Anesthésie locorégionale

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Introduction :

L’anesthésie locorégionale a considérablement évolué.

Cinq éléments ont soutenu et favorisé cette évolution.

Une meilleure compréhension de l’anatomie fonctionnelle a permis de proposer une approche et des techniques simples et performantes.

La pharmacologie a proposé de nouvelles molécules efficaces, sûres, et a trouvé de nouvelles indications pour la morphine et la clonidine.

Anesthésie locorégionaleLes industriels ont mis à disposition du matériel performant , à usage unique, adapté à l’ adulte et à l’ enfant, ainsi que des neurostimulateurs permettant de localiser les nerfs.

La recherche et l’enseignement ont progressé, permettant une meilleure formation des praticiens.

Enfin, avec la prise de conscience de la possibilité de traiter la douleur périopératoire, l’anesthésie locorégionale a évolué vers l’analgésie locorégionale.

Indications :

De nombreuses études suggèrent ou montrent que le contrôle efficace de la douleur périopératoire participerait à l’amélioration du pronostic des patients.

L’anesthésie péridurale permet de minorer ou d’abolir les réactions postopératoires au stress ; elle autorise en chirurgie thoracique, une sortie plus précoce de l’unité de réanimation et réduit l’ incidence des complications thromboemboliques en chirurgie de la hanche.

L’anesthésie ou l’analgésie locorégionale doit être proposée aux patients qui peuvent en bénéficier, même opérés sous anesthésie générale.

L’anesthésie locorégionale peut être proposée aux patients devant être opérés d’une chirurgie des membres supérieurs ou inférieurs, de la région sous-ombilicale et/ou pelvienne.

Les chirurgies sus-ombilicale, thoracique, cervicale et céphalique font rarement appel à l’anesthésie locorégionale.

Elles peuvent cependant bénéficier d’une analgésie locorégionale.

En chirurgie ophtalmologique, en dehors des enfants et des interventions de longue durée , il n’existe pas de contre-indications à l’anesthésie locorégionale.

Les patients très anxieux , claustrophobes ou qui présentent une toux incontrôlable, justifieront d’une anesthésie générale.

En chirurgie carotidienne, l’anesthésie péridurale ou du plexus cervical , offre une efficacité et des conditions opératoires favorables ; elle permet un suivi permanent de l’état neurologique lors du clampage carotidien, une détection précoce de l’ischémie cérébrale et une réduction des indications de shunt.

La chirurgie vasculaire des membres inférieurs est une excellente indication d’anesthésie péridurale.

Ces patients sont souvent porteurs de pathologies cardiorespiratoires et l’anesthésie locorégionale réduit le risque opératoire.

Certaines études montrent une amélioration du pronostic vasculaire de ces patients quand la revascularisation est réalisée sous anesthésie péridurale.

L’obstétrique nécessite de différencier l’analgésie du travail et l’anesthésie pour césarienne.

Les enquêtes multicentriques montrent que l’anesthésie péridurale réduit la morbidité et mortalité maternelle de la césarienne, particulièrement en urgence.

Il faut donc proposer aux parturientes une analgésie péridurale pour le travail et une anesthésie péridurale (ou en urgence, une rachianesthésie) pour la césarienne.

Chez l’enfant, l’analgésie locorégionale permet une prise en charge efficace de la douleur périopératoire, même si le plus souvent l’intervention chirurgicale est réalisée sous anesthésie générale.

Chez l’ancien prématuré que l’immaturité des centres respiratoires expose pendant de nombreux mois à des dépressions respiratoires retardées et prolongées, l’anesthésie locorégionale isolée constitue, chaque fois qu’elle est possible , la meilleure alternative.

Contre-indications :

Il existe peu de contre-indications à l’anesthésie locorégionale, et l’anesthésiste-réanimateur devra, en fonction de l’intervention chirurgicale prévue, choisir au cours de la consultation la meilleure stratégie d’anesthésie et d’analgésie pour le patient qui lui est confié.

