Anesthésie locale et régionale en oto-rhino-laryngologie (Suite)

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Première partie

3- Anesthésie tronculaire pour la chirurgie nasale :

L’anesthésie locale tronculaire associe le bloc du nerf nasal au niveau du foramen ethmoïdal antérieur réalisé de façon bilatérale et associé au bloc du nerf maxillaire.

Ce bloc peut être réalisé au niveau du foramen sphénopalatin par un tampon de cocaïne placé sous la queue du cornet moyen associé à un méchage endonasal, et à un bloc du nerf infraorbitaire bilatéral pour la sensibilité des deux ailes narinaires.

Anesthésie locale et régionale en oto-rhino-laryngologie (Suite)* Bloc du nerf nasal (nasociliaire) :

Il est réalisé au niveau du foramen ethmoïdal situé sur la face supéro-interne de l’orbite.

Une aiguille 25 G de 25 mm de longueur est introduite à mi-distance entre le pli palpébral postérieur et le sourcil, dans l’angle interne de l’oeil, en gardant en permanence le contact osseux avec le toit de l’orbite.

Un petit accrochage inconstant, correspondant au foramen ethmoïdal antérieur, peut être ressenti à une profondeur de 1,5 cm environ.

À ce niveau, on dépose 2 mL d’anesthésique local non adrénaliné et en retirant l’aiguille, 2 mL supplémentaires sont infiltrés, bloquant ainsi le rameau nasal externe.

La distance à ne pas dépasser est située à 3 cm de profondeur, le nerf optique se trouvant dans cette direction à 4 cm environ.

La ponction peut être douloureuse et l’injection doit être lente et progressive après des tests d’aspiration fréquents.

La compression de l’angle supéro-interne au doigt favorise la diffusion du produit vers le foramen.

Cette technique est de réalisation difficile et peut être grevée d’un pourcentage d’échecs important lié à une diffusion insuffisante de l’anesthésie.

Dans ce cas, le bloc est complété aisément par une infiltration in situ d’anesthésiques locaux.

Les incidents décrits sont rares si l’on respecte la technique et les distances conseillées.

Divers incidents ont été décrits et ont tous évolué favorablement : oedèmes palpébraux par diffusion de l’anesthésique local dans l’espace cellulograisseux, diplopie transitoire par diffusion de l’anesthésique local au niveau du muscle grand oblique, parésie de l’orbiculaire et ptosis transitoire, ecchymoses au point de ponction traitées par compression de l’angle interne de l’oeil.

Mailer et Stromberg, dans une série de 20 blocs du nerf nasal pour dacryocystostomie, relatent une hémorragie rétrobulbaire avec augmentation de la pression intraoculaire, dilatation pupillaire dont la résolution a été spontanée et n’a nécessité aucun geste de décompression.

Aucune effraction du globe n’a été décrite dans ces deux séries ; cette complication a été rapportée lors des blocs péribulbaires chez des patients porteurs de sclérectasie, d’où la contre-indication chez des patients présentant une myopie sévère.

Ce bloc peut générer une certaine appréhension chez le patient et impose donc une sélection appropriée des malades et une sédation.

* Bloc du nerf maxillaire :

Il est réalisé au niveau du foramen grand rond d’où émerge le nerf.

Son accès n’est pas toujours facile, expliquant que plusieurs techniques aient été proposées. Nous préconisons la voie suprazygomatique.

Le nerf est bloqué au fond de la fosse infratemporale dès son émergence du trou grand rond.

L’aiguille de 5 cm à biseau court est introduite au niveau de l’angle formé par le rebord externe de l’orbite et l’apophyse zygomatique.

Elle est introduite perpendiculairement à la peau et doit rester strictement dans ce plan ; elle vient alors buter contre la crête temporale du sphénoïde, qu’elle rase par le bas.

L’aiguille est ensuite dirigée en bas et en arrière, où elle est poussée de 1 cm environ ; elle se trouve alors dans le fond de la fosse ptérygomaxillaire, 1 cm sous le trou grand rond et 5 mm à 1 cm en dehors du foramen sphénopalatin (orifice de pénétration des rameaux nasaux pour la partie postérieure des fosses nasales).

Après un test d’aspiration, 3 à 5mL du produit anesthésique sont injectés.

Cette voie, par ses repères osseux stricts, présente un bon degré de sécurité.

L’aiguille, ainsi orientée, ne peut pénétrer ni dans l’orbite ni dans le crâne.

