, par ailleurs, des similitudes moléculaires avec d’autres groupes HLA de classe I dans le cadre du B7 CREG (cross reactive group), comprenant B27, B7, B22, B40.

Soixante-deux pour cent des spondylarthrites B27 négatives appartiendraient à l’un des autres groupes du B7 CREG.

Nous avons suggéré que B7 pouvait être associé à l’atteinte axiale, alors que B40 était associé à des formes périphériques.

HLA B60, qui est un sous-type de B40, augmente la susceptibilité à la spondylarthrite aussi bien chez les sujets B27 positifs que B27 négatifs, donc indépendamment de cet antigène.

Les gènes associés au complexe majeur d’histocompatibilité et impliqués dans la préparation de l’antigène et les transports de peptides large multifonctional protease (LMP) et transporters associated with antigen processing (TAP) ont été étudiés au cours de la pelvispondylite, avec des résultats discordants.

L’allèle LMP 2a a été décrit en association avec la présence d’uvéite et d’arthrite périphérique de la spondylarthrite, non confirmé par d’autres études.

Il ne semble pas exister d’association du polymorphisme des gènes TAP et la susceptibilité pour la spondylarthrite.

2- Gènes HLA DR :

Plusieurs études semblent impliquer la responsabilité de HLA DR1 dans la susceptibilité à la maladie, en particulier dans les formes familiales.

Les études japonaises ont révélé une association entre DR8 et l’uvéite compliquant la spondylarthrite.

DR4 et DR7 sont associés à l’existence d’arthrites périphériques de la spondylarthrite.

Les gènes HLA DR semblent influencer la sévérité et le type de manifestations de la spondylarthrite.

3- Gènes non HLA :

Une association faible entre le génotype pour le cytochrome P450, CYP2D6, et la susceptibilité à la spondylarthrite, a été individualisée par Bayeler et al.

La capacité de sécrétion des antigènes des groupes sanguins A, B, O dans les fluides de l’organisme, impliquée dans les mécanismes de défense antibactérienne, n’est pas modifiée au cours de la spondylarthrite.

Ainsi, si le complexe majeur d’histocompatibilité apparaît comme le locus le plus important de susceptibilité pour la spondylarthrite, cette maladie apparaît comme un modèle polygénique.

Clinique :

La symptomatologie clinique est dominée par l’atteinte axiale du rachis et des sacro-iliaques, réalisant le syndrome pelvirachidien.

Peut s’y associer, de façon plus contingente, la symptomatologie en rapport avec l’atteinte des enthèses et des articulations périphériques.

L’expression clinique, en particulier du syndrome pelvirachidien, varie en fonction de l’ancienneté de la maladie et également de l’âge du patient.

A – Syndrome pelvirachidien :

Inaugural de la symptomatologie de la maladie dans près de deux tiers des cas, il se manifeste par des douleurs lombaires, fessières hautes (sacroiliaques), pouvant s’associer à d’autres manifestations.

Leur début est le plus souvent progressif, un début brutal n’est relevé que dans 15 à 20 % des cas. Au début, les douleurs évoluent par crise de quelques jours à quelques semaines, puis deviennent permanentes.

La symptomatologie évolue classiquement sur un rythme inflammatoire : elle réveille le patient dans la deuxième moitié de la nuit, conduisant parfois à la prise d’antalgiques, ou au lever où elle s’accompagne d’une raideur matinale, atténuée par l’activité physique, à l’origine d’un dérouillage matinal quantifiable.

Les douleurs fessières, uni- ou bilatérales, ou à bascule, traduisent l’atteinte sacro-iliaque.

Il s’agit de douleurs fessières hautes, irradiant volontiers à la face postérieure ou postéroexterne de la cuisse, sans dépasser le genou ; elles peuvent être à l’origine d’une boiterie.

L’examen clinique des sacro-iliaques peut être normal au début et les différentes manoeuvres classiques de distension de ces articulations sont peu spécifiques et peu sensibles.

Les douleurs rachidiennes sont essentiellement de topographie lombaire ou localisées à la charnière dorsolombaire, quasi constantes dans l’évolution de la maladie.

Leur intensité est variable ; dans certains cas, c’est la raideur du segment lombaire qui est au premier plan.

Dans de rares cas, elle peut s’accompagner d’une radiculalgie plutôt L5, possiblement secondaire à une arthrite interapophysaire postérieure.

Compte tenu de la fréquence des lombalgies dans la population générale, Calin a proposé les caractéristiques suivantes pour les rachialgies dans la spondylarthrite ankylosante : début avant 40 ans, début insidieux, durée supérieure à 3 mois, association à une raideur matinale, amélioration par l’activité physique.

La raideur lombaire en est le signe d’examen le plus constant ; exclusivement matinale dans les formes de début, elle devient permanente dans les stades plus avancés, associée parfois à une atrophie des muscles lombaires dans les formes évoluées.

Cette raideur porte sur tous les mouvements de mobilité lombaire : la limitation de l’antéflexion peut s’évaluer par la distance doigtssol et l’indice de Schober ; la perte d’extension par l’indice de Schober inversé, la limitation de l’inclinaison latérale par la distance doigts-malléole.