Le refus du patient, quelle qu’en soit la raison, est la première contre-indication.

Ce refus doit être respecté dans la mesure du possible , mais dans certains cas, il est important de convaincre le patient opposant de l’intérêt de l’anesthésie locorégionale. Ainsi, l’ allergie sévère, l’asthme ou l’ insuffisance respiratoire chronique et certaines cardiopathies évoluées, doivent être opérés sous anesthésie locorégionale.

L’insuffisance cardiaque décompensée, le rétrécissement aortique serré, la cardiomyopathie obstructive et les pathologies mitrales sévères ne sont pas de bonnes indications aux anesthésies médullaires.

Ils sont en revanche des indications pour les blocs plexiques ou tronculaires.

Les anesthésies périmédullaires sont peu indiquées en présence d’un état de choc, de troubles acquis ou congénitaux de l’hémostase et de la coagulation, de déformations thoraciques importantes ou d’antécédents de chirurgie rachidienne.

L’existence d’une pathologie neurologique est considérée par certains comme une contre-indication à l’anesthésie locorégionale.

Peu de données justifient cette attitude , si ce n’est la crainte de majorer un déficit déjà existant.

S’il est vrai que des scléroses en plaques ont connu des poussées sévères après anesthésie locorégionale, de pareilles poussées, ou même des épisodes inauguraux, ont été rapportés après anesthésie générale.

Adaptation des traitements :

Comme la chirurgie, l’anesthésie locorégionale nécessite l’adaptation des traitements (anticoagulant et antiagrégant plaquettaire).

Les antivitamines K (AVK) doivent être remplacées par une héparine à bas poids moléculaire (HBPM) le plus souvent.

L’aspirine sera interrompue 5 jours avant l’intervention et la ticlopidine au moins 8 jours avant.

Ils pourront être remplacés par le flurbiprofène (Cébutidt : 100 mg/j) ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) de courte durée d’ action possédant une activité antiagrégante. Les bêtabloqueurs et les inhibiteurs calciques seront maintenus, leur posologie est parfois adaptée chez le coronarien.

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) altèrent les capacités d’adaptation à l’hypovolémie et réduisent l’efficacité de certains vasoconstricteurs.

Certains recommandent de ne pas les administrer 24 heures avant l’intervention.

Les autres traitements n’interfèrent pas avec l’anesthésie locorégionale.

Agents de l’anesthésie locorégionale :

A – Anesthésiques locaux :

Un anesthésique local est une substance capable de bloquer de façon transitoire et réversible la conduction nerveuse, en empêchant la dépolarisation membranaire cellulaire.

Si de nombreuses substances sont douées de l’effet stabilisant de membrane responsable de l’action anesthésique locale, on ne retrouve en clinique que deux familles d’anesthésiques locaux, les dérivés de la procaïne (aminoesters) et les dérivés de la lidocaïne (aminoamides). La lidocaïne est l’anesthésique local de référence.

Elle empêche la conduction nerveuse en bloquant les canaux sodiques rapides des membranes cellulaires.

L’anesthésique local franchit la membrane cellulaire, et bloque par la face cytoplasmique les mouvements transmembranaires du sodium.

Deux mécanismes différents sont impliqués dans ce bloc des canaux sodiques.

Tous les anesthésiques locaux sont responsables d’un bloc dit tonique.

Quelques-uns sont aussi responsables d’un bloc dit phasique, ainsi l’intensité du bloc augmente avec la fréquence de la stimulation.

Ce bloc phasique explique les effets antiarythmiques de la lidocaïne.

D’autres anesthésiques locaux, comme la procaïne ne bloquent pas le canal sodique mais pénètrent dans la membrane.

Ils modifient ainsi la conformation du canal sodique rapide dont ils altèrent le fonctionnement.