* Bloc des branches nasales du nerf maxillaire :

Elles peuvent être bloquées au niveau du foramen sphénopalatin par voie endonasale.

Ce foramen est situé sous la queue du cornet moyen.

Un Coton-tiget imbibé d’anesthésique local est introduit au niveau du méat moyen et laissé en place 5 minutes.

La cocaïne est le plus largement utilisée ; les posologies ne doivent pas dépasser 3 mL·kg-1, la concentration optimale étant de 4 %.

Les incidents décrits ne concernent que ceux liés à la toxicité du produit absorbé au niveau des muqueuses (signes cardiovasculaires et cérébraux).

* Bloc du nerf infraorbitaire par voie endobuccale (dans la fosse canine) :

Il assure dans le même temps le blocage des nerfs, dentaire antérieur et infraorbitaire, et donne une anesthésie de la muqueuse dentaire et sinusienne ainsi qu’une anesthésie de l’aile narinaire.

Ce bloc est réalisé par voie orale en prenant comme repère le foramen infraorbitaire situé à l’aplomb de la pupille centrée, 8 mm sous le rebord orbitaire.

L’aiguille est introduite à l’aplomb de la canine et dirigée en haut et en dehors en regardant l’angle externe de l’oeil, en direction du foramen infraorbitaire, facilement palpable et repérable au doigt ; 3 mL du produit anesthésique sont injectés à ce niveau sans pénétrer dans le canal.

C – INDICATIONS DANS LA CHIRURGIE NASALE :

Dans la chirurgie nasale, l’anesthésie locorégionale est encore peu utilisée alors que l’anesthésie locale a fait l’objet de nombreuses publications, que ce soit en application muqueuse (cocaïne) ou encore par infiltration pour la chirurgie de la pyramide nasale.

Dans tous les cas et quel que soit le mode d’anesthésie choisi (anesthésie locale ou bloc tronculaire), les méchages de topiques vasoconstricteurs sont utilisés pour réduire le saignement.

1- Rhinoplastie :

Les blocs tronculaires sont intéressants parce qu’ils sont réalisés à distance de la zone opératoire et ne déforment pas la pyramide nasale.

Ils ont toutefois des limites représentées par la complexité de l’innervation sensitive des zones endonasales, du septum et des muqueuses.

L’infiltration anesthésique est préférée par certains chirurgiens qui trouvent un avantage au décollement des plans cutanés et une meilleure réduction du saignement, mais les ponctions multiples sont douloureuses.

2- Réduction de fracture du nez :

Diverses techniques d’anesthésie locale ont été proposées, seules ou en association, pour les réductions de fracture de nez (bloc du nerf nasal externe, topiques anesthésiques avec la cocaïne au niveau du hile sphénopalatin et du cornet supérieur pour bloquer le nerf nasal interne, infiltration endonasale transcartilagineuse).

Les blocs tronculaires sont efficaces dans tous les cas. Les techniques endonasales sont réputées plus douloureuses et la déviation septale gêne en outre souvent la mise en place des tampons au niveau du hile sphénopalatin.

3- Septoplasties :

On peut associer une application de cocaïne (1,5 mL à 4 % dans chaque narine), à une infiltration du septum et de la columelle avec la lidocaïne adrénalinée, suivie d’une infiltration sur la partie postérieure du vomer.

Cette anesthésie est efficace si le geste est limité.

4- Chirurgie endonasale (méatotomie, ethmoïdectomie) :

L’anesthésie topique (cocaïne) est le plus largement utilisée.

Elle est associée à une infiltration du septum et des cornets.

Une anesthésie tronculaire peut être effectuée, complétée par une anesthésie topique pour améliorer son efficacité et réduire le saignement.

L’analgésie n’est toutefois pas parfaite au niveau du toit de l’ethmoïde et de la paroi orbitaire.

L’anesthésie locale a l’avantage, chez un patient conscient, de permettre la détection immédiate des complications peropératoires, en particulier orbitaires.

En revanche, le saignement postérieur et les durées d’intervention supérieures à 1 heure sont source d’inconfort et représentent une limite à la pratique de l’anesthésie locale dans ce type de chirurgie.

5- Chirurgie sinusienne :

– La ponction du sinus maxillaire et les méatotomies sous contrôle endoscopique sont réalisées après bloc des branches nasales postérieures des nerfs ptérygopalatins et du nerf ethmoïdal antérieur grâce à une anesthésie locale de contact effectuée à l’aide de mèches imprégnées de lidocaïne à 5 % adrénalinée ou associée à la naphazoline.