L’atteinte dorsale est plus rare à la phase initiale, ses symptômes s’intriquant avec ceux de l’atteinte thoracique.

Elle s’exprime par des dorsalgies moyennes ou intercostales basses en ceinture ou en hémiceinture, d’horaire inflammatoire. L’atteinte thoracique peut être précoce ; elle est notée dans 25 %des cas après 5 ans par Forestier et chez un patient sur deux par Fournié.

Elle peut toucher la sternoclaviculaire, les chondrocostales, la manubriosternale, à l’origine d’une douleur thoracique antérieure, mais également les articulations costovertébrales et costotransversaires, qui, dans leur topographie dorsale basse, peuvent être à l’origine de tableaux pseudoviscéraux.

Cliniquement, l’atteinte enraidissante du thorax peut s’évaluer par l’ampliation thoracique mesurée au quatrième espace intercostal.

Sa réduction est observée dans 45 % des spondylarthrites à la phase d’état.

L’atteinte cervicale est rarement présente à la phase initiale (1 à 3 % pour de Sèze) s’exprimant par des cervicalgies à irradiation scapulaire et une raideur.Àla phase d’état, des cervicalgies sont notées dans 20 à 30 %des cas.

L’évolution ankylosante se fait vers une déformation du cou en projection antérieure, avec hyperextension de la tête pour conserver l’horizontalité du regard.

Raideur et déformation cervicales peuvent être quantifiées par les mesures occiput-mur, menton-sternum, et les mesures des angles de rotation.

Ainsi, dans les formes très évoluées, l’atteinte rachidienne diffuse confère aux spondylarthritiques ankylosés une silhouette particulière : antéversion cervicale, cyphose dorsale, effacement de la lordose lombaire, flexion compensatrice des genoux, d’emblée évocatrice du diagnostic.

L’atteinte de la symphyse pubienne n’est que rarement symptomatique, alors à l’origine de tableaux de pubalgie s’additionnant aux algies pelviennes de la maladie.

B – Syndrome enthésopathique :

L’atteinte inflammatoire des enthèses est une caractéristique des spondylarthropathies, et de la spondylarthrite ankylosante en particulier.

Cette atteinte originale se caractérise par un syndrome douloureux local, réveillé par la palpation de cette structure anatomique, la mise en tension de l’attache ténopériostée (passivement ou sous l’effet de la contraction musculaire), elle peut donc adopter parfois un horaire mécanique trompeur ; ailleurs, elle est à l’origine d’un dérouillage matinal.

Sa fréquence chez l’adulte est d’environ 50 %. Les enthésopathies calcanéennes sont les plus fréquentes et les plus évocatrices, à l’origine de talalgies postérieures (enthèse achilléocalcanéenne avec la possibilité de tuméfaction locale) ou inférieures (insertion de l’aponévrose plantaire).

Présentes dans 15 à 35 % des cas, révélatrices dans 10 % des cas, bilatérales d’emblée ou de façon retardée, leur évolution est volontiers chronique, résistante aux thérapeutiques usuelles.

Leur symptomatologie fonctionnelle finit par s’éteindre au bout de plusieurs mois à 2 ans.

D’autres localisations sont moins fréquentes, mais tout aussi évocatrices chez un homme jeune : la tubérosité tibiale antérieure, particulièrement dans les formes juvéniles, la rotule, et, sur le bassin, le grand trochanter, les ischions et les crêtes iliaques.

C – Atteinte articulaire périphérique :

Elle peut venir compléter l’atteinte axiale à tous les stades de la maladie.

Des arthrites périphériques peuvent être présentes au début de la maladie dans 20 % des cas et s’observent dans 35 à 50 % des cas au cours de l’évolution.

Plus fréquentes chez la femme, les arthrites des membres, volontiers traînantes ou évoluant par poussée, réalisent le plus souvent un tableau d’oligoarthrite asymétrique prédominant aux membres inférieurs.

Elles intéressent surtout les hanches, les épaules, les genoux et la tibiotarsienne.

L’atteinte de la hanche est la plus fréquente, présente dans 30 à 40 % des cas selon les séries. Volontiers précoce et souvent bilatérale, elle représente un élément important du pronostic fonctionnel.

Elle se manifeste par des douleurs inguinocrurales associées à une limitation des mouvements et à une boiterie. L’évolution chronique peut aboutir à une ankylose osseuse.

L’atteinte des épaules est également fréquente (30 %) et se traduit par une arthrite ou un enraidissement douloureux des épaules. Le retentissement fonctionnel est moindre que pour la hanche.

L’arthrite des genoux et des chevilles est aisément reconnue cliniquement.

L’évolution chronique est possible et, aux genoux, peut aboutir à un flessum avec ankylose fibreuse.

L’atteinte des pieds, à côté de la talalgie déjà évoquée, intéresse le médiotarse et l’interligne métatarsophalangien (10 % des cas), avec la possibilité de séquelles à type de raideur et plus rarement de déformations.

Un ou plusieurs orteils en « saucisse », caractérisé par un gonflement inflammatoire de tout l’orteil, est un aspect très évocateur des spondylarthropathies et peut être associé à une atteinte de la métatarsophalangienne ou évoluer isolément.

L’atteinte des coudes, poignets et doigts est encore plus rare (5 %).

