Manifestations psychiatriques des affections neurodégénératives : approche clinique et thérapeutique

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Introduction :

Les manifestations psychiatriques des affections neurodégénératives connaissent un regain d’intérêt majeur actuellement.

Par leurs conséquences en termes d’ altération de la qualité de vie et du pronostic , par leur dimension comportementale, relationnelle, elles constituent l’un des enjeux majeurs de la prise en charge des patients.

Symptômes isolés, syndromes cliniques à l’origine de modifications comportementales ou de la personnalité, elles suscitent de nombreux travaux , tant sur le plan de la recherche des mécanismes physiopathologiques qui les soustendent que sur le plan de l’ évaluation clinique.

En effet, les contraintes méthodologiques des études épidémiologiques, la perspective d’ essais cliniques, en particulier dans les démences de type Alzheimer, ont particulièrement stimulé la réflexion dans le champ de la psychopathologie quantitative.

Manifestations psychiatriques des affections neurodégénératives : approche clinique et thérapeutiqueProgressivement, les échelles de psychopathologie générale ont donc été validées chez le sujet âgé et/ou cérébrolésé, et des outils spécifiques ont pu être développés et proposés.

Ces outils sont ainsi caractérisés par leur spécificité, selon qu’ils évaluent une ou plusieurs dimensions cliniques (troubles cognitifs, dépression, troubles du comportement…), et par leurs conditions d’ utilisation ou de validation initiale (outils développés et/ou validés pour une utilisation dans les pathologies démentielles, ou dans d’ autres pathologies neurodégénératives…).

Nous aborderons successivement les manifestations psychiatriques des démences dégénératives, puis celles des autres affections neurodégénératives, dans leurs aspects cliniques et leurs implications thérapeutiques.

Manifestations psychiatriques des démences dégénératives :

A – CONCEPT DE « SYMPTÔMES COMPORTEMENTAUX ET PSYCHOLOGIQUES DES DÉMENCES (SCPD) » : DÉFINITION

Les manifestations non cognitives, affectives et comportementales, font partie intégrante du tableau clinique des pathologies démentielles.

Initialement peu étudiées et délaissées au profit des manifestations purement cognitives dont l’un des enjeux principaux est le dépistage précoce et le diagnostic positif , elles connaissent depuis peu de temps un regain d’intérêt tout à fait justifié.

Plus que les symptômes cognitifs, ces symptômes affectifs et comportementaux sont en effet en grande partie responsables de l’épuisement des soignants et des proches, se révèlent des déterminants importants de l’entrée en institution et sont à l’origine de demandes de soins et de coûts de prise en charge accrus.

Le terme de SCPD (behavioral and psychological symptoms of dementia) a été proposé par une conférence de consensus organisée sous l’égide de l’IPA ( International Psychogeriatric Association ), pour décrire l’ ensemble de ces manifestations non cognitives des démences.

Ce terme recouvre les anomalies perceptives, les troubles du contenu de la pensée, les troubles du comportement et de l’humeur qui apparaissent fréquemment dans le cours d’ évolution des pathologies démentielles.

Les symptômes comportementaux recouvrent l’ensemble des symptômes identifiés par observation directe du patient (agitation, cris, déambulations…), les symptômes psychologiques sont quant à eux mis en évidence par l’ interview du patient ou éventuellement de ses proches (dépression, anxiété, hallucinations…).

B – CLINIQUES DES BPSD :

1- Symptômes comportementaux :

* Déambulations (« wandering ») :

Les comportements de déambulations (wandering) sont parmi les plus fréquents et les plus difficiles à contrôler par les proches.

Ces comportements sont de plusieurs types : déambulations et déplacements sans but ou pour une raison inappropriée, activité motrice excessive, déambulations nocturnes, tentatives de quitter le domicile ou le lieu de vie, avec fugues et risque de se perdre, activités ménagères répétitives et inappropriées, questions incessantes aux soignants, déplacements en compagnie des soignants, à la recherche d’un contact permanent.

* Agitation :

Elle est définie comme une activité verbale ou motrice inappropriée qui peut être classée en quatre sous-groupes :

– agitation physique sans comportement d’hétéroagressivité : comportements répétitifs, déplacements incessants, manipulation d’objets sans but, avec comportement de collectionnisme, comportements d’ habillage ou de déshabillage inappropriés… ;

– comportements d’agressivité physique, sous forme de coups, bousculades, morsures, agrippements… ;

– comportements verbaux non agressifs : plaintes multiples et gémissements, recherche constante de l’attention du soignant, discours inadéquat, répétitif, stéréotypé, interrompant les interlocuteurs de manière inadéquate… ;

– comportements verbaux agressifs, à type de cris, jurons, grossièretés, colère, bruits inhabituels ou incongrus.