Enfin, l’action des anesthésiques locaux sur les canaux calciques et potassiques permet d’expliquer leurs effets sur la contractilité et les arythmies cardiaques.

Le choix des anesthésiques locaux disponibles s’est récemment élargi avec la ropivacaïne, développée pour son absence de cardiotoxicité, et la mépivacaïne, qui viennent s’ajouter à la lidocaïne et à la bupivacaïne.

Les allergies aux anesthésiques locaux de la famille de la lidocaïne sont exceptionnelles, alors que des allergies vraies étaient connues pour les anesthésiques locaux de la famille de la procaïne qui ne sont presque plus utilisés.

B – Morphiniques :

L’existence de récepteurs morphiniques aux niveaux médullaire et périphérique est clairement établie.

La morphine est efficace par voie péridurale ou intrathécale.

Son action retardée (pic entre 6 à 12 heures) s’ exerce à l’étage supraspinal nécessitant une migration céphalique assurée par la cinétique du liquide céphalorachidien (LCR).

En obstétrique, des doses de 100 íg ont fait la preuve de leur efficacité pour l’analgésie de la césarienne.

Les doses supérieures (200 à 400 íg) améliorent et prolongent l’analgésie mais exposent aux effets secondaires des morphiniques, particulièrement à la dépression respiratoire.

Pour ces doses, une observation en salle de surveillance postinterventionnelle pendant 24 heures est impérative.

Les morphiniques de synthèse, habituellement plus liposolubles que la morphine, développent une action plus médullaire.

Leur latence d’action est plus brève et la durée de leur action est plus courte, ne dépassant pas 8 heures.

Le sufentanil, 500 fois plus puissant que la morphine, est de plus en plus souvent utilisé par voie intrathécale en obstétrique, pour la première phase du travail, apportant une analgésie de bonne qualité, sans les effets moteur et hémodynamique des anesthésiques locaux.

En clinique humaine, les effets des morphiniques sur le nerf périphérique sont décevants à l’aune des espoirs qu’avait engendrés la mise en évidence de récepteurs morphiniques sur le nerf périphérique.

Si certains ont montré une réelle amélioration de la qualité de l’analgésie, ils sont souvent responsables de nausées, de vomissements et de prurit qui en limitent l’utilisation.

Les morphiniques sont efficaces pour contrôler la douleur de fond ; ils sont peu efficaces pour contrôler les douleurs aiguës, comme celles liées à la kinésithérapie.

Dans ce cas, les anesthésiques locaux sont plus efficaces. L’association morphiniqueanesthésiques locaux est synergique.

À toutes doses, les morphiniques peuvent être responsables de nausées, de vomissements, d’un globe vésical et de prurit.

C – Clonidine :

La meilleure connaissance des voies de la douleur a mis en évidence la responsabilité de récepteurs alpha-2 dans les mécanismes de contrôle des afférences nociceptives.

L’activité analgésique de la clonidine, agoniste alpha-2 central, semble se situer à deux niveaux, le nerf périphérique et le système nerveux central.

Utilisée seule par voie péridurale, elle procure une analgésie efficace à des doses proches de 6 à 8íg/kg/j.

Cependant, à ces doses, se manifeste une sédation évidente et une hypotension.

À plus faible dose (1 à 2 íg/kg/j), elle renforce et prolonge l’efficacité des anesthésiques locaux, au prix d’une sédation minime, souvent utile en postopératoire et d’effets hémodynamiques modestes.

Elle est actuellement très utilisée pour l’analgésie peropératoire et postopératoire dans les blocs plexiques et tronculaires.

De plus, la clonidine se révèle plus efficace que les anesthésiques locaux ou les morphiniques pour contrôler les douleurs liées à l’utilisation prolongée d’un garrot de membre.

La recherche vise à proposer des agonistes alpha-2 centraux dépourvus d’effet hypotenseur, comme la dexmédétomidine.