Cependant, dans certaines séries scandinaves, l’atteinte des mains est notée dans plus de 20 % des cas.

D’autres structures articulaires peuvent être touchées :

– l’atteinte temporomandibulaire est rarement symptomatique, cependant, chez les patients avec une atteinte cervicale sévère, elle est retrouvée dans 10 % des cas par Ramos-Remus, à l’origine de douleurs locales, de gêne à la mastication et de limitation d’ouverture buccale ;

– une arthrite cricoaryténoïdienne a été exceptionnellement décrite, responsable de dyspnée, de douleurs locales d’enrouement et pouvant aboutir à une insuffisance respiratoire aiguë ;

– l’atteinte de la chaîne des osselets, à l’origine d’une surdité de transmission, a été exceptionnellement rapportée.

D – Manifestations extra-articulaires :

Parfois inaugurales, elles accompagnent habituellement le cours évolutif de la maladie.

Elles peuvent, devant un tableau rhumatologique indéterminé, orienter parfois le diagnostic de spondylarthrite.

1- Signes généraux :

Le plus souvent modérés, à type d’asthénie, d’amaigrissement, ils accompagnent en général les poussées inflammatoires de la maladie.

L’asthénie est notée dans 65 % des patients sur une étude de près de 300 cas, présente le plus souvent dans les formes sévères de la maladie.

2- Atteinte ophtalmologique :

L’uvéite antérieure aiguë non granulomateuse, ou iritis, représente la plus fréquente des atteintes systémiques de la spondylarthrite, notée dans 10 à 33 % des cas.

Révélatrice dans 2 % des cas, son évolution est habituellement indépendante de celle du rhumatisme, mais sa prévalence pourrait être plus élevée dans les spondylarthrites avec arthrites périphériques.

Elle s’exprime par un oeil rouge, douloureux, avec vision floue.

Le plus souvent modérée, elle peut parfois passer inaperçue.

La récidive est fréquente sur le même oeil ou sur l’autre. Un retard à la mise en route du traitement et les récidives peuvent être à l’origine de séquelles.

Plus de 25 % des uvéites aiguës non traumatiques sont associées à une spondylarthropathie.

L’uvéite antérieure aiguë s’observe dans près de 60 % des cas chez les patients porteurs de l’antigène HLA B27, atteints ou non d’une spondylarthrite, ce qui fait dire à certains qu’il s’agirait plus d’une manifestation du terrain génétique que d’une complication du rhumatisme.

Quoi qu’il en soit, le spondylarthritique doit être prévenu de cette éventualité pour consulter au moindre signe ophtalmologique.

3- Atteinte cardiaque :

Elle est également classique, susceptible d’engager le pronostic vital et responsable d’un tiers des décès des spondylarthrites ankylosantes.

Elle survient plus souvent chez l’homme et sur des spondylarthrites anciennes.

* Atteinte valvulaire :

Différentes lésions peuvent s’observer, parfois associées entre elles.

L’atteinte valvulaire est la plus caractéristique, touchant avec prédilection l’orifice aortique (75 %) sous forme d’insuffisance, souvent associée à un angor.

La prévalence de l’insuffisance aortique augmente avec l’âge, la durée de la maladie et la présence d’arthrites périphériques : 1 % pour les spondylarthrites de 5 ans contre 10 %pour les formes évoluant depuis 30 ans.

La spondylarthrite ankylosante représente l’étiologie de 5 %des insuffisances aortiques.

Le pronostic de cette atteinte inflammatoire de l’orifice aortique est sévère, conduisant fréquemment au remplacement prothétique valvulaire.

La survenue d’une endocardite bactérienne est possible, mais rare.

* Troubles de la conduction :

Ils sont notés avec des fréquences très variables de 7 à 33% des cas et jusqu’à 45 %des cas lors d’évaluation par enregistrement Holter.

Pouvant être intermittents, ces troubles conductifs sont plus fréquents en cas d’insuffisance aortique. Ils surviennent tardivement dans le cours évolutif de la maladie.

Il s’agit le plus souvent de blocs auriculoventriculaires du premier degré, d’expression électrocardiographique.

Tous les types de bloc ont été décrits, parfois à l’origine de syndrome de Stokes-Adams ou de mort subite et pouvant justifier la pose de stimulateur.

Bergfeldt, sur 223 patients porteurs de stimulateur cardiaque, a retrouvé 8,5 % de spondylarthrite, dont le diagnostic n’était pas connu dans plus de la moitié des cas.

Pour cet auteur, l’insuffisance aortique et les troubles de conduction sont un syndrome associé à B27, indépendamment de la maladie rhumatologique.

Les troubles du rythme sont plus rares ; des cas d’extrasystole, de fibrillation auriculaire ont été rapportés.

* Péricardite :

La péricardite est rare, moins de 1 % des cas, indépendante des poussées de la maladie, le plus souvent peu symptomatique.

* Atteinte myocardique :

L’atteinte myocardique est mieux documentée grâce aux techniques non invasives actuelles.

Ainsi, Brewerton observe des anomalies échographiques diastoliques ventriculaires gauches chez 16 des 30 spondylarthrites masculines évaluées, cliniquement asymptomatiques.