Il semble que la fréquence d’ apparition des troubles du comportement à type d’agitation avec hétéroagressivité soit corrélée à la sévérité du déficit cognitif et soit ainsi plus fréquente dans les stades avancés de la maladie, ainsi qu’en présence d’idées délirantes.

L’agitation constitue en outre un facteur de risque de chutes chez les personnes âgées institutionnalisées.

* Réactions de catastrophe et labilité émotionnelle :

Elles sont également classées parmi les troubles du comportement.

Les réactions de catastrophe sont caractérisées par une réponse émotionnelle soudaine, excessive, congruente ou non au contexte émotionnel.

Décrites initialement dans le cadre de lésions, en particulier hémisphériques droites, elle peuvent être déclenchées par des situations d’échec (évaluation neuropsychologique, actes de la vie quotidienne…), elles peuvent se manifester par des comportements agressifs (colère, éclats verbaux, agitation) ou des comportements de retrait, expression d’affects dépressifs.

Les réactions de labilité émotionnelle sont constituées par des changements brutaux, imprévisibles, de l’expression des émotions, à type de désespoir, humeur dépressive , anxiété ou, à l’inverse, euphorie , rage, agressivité.

Les réactions de catastrophe semblent associées à un niveau de déficits cognitifs sévère, à un âge plus avancé, et être dépendantes des traits de personnalité préexistants, quand les réactions de labilité émotionnelle semblent moins sensibles aux facteurs environnementaux et à la sévérité des troubles cognitifs.

* Autres symptômes comportementaux :

Parmi les autres troubles du comportement, on citera les troubles du comportement alimentaire (hyperphagie, polyuro-polydypsie), les troubles du comportement sexuel à type de perte d’intérêt, ou parfois de déshinibition, d’hyperactivité.

Les troubles sphinctériens, fréquents en l’absence de toute autre étiologie organique, peuvent parfois s’inscrire dans un contexte relationnel d’opposition ou d’utilisation de l’entourage.

Ils constituent un facteur de risque majeur d’entrée en institution.

Les troubles du rythme veille- sommeil sont également fréquents.

Ils peuvent se manifester par une aggravation vespérale des symptômes, associés à des troubles du sommeil.

Regroupés sous le terme de « syndrome du coucher du soleil » (sundowning syndrome), le diagnostic différentiel avec un authentique état confusionnel aigu peut s’avérer difficile.

L’apathie se définit comme une perte d’initiative , de motivation, avec diminution des interactions sociales et de l’expression spontanée.

Bien qu’elle constitue l’une des dimensions de la symptomatologie dépressive, elle s’en distingue par l’absence d’autres symptômes cardinaux tels que la douleur morale, les idées dépressives, les troubles du sommeil et du comportement alimentaire….

Elle est fréquente dans le cours d’évolution des démences de type Alzheimer et a été décrite comme associée à un hypométabolisme cingulaire droit.

2- Symptômes psychologiques :

* Manifestations délirantes :

Parmi les symptômes psychologiques, les manifestations délirantes sont parmi les plus fréquentes, elles prennent la forme d’idées de vol, d’ abandon, d’ infidélité.

La présence d’idées délirantes constitue probablement un facteur de risque d’autres troubles du comportement, en particulier les comportements d’hétéroagressivité avec agressivité physique.

* Hallucinations :

Les hallucinations visuelles et auditives surviennent également fréquemment au cours de l’évolution des démences, en particulier au cours de stades d’évolution modérée à moyenne.

La présence d’hallucinations visuelles est par ailleurs fortement évocatrice des démences à corps de Lewy (SDLT).

* Anomalies perceptives (« misperceptions ») :

Ce sont des constructions délirantes qui prennent support sur un stimulus sensoriel.

À ce titre, les anomalies perceptives les plus fréquentes sont la certitude de la présence d’une personne étrangère au domicile (délire du compagnon imaginaire), la perte de la capacité à se reconnaître, en particulier en prenant sa propre image dans le miroir pour l’image d’une autre personne.

Les erreurs d’identification concernent également des personnes proches ou peuvent prendre la forme d’une conviction que les événements relatés à la télévision sont réels.

Ces anomalies perceptives peuvent être le support d’authentiques activités délirantes.

Le syndrome de Capgras se caractérise ainsi par la conviction que des personnes, et en particulier les proches, sont remplacées par des sosies vécus comme des imposteurs.

Le syndrome de Fregoli se manifeste par la conviction que certaines des caractéristiques psychologiques des personnes proches transmigrent d’un individu à un autre, alors que dans les intermétamorphoses, cette migration des caractéristiques personnelles concerne plutôt l’apparence physique.