Différentes techniques d’anesthésie :

A – Anesthésies médullaires :

Les anesthésies médullaires sont indiquées en chirurgie sous-ombilicale et des membres inférieurs.

Elles comportent trois techniques :

– la rachianesthésie ;

– l’anesthésie péridurale ;

– l’anesthésie caudale. Elles réalisent un blocage médullaire des fibres sensitives (analgésie), motrices (bloc moteur) et sympathiques (vasodilatation).

La différence de sensibilité des trois types de fibres est responsable d’un « bloc différentiel », l’intensité et la durée du bloc seront différentes sur les fibres motrices, sensitives et sympathiques. Le bloc moteur est le moins étendu et le moins prolongé.

Le bloc sensitif, responsable de l’analgésie, est de durée intermédiaire.

Le bloc sympathique, le plus prolongé et le plus difficile à apprécier, est responsable des effets hémodynamiques en provoquant une vasodilatation veineuse, capillaire et artérielle.

En l’absence de compensation, cette sympatholyse est responsable d’une hypotension artérielle.

Si l’extension du bloc sympathique est excessive, il existe un risque de sympatholyse cardiaque, avec syncope vagale.

La chute tensionnelle liée à la vasodilatation est habituellement compensée par une vasoconstriction réflexe des territoires non bloqués et une augmentation du débit cardiaque.

Cette augmentation obligatoire du travail myocardique est parfois mal supportée chez le coronarien ou impossible chez l’insuffisant cardiaque sévère.

Certaines pathologies (cardiomyopathie obstructive, hypertension artérielle non traitée…) ou certaines thérapeutiques (inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, diurétiques…) altèrent les capacités d’adaptation et majorent le risque d’hypotension.

L’utilisation de vasoconstricteurs préférentiellement veineux (éphédrine) permet de limiter les effets hémodynamiques de la rachianesthésie.

1 – Rachianesthésie :

La rachianesthésie, réalisée par l’injection d’un anesthésique local dans l’espace sous-arachnoïdien au cours d’une ponction lombaire, est remarquable par la qualité de l’anesthésie offerte, sa rapidité et son taux de succès proche de 100 %.

Pour ces raisons, elle reste très largement utilisée, particulièrement en urgence. Ses indications se sont élargies à la césarienne, avec des avantages supérieurs à l’anesthésie générale.

L’espace sous-arachnoïdien étant une porte ouverte sur les centres supraspinaux, une substance peu liposoluble injectée à ce niveau y sera transportée par le LCR.

En chirurgie cardiaque ou thoracique, une analgésie peropératoire et postopératoire efficace est possible grâce à l’administration intrathécale par voie lombaire de morphine ou de clonidine.

2 – Anesthésie péridurale ou épidurale :

L’espace péridural est l’espace virtuel compris entre le ligament jaune et la dure-mère.

Il est largement ouvert au niveau des trous de conjugaison.

L’anesthésique local à ce niveau agit par deux mécanismes, un blocage médullaire, nécessitant de traverser la dure-mère, et un blocage des racines nerveuses au niveau des foramens latéraux.

L’anesthésie péridurale est possible à tous les étages du rachis, même cervical.

L’espace péridural est abordé au niveau d’un espace interépineux, le plus souvent lombaire ou thoracique bas.

La ponction réalisée avec une aiguille de Tuohy recherche l’espace péridural juste après le franchissement du ligament jaune.

Il est habituellement identifié par un changement brutal de résistance à l’extrémité de l’aiguille et par la pression négative qui y règne.

Chez la femme enceinte, la taille de l’espace péridural est réduite en raison de l’engorgement du plexus veineux péridural, la pression y est plus positive, et le ligament jaune est moins résistant.

Ces trois conditions expliquent que les brèches durales au cours de l’analgésie péridurale obstétricale sont plus fréquentes.

Fondamentalement, anesthésie péridurale et rachianesthésie sont équivalentes.

Avec la rachianesthésie, l’installation est plus rapide et le bloc moteur est de meilleure qualité.