– L’intervention de Caldwell-Luc intéresse une zone innervée par le nerf infraorbitaire.

Le bloc est réalisé le plus souvent par voie endobuccale avec infiltration des muqueuses et du périoste audessus des prémolaires et par une anesthésie de contact endonasale grâce à des mèches imbibées de lidocaïne.

– De nombreux gestes de chirurgie nasosinusienne étant pratiqués en ambulatoire, l’anesthésie locale et régionale s’avère alors d’un intérêt particulier et permet d’obtenir une analgésie périopératoire efficace, réduisant la durée de l’hospitalisation en évitant l’utilisation des morphiniques.

Anesthésie locorégionale et chirurgie cervicale et pharyngolaryngée :

A – RAPPEL ANATOMIQUE :

La chirurgie des cancers pharyngolaryngés intéresse des territoires possédant des innervations différentes : nerf mandibulaire dans les buccopharyngectomies transmaxillaires, nerf laryngé supérieur et nerf glossopharyngien dans les pharyngolaryngectomies, plexus cervical dans l’ensemble de ces chirurgies et ce, surtout si l’on réalise conjointement un curage ganglionnaire ou une reconstruction par des lambeaux myocutanés, nerf maxillaire supérieur dans les cancers envahissant la fosse infratemporale.

Le nerf maxillaire est un nerf exclusivement sensitif.

Il innerve les téguments des régions temporale moyenne et sous-orbitaire, la partie profonde des muqueuses nasales et celles tapissant les sinus et le palais, enfin les dents du maxillaire supérieur.

Issu du ganglion de Gasser, il sort du crâne par le foramen grand rond et pénètre dans l’arrière-fond de la fosse ptérygomaxillaire.

À ce niveau, il se divise en plusieurs branches :

– un rameau méningé et orbitaire pour le sinus ethmoïdal et sphénoïdal ;

– des rameaux dentaires supérieurs postérieur et moyen, innervant les molaires supérieures, et dentaires antérieurs pour le massif incisivocanin ;

– des racines ptérygopalatines qui, avec les fibres sympathiques et parasympathiques, donnent le ganglion sphénopalatin.

Ce complexe trigéminosympathique se divise en plusieurs branches : des rameaux nasaux pour les parois latérales du nez (cornet inférieur et méat moyen et inférieur), et le nerf nasopalatin pour la partie postérieure de la cloison qui gagne le palais par le canal incisif pour donner l’innervation de toute la partie antérieure de la voûte palatine ;

– les nerfs palatins, qui descendent par les canaux palatins, sortent par les trous grand palatin et innervent la partie postérieure de la voûte palatine, avec quelques rameaux pour le voile et la tonsille.

Il se termine en nerf infraorbitaire, sort par le foramen infraorbitaire pour innerver la peau de la paupière inférieure, l’aile du nez, la lèvre supérieure.

Le nerf mandibulaire, nerf mixte, issu du crâne par le foramen ovale, se divise en deux troncs antérieur sensitif et postérieur moteur.

Les branches sensitives sont :

– un rameau buccal (peau et muqueuse de la joue) ;

– le nerf auriculotemporal (partie antérieure du pavillon de l’oreille et conduit auditif, région temporale) ;

– le nerf alvéolaire inférieur qui est la plus grosse branche du tronc antérieur.

Il innerve toute la mâchoire inférieure (os, dents, gencives).

Il chemine à la face interne de la mandibule et pénètre dans le canal dentaire au niveau de l’épine de Spix.

Au niveau du trou mentonnier, il se divise en deux branches terminales : le nerf mentonnier (gencives, lèvres inférieures et menton) et le nerf incisif (incisives et canines inférieures) ;

– le nerf lingual qui se détache assez haut dès la sortie du trou ovale et innerve les deux tiers antérieurs de la langue et le plancher de la bouche.

La branche motrice assure l’innervation des muscles masticateurs, du muscle péristaphylin et du muscle du marteau.

Le nerf mandibulaire transporte les fibres du VII bis qui apportent la sensibilité gustative des deux tiers antérieurs de la langue et fournit la sensibilité proprioceptive des muscles de la mimique.