4- Atteinte vasculaire :

Différents types de lésion vasculaire ont été décrits au cours de la spondylarthrite ankylosante.

On décrit ainsi des cas d’ectasie aortique inflammatoire, des tableaux d’angéite nécrosante et 12 cas de maladie de Takayashu.

Quelques cas de microvascularite à expression cutanée et rénale ont également été rapportés.

Des aspects capillaroscopiques de microvascularite sont plus fréquents dans la spondylarthrite par rapport à un groupe témoin, cependant sans traduction clinique ou profil rhumatologique particulier.

5- Atteinte pulmonaire :

Diverses manifestations représentent la conséquence de la maladie rhumatismale.

La maladie fibrobulleuse biapicale en est la plus caractéristique.

Diversement appréciée selon les séries, sa fréquence réelle semble se situer autour de 1,3 % d’après la série de Rosenow sur plus de 2 000 spondylarthrites suivies à la Mayo Clinic.

Elle s’observe avec une très nette prédominance masculine dans les formes anciennes de la maladie au-delà de 15 ans d’évolution, avec franche limitation de l’ampliation thoracique.

Pouvant être révélée par une toux, une dyspnée, une hémoptysie, elle est volontiers découverte lors d’un examen radiologique, devant des opacités linéaires ou étoilées, confluentes et formant des cavités irrégulières avec une atteinte pleurale de voisinage fréquente.

Le diagnostic différentiel avec la tuberculose est parfois difficile. Une greffe aspergillaire, un adénocarcinome bronchique peuvent en compliquer l’évolution. Sa pathogénie exacte reste discutée.

Les altérations de la mécanique thoracorachidienne sont à l’origine d’un syndrome restrictif, facilement dépisté par les épreuves spirométriques, dont la fréquence augmente avec l’ancienneté de la maladie : 30 à 45 % des cas après 15 ans d’évolution.

L’exploration fonctionnelle respiratoire peut également dépister un trouble de la diffusion de l’oxyde de carbone, présent dans 25 à 30 % des cas après 15 ans d’évolution de la maladie.

Ces anomalies n’ont que rarement une traduction clinique.

Des cas de pleurésie sérofibrineuse, de bronchiolite oblitérante, ont été rapportés ponctuellement.

L’existence d’une alvéolite infraclinique, évaluée par lavage bronchoalvéolaire, reste discutée.

La tomographie pulmonaire à haute résolution effectuée chez 26 patients a révélé, dans quatre cas, une pneumopathie interstitielle, des bronchectasies dans six cas, un emphysème dans quatre cas.

6- Atteinte rénale :

Rarement symptomatique, elle doit être distinguée des complications iatrogènes médicamenteuses.

L’amylose représente l’atteinte rénale la plus classique, s’exprimant par une protéinurie ou un syndrome néphrotique.

Sa fréquence reste rare, 23 sur 439 spondylarthrites pour Cruickshank, deux cas sur 51 pour Villiaumey.

Inversement, sur une série de 254 amyloses rénales, la spondylarthrite n’est trouvée que six fois. Des cas de glomérulonéphrite ont été plus récemment rapportés.

Il s’agit avant tout de glomérulonéphrite à dépôts mésangiaux d’immunoglobulines (Ig)Adont on reconnaît plus de 25 observations rapportées dans la littérature, s’intégrant dans le contexte d’hématurie récidivante plus fréquente dans la spondylarthrite ankylosante (Wall) et souvent associée à une élévation du taux d’IgA sérique. L’évolution vers l’insuffisance rénale chronique est possible.

Une étude prospective récente met en évidence des anomalies rénales dans 35 % des cas sur 40 patients : hématurie microscopique (neuf cas), microalbuminurie (quatre cas), diminution des clairances dans six cas.

Une fréquence accrue de lithiase rénale a été avancée dans certaines séries.

Il faut signaler une dizaine de cas de fibrose rétropéritonéale associée à la spondylarthrite.

7- Atteinte osseuse :

Elle se manifeste par une ostéoporose avec hypertransparence radiologique et fréquence accrue de tassements vertébraux, traduisant une ostéoporose à prédominance trabéculaire.

Les spondylarthrites avec tassements vertébraux ont, à âge égal, une mobilité rachidienne et une expansion thoracique limitées.

Les études densitométriques ont démontré une diminution du contenu minéral osseux vertébral et du col fémoral précoce, dès les premières années d’évolution.

Cette perte osseuse survient en l’absence de modifications notables des paramètres phosphocalciques.

Sa pathogénie reste encore discutée : perte de mobilité rachidienne, conséquence de l’effet régional des réactions inflammatoires, rôle des carences relatives en stéroïdes sexuels.

Une étude histomorphométrique récente a mis en évidence un défaut de minéralisation dans 13 cas sur 16 avec corrélation entre la durée de la maladie et les paramètres ostéoïdes.

8- Atteinte digestive :

À côté de l’association classique de la spondylarthrite aux entérocolopathies inflammatoires, des anomalies intestinales fréquentes sont observées au cours de ce rhumatisme, pouvant représenter une manifestation extra-articulaire de la maladie, mais également un élément physiopathologique favorisant.