Cette excellente anesthésie est obtenue avec de faibles volumes d’anesthésique local, limitant les risques de leurs effets systémiques. Cependant, les effets tensionnels sont plus marqués avec la rachianesthésie et l’introduction d’un cathéter pour prolonger le bloc n’est actuellement plus recommandée, une dizaine de cas de syndrome de la queue de cheval ayant été rapportés.

L’anesthésie péridurale nécessite des volumes d’anesthésiques locaux plus importants et une latence d’action plus longue.

Cependant, l’extension et la qualité du bloc peuvent être adaptées en fonction des besoins, absence de bloc moteur pour le travail obstétrical jusqu’au bloc moteur complet en chirurgie orthopédique.

La mise en place d’un cathéter dans l’espace péridural est facile, permettant de prolonger l’anesthésie ou l’analgésie pendant plusieurs heures ou plusieurs jours, en associant anesthésiques locaux et morphiniques. Depuis quelques années, il est possible de combiner ces deux techniques.

La « rachipériséquentielle » associe une rachianesthésie et une anesthésie péridurale ; l’analgésie est induite très rapidement par l’injection de morphinique ou d’un anesthésique local dans l’espace sous-arachnoïdien, et elle est entretenue ou adaptée par voie péridurale.

C’est l’analgésie obstétricale qui a le plus bénéficié de cette évolution.

3 – Anesthésie caudale :

Très utilisée en pédiatrie et en chirurgie génitopelvienne, elle correspond à une anesthésie péridurale basse, réalisée au niveau du hiatus sacrococcygien.

L’extension limitée du blocage sympathique garantit la discrétion des effets hémodynamiques.

Elle garde des indications analgésiques chez l’adulte en chirurgie anorectale.

B – Anesthésies plexiques ou tronculaires :

1 – Blocs du membre supérieur :

Toute la chirurgie du membre supérieur, programmée ou urgente, peut être réalisée sous anesthésie locorégionale.

En fonction de l’intervention, il faudra choisir entre un bloc du plexus brachial ou des blocs tronculaires des différents nerfs.

Pour la chirurgie de l’épaule (arthroscopie, prothèse totale ou réparation ligamentaire), un bloc plexique sus-claviculaire est suffisant, alors que pour la chirurgie de la main, un bloc plus distal des différents nerfs au niveau du coude ou du poignet est envisageable.

Enfin, les blocs digitaux sont possibles pour des interventions très distales (panaris, plaies digitales).

Un cathéter introduit dans la gaine du plexus brachial permet de réaliser des interventions de très longue durée (réimplantation de membre, de doigt), d’assurer une analgésie sur plusieurs jours, et d’améliorer la vascularisation dans les gelures.

Des études récentes suggèrent que l’incidence des algoneurodystrophies serait réduite dans la fracture de Pouteau-Colles si l’anesthésie et l’analgésie étaient assurées par une technique locorégionale.

Les abords sus-claviculaires du plexus brachial exposent à certaines complications rares, mais qui doivent être retenues.

Les risques de dépression ventilatoire par bloc du nerf phrénique et de pneumothorax limitent les indications de la technique chez l’insuffisant respiratoire.

2 – Blocs du membre inférieur :

Si le membre supérieur est innervé par un seul plexus nerveux, le membre inférieur est sous la dépendance de deux plexus, lombaire et sacré, ce qui nécessite de réaliser deux abords et deux ponctions pour le bloquer.

Probablement pour cette raison, les blocs plexique ou tronculaire du membre inférieur sont moins populaires que ceux du membre supérieur.

Cependant, ces blocs procurent une analgésie de qualité remarquable.

* Blocs du plexus lombaire

Le plexus lombaire est responsable de l’innervation sensitivomotrice de la région antérieure de la cuisse, d’une partie du genou et du bord médial de la jambe.