Le plexus cervical est constitué par les branches antérieures des quatre premiers nerfs cervicaux, qui se divisent en branches supérieure et inférieure pour s’unir à celles des étages adjacents et former les trois anses latérovertébrales du plexus.

Le plexus cervical se situe latéralement par rapport aux quatre premières vertèbres cervicales, entre le muscle angulaire de l’omoplate en avant, le muscle scalène moyen en arrière et le muscle sterno-cléidomastoïdien latéralement.

Chaque arc anastomotique donne des branches superficielles et profondes :

– les branches superficielles émergent au niveau du bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien : la branche auriculaire et la branche mastoïdienne innervent les téguments de la face postérieure du crâne et d’une partie de l’oreille ; la branche transverse et la branche sus-claviculaire innervent la totalité du cou et des épaules jusqu’au niveau de la deuxième côte, aussi bien ventralement que dorsalement ;

– les branches profondes innervent les structures profondes du cou et participent à la constitution du nerf phrénique.

B – ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE :

1- Bloc du nerf mandibulaire :

Il permet l’anesthésie d’un large territoire.

Ce bloc transcutané est réalisé grâce à une injection effectuée au niveau de la fossette, entre l’apophyse coronoïde et le processus condylien, à l’aide d’une aiguille de 3 cm que l’on introduit perpendiculairement en avant du condyle, juste sous l’arcade zygomatique.

Elle bute sur l’apophyse ptérygoïde puis est réorientée en haut et en arrière et poussée sur 1 cm ; on est alors sous le trou ovale, où l’on injecte 3 à 5mL de produit selon l’âge.

Le pourcentage d’échecs est plus important par voie transcutanée que par voie endobuccale.

Le risque de ponction vasculaire artérielle (artère maxillaire) est fréquent.

L’aspiration répétée permet d’en faire le diagnostic et de retirer l’aiguille si besoin est.

L’effraction vasculaire constatée n’empêche en rien la poursuite du bloc.

Des accidents graves d’amaurose transitoire ont été décrits après injection intravasculaire de produits adrénalinés ; il s’agissait dans tous les cas de blocs tronculaires réalisés au niveau de l’épine de Spix.

Enfin, des anesthésies transitoires du nerf facial par diffusion ont été décrites.

Bien que ce bloc anesthésie toute la mâchoire inférieure ainsi que les deux tiers antérieurs de la langue, si le geste est important, il est souhaitable d’avoir recours à l’anesthésie générale.

Ce bloc assure en outre une analgésie périopératoire.

Le nerf alvéolaire peut être anesthésié plus en périphérie au niveau de la face interne de la branche montante du maxillaire au niveau de l’épine de Spix.

Le bloc anesthésie toutes les dents de l’hémibandibule, la muqueuse labiale et la peau de la lèvre inférieure homolatérale.

L’épine de Spix est située à mi-hauteur de la face interne de la branche montante du maxillaire inférieur et à mi-distance de son bord antérieur et postérieur, 1 cm au-dessus du plan occlusal.

À ce niveau, le nerf alvéolaire pénètre dans l’os maxillaire, le nerf lingual s’étant individualisé juste un peu plus haut.

L’aiguille est introduite, à partir du côté opposé, au niveau de la face interne de la branche montante, a environ 1 cm au-dessus de la surface occlusale de l’arcade dentaire.

Elle longe la face interne sur 1 cm et arrive au contact de l’épine de Spix où l’on injecte 2 à 3 mL du produit.

Le nerf lingual est souvent bloqué dans le même temps par une injection sous-muqueuse.

Le pourcentage de réussite est plus important que par voie externe. Les dysesthésies linguales par lésion du nerf ont été décrites et sont de traitement difficile.

2- Bloc du plexus cervical superficiel :

Le bloc des branches superficielles du plexus entraîne une anesthésie des téguments de la zone postérieure du crâne, des parties antérieures et postérieures du cou et des épaules jusqu’à la deuxième côte, en « pèlerine ».

Le bloc des branches profondes provoque une anesthésie des structures profondes motrices dont une partie du nerf phrénique qui reçoit des rameaux de C3 et C4.

Le patient est en décubitus dorsal, tête légèrement en extension tournée du côté opposé.

On repère l’apophyse mastoïde et la limite externe de l’insertion claviculaire du muscle sterno-cléidomastoïdien.

Le point de ponction se trouve au milieu de la ligne qui unit les deux repères au niveau du bord externe du sterno-cléidomastoïdien.

