Place de l’angioplastie dans le territoire cérébral extra- et intracrânien

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Introduction :

Depuis l’invention par Grüntzig du cathéter à double lumière en 1974, l’angioplastie n’a pas cessé de se développer dans les territoires coronaire et périphérique.

Pour les artères cérébrales, cette technique n’a véritablement pris son essor qu’à la fin des années 1990 grâce à la diversification des endoprothèses vasculaires (stent) et à une meilleure utilisation des antiagrégants plaquettaires.

Place de l’angioplastie dans le territoire cérébral extra- et intracrânienNous entendons par artères cérébrales l’ensemble des artères participant à la vascularisation du cerveau depuis les troncs supra-aortiques jusqu’aux branches de division intracrâniennes.

Toutes ces artères sont maintenant accessibles à l’angioplastie.

Toutefois, les indications et la technique sont très différentes selon l’étage considéré : intracrânien, cervical et thoraco-sous-clavier.

Généralités :

A – PRINCIPE DE L’ANGIOPLASTIE :

L’angioplastie consiste à élargir la lumière artérielle en gonflant un ballon en regard de la sténose.

L’élargissement de la lumière se fait par refoulement de la plaque d’athérome, incompressible, dans la paroi de l’artère dont le diamètre externe augmente.

L’angioplastie agit donc par un mécanisme de dissection artérielle qui s’accompagne d’une rupture longitudinale de l’intima et d’une distension de la média.

Dans la majorité des cas cette dissection, nécessaire au remodelage artériel, est limitée et sans conséquence néfaste.

Néanmoins, elle peut parfois s’étendre et entraîner une thrombose vasculaire, éventualité d’autant plus à craindre que la sténose est longue.

Par ailleurs, la mise à nu du sous-endothélium liée à la rupture de l’intima déclenche localement l’agrégation des plaquettes qui peut être à l’origine de la formation d’un thrombus fibrinocruorique.

Ces deux aléas étaient les principaux facteurs limitant le développement de l’angioplastie cérébrale avant l’apparition des stents et des nouveaux antiagrégants plaquettaires.

Le stent est un treillis métallique en forme de cylindre de diamètre et de longueur variables.

Il est déployé en regard de la plaque d’athérome sur laquelle il exerce une force d’expansion radiale.

En fonction de l’artère à traiter et du type de stent, celui-ci peut être implanté avant d’effectuer la dilatation de la sténose (on parle de stenting premier) ou après dilatation.

Dans l’angioplastie cérébrale, le but principal d’un stent est de prévenir ou de corriger une éventuelle dissection artérielle. Les antiagrégants plaquettaires limitent le risque de thrombose au site d’angioplastie, qu’un stent ait été ou non implanté.

L’effet antiagrégant maximal est obtenu par l’association de drogues agissant sur deux sites plaquettaires différents : inhibition de l’adénosine diphosphorique (ADP) plaquettaire par la ticlopidine ou le clopidogrel et inhibition du thromboxane A2 par l’aspirine.

B – ANGIOPLASTIE CÉRÉBRALE :

Bien qu’une sténose de l’artère carotide primitive, de l’artère carotide interne ou de l’artère cérébrale moyenne puisse retentir de la même façon sur la perfusion cérébrale, la technique et les indications de l’angioplastie sont très différentes pour ces trois artères en raison de leurs différences morphologique et anatomique. Pour les sténoses intracrâniennes, l’angioplastie est la seule méthode de revascularisation.

Ses indications sont actuellement restreintes car l’histoire naturelle de ces lésions et les risques du traitement sont mal connus.

Pour les sténoses de l’étage thoracique et sous-clavier, l’angioplastie nous semble moins traumatique que la chirurgie et elle est proposée de première intention. Le problème est très différent pour les sténoses de la bifurcation carotidienne car, dans cette localisation, l’endartériectomie a montré son efficacité par deux grandes études prospectives : North american symptomatic carotid endarterectomy trial (NASCET) et European carotid surgery trialists (ECST).

Dans notre centre, l’angioplastie de la bifurcation carotidienne est réservée aux patients dits « à haut risque chirurgical ».

Quel que soit le siège de la sténose, la réalisation d’une angioplastie cérébrale suppose une connaissance minimale de l’anatomie et des syndromes vasculaires cérébraux.

La constatation sur une aortographie d’une sténose d’un tronc artériel proximal ne suffit pas à affirmer sa responsabilité dans la survenue d’un accident ischémique transitoire (AIT) qui peut être en relation avec une sténose intracrânienne dont le diagnostic nécessite la réalisation d’une artériographie cérébrale sélective et son interprétation correcte.