Ainsi, les études d’iléocoloscopie systématique, conduites en particulier par Mielants, ont mis en évidence des anomalies macro- et surtout microscopiques de la région iléocæcale dans près de 60 % des cas de spondylarthrite, sans symptomatologie digestive, plus fréquentes en cas d’arthrites périphériques.

Dans trois quarts des cas, il s’agit de lésions chroniques, proches de la maladie de Crohn.

Parallèlement, la spondylarthrite s’accompagne d’une augmentation de la perméabilité intestinale, sans relation avec l’inflammation biologique.

9- Atteintes neuromusculaires :

* Atteinte neurologique :

Outre les atteintes radiculaires liées à l’atteinte inflammatoire sacro-iliaque ou articulaire postérieure, on décrit principalement des compressions médullaires et des syndromes de la queue-de-cheval.

Les compressions médullaires peuvent être secondaires à certaines complications rachidiennes de la maladie : fracture du rachis, luxation C1- C2, spondylodiscite.

Ailleurs, il s’agit de remaniements fibreux des méninges liés à la maladie.

Le niveau est le plus volontiers dorsal, avec hyperprotéinorachie du liquide céphalorachidien (LCR).

Elle reste peu fréquente, de même que les sténoses canalaires acquises par ossification ligamentaire.

Le syndrome de la queue-de-cheval est plus fréquent, plus de 60 observations en ont été rapportées. Le début est progressif sur le plan moteur et concerne des spondylarthrites anciennes, évoluant depuis plus de 15 à 20 ans.

À côté des troubles sphinctériens et réflexes, quasi constants, l’existence de troubles trophiques tels que des maux perforants est notée dans plus de 10 % des cas.

L’imagerie est particulière et révèle des diverticules postérieurs ou une dilatation du cul-de-sac dural à la myélographie et à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), avec disparition de l’espace épidural, avec une hyperprotéinorachie dans 35 % des cas.

L’examen tomodensitométrique (TDM) met en évidence une érosion des lames et parfois de la base des épineuses.

Ces lésions pourraient correspondre à des séquelles d’arachnoïdite et/ou une modification de l’hémodynamique du LCR aboutissant à une stase et à une hyperpression intradurale.

* Atteinte musculaire :

L’amyotrophie spinale, satellite de l’enraidissement, a été signalée à de nombreuses reprises avec un aspect peigné des muscles paravertébraux au scanner.

Histologiquement, des anomalies de l’endothélium vasculaire ont été observées dans le quadriceps dans neuf cas sur 15, alors que d’autres auteurs ne mettent en évidence qu’une fibrose des muscles paraspinaux chez huit patients.

Faus-Riera et al, sur une étude prospective portant sur 30 spondylarthrites ankylosantes, trouvent des signes de faiblesse musculaire dans 20 % des cas, corrélés avec l’indice d’enthésopathie, avec élévation des créatine-phosphokinases (CPK) et signes myogènes modérés à l’électromyogramme (EMG) dans 46 %des cas.

Des anomalies histologiques modérées et non spécifiques du quadriceps sont notées dans deux tiers des cas, sans relation avec la symptomatologie clinique.

Formes cliniques :

A – Formes associées :

Certaines associations à la spondylarthrite sont fréquentes et classiques, s’intégrant dans le concept de spondylarthropathie, et ont été à l’origine de la distinction entre spondylarthrite primitive et formes secondaires ou associées.

D’autres associations sont plus ponctuelles et leur relation discutable.

Enfin, certaines maladies s’accompagnent parfois d’une sacro-iliite, sans réaliser une pelvispondylite complète.

1- Arthrite réactionnelle et syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter :

Ils peuvent précéder et faire le lit de la spondylarthrite avec laquelle ils partagent la liaison avec l’antigène HLA B27.

La fréquence de la spondylarthrite chez les patients ayant développé un syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter augmente avec le recul : environ 15 % à 10 ans et 30 % après 20 ans.

Cette filiation peut se faire après un intervalle libre ou d’un seul tenant.

Inversement, un antécédent de syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter est retrouvé chez près de 10 % des cas de spondylarthrite ankylosante.

2- Psoriasis :

Une atteinte axiale est trouvée dans 10 à 30 % des rhumatismes psoriasiques avec présence de l’antigène HLA B27 dans près d’un cas sur deux.

Des manifestations rhumatologiques peuvent précéder la dermatose dans 10 à 20 % des cas.

3- Entéropathie chronique :

La spondylarthrite est retrouvée dans 2 à 12% des séries de rectocolite hémorragique et dans 1 à 8 % des maladies de Crohn.

Inversement, la fréquence de ces entéropathies est estimée à environ 5 % des cas de spondylarthrite ankylosante.

Cette dernière peut précéder, parfois de plusieurs années, les premiers symptômes digestifs.

L’évolution de l’atteinte axiale du rhumatisme est indépendante de celle de l’entéropathie inflammatoire, à l’opposé des arthrites périphériques.

Dans la maladie de Whipple, l’association à une spondylarthrite est signalée dans 6 % des cas.

Dans ces différentes entéropathies, il faut signaler la fréquence de la sacro-iliite isolée, uni- ou bilatérale, souvent cliniquement latente.

L’association d’une spondylarthrite et d’une maladie coeliaque, d’une colite collagène, a été rapportée de façon anecdotique.