Un bloc complet du plexus lombaire nécessite un abord postérieur à travers les muscles carrés des lombes et psoas.

Cet abord est sous-employé, remplacé par un abord antérieur, au niveau du nerf fémoral dans le triangle de Scarpa, qui ne procure qu’un bloc analgésique.

Les indications du bloc du plexus lombaire sont nombreuses, concernant toute la chirurgie ou la traumatologie de la hanche, du fémur et du genou.

L’efficacité des blocs du plexus lombaire dans les fractures du fémur est connue, mais des travaux récents montrent également leur intérêt en chirurgie prothétique du genou et de la hanche.

Les cathéters, mis en place avant l’incision et conservés pendant 48 à 72 heures, permettent d’entretenir une analgésie postopératoire et de faciliter la rééducation postopératoire.

Des publications récentes suggèrent que cette analgésie postopératoire, en permettant une kinésithérapie immédiate, agressive et indolore, améliore la qualité fonctionnelle des prothèses totales de genou. Ainsi, même si le patient préfère une anesthésie générale, il doit bénéficier d’une analgésie locorégionale.

* Blocs du nerf sciatique

Le bloc du nerf sciatique est le plus facile à réaliser de tous les blocs ; les complications sont exceptionnelles, pour ne pas dire inexistantes quand le bloc est réalisé dans les règles de l’art (aiguilles atraumatiques à biseau court, repérage par neurostimulation…).

Si ses indications anesthésiques exclusives sont limitées à la chirurgie du pied et de la cheville, ses indications analgésiques sont très larges, particulièrement dans le cadre des chirurgies douloureuses du pied comme l’hallux valgus.

De plus, lors des amputations de jambe, l’administration prolongée d’anesthésique local par un cathéter mis en place dans la gaine du nerf permettrait de réduire l’incidence des syndromes de membres fantômes.

C – Autres techniques d’anesthésie locorégionale :

La découverte de récepteurs morphiniques au niveau des terminaisons nerveuses libres de l’articulation a permis de proposer une nouvelle technique d’analgésie locorégionale lors des arthroscopies.

L’injection de morphine à faible dose (1 mg) permet une analgésie de 16 à 20 heures.

De nombreuses autre études ont confirmé la réalité de cette analgésie intra-articulaire, et d’autres molécules comme les anesthésiques locaux, les AINS et la clonidine ont fait preuve de leur efficacité.

Les protocoles actuels associent un anesthésique local de longue durée d’action (bupivacaïne) à 5mg de morphine.

L’analgésie ainsi obtenue (plus de 20 heures) est largement utilisée en chirurgie arthroscopique ambulatoire.

L’analgésie pleurale est réalisée par l’injection d’un anesthésique local entre les deux feuillets de la plèvre, à partir de laquelle l’anesthésique local diffuse vers les nerfs intercostaux pour réaliser un bloc intercostal étagé.

Proposée pour l’analgésie des cholécystectomies et des néphrectomies, l’analgésie pleurale a trouvé sa place dans l’analgésie des fractures de côtes.

Son efficacité immédiate spectaculaire est contrebalancée par un épuisement relativement rapide de ses effets (24 à 48 heures) qui en limite les indications.

En chirurgie ophtalmologique, l’anesthésie générale ne survit que des contre-indications à l’anesthésie locorégionale (chirurgie de très longue durée, jeune enfant, patient agité).

L’injection d’un anesthésique local dans l’espace péribulbaire permet avec un taux de succès proche de 100 %, de réaliser la majorité des interventions courantes en ophtalmologie, et favorise la prise en charge ambulatoire.

Complications :

A – Injection intravasculaire d’anesthésique local :

C’est une complication rare, redoutée et systématiquement recherchée. Les anesthésiques locaux injectés par voie intraveineuse sont responsables d’une toxicité dose-dépendante.

Avec la lidocaïne, les signes de toxicité mineure précèdent très largement les signes de toxicité cardiaque. Avec la bupivacaïne, les signes prodromiques avant la toxicité cardiaque sont parfois absents.