Une angioplastie carotidienne peut se compliquer d’une migration embolique cérébrale qui, en fonction de l’importance fonctionnelle de l’artère occluse, peut nécessiter la réalisation d’une fibrinolyse intra-artérielle.

Le diagnostic angiographique et le traitement d’une telle complication ne peuvent être réalisés que par un radiologue entraîné à ce type d’intervention.

Cette « culture d’organe » dont la nécessité est admise pour le territoire coronaire s’impose de la même façon pour le territoire cérébral.

Méthodologie générale :

Plusieurs points sont communs à toute angioplastie cérébrale.

A – BILAN PRÉANGIOPLASTIE :

Il comprend presque systématiquement : – un examen neurologique ;

– une consultation d’anesthésie avec réalisation d’un électrocardiogramme (ECG) ;

– un scanner ou une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale ;

– un doppler cervical et transcrânien ;

– une échographie cardiaque afin d’apprécier la fraction d’éjection systolique si l’angioplastie porte sur la bifurcation carotidienne.

B – PROTOCOLE ANTITHROMBOTIQUE :

Il est prescrit, 5 jours avant l’angioplastie, soit du Plavixt (1 comprimé/j), soit du Ticlidt (2 comprimés/j) en association avec de l’aspirine (100 mg/j).

En cours d’intervention, un bolus de 5 000 unités d’héparine est injecté après ponction fémorale.

Au décours du geste, l’association des antiagrégants est poursuivie pendant 1 mois, puis l’un des deux antiagrégants est interrompu, le second étant prescrit à vie.

C – INTERVENTION :

Elle se déroule en salle d’angiographie numérisée sous simple sédation.

La voie d’abord est le plus souvent fémorale.

Si cela n’a pas été réalisé au cours d’un précédent bilan, l’intervention débute par une angiographie explorant les artères cérébrales, non seulement en région cervicale, mais aussi intracrânienne.

Un cathéter à large lumière (dit « cathéter porteur ») est ensuite placé dans l’axe artériel dont dépend la sténose.

C’est au travers de ce cathéter que sont introduits le ballon d’angioplastie et le stent.

Tous les systèmes introduits coaxialement sont perfusés par du sérum physiologique sous pression, précaution essentielle pour éviter la formation d’un thrombus susceptible de migrer dans la circulation cérébrale.

Après dilatation, il est effectué systématiquement une angiographie du segment dilaté, mais aussi du territoire vasculaire d’aval afin de rechercher une éventuelle complication embolique.

Un examen neurologique rapide est effectué en salle d’angiographie afin de s’assurer de l’absence de modification clinique.

Le patient est surveillé systématiquement en unité de soins intensifs pendant 24 heures.

L’introducteur fémoral est retiré 4 heures après le geste si l’examen neurologique est inchangé.

Toute modification de l’état neurologique impose la réalisation d’un scanner cérébral. Si le scanner est inchangé, une artériographie de contrôle s’impose à la recherche d’une complication thromboembolique justiciable d’un traitement en urgence.

D – SUIVI POSTANGIOPLASTIE :

Il comprend outre un examen neurologique, un doppler de contrôle de l’artère dilatée à 1 mois, 6 mois, puis de façon annuelle.

Dans tous les cas, le traitement des facteurs de risque vasculaires est indispensable.

Angioplastie des artères intracrâniennes :

Les sténoses athéromateuses des artères intracrâniennes sont plus rares que celles des artères cervicales, notamment dans la population caucasienne.

Leur fréquence est également sous-estimée car elles ne peuvent pas être diagnostiquées par le doppler cervical qui est souvent la seule exploration réalisée dans le bilan d’un AIT. L’histoire naturelle de ces sténoses est également mal connue.

Dans deux séries rétrospectives, le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) sous traitement médical était de 7,8 % par an pour les sténoses de l’artère cérébrale moyenne et de 10 % par an pour les sténoses de la circulation postérieure.

Le traitement habituel de ces patients est médical : antiagrégants plaquettaires et/ou anticoagulants oraux.

En effet, l’endartériectomie de ces artères est impossible et les anastomoses temporosylviennes ont montré leur inefficacité pour les sténoses siégeant sur la terminaison carotidienne ou sur l’artère cérébrale moyenne.

L’angioplastie n’est devenue possible qu’assez récemment avec la miniaturisation des cathéters à ballonnet.

Toutefois, en raison du siège de ces artères, de leur taille, de leur tortuosité, le risque de complications est supérieur à celui de l’angioplastie des artères cervicales ou thoraciques.

De ce fait, les indications que nous avons retenues sont très restrictives et se limitent aux patients présentant des manifestations ischémiques récidivantes sous traitement antithrombotique.