Ce type de symptomatologie serait retrouvé dans près de 10 % des cas de maladies d’Alzheimer, à un stade d’évolution avancé.

La frontière entre anomalies perceptives et hallucinations est parfois difficile à faire, de même qu’avec les paramnésies reduplicatives au cours desquelles le patient a des remémorations désynchronisées, évoquant des souvenirs de nombreuses années en arrière, des séquences mnésiques très anciennes se succédant à des séquences mnésiques plus récentes, sans aucun lien de temporalité logique entre elles.

* Troubles de l’humeur :

La dépression est fréquemment associée aux pathologies démentielles.

La symptomatologie dépressive, quand elle apparaît dans le cours de l’évolution d’une pathologie démentielle, prend la forme d’une dépression de l’humeur isolée ou d’un tableau dysthymique plus fréquemment que d’un tableau d’épisode dépressif majeur constitué.

La survenue d’éléments dépressifs semble être significativement associée à l’existence d’antécédents familiaux de troubles de l’humeur, elle semble être plus fréquente dans des formes de démence de type Alzheimer à début précoce.

L’intensité de la symptomatologie dépressive ne semble en revanche pas corrélée avec la sévérité des troubles cognitifs, mais plutôt avec l’intensité de la perte d’autonomie fonctionnelle.

Compte tenu de l’existence de symptômes communs aux pathologies démentielles et dépressives, la phénoménologie de la dépression dans la démence est assez hétérogène.

Il semble que les symptômes de perte de l’estime de soi, d’humeur déprimée, d’anxiété physique et psychique, des idées de dévalorisation, de perte d’intérêts soient plus spécifiques de la symptomatologie dépressive quand elle survient dans la démence.

Les modifications psychomotrices, en particulier l’agitation, seraient plus évocatrices des dépressions survenant dans des stades modérés à sévères de démence.

L’apathie, avec perte d’initiative et atteintes des fonctions exécutives frontales, peut également survenir au cours de l’évolution des démences de type Alzheimer, en présence ou non d’autres symptômes dépressifs.

Enfin il convient de rappeller que la dépression peut précéder l’apparition de la symptomatologie démentielle, posant la question de la valeur de la dépression comme facteur de risque d’apparition d’une démence ou d’un stade précoce, prodrome de la pathologie démentielle, en particulier quand il s’agit de dépression d’apparition tardive (premier épisode après 65 ans).

* Anxiété :

L’anxiété est également fréquente dans le cours de l’évolution des pathologies démentielles.

Elle semble apparaître de manière tout à fait indépendante de la sévérité de l’atteinte cognitive, mais plus vraisemblablement dépendante de la coexistence de symptômes dépressifs, de symptômes psychotiques.

Les symptômes anxieux semblent également plus fréquents chez les patients qui ont conservé un haut niveau d’interaction avec leurs proches.

Cette anxiété peut prendre la forme de tableaux proches d’authentiques attaques de panique, ou plus fréquemment la forme de l’expression de craintes par rapport à des événements habituellement peu stressants.

Dans ses formes caricaturales, l’anxiété peut prendre la forme de questions stéréotypées relatives à des événements à venir (syndrome de Godot), ou elle peut prendre la forme de manifestations phobiques : crainte d’être abandonné, crainte du noir, des voyages, du bain…

C – DÉMENCES FRONTOTEMPORALES ET DÉMENCES À CORPS DE LEWY :

Elles constituent un cas particulier.

1- Dégénérescences frontotemporales :

Les dégénérescences frontotemporales (fronto temporal lobar degeneration : FTLD) constituent une entité assez hétérogène qui regroupe :

– les démences frontotemporales (fronto temporal dementia : FTD), dont la maladie de Pick constitue l’une des formes particulières, et qui peuvent être associées à une maladie du motoneurone (FTD-SLA) ;

– les aphasies progressives (non fluent progressive aphasia : PA) ;

– les démences sémantiques (semantic dementia : SD). Ces affections ont en commun d’être la conséquence d’une atteinte dégénérative des lobes frontaux et des parties antérieures des lobes temporaux, et partagent une symptomatologie qui comporte d’une part une atteinte des fonctions neuropsychologiques exécutives frontales (attention, planification, abstraction, résolution de problèmes) avec relatif maintien des fonctions mnésiques et visuospatiales, et d’autre part des troubles du comportement, de la motivation, de l’expression des émotions, pouvant faire évoquer d’emblée une affection psychiatrique.

La symptomatologie « psychiatrique » fait ici partie intégrante du tableau clinique.

Font ainsi partie des critères diagnostiques des démences frontotemporales, la négligence physique, la perte du contrôle des relations sociales avec désinhibition, rigidité mentale, modifications du comportement alimentaire associées à une hyperoralité, conduites d’imitations, d’utilisations, stéréotypies.