L’injection fractionnée et lente du volume total d’anesthésique local, le contact verbal permanent avec le patient et la surveillance de l’électrocardioscope, sont conseillés au cours et dans les minutes suivant l’injection.

B – Accidents hypoxémiques :

En 1988, une étude rapportant environ 1 000 dossiers de plainte en justice impliquant l’anesthésie avait révélée que dans 1,5% des cas, la technique anesthésique pouvait être responsable par elle-même de complications graves ou létales.

L’analyse retrouvait toujours l’association d’une rachianesthésie, d’un bloc sensitif étendu, d’une sédation peropératoire et d’une hypoxie.

La seule publication de ces complications dramatiques liées à la rachianesthésie, technique considérée comme sûre, a profondément modifié la prise en charge des anesthésies locorégionales.

L’apport systématique d’oxygène et la surveillance continue de la saturation périphérique en oxygène, légalement obligatoires depuis le 5 décembre 1994, ont encore amélioré la sécurité de l’anesthésie locorégionale.

C – Hypotension artérielle :

La vasodilatation provoquée par le bloc sympathique n’est responsable d’une hypotension artérielle pathologique qu’en l’absence de prévention et de traitement.

L’expansion volémique préventive est de rigueur lors des anesthésies médullaires, et le recours aux vasoconstricteurs veineux s’impose devant toute baisse de la pression artérielle de plus de 20 %.

Le saignement peropératoire majore le risque d’hypotension artérielle.

D – Globe vésical :

Effet secondaire banal, lié au bloc du parasympathique sacré, sa fréquence augmente lors de la perfusion de volumes liquidiens importants et de l’injection périmédullaire de morphine.

Il ne devient une complication que s’il est méconnu et non traité.

Son incidence est probablement réduite par la clonidine. Un sondage vésical est souhaitable dans certaines circonstances.

E – Traumatismes nerveux :

Plusieurs mécanismes différents peuvent être responsables d’une complication neurologique au cours ou au décours d’une anesthésie locorégionale.

Le traumatisme direct d’un élément nerveux par l’aiguille est rare et n’entraîne que des troubles le plus souvent passagers, en revanche les lésions d’ischémie peuvent être sévères.

Les exceptionnelles ischémies médullaires constatées en postopératoire, liées à un syndrome de l’artère spinale antérieure, sont de fréquences égales après anesthésie générale ou anesthésie locorégionale.

L’hypotension artérielle prolongée semble en être le mécanisme commun.

Les ischémies médullaires secondaires à un hématome périmédullaire favorisé par la ponction sont aussi exceptionnelles.

Par ailleurs, des ischémies nerveuses responsables de déficits transitoires peuvent être secondaires à l’utilisation prolongée d’un garrot de membre.

L’analyse sémiologique doit les différencier des atteintes directes d’un nerf par l’aiguille de ponction.

En présence de tout déficit neurologique au décours d’une anesthésie locorégionale, il est urgent de pratiquer un électromyogramme effectué au cours de la première semaine.

L’existence de signes de démyélinisation affirme que ce trouble préexistait à l’anesthésie qui n’a servi que de révélateur.

Des publications récentes font état de la toxicité directe des anesthésiques locaux sur le nerf.

Les rares cas rapportés « d’irritation radiculaire transitoire » retrouvent toujours l’utilisation de concentrations élevées d’anesthésique local.

L’utilisation de présentations diluées minore l’incidence de ces rares troubles transitoires.

F – Complications liées à la brèche durale :

Toute ponction de la dure-mère comporte un risque de céphalées postponction durale.

Les progrès dans la compréhension et le traitement de cette complication bien connue des neurologues, rhumatologues et radiologues, sont à mettre au crédit de l’anesthésie moderne.