4- Divers :

Différentes affections pouvant s’accompagner de manifestations rhumatologiques indépendamment de la spondylarthrite ont été rapportées en association avec ce rhumatisme.

Leur petit nombre n’autorise cependant aucune conclusion définitive, d’autant que des atteintes sacro-iliaques isolées sont possibles.

Il a été proposé que certaines de ces maladies soient intégrées au groupe des spondylarthropathies : la maladie de Behçet (la possibilité d’une liaison avec la spondylarthrite reste discutée).

Il a été signalé des associations spondylarthrite-maladie périodique dans plusieurs dizaines de cas.

Quant à l’association à la sarcoïdose, elle semble fortuite. Ailleurs, la coexistence d’une autre maladie rhumatologique peut être à l’origine de difficultés diagnostiques.

C’est le cas de la polyarthrite rhumatoïde dont près de 50 cas associés à une spondylarthrite sont rapportés dans la littérature; ils semblent plus relever d’une coïncidence.

Signalons également la possibilité d’association, rapportée dans quelques cas, à un lupus érythémateux disséminé, à la pseudopolyarthrite rhizomélique, au RS3PE syndrome, à la maladie de Paget, à une gammapathie monoclonale, une sclérose en plaques, à des cas de polychondrite chronique et nous avons déjà signalé les cas de fibrose rétropéritonéale ou de maladie de Takayashu.

B – Formes juvéniles :

Elles se définissent arbitrairement par un début des symptômes avant 16 ans et représentent 15 à 25 % des maladies rhumatismales infantiles.

Des études rétrospectives ont montré que 8 à 21% des spondylarthrites caucasiennes, 28 à 54 % des spondylarthrites des Mexicains et 30 % des spondylarthrites d’Afrique du Nord débutaient avant 16 ans.

De fait, les symptômes débutent vers 10 ans, sept fois plus souvent chez les garçons, avec une atteinte articulaire périphérique et une enthésopathie (talalgie, tubérosité tibiale antérieure) prédominant aux membres inférieurs dans plus de 80 % des cas.

Ce tableau réalise ainsi volontiers un seronegative enthesopathy and arthropathy syndrome (SEA) dont il a été montré que les trois quarts évoluent vers une spondylarthrite définie selon les critères de NewYork après 5 ans de recul.

Moins de 25 % des spondylarthrites juvéniles ont des manifestations sacro-iliaques ou rachidiennes au début.

Cette présentation clinique, associée à la difficulté d’interprétation radiologique des sacro-iliaques chez l’enfant, explique un délai diagnostique long.

Ces formes juvéniles se caractérisent par rapport aux formes adultes par une fréquence plus élevée de fièvre (5 à 10 %) et d’anémie, une atteinte plus fréquente de la hanche nécessitant un remplacement prothétique.

C – Formes du sujet âgé :

Elles sont peu fréquentes.

Il convient d’emblée de distinguer les formes à révélation tardive, peu symptomatiques (raideur rachidienne), et souvent découvertes plus ou moins fortuitement, radiologiquement, en rappelant que, chez le sujet âgé, la distinction entre syndesmophyte et ostéophyte est parfois malaisée.

Les débuts après 50 ans sont rares, mais offrent certaines particularités.

Ces formes sont dénommées sous le vocable de late onset spondylarthropathy (LOSPA) ou late onset peripheral spondylarthropathy (LOPS).

Associées à HLA B27, ces formes ont une atteinte axiale minime, une oligoarthrite modérée prédominant aux membres inférieurs, un liquide articulaire paucicellulaire et une fibrose synoviale.

Les signes généraux sont francs avec fièvre, amaigrissement et une vitesse de sédimentation (VS) élevée, et souvent un oedème périphérique « prenant le godet ».

La réponse thérapeutique aux AINS est faible, la corticothérapie souvent nécessaire. Quatre fois sur 10, l’évolution se fait vers une spondylarthrite typique.

D – Formes féminines :

La symptomatologie clinique féminine est superposable aux formes masculines, avec cependant, dans certaines séries, une atteinte moins sévère du rachis lombaire. Une étude rétrospective internationale (Europe et Amérique du Nord) sur plus de 900 patientes permet d’en préciser les caractéristiques : l’âge moyen de début est de 23 ans, le début est lié à une grossesse dans 21 % des cas.

La présence d’arthrites périphériques (45 %), d’uvéite antérieure (48 %), de psoriasis (18 %), d’entéropathie (16 %) caractérise ce tableau.

La fertilité, la grossesse et le nouveau-né à terme sont normaux.

L’influence de la grossesse sur l’activité de la maladie n’est pas univoque : sans changement dans un tiers des cas, amélioration dans un tiers des cas et aggravation dans le dernier tiers.

Une poussée de la maladie dans les 6 mois du post-partum est observée dans 60 % des cas, particulièrement dans les formes qui étaient actives au moment de la conception.

E – Formes post-traumatiques :

Il a été rapporté quelques observations de spondylarthrite débutante ou réactivée après un traumatisme, soulevant le rôle de ce dernier dans la poussée inflammatoire.

F – Formes compliquées :

Certaines manifestations extra-articulaires, déjà abordées, peuvent être considérées comme des complications (insuffisance aortique, syndrome de la queue-de-cheval…).