Sur le plan affectif, indifférence, dépression, anxiété, amimie sont également fréquentes et peuvent parfois faire discuter le diagnostic différentiel d’épisode dépressif.

Sur le plan phénoménologique, les démences frontotemporales se distinguent des démences de type Alzheimer par des scores plus élevés aux items évaluant les symptômes comportementaux de type apathie, désinhibition, euphorie, stéréotypies motrices.

2- Démences à corps de Lewy :

La démence à corps de Lewy (senile dementia of Lewy Bosly type [SDLT]) est une entité clinique maintenant bien documentée, qui représente l’un des types de démences dégénératives les plus fréquents après la maladie d’Alzheimer dont elle se distingue par des caractéristiques cliniques et neuropathologiques qui lui sont propres.

Ses critères de diagnostic clinique comprennent, outre la présence de troubles cognitifs évocateurs d’un syndrome démentiel, l’existence d’une symptomatologie extrapyramidale ou, à tout le moins, d’une sensibilité aux effets extrapyramidaux des neuroleptiques, ainsi que l’association fréquente à des chutes, à des fluctuations de la vigilance et à des manifestations psychiatriques à type d’hallucinations visuelles et de manifestations délirantes.

Tout comme dans les dégénérescences frontotemporales, les symptômes psychiatriques qui émaillent le cours d’évolution de la maladie font partie intégrante des critères diagnostiques.

Elles sont très évocatrices du diagnostic quand elles sont fréquentes dès le début de la maladie, dès l’apparition des troubles cognitifs.

Elles nécessitent des mesures thérapeutiques spécifiques qui se doivent d’éviter le recours aux neuroleptiques classiques auxquels sont préférés les nouveaux neuroleptiques atypiques, et se révèlent apparemment sensibles aux traitements par les inhibiteurs de l’acétylcholine-estérase.

D – FRÉQUENCE ET HISTOIRE NATURELLE DES SCPD :

Les troubles comportementaux et psychologiques sont présents dans probablement 30 à 40 % des pathologies démentielles, en particulier dans les démences de type Alzheimer.

Un âge précoce d’apparition de la pathologie démentielle (en particulier de type Alzheimer) exposerait à un plus grand risque de survenue de symptômes du registre dépressif et des registres comportementaux.

Il semble en outre qu’un certain nombre de manifestations comportementales et psychologiques puissent précéder de plusieurs mois le diagnostic de démence.

C’est le cas pour les manifestations dépressives bien sûr, mais aussi de certains symptômes, comme le retrait social, l’anxiété, les éléments paranoïdes, les modifications du rythme veille-sommeil.

Depuis la méta-analyse de Wrag en 1989, de plus récentes études prospectives utilisant des outils d’évaluation spécifiquement créés pour la quantification des symptômes psychologiques et comportementaux des démences ont mis en évidence des taux de prévalence et de récurrence très élevés.

Pour Marin, ce sont 90 % des patients étudiés qui présentaient des troubles du comportement modérés à moyens au début de la période d’observation, quand 40 % des patients avaient au moins un type de trouble du comportement ou psychologique évalué comme modéré à sévère.

Sur une durée de 5 ans, la sévérité des troubles non cognitifs n’évoluait pas de manière très significative et semblait peu corrélée avec l’aggravation des déficits neuropsychologiques.

Pour Levy, les manifestations psychotiques semblaient associées à un déclin cognitif plus rapide, alors que les troubles du comportement étaient associés à un déclin fonctionnel plus important.

Parmi les symptômes comportementaux et psychologiques les plus persistants dans le cours de l’évolution de la maladie, il semble que les troubles du comportement, en particulier l’agitation, la déambulation, sont parmi les symptômes les plus récurrents, alors que les symptômes psychotiques délirants, les hallucinations, les anomalies perceptives, semblent plus épisodiques.

L’agressivité physique et verbale semble être plus fréquente et plus sévère dans les stades ultimes de la maladie.

En dehors de cette approche diachronique, l’analyse dimensionnelle permet de mettre en évidence un certain nombre de corrélations entre symptômes.

Pour Ott, les troubles comportementaux et psychologiques des démences recouvrent six dimensions majeures : troubles des conduites sociales, désorientation, apathie, symptômes végétatifs, amnésie, agitation, retrait social, labilité émotionnelle.

Pour Hope, les différentes dimensions des troubles comportementaux et psychologiques seraient les suivants : hyperactivité, comportements agressifs, manifestations neurologiques, troubles psychotiques.

De ces résultats, on peut proposer différents types de classification de ces troubles comportementaux et psychologiques, d’une part en fonction du type de symptôme en lui-même, d’autre part en fonction de leurs fréquence et impact, enfin en fonction de leurs circonstances d’apparition.