Après réalisation d’un bouton intradermique, l’aiguille est introduite perpendiculairement à la peau jusqu’au contact osseux avec l’apophyse transverse de C2 ou C3.

On retire ensuite l’aiguille en l’orientant vers le haut puis vers le bas, pour réaliser une infiltration en « éventail » avec 10 mL de solution.

La dysphonie transitoire, observée dans le bloc du plexus cervical superficiel, témoigne de l’anesthésie du plexus cervical profond.

Elle est rencontrée dans la technique de blocage prenant comme repère une apophyse transverse cervicale, contrairement à d’autres qui restent beaucoup plus superficielles.

Les indications sont la chirurgie cutanée du cou et de la région postérieure du crâne.

3- Péridurale cervicale :

Le blocage du plexus cervical superficiel et du plexus brachial par péridurale cervicale donne une anesthésie en « pèlerine » de la face postérosupérieure du crâne à la ligne bimamelonnaire ; la totalité du cou et les membres supérieurs sont intéressés.

Les fibres sympathiques postganglionnaires naissent de D1 à D5 et se distribuent au coeur.

Le nerf phrénique, naissant de C3 à C5, bien que myélinisé, peut être anesthésié.

Au cours de l’anesthésie péridurale cervicale, la diffusion de l’anesthésique local à partir des trous de conjugaison peut expliquer une extension vers les paires crâniennes.

L’espace péridural cervical est un espace clos relativement exigu.

La dure-mère est fixée au niveau du trou occipital.

Du fait du renflement cervical de la moelle, sa dimension maximale est située au niveau de C7-D1, niveau choisi habituellement pour la ponction.

La préparation des patients comporte un remplissage vasculaire systématique.

La surveillance hémodynamique est essentielle.

Le patient est installé en position assise, tête fléchie, ou en décubitus latéral.

La ponction est réalisée, après anesthésie locale de la peau et du ligament interépineux, par voie médiane interépineuse au niveau de C7-D1 ou C6-C7 à l’aide d’une aiguille de Tuohy 18 G.

L’espace péridural est recherché par la technique de la goutte pendante qui fuit dans le mandrin de l’aiguille dès que l’on pénètre dans l’espace péridural où il existe une pression négative. Un cathéter 18 G est introduit.

Sa partie proximale atteint les racines C3-C4, ce qui correspond à la graduation 4 du cathéter à la peau.

La partie extérieure est reliée à un filtre antibactérien par lequel sont faites les réinjections. Une dose test de lidocaïne à 1 % adrénalinée permet de détecter une éventuelle effraction vasculaire ou une brèche dure-mérienne.

Le patient est couché en position de Trendelenburg à 20°.

La totalité du mélange anesthésique est injectée de façon à réaliser un bloc très sélectif ne dépassant pas les racines dorsales.

Le produit reste localisé au secteur cervical sans diffusion caudale.

L’agent anesthésique se fixe en une dizaine de minutes. Les produits injectés sont un mélange comportant pour moitié de la lidocaïne à 1 % et de la bupivacaïne à 0,5 % adrénalinée, auquel est ajouté un morphinique (fentanyl, sufentanil).

La quantité injectée est de 1,2 mL par métamère à bloquer, ce qui correspond à environ 12 à 14 mL.

Les réinjections se font dès la levée de l’anesthésie, toutes les 90 minutes environ, avec de la bupivacaïne et à demi-dose.

Une fois installée, la péridurale est complétée par une anesthésie générale de confort.

L’analgésie postopératoire est maintenue pendant plusieurs jours au travers du cathéter et à l’aide de morphiniques administrés sur un mode continu ou le plus souvent sous la forme d’une analgésie autocontrôlée par le patient.

L’anesthésie péridurale est peu utilisée en France, en raison de sa technicité et de ses repercussions éventuelles.

Cependant, les modifications ventilatoires et hémodynamiques sont modérées et dépendent de l’extension du bloc vers le secteur thoracique.

L’anesthésie des premiers espaces dorsaux induit peu de vasodilatation.

En revanche, le bloc sympathique cardiaque induit une bradycardie le plus souvent bien tolérée, une réduction de la contractilité cardiaque.

La tension artérielle reste normale ou modérément réduite.

Le bloc sympathique réduit l’ischémie myocardique. Cet effet de type bêtabloquant demande une vigilance accrue en cas d’hypovolémie, la tachycardie réflexe n’apparaissant plus.