Toute ponction durale est responsable d’une brèche par laquelle peut se pérenniser un écoulement de LCR. Cette fuite de LCR, insuffisamment compensée, est à l’origine d’une symptomatologie neurologique parfois déroutante, dont la céphalée est la manifestation la plus fréquente.

La réduction du coussin hydraulique protégeant les structures nerveuses intracrâniennes est rendue responsable de cette symptomatologie : la traction sur les vaisseaux méningés est reconnue comme la cause la plus probable de la céphalée, l’absence d’amortissement des mouvements de la tête sur certains nerfs (optique, ophtalmique, auditif) permet d’expliquer l’apparition d’exceptionnelles amauroses transitoires, de diplopie passagère, d’hypoacousie, de sensation vertigineuse.

La céphalée est souvent caractéristique, dite posturale, inexistante ou à peine perceptible en décubitus ; elle augmente, pour devenir dans certains cas insupportable, en position assise ou debout.

Elle est classiquement frontale, bitemporale ou occipitale, parfois pulsatile.

Elle s’accompagne souvent de cervicalgies. Peuvent s’y associer des nausées et des vomissements.

L’incidence de cette céphalée postponction est mal appréciée, retrouvée dans 0,3 à 10 % des ponctions lombaires. Cette dispersion des résultats est expliquée par l’existence de facteurs favorisants ou aggravants.

Pour résumer, une femme jeune ayant subi une ponction lombaire avec une aiguille de gros calibre après plusieurs tentatives de ponction, aura statistiquement plus de risque de céphalées post-ponction qu’un homme âgé ayant bénéficié d’une rachianesthésie avec une aiguille très fine en une seule ponction.

Dans certains cas, la céphalée peut ne devenir évidente que 12 à 36 heures après la ponction.

Il faut savoir la rattacher à une ponction lombaire chez un patient qui a été opéré ou hospitalisé en hôpital de jour.

Les antalgiques banals, le repos au lit et l’hydratation sont le plus souvent suffisants.

L’absence d’amélioration clinique franche en 48 heures justifie le recours à un traitement plus agressif, le blood-patch.

Il consiste en l’injection de 15 à 30mL du sang du patient (prélevé de façon extemporanée) dans l’espace péridural, pour colmater la brèche durale.

Il est habituellement très efficace, la céphalée et les signes d’accompagnement se corrigeant en quelques minutes, parfois même au cours de l’injection.

Dans moins de 5% des cas, l’effet n’est que transitoire (1 à 2 jours), justifiant alors une deuxième injection.

Dans quelques cas, les céphalées larvées liées à la ponction lombaire peuvent persister pendant des semaines ou des mois.

Les patients rapportent alors un fond de céphalées ou de douleurs permanentes à recrudescence matinale.

Les répercussions thymiques de cette céphalée chronique ont conduit à des prescriptions erronées et inefficaces d’antidépresseurs.

Il est primordial chez les patients présentant une symptomatologie évocatrice de rechercher un antécédent de ponction lombaire (quel qu’en soit le motif, anesthésie, suspicion de méningite, chimiothérapie…), et le cas échéant de proposer au patient une consultation avec un anesthésiste.

Des blood-patch ont été efficaces plus de 6 à 9 mois après la ponction lombaire.

Dans un cas, un seul blood-patch a permis de guérir des acouphènes persistant plus de 1 an après une ponction lombaire pratiquée dans le bilan d’une sciatalgie.

Des récidives de céphalées ont exceptionnellement été décrites après des voyages en avion.

Conclusion :

La prise en charge du traitement de la douleur plaide en faveur d’une utilisation plus fréquente de l’anesthésie-analgésie locorégionale.

La meilleure formation des anesthésistes dans les techniques d’anesthésie locorégionale a été la première étape ; l’opposition de certains chirurgiens se dissipe devant la qualité de l’analgésie.

Enfin, il ne reste plus à vaincre que la réticence de certains patients parfois inquiets de rester éveillés au cours de la chirurgie.

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