D’autres sont à envisager.

1- Amylose :

Une amylose secondaire de type AA peut venir compliquer les spondylarthrites anciennes, très inflammatoires et avec des arthrites périphériques.

Sa fréquence est évaluée entre 4 et 8 % selon les séries, fonction de l’ancienneté du rhumatisme et des critères retenus pour le diagnostic d’amylose (dépôts histologiques ou manifestations cliniques).

Longtemps asymptomatique, l’expression clinique est essentiellement faite d’une atteinte rénale (protéinurie, puis syndrome néphrotique) ; l’insuffisance rénale apparaît en moyenne 19 ans après le début de la spondylarthrite.

C’est l’atteinte rénale qui est habituellement la cause de décès dans ces cas d’amylose, responsable de 2,6 % des décès sur une série de plus de 400 spondylarthrites.

2- Complications rachidiennes :

Divers types de complications rachidiennes ont été décrits au cours de la spondylarthrite.

Elles ont en commun le retentissement neurologique secondaire possible.

* Fractures :

Elles sont favorisées d’une part par l’ostéopénie qui accompagne la spondylarthrite, d’autre part et surtout par la rigidité du rachis ankylosé, et surviennent pour des traumatismes minimes.

Il faut distinguer les fracturestassements, conséquence directe de l’ostéoporose et pouvant être précoces, des fractures transdiscales, les plus fréquentes, avec fractures des syndesmophytes, et les fractures transcorporéales.

Elles s’accompagnent alors habituellement de fractures de l’arc postérieur.

Ces fractures surviennent donc sur des formes anciennes de la maladie.

Elles intéressent majoritairement le rachis cervical bas (en dessous de C4) ; les atteintes de C1 (base de l’odontoïde) et C2 sont rares. Les complications neurologiques sont plus fréquentes que dans la population générale, de même la mortalité y est plus élevée (35 %).

Redonnant un secteur de mobilité à un rachis enraidi, elles peuvent évoluer fréquemment vers la pseudarthrose, être source d’instabilité et ainsi favoriser le développement d’une « spondylodiscite » ou discopathie érosive.

* Hématome épidural :

Un traumatisme, parfois minime, peut également, sur un rachis ankylosé, être à l’origine d’un hématome épidural.

Les troubles neurologiques s’installent rapidement ; l’IRM est alors l’examen complémentaire de choix, permettant de faire le diagnostic et d’orienter la thérapeutique.

* Atteintes discales :

Les spondylodiscites inflammatoires aseptiques sont peu fréquentes.

Leur prévalence symptomatique varie de 1 à 10%selon les séries.

Survenant habituellement après plusieurs années d’évolution de la spondylarthrite, elles peuvent être, dans certains cas, révélatrices de la maladie.

Elles peuvent être localisées aux différents étages rachidiens, parfois multiples.

La symptomatologie douloureuse inflammatoire, d’intensité variable, est parfois difficile à distinguer cliniquement des symptômes axiaux de la maladie. Des complications neurologiques dues au développement épidural d’un tissu de granulation sont possibles.

L’imagerie est alors utile : la scintigraphie osseuse permet la visualisation de foyers localisés d’hyperfixation ; la radiographie standard objective des lésions destructrices : érosion des plateaux vertébraux avec sclérose osseuse périphérique en miroir, de part et d’autre du disque ; l’IRM confirme la nature inflammatoire des lésions retrouvées histologiquement (hyposignal T1, rehaussement après gadolinium, hypersignal T2).

Ailleurs, l’atteinte discale est la conséquence d’une pseudarthrose, d’une fracture transdiscale avec pincement discal ou, au contraire, ouverture vers l’avant de l’espace discal (secondaire à un trouble de la statique) avec une condensation vertébrale de voisinage et parfois la mise en évidence du trait de fracture sur l’arc postérieur.

Dans d’autres cas, c’est une véritable lésion destructrice discovertébrale qui est observée ; les deux mécanismes (inflammation et pseudarthrose) peuvent s’associer ou se succéder.

* Instabilités cervico-occipitales :

À l’origine de cervicalgies parfois intenses, avec sensation de craquement et d’instabilité, elles peuvent se compliquer d’atteinte neurologique sévère, voire mortelle.

La luxation atloïdoaxoïdienne est la plus fréquente, sa prévalence est estimée entre 2 et 23 % des cas.

Elle est le plus souvent antérieure (les luxations postérieures, latérales et rotatoires sont exceptionnelles), à l’origine d’un diastasis C1-C2 sur la radiographie de profil.

Elle est volontiers associée à une ossification du ligament vertébral commun postérieur (dans un tiers des cas de la série de Ramos-Remus).

Ces luxations sont classiquement longtemps bien tolérées.

Cependant, un suivi systématique à 2 ans révèle que plus du tiers des subluxations évolue radiologiquement et qu’une chirurgie est nécessaire dans 20 %des cas.

Les complications neurologiques surviennent plus volontiers en cas de diastasis C1-C2 supérieur à 9 mm ou de canal rachidien en C1 inférieur à 16 mm.

Les luxations ascendantes et occipitoatloïdiennes sont rares.

Ces tableaux d’instabilité surviennent en règle sur des spondylarthrites de plus de 10 ans d’ancienneté avec un rachis fortement ankylosé.