La sténose doit être serrée (> 70 %), assez courte, et doit siéger sur une artère intracrânienne de relativement gros calibre : segment terminal de l’artère vertébrale, tronc basilaire , siphon carotidien, segment M1 de l’artère cérébrale moyenne.

Dans notre expérience portant sur 14 patients, le taux de succès (absence de récidive ischémique) est de 80 % et le taux de complications de 14 %.

L’implantation d’un stent n’est pas systématique dans ce territoire et n’est, pour l’instant, réservée qu’aux cas de dissection artérielle ou de resténose immédiate ou différée.

Le suivi anatomique à long terme de ces interventions montre que le résultat est d’autant plus stable que la sténose traitée est courte.

Angioplastie des troncs supra-aortiques et de la région sous-clavière :

Les sténoses des troncs supra-aortiques et de la région sous-clavière peuvent être traitées par angioplastie ou par chirurgie.

La chirurgie fait surtout appel aux techniques de pontage extra-anatomique ou de réimplantation artérielle.

Ces techniques impliquent un abord chirurgical plus complexe que celui de l’endartériectomie carotidienne et n’ont pas été évaluées comme cette dernière.

L’angioplastie semble moins invasive et nous la proposons de première intention lorsque le traitement de la plaque est indiqué.

A – ARTÈRE VERTÉBRALE :

Une sténose d’une artère vertébrale n’a de retentissement hémodynamique sur la circulation postérieure que si l’artère vertébrale controlatérale est hypoplasique, très sténosée ou thrombosée.

L’angioplastie nous semble moins invasive que la réimplantation chirurgicale de l’artère vertébrale qui nécessite un temps de clampage bien supérieur à celui de l’inflation du ballon.

B – ARTÈRE SOUS-CLAVIÈRE :

Les sténoses de l’artère sous-clavière peuvent se manifester par des douleurs ischémiques du membre supérieur.

Dans le segment prévertébral, elles peuvent également retentir sur la circulation cérébrale en inversant le flux dans l’artère vertébrale homolatérale réalisant le classique vol sous-clavier.

Celui-ci peut être parfaitement toléré ou donner lieu à des manifestations neurologiques transitoires à type de syndrome vertigineux ou, de façon plus caractéristique, de drop-attack.

Ces manifestations cliniques justifient pour nous le traitement de la sténose par angioplastie.

Une série récente rapporte le résultat de 113 angioplasties de l’artère sous-clavière avec un taux de succès de 91 %.

C – ARTÈRE CAROTIDE PRIMITIVE ET TRONC ARTÉRIEL BRACHIOCÉPHALIQUE :

Elles peuvent être isolées ou associées à une sténose de la bifurcation carotidienne réalisant une sténose en « tandem ».

Leur diagnostic est fait par une aortographie de la crosse de l’aorte qui devrait constituer le premier temps de toute exploration angiographique d’une athérosclérose cérébrale.

Elles justifient un traitement lorsqu’elles sont serrées et symptomatiques.

Angioplastie de la bifurcation carotidienne :

A – POSITION DU PROBLÈME :

Nous avons dit que l’endartériectomie avait démontré son efficacité dans le traitement des sténoses serrées de la bifurcation carotidienne.

Pourquoi développer une technique concurrente ? D’abord car la morbimortalité de ce geste n’est pas nulle (5,8 % dans l’étude NASCET) et qu’il est possible d’espérer la diminuer par une technique moins invasive.

Ensuite parce que certains patients nécessitant un geste de revascularisation présentent des facteurs de risque pour la chirurgie et que l’angioplastie constitue dans ce cas une solution satisfaisante.

Une méta-analyse récente a montré que la morbimortalité de l’angioplastie était voisine de celle de l’endartériectomie alors que la plupart des études incluait des patients à haut risque chirurgical.

Il reste cependant à valider ces résultats par des études prospectives qui vont débuter très prochainement.

Actuellement, il nous semble que l’angioplastie ne peut être proposée qu’aux patients pour qui les avantages techniques de l’angioplastie permettent d’espérer une moindre morbidité que l’endartériectomie.

L’angioplastie a, sur la chirurgie, les avantages suivants :

– ne nécessitant pas de dissection tissulaire, elle évite les complications locales : lésions des nerfs crâniens, problèmes d’hémostase et de cicatrisation.

Ces complications sont d’autant plus à craindre que les tissus cutanés et sous-cutanés sont remaniés, ce qui est le cas après radiothérapie ou après une précédente intervention cervicale ;

– elle n’est pas limitée par le siège de la sténose sur l’axe carotidien ni par l’existence de lésion en « tandem » qui sont traitées dans le même temps ;

– elle n’interrompt le flux carotidien que pendant une vingtaine de secondes (temps d’inflation du ballon) ce qui prévient la survenue d’un accident hémodynamique chez les patients dont le polygone de Willis n’est pas fonctionnel, soit par agénésie congénitale, soit du fait d’une occlusion carotidienne controlatérale.