E – APPROCHE THÉRAPEUTIQUE DES SCPD :

Le traitement des symptômes SCPD repose sur des mesures non pharmacologiques et pharmacologiques.

Avant toute mise en place d’un projet de traitement, il convient de s’assurer de l’absence de (ou de corriger) toute pathologie somatique décompensée.

1- Mesures non pharmacologiques :

* Environnement physique :

Le cadre spatial doit être pris en considération, en particulier dans les résidences et structures de long séjour. Un espace suffisant pour respecter les déambulations des patients doit ainsi être ménagé, tout en préservant leur sécurité.

Le recours à des mesures de contention peut parfois s’avérer nécessaire, elles doivent se limiter à des systèmes de portes à ouverture digitale, des systèmes d’alarme de fugue…

Sur le plan de l’environnement temporel, les rythmes de vie de l’institution se doivent d’être au plus près des rythmes physiologiques, en évitant des heures de repas et de coucher précoces et en maintenant des plages d’exposition à la lumière les plus prolongées possibles, bien que l’utilisation de la luminothérapie se soit révélée de peu d’efficacité sur les troubles du comportement.

Le milieu familial ou institutionnel se doit par ailleurs d’être ni trop ni trop peu stimulant sur le plan sensoriel et sur le plan des activités de la vie quotidienne.

Les activités d’animation en milieu institutionnel visent ainsi moins la performance dans la réalisation ou dans la récupération d’une fonction perdue, que la recherche d’un niveau de stimulation adapté au maintien des performances résiduelles du patient, en maintenant ou en stimulant les capacités d’interaction sociale, en valorisant la remémoration d’activités à tonalité émotionnelle positive, agréable.

* Intervention comportementale :

Les stratégies d’approche comportementale reposent sur l’identification de symptômes cibles dont on recherche à définir l’horaire, l’intensité, les circonstances d’apparition, et pour lesquels sont planifiées des mesures correctrices.

En présence de troubles du comportement, d’agitation, d’agressivité, il conviendra de protéger le patient des circonstances déclenchantes récurrentes, de le maintenir dans un environnement calme, rassurant, de le réassurer verbalement en évitant l’argumentation, et le recours aux rationalisations.

En cas de déambulation, il conviendra de limiter le risque de fugues, de chutes, par le maintien du patient dans un environnement adapté sur le plan environnemental.

La stimulation, la rythmicité du temps de l’occupation pourront parfois limiter les comportements de déambulation.

Parfois ces déambulations ne pourront jamais être totalement contrôlées et devront être respectées.

La contrainte physique sera évitée, elle est souvent un facteur d’aggravation des troubles.

Ces mesures, simples, méritent d’être expliquées au personnel d’institutions ou aux familles, et peuvent justifier la mise en place de programmes de formation et d’information à l’attention des soignants.

* Interventions psychologiques :

Les patients, à des stades précoces de la maladie, peuvent bénéficier d’un soutien psychothérapeutique.

En plus des stratégies d’entraînement à la mémorisation, d’aide à la réorientation, ce travail vise à soutenir et relancer la pensée, le thérapeute assumant une fonction de « Moi » auxiliaire, et à restituer à partir des affects exprimés par le patient, des éléments de son histoire.

Le soutien narcissique et l’aide au maintien des capacités relationnelles en constituent deux autres aspects.

L’approche psychothérapeutique pourra aussi consister dans le soutien familial.

2- Mesures pharmacologiques :

Elles sont nécessaires lorsque les mesures environnementales et psychothérapiques s’avèrent, à elles seules, insuffisantes.

Elles font appel aux diverses classes de médicaments psychotropes dont la prescription doit tenir compte des paramètres pharmacocinétiques et pharmacodynamiques propres à l’âge avancé.

Il sera ainsi tenu compte :

– de l’existence d’un déficit nutritionnel et d’une éventuelle hypoalbuminémie conséquente ;

– des modifications des fonctions rénales et hépatiques ;

– de la grande vulnérabilité de la personne âgée aux interactions médicamenteuses ;

– de la grande sensibilité des patients porteurs d’atteintes neurodégénératives aux effets secondaires centraux (en particulier à type de sédation, d’effets anticholinergiques centraux ou périphériques), aux effets cardiovasculaires.

La prescription de psychotropes se doit donc d’être prudente, documentée, débutée à doses faibles et augmentée progressivement, en veillant à prévenir la survenue d’effets secondaires.

La prescription se doit, en outre, d’être limitée dans le temps.

En dehors des traitements antidépresseurs qui peuvent être maintenus 6 mois ou plus, la prescription ne devrait être prolongée au-delà de 3 mois sans une réévaluation de leurs indications.