Signes biologiques :

A – Inflammation :

Il est cohérent d’observer un syndrome inflammatoire biologique au moment des poussées de la maladie, celui-ci est habituellement modéré comparé à d’autres rhumatismes inflammatoires.

Il est plus marqué en cas de spondylarthrite ankylosante avec arthrites périphériques.

La VS ne dépasse que rarement 50 mm à la première heure et est mal corrélée à l’évolutivité clinique de la maladie.

La protéine C réactive (PCR) est proposée comme un marqueur plus fidèle de l’évolutivité de la maladie.

L’hémogramme est peu perturbé. Les taux de nitrate sérique sont élevés et étroitement corrélés à la VS et à la PCR, suggérant que la production d’oxyde nitrique (NO) est augmentée dans la spondylarthrite ankylosante.

B – Immunité humorale :

L’hypergammaglobulinémie est fréquente avec une élévation inconstante des IgM et IgG.

En revanche, l’élévation des IgA est régulièrement signalée.

Les taux d’IgA sériques sont volontiers corrélés à certains paramètres biologiques de l’inflammation (VS, PCR) ou des éléments cliniques d’évolutivité.

Par ailleurs, les taux d’IgA sécrétoires sont également augmentés dans la spondylarthrite ankylosante par rapport à la population témoin, parallèlement à l’augmentation de la composante sécrétoire libre.

L’ensemble argumente en faveur d’une réponse immune par stimulation d’immunité humorale d’origine muqueuse.

Plusieurs études ont mis en évidence une augmentation d’anticorps de classe IgAanti-Klebsiella, corrélée avec l’activité de la spondylarthrite ankylosante. Des immuns complexes circulants sont retrouvés dans 36 à 69 %des cas.

Mac Lean a démontré l’augmentation significative des immuns complexes à IgA dans le sérum de spondylarthrite ankylosante, reliée à l’existence d’arthrites périphériques.

De même, les taux de complexes IgA-alpha-1 antitrypsine sont corrélés à l’activité clinique de la maladie et à la PCR.

Le système du complément est habituellement normal, mais des arguments en faveur d’une activation de la voie alterne ont été signalés.

La recherche de facteurs rhumatoïdes circulants est classiquement négative.

Une étude systématique a mis en évidence une fréquence de 5,3 % de spondylarthrite ankylosante avec facteurs rhumatoïdes, caractérisée par une maladie chronique, d’intensité modérée, avec arthrites périphériques et peu d’atteintes extrarhumatologiques.

Il n’y a pas de présence particulière d’anticorps antinucléaires.

Divers anticorps ont été signalés au cours de la spondylarthrite ankylosante : anticorps dirigés contre le noyau des granulocytes, anticorps antipérinucléaires dans 26 % des cas, anticorps anti-bêta-2 microglobuline, anticorps dirigés contre le collagène II et IV.

Les anticorps antiphospholipides sont plus fréquemment observés dans la spondylarthrite ankylosante par rapport à la population générale.

Ces différents résultats restent cependant isolés, sans corrélation avec une forme particulière ou l’évolution de la maladie.

C – Cytokines :

Interleukine (IL)6 et tumor necrosis factor alpha (TNFalpha) sont augmentés au cours de la spondylarthrite ankylosante, les taux d’IL6 sériques sont bien corrélés avec l’activité de la maladie. Les taux d’IL10 sont souvent élevés dans les spondylarthropathies, en relation avec l’activité clinique de la maladie et la PCR.

De même, les taux de transforming growth factor beta (TGF-bêta1) sont plus élevés dans les formes avec lombalgies.

Le facteur angiogénétique stimulant la cellule endothéliale est élevé au cours de la spondylarthrite ankylosante, positivement corrélé avec l’index d’enthésopathie (mais pas avec les marqueurs biologiques) et avec l’intensité de la sacro-iliite.

D – Point de vue immunogénétique :

La recherche de la présence de l’antigène d’histocompatibilité HLA B27, réalisable en pratique courante, permet de matérialiser le terrain génétique associé à la maladie.

E – Immunité cellulaire :

Les proportions de lymphocytes T et B sont le plus souvent normales et les sous-populations lymphocytaires T peu perturbées ; certaines études ont cependant rapporté des modifications variables des T4 et T8, discordance peut-être liée à l’ancienneté de la maladie.

L’activité cytotoxique naturelle (natural killer [NK]) est diminuée lors des phases évolutives de la maladie.

Les taux de récepteurs solubles de l’IL2 sont peu modifiés au cours de la spondylarthrite ankylosante, n’apportant pas d’arguments en faveur d’une activation lymphocytaire dans cette maladie.

Les fonctions des polynucléaires sont perturbées : augmentation de la motilité et du chimiotactisme des polynucléaires, du métabolisme oxydatif des phagocytes.

Parallèlement, l’expression de la molécule d’adhésion LFA-1 par les granulocytes est augmentée dans la spondylarthrite ankylosante, corrélée au taux d’IgA sériques avec une élévation des taux sériques d’ICAM-1 solubles (molécule d’adhésion intercellulaire, ligand de LFA-1) dans 28 % des cas, corrélée à la VS, à la PCR et à l’IL6.

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