La vasodilatation périphérique constatée dans le territoire anesthésié peut être considérée comme bénéfique dans la chirurgie des lambeaux, et chaque fois que la vitalité tissulaire est menacée.

C – INDICATIONS :

Toute la chirurgie carcinologique peut bénéficier d’une anesthésie locorégionale.

Elle peut permettre, dans certaines conditions, une anesthésie suffisante pour réaliser le geste chirurgical et de toute façon engendrer une analgésie périopératoire efficace.

– Les buccopharyngectomies transmaxillaires, associées aux reconstructions par lambeaux myocutanés pédiculés ou libres, peuvent être réalisées sous péridurale cervicale associée à un bloc de nerf mandibulaire.

L’anesthésie générale de complément avec intubation et ventilation assistée est obligatoire.

L’analgésie per- et postopératoire est assurée par voie locorégionale.

– Les laryngectomies totales, partielles et reconstructives sont réalisées sous anesthésie générale ; la péridurale cervicale ou les blocs cervicaux ne sont indiqués que si le geste s’accompagne d’un curage ganglionnaire radical.

– Les curages celluloganglionnaires radicaux et les reconstructions par lambeaux représentent les meilleures indications de l’anesthésie locorégionale cervicale.

La péridurale est de réalisation plus facile ; les cathéters permettent des réinjections en s’aidant au besoin de pompes d’analgésie autocontrôlée.

– Les thyroïdectomies et parathyroïdectomies peuvent également être réalisées sous anesthésie locorégionale : blocs cervicaux bilatéraux ou péridurale cervicale.

L’association à une sédation légère et l’apport d’oxygène permettent au patient de tolérer la position peropératoire inconfortable, en particulier l’hyperextension de la tête.

– Les exérèses tumorales de la fosse infratemporale peuvent bénéficier d’un bloc analgésique du nerf maxillaire supérieur.

Il est réalisé le plus souvent en préopératoire et peut être réitéré en postopératoire, en s’aidant au besoin de cathéter de réinjection fixé à la peau.

Anesthésie locale et endoscopie :

Les voies aériennes digestives sont facilement anesthésiées par pulvérisation locale de lidocaïne à 5 %.

Cette anesthésie de contact est le plus souvent suffisante pour les endoscopies réalisées au tube souple.

Si un geste thérapeutique doit y être associé, un blocage complémentaire accompagné d’une sédation, voire d’une anesthésie générale, sont nécessaires.

A – RAPPEL ANATOMIQUE :

L’innervation sensitive du larynx est assurée par le rameau supérieur du nerf laryngé supérieur, branche du nerf pneumogastrique.

Ce nerf oblique en bas et en dedans et traverse la membrane thyrohyoïdienne à mi-distance entre l’os hyoïde et le bord externe du cartilage thyroïde.

Elle donne des rameaux pour la base de la langue, la région sous-glottique, la corde vocale et l’hypopharynx.

B – TECHNIQUE D’ANESTHÉSIE LOCALE :

Le bloc du nerf laryngé supérieur est réalisé chez un patient en décubitus, la tête en hyperextension ; on repère avec l’index et le médius la grande corne de l’os hyoïde et le bord supérieur du catilage thyroïde.

L’aiguille est introduite latéralement à mi-distance de ces deux points de repère, et dirigée selon un angle de 30° par rapport au plan cutané vers la ligne médiane.

Le contact avec la membrane thyrohyoïdienne donne une sensation de rénitence et peut déclencher une paresthésie irradiant vers l’oreille.

On injecte à ce niveau 5 mL d’anesthésiques locaux, dont on facilite la pénétration par un massage doux.

D’autres techniques ont été proposées, comme celle empruntant un trajet partant de la corne de l’os hyoïde et rejoignant la ligne médiane dans une direction plus verticale que la précédente.

Le bloc du nerf trachéal permet une anesthésie directe du larynx et de la trachée après introduction de l’aiguille dirigée vers le haut, au niveau de la membrane cricohyoïdienne sur la ligne médiane.

L’injection de 2 mL d’anesthésique local engendre un réflexe de toux et procure une anesthésie des cordes vocales.

C – INDICATIONS :

Le bloc laryngé et le bloc trachéal réalisent une anesthésie locale très efficace.

Néanmoins, lors d’une laryngoscopie directe en suspension, pour des raisons de confort chirurgical et du fait de l’hyperextension de la tête, une anesthésie générale est le plus souvent associée.