Enfin, l’association de psychotropes devrait être évitée, la préférence étant au recours systématique à la monothérapie en première intention.

Les indications de différentes classes de psychotropes dans le traitement des troubles comportementaux et psychologiques des démences sont maintenant relativement bien établies par un certain nombre d’études contrôlées, elle a fait l’objet de documents de consensus.

En référence à ces travaux, on peut considérer que pour chaque type de troubles comportementaux et psychologiques correspondent des traitements de première et deuxième intention.

* Dépression :

Les antidépresseurs de type inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (SSRI) ou inhibiteurs de recapture de la sérotonine et de la norédraline (SNRI) sont utilisés en première intention.

La trazodone ou la miansérine peuvent garder une indication, du fait de leur effet sédatif et de leur bonne tolérance.

Par leurs effets anticholinergiques centraux aggravant les symptômes du registre cognitif, les antidépresseurs tricycliques sont a priori à éviter chez les patients porteurs d’une pathologie démentielle.

S’ils doivent être utilisés, les amines secondaires de type nortriptyline, désipramine, lofépramine sont préférables aux amines tertiaires, type amitriptyline, clomipramine. En cas de symptomatologie dépressive associée à des symptômes psychotiques, l’antidépresseur pourra être avantageusement associé à une médication antipsychotique de type neuroleptique.

L’électroconvulsivothérapie semble garder également une indication dans ce cas.

* Manifestations psychotiques :

L’halopéridol et la rispéridone (0,5 mg à 2 mg en une prise par jour) sont les deux traitements de choix en première intention dans le traitement des manifestations psychotiques survenant au cours des pathologies démentielles.

La thioridazine, le thiothixène sont avantageusement utilisés pour leurs effets plus sédatifs, mais ne sont pas dénués d’effets anticholinergiques.

La clozapine aux doses de 6,25 mg, jusqu’à 25 à 100 mg/j et l’olanzapine de 5 à 10 mg/j sont particulièrement utiles en présence de symptomatologies extrapyramidales des démences de la maladie de Parkinson ou des SDLT.

Des spécialités non neuroleptiques peuvent être également avantageusement utilisées dans cette indication, c’est le cas en particulier des antiépileptiques, au premier rang desquels la carbamazépine et le valproate ont fait preuve d’une bonne efficacité.

* Anxiété :

Les symptômes du registre anxieux sont traités en première intention par SSRI, par la trazodone (qui n’est plus commercialisée en France) ou la buspirone.

Les benzodiazépines, en particulier à demi-vie courte (oxazépam, alprazolam), peuvent être également utilisées en en surveillant la tolérance, et sur une durée limitée.

* Troubles du sommeil :

En l’absence de troubles du comportement et d’agitation nocturne, ils peuvent être améliorés par des antidépresseurs ayant un bon effet sédatif (trazodone, miansérine) et par les benzodiazépines à demivie courte.

Mais en présence d’une inversion du rythme nycthéméral, d’une désorientation, d’une agitation nocturne, outre la trazodone, c’est le recours aux neuroleptiques conventionnels (halopéridol, thioridazine) ou atypiques (rispéridone, olanzapine) qui semble se dégager comme traitement de première intention.

Autres maladies neurodégénératives :

A – MALADIE DE PARKINSON :

Elle représente l’étiologie la plus fréquente des syndromes extrapyramidaux. Elle apparaît vers l’âge de 60 ans, affectant également les deux sexes.

Sa prévalence est de 80 à 180 pour 100 000.

Elle est la conséquence d’une atteinte neurodégénérative affectant les noyaux gris centraux, et en particulier les voies dopaminergiques efférentes nigrostriées.

Les voies afférentes au locus niger (métenképhalinergiques, glycinergiques, sérotoninergiques, noradrénergiques…) sont également affectées.

Les premiers signes cliniques de la maladie apparaissent quand les concentrations dopaminergiques du striatum sont réduites de 60 à 80 %, suggérant l’existence d’une longue phase préclinique de dégénérescence neuronale de 10 à 15 ans.

1- Manifestations neurologiques :

La triade symptomatique classique de la maladie associe tremblement de repos (quatre à six cycles par seconde, majoré par la fatigue, l’émotion, disparaissant par les mouvements volontaires), rigidité (mise en évidence lors des mouvements passifs des segments de membres par le classique signe de la « roue dentée ») et akinésie (diminution ou perte de l’initiation et de l’exécution du mouvement).

Ces trois symptômes cardinaux sont à l’origine de symptômes évocateurs du diagnostic, telles que les modifications posturales (attitude caractéristique en station debout avec position de la tête et du tronc discrètement inclinés en avant), les troubles de la motilité volontaire (marche à petits pas avec difficultés au démarrage, piétinement, difficultés à passer les obstacles), les troubles de la motricité automatique (amimie avec faciès figé, absence d’expression émotionnelle).