B – INDICATIONS :

Nous ne réalisons d’angioplastie de la carotide interne que pour des sténoses serrées (> 70 %) chez des patients présentant un ou plusieurs des critères suivants :

– état cervical défavorable : sténose radique, resténose postopératoire ou antécédent de chirurgie cervicale homolatérale, patient trachéotomisé (en raison du risque d’infection du foyer opératoire) ;

– paralysie laryngée controlatérale car l’éventualité d’une paralysie laryngée bilatérale après chirurgie serait catastrophique sur le plan fonctionnel ;

– sténose haut située sur la carotide interne : en arrière de la branche montante du maxillaire (car leur abord nécessite une luxation mandibulaire) ou à la base du crâne pratiquement inaccessible à la chirurgie ;

– sténose en « tandem » : association d’une sténose de la bifurcation carotidienne avec une sténose de la carotide primitive ou du siphon carotidien ;

– sténose associée à une occlusion de l’artère carotide controlatérale car la durée d’interruption du flux carotidien même avec un shunt est plus importante que lors de l’inflation du ballon.

La difficulté opératoire est encore plus grande si le patient est obèse.

C – TECHNIQUE :

L’angioplastie de la bifurcation carotidienne ne se conçoit qu’avec implantation d’un stent, le plus souvent autoexpansible.

Celui-ci est constitué d’un cylindre de métal à mémoire de forme, comprimé dans une gaine externe protectrice.

La prothèse se déploie après retrait de la gaine et retrouve son diamètre natif.

L’intérêt de ce type de système est double.

D’une part, la gaine protectrice permet l’implantation du stent avant dilatation de la sténose, ce qui évite tout risque de dissection carotidienne lors de l’inflation du ballon.

Un stent serti sur ballon pourrait se désolidariser du cathéter et migrer si cette manoeuvre était tentée.

D’autre part, ce type de stent peut s’adapter spontanément aux différences de calibre de la carotide interne et de la carotide primitive, ce qui est indispensable dans le traitement des sténoses de la bifurcation carotidienne.

L’intervention se fait le plus souvent par voie fémorale et nécessite la mise en place d’un cathéter porteur de large calibre (7 ou 8 French) dans la carotide primitive.

Chez un patient âgé aux artères tortueuses, cette manoeuvre peut être difficile et représente la cause principale d’échec de la technique.

La sténose est ensuite franchie à l’aide d’un guide. Le patient reçoit alors 1 mg d’atropine par voie intraveineuse afin d’inhiber l’effet vagal qui survient lors de la dilatation du glomus carotidien.

Si la sténose est très serrée (> 90 %), une première dilatation peut être nécessaire pour permettre le passage du stent. Celui-ci est déployé sur toute la hauteur de la sténose.

Un ballon d’angioplastie dilatant à 5 ou 6mm est gonflé dans la lumière du stent jusqu’à obtenir l’expansion complète de la prothèse.

Cas particulier : sténoses carotidiennes bilatérales

La règle de traiter les sténoses bilatérales en deux temps s’applique au traitement chirurgical comme au traitement endovasculaire.

Son but est de prévenir la survenue simultanée de lésions cérébrales bihémisphériques, catastrophiques sur le plan neuropsychologique.

D – PROTECTION CÉRÉBRALE :

Il s’agit d’une variante de la technique d’angioplastie précédemment décrite et qui vise à protéger les artères cérébrales des emboles cholestéroliques qui pourraient se détacher de la plaque d’athérome.

Théron a été le premier à imaginer un système permettant l’équivalent du clampage carotidien distal lors d’une endartériectomie.

Le principe est de gonfler un ballonnet dans la carotide interne en aval de la sténose avant de réaliser le traitement de la plaque puis à aspirer les débris éventuels avant de dégonfler le ballonnet.

Ce système est maintenant commercialisé sous la forme d’un microguide porteur du ballonnet de protection.

L’inconvénient de ce système est de rallonger de plusieurs minutes l’interruption du flux carotidien.

D’autres systèmes sont en développement, incluant notamment des filtres qui retiendraient les débris de plaque sans interrompre le flux artériel.

Conclusion :

L’angioplastie des artères cérébrales est maintenant possible depuis leur origine jusqu’à leurs branches de division intracrâniennes.

Néanmoins, cette technique reste en cours d’évaluation dans certains centres spécialisés.

Les indications et la technique varient en fonction du siège de la sténose.

Une connaissance clinique et anatomique des territoires vasculaires cérébraux et de leur fonctionnalité nous semble indispensable pour réaliser ces gestes en sécurité.

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