Le bloc du nerf laryngé procure une anesthésie et un maintien en abduction des cordes vocales, facilitant les gestes chirurgicaux ou l’utilisation du laser sur le larynx.

Cependant, une surveillance postopératoire attentive s’impose en raison du risque de fausses routes.

Anesthésie locale et amygdalectomie :

L’amygdalectomie est toujours pratiquée chez l’enfant, sous anesthésie générale, le plus souvent avec intubation nasotrachéale.

Les suites opératoires sont souvent très douloureuses.

Cette douleur est liée à trois facteurs :

– le traumatisme chirurgical, mais l’influence de la technique, dissection ou sludder, n’a jamais été démontrée ;

– la myosite inflammatoire responsable d’une contracture réflexe des muscles pharyngés déclenchant une douleur paroxystique lors de la déglutition ;

– l’infection.

A – RAPPEL ANATOMIQUE :

L’innervation de la loge amygdalienne est sous la dépendance du plexus pharyngé d’Andersch, rameaux du nerf glossopharyngien, longeant la partie postérieure du muscle stylopharyngien.

B – TECHNIQUES D’ANESTHÉSIE LOCALE :

Une anesthésie de contact a été proposée pour assurer l’analgésie après amygdalectomie.

La technique consiste à disperser, en fin d’intervention, sur la muqueuse au niveau de la base d’implantation des amygdales, une solution anesthésique.

L’injection expose à un accident de surdosage car l’absorption au niveau des muqueuses est importante, à une paralysie glottique et à des troubles de la déglutition par atteinte du pharynx et du larynx.

La technique que nous utilisons consiste à bloquer ces rameaux au début de l’intervention, par l’injection d’un anesthésique local en trois points situés respectivement : le premier au niveau du pilier postérieur, le second au niveau de la partie moyenne du pilier antérieur ; le troisième au niveau inférieur du pilier antérieur.

Un demi à 1 mL de bupivacaïne à 0,125 % ou à 0,25 % adrénalinée est injecté au niveau de chaque point et de chaque côté, soit un total de 3 à 6 mL sans dépasser la dose de 2 mg·kg-1.

Ces injections contribuent à la dissection des loges amygdaliennes.

Leur éventuel effet sur l’importance du saignement peropératoire et sur la survenue d’accidents hémorragiques tardifs n’a toutefois pas été établi.

Le bloc des rameaux d’Andersch permet d’anesthésier les loges amygdaliennes sans induire de troubles de la déglutition.

Cette technique, facile à réaliser et fiable, induit une analgésie postopératoire de 6 heures en moyenne.

Anesthésie et chirurgie des glandes salivaires :

A – RAPPEL ANATOMIQUE :

L’innervation des glandes salivaires et notamment de la parotide dépend du nerf auriculotemporal, branche du V3.

La voie d’abord chirurgicale emprunte le territoire innervé par la racine C3 du plexus cervical.

B – TECHNIQUE :

La technique d’anesthésie locale associe un bloc du nerf mandibulaire par voie transcutanée au niveau de la fossette sigmoïde et un bloc de la racine C3 unilatérale.

C – INDICATIONS :

Elles sont essentiellement représentées par la chirurgie parotidienne.

La pratique de cette chirurgie est en réalité assez difficile sous anesthésie locale seule, la qualité de l’anesthésie au niveau des plans profonds n’étant pas parfaite et la position du patient étant inconfortable.

Chirurgie cutanée plastique et oncodermatologie :

L’anesthésie locale de la face par infiltration et par voie transcutanée permet l’excision des lésions cutanées (nævus, fibrochondromes, matrixopilome…) et la réparation des plaies de la face peu étendues.

Lorsque la lésion est plus importante, ce devient une indication d’un bloc de conduction en fonction du territoire concerné : bloc du nerf infraorbitaire, du nerf frontal ou du nerf mentonnier.

La chirurgie oncodermatologique intéresse parfois des zones étendues nécessitant de réaliser des lambeaux de recouvrement.

Les blocs tronculaires sont particulièrement indiqués dès que le territoire est important.

A – RAPPEL ANATOMIQUE :

Le front est innervé par le nerf frontal, branche du nerf ophtalmique de Willis, qui se divise en deux rameaux, supraorbitaire et supratrochléaire, innervant la partie externe et interne de chaque hémifront.

L’anatomie du nerf infraorbitaire a été décrite précédemment.