Le caractère inépuisable du réflexe nasopalpébral est classique.

Des symptômes neurovégétatifs, fréquents mais inconstants, associant hypersialorrhée et séborrhée, troubles de la déglutition, hypotension orthostatique, complètent le tableau clinique.

2- Manifestations psychiatriques et leur traitement :

* Troubles cognitifs et démence :

Un tableau démentiel est présent dans l’évolution de 20 à 30 % des cas de maladie de Parkinson et semble plus fréquent dans les formes d’apparition plus tardives.

La présence, chez une grande proportion de ces patients, de lésions neuropathologiques comparables à celle de la maladie d’Alzheimer fait poser la question de la coexistence des deux types de processus neurodégénératifs, alors que sur le plan clinique il peut s’avérer difficile de distinguer une maladie de Parkinson évoluant sur un mode démentiel, d’une démence de type Alzheimer associée à des symptômes extrapyramidaux, ou d’une SDLT.

Au-delà de cette discussion nosographique, la survenue d’une symptomatologie démentielle grève singulièrement le pronostic fonctionnel de la maladie, augmente l’intolérance aux traitements antiparkinsoniens, en particulier par la recrudescence du risque de survenue d’épisodes d’allure psychotique ou de delirium.

Les principales mesures thérapeutiques qu’impose la présence d’un tableau démentiel sont d’une part le traitement de la symptomatologie dépressive éventuellement coexistante et, d’autre part, le respect des mesures préventives de la survenue d’un épisode confusionnel.

* Troubles de l’humeur :

La dépression est présente dans 30 à 40 % des cas de maladie de Parkinson, bien que sa fréquence soit probablement surestimée, compte tenu de l’existence de symptômes communs (en particulier ralentissement, perte d’intérêts, symptômes somatiques généraux).

La symptomatologie dépressive peut précéder l’apparition des symptômes neurologiques et semble plus fréquemment associée aux formes d’apparition précoces de la maladie, l’intensité de la symptomatologie dépressive étant associée à une évolution rapide de la maladie.

La corrélation de la symptomatologie dépressive avec les fluctuations du status moteur (effets on-off) reste discutée.

En revanche, il semble bien établi que la présence d’une dépression aggrave les troubles cognitifs.

Le traitement pharmacologique des troubles dépressifs de la maladie de Parkinson fait appel aux antidépresseurs dont la prescription devra, comme toujours chez le patient âgé, respecter un certain nombre de précautions.

Compte tenu de leur effet d’inhibition du catabolisme des cathécholamines et en particulier de la dopamine, les IMAO (inhibiteurs de la monoamine-oxydase) représentent en théorie un traitement de choix de la symptomatologie dépressive des maladies de Parkinson.

La sélégiline (IMAO-B) a pu ainsi être proposée en première intention, bien que son efficacité reste discutée.

Les antidépresseurs sérotoninergiques (SSRI, SNRI) constituent donc le traitement de choix de première intention, bien qu’ils puissent être parfois responsables d’une aggravation des troubles moteurs.

Miansérine, trazodone, tricycliques (en particulier amines secondaires) pourront leur être préférés si un effet sédatif est recherché.

À noter encore que l’électroconvulsivothérapie (ECT) peut s’avérer très efficace dans l’amélioration de la symptomatologie dépressive, mais également de la symptomatologie extrapyramidale.

* Troubles anxieux :

Environ 30 à 35 % des patients atteints de maladie de Parkinson remplissent les critères diagnostiques de troubles anxieux généralisés, alors que 30 % d’entre eux présentent des symptômes évocateurs de phobies sociales.

Ces manifestations anxieuses semblent plus fréquemment associées aux phases off de la maladie. Les manifestations anxieuses sont sensibles, dans un premier temps, à l’ajustement du traitement antiparkinsonien.

Des benzodiazépines à demi-vie courte, ou la buspirone, peuvent être efficaces ; en cas d’échec les antidépresseurs sérotoninergiques ou tricycliques peuvent apporter une amélioration.

* Manifestations d’allure psychotiques, delirium :

Des manifestations d’allure psychotique sont très fréquentes dans le cours d’évolution de la maladie de Parkinson.

Elles peuvent prendre des formes très diverses, à type d’hallucinations visuelles ou de manifestations délirantes isolées regroupées sous le terme de « psychoses dopaminergiques » en référence à l’hypothèse d’une hyperactivité dopaminergique dans la genèse de la schizophrénie.

Bien plus fréquemment, ces manifestations prennent la forme d’un authentique état confusionnel constitué (delirium), dont le facteur précipitant le plus fréquent est alors le traitement, en particulier par ses effets dopaminergiques et anticholinergiques centraux.