Le nerf mentonnier, branche terminale du nerf mandibulaire, innerve la lèvre inférieure, la muqueuse gingivale et la peau du menton.

Il émerge au niveau de la face par le foramen du même nom accompagné de l’autre branche terminale du nerf dentaire inférieur, le nerf incisif, qui donne des rameaux à la canine et aux deux incisives.

B – TECHNIQUES ET INDICATIONS :

1- Chirurgie du front :

* Bloc du nerf supraorbitaire :

Le bloc du nerf supraorbitaire est réalisé au niveau du foramen supraorbitaire facilement repérable au doigt juste au-dessus de la pupille.

L’aiguille est introduite 0,5 cm au-dessous du sourci1 et poussée en regard de l’orifice, sans le pénétrer ; 1 ou 2 mL de solution anesthésique sont injectés.

* Bloc du nerf supratrochléaire :

Le bloc du nerf supratrochléaire est réalisé au niveau de l’angle formé par le bord supérieur de l’orbite et l’os nasal. L’aiguille est introduite au niveau de la bissectrice de cet angle.

On dépose 1 ou 2 mL au contact de l’os. Au total, 4 à 8mL de solution répartis en quatre points donnent une anesthésie totale du front jusqu’à la suture coronale antérieure.

La diffusion de la solution anesthésique vers le muscle releveur de la paupière supérieure peut induire une parésie transitoire.

2- Chirurgie des lèvres supérieures et de la région sous-orbitaire et du menton :

Cette chirurgie demande la réalisation d’un bloc du nerf infraorbitaire.

3- Chirurgie des lèvres inférieures et du menton :

Le bloc du nerf mentonnier peut être réalisé par voie endobuccale ou transcutanée au contact du foramen mentonnier situé à l’aplomb des autres foramens.

Le point de ponction se situe sous l’insertion de la prémolaire. L’aiguille est dirigée en bas et en dehors et enfoncée de 2 mm, l’injection de 0,5 à 1 mL suffit à bloquer ce nerf.

Ces blocs sensitifs sont des techniques simples et fiables.

Les seuls incidents décrits sont des dysesthésies dans les territoires correspondants : on peut les éviter en utilisant des aiguilles à biseau court et en n’injectant pas en intracanalaire.

4- Chirurgie du nez :

Les téguments et l’os nasal sont innervés en majeure partie par le nerf nasociliaire, branche terminale du nerf ophtalmique.

Ce bloc est réalisé par voie intraorbitaire ; l’aiguille emprunte la voie conduisant au nerf optique situé chez l’adulte à 4 cm de profondeur par rapport à la peau.

Ce bloc ne doit pas être utilisé chez l’enfant.

Dans des lésions limitées de la pointe du nez, une anesthésie de la branche nasolobaire est réalisée avec une aiguille sous-cutanée qui pénètre latéralement de 1 à 3mm au niveau de la jonction cartilage-os, lieu de l’injection de 0,5 mL de solution anesthésique.

La presque totalité de la chirurgie tégumentaire de la face peut être réalisée en anesthésiant quatre nerfs : frontal, supratrochléaire, infraorbitaire et mentonnier.

Pour les plaies du front, un bloc uniou bilatéral des rameaux supraorbitaire et supratrochléaire du nerf frontal est le plus souvent suffisant.

Le bloc du nerf infraorbitaire, réalisé de préférence par voie endobuccale, permet dans le même temps d’anesthésier les rameaux dentaires antérieurs, voire moyens, et donner ainsi une anesthésie complète du bloc incisivocanin.

La lèvre inférieure est innervée par le nerf mentonnier.

Le bloc, à ce niveau, donne une anesthésie de la peau et des muqueuses, du menton et de la lèvre inférieure.

Les téguments et l’os nasal sont innervés en majeure partie par le nerf nasal.

Le bloc de ce nerf est intéressant dans la réparation des plaies de nez et dans la chirurgie de certaines lésions de la pointe.

Une anesthésie de la branche nasolobaire peut être réalisée à l’aide d’une aiguille sous-cutanée introduite latéralement de 2 à 3mm au niveau de la jonction cartilage-os.

Les plaies du scalp peuvent être traitées après anesthésie tronculaire intéressant les nerfs supraorbitaire et supratrochléaire et les rameaux C2-C3 postérieurs associés au nerf auriculotemporal.

Une anesthésie par infiltration en « couronne » a été proposée pour traiter les lésions de la totalité du scalp.

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