L’existence d’une détérioration intellectuelle préexistante, d’un âge avancé ou la coexistence de pathologies somatiques débilitantes constituent d’autres facteurs prédisposant à la survenue de tels épisodes aigus.

L’état confusionnel se révèle alors par un tableau d’apparition brutale, associant une péjoration des fonctions cognitives, en particulier avec désorientation temporospatiale, troubles de la mémoire des faits récents, altération de la vigilance, fluctuation de la symptomatologie sur 24 heures, associé à des manifestations hallucinatoires visuelles (zoopsies), interprétatives (fréquence des thèmes professionnels), prenant la forme d’un délire onirique.

Les médicaments antiparkinsoniens les plus susceptibles d’induire des manifestations de delirium sont respectivement la sélégiline, les agonistes dopaminergiques de type bromocriptine, cabergoline, pramipexole, ropinirole, carbidopa.

Les antiparkinsoniens anticholinergiques sont également très inducteurs de delirium, trihexyphénidyle, benzatropine, bipéridène, de même que l’amantadine.

La survenue de manifestations confusionnelles doit faire rechercher d’autres facteurs précipitants somatiques.

Si le syndrome confusionnel semble être attribuable aux médicaments antiparkinsoniens, il conviendra de réévaluer la dose ou le choix de la spécialité en éliminant dans l’ordre, d’abord les anticholinergiques, puis l’amantadine, la sélégiline, les agonistes dopaminergiques, la carbidopa, et enfin la lévodopa.

En cas de symptomatologie confusionnelle modérée, un traitement symptomatique sédatif en une prise vespérale pourrait être tenté par l’usage de clométiazole, ou de trazodone.

En cas de symptomatologie délirante ou confusionnelle floride, un traitement par neuroleptiques atypiques (dénués d’effets extrapyramidaux), type clozapine, olanzapine, pourra être initié.

B – MALADIE DE HUNTINGTON :

La maladie de Huntington est une affection neurodégénérative héréditaire de transmission autosomique dominante à pénétrance complète, qui affecte les structures sous-corticales du striatum (noyau caudé et putamen), accessoirement du locus niger et, à un stade ultérieur, le cortex frontal et temporal, le cervelet, le thalamus.

Les lésions les plus précoces et les plus constantes de la maladie sont constituées par une perte extrêmement importante des neurones gabaergiques à destination du locus niger et du pallidum.

Le tableau clinique associe des troubles moteurs à type mouvements anormaux, des altérations cognitives évoluant vers un tableau démentiel et des manifestations psychiatriques à type de troubles de la personnalité et de l’humeur, de manifestations psychotiques.

Dès 1872, Huntington avait décrit ces trois présentations cliniques typiques de la pathologie cérébrale qui porte actuellement son nom.

En plus de la chorée, il évoquait en effet la démence et « cette forme de folie qui mène au suicide ».

La prévalence moyenne de la maladie de Huntington est de 5 à 10 pour 100 000, avec toutefois d’importantes variations géographiques (de 0,5 pour 100 000 au Japon, à 100 pour 100 000 dans le pourtour du lac Maracaïbo au Venezuela).

Le gène responsable de la maladie a été localisé sur le bras court du chromosome 4 rendant possible la réalisation d’un test de dépistage et d’un conseil génétique.

1- Symptômes neurologiques :

La symptomatologie neurologique est dominée par la chorée que constituent des mouvements involontaires rapides, d’amplitude et de localisation variable, de survenue imprévisible, brusque et irrégulière, pouvant être atténués par un contrôle volontaire et devenant invalidants, pouvant affecter toutes les parties du corps : tête, cou, tronc, membres et même parfois les muscles glossopharyngiens, diaphragmatiques, intercostaux, à l’origine de vocalisations involontaires, d’une diminution du timbre de la voix, de troubles de la déglutition.

En cours d’évolution, la chorée s’atténue pour laisser place à des dystonies affectant certaines adaptations posturales nécessaires à la station debout et à la marche, et prenant la forme de piétinements ou de contorsions caractérisées sous le terme de « choréoathétose ».

L’atteinte de l’oculomotricité est l’un des signes neurologiques les plus précoces de la maladie.

Il s’agit d’une altération des mouvements oculaires rapides et saccadés qui accompagnent la fixation.

2- Troubles cognitifs :

Le déficit cognitif est une constante de la maladie, bien qu’il ait été décrit de rares cas où il est absent.

Son évolution progressive vers un tableau de démence sous-corticale sévère touche plus de 65 % des patients.

Les troubles cognitifs affectent préférentiellement les fonctions mnésiques, avec une diminution des capacités d’apprentissage et de rappel différé, alors que le rappel immédiat peut être longuement préservé.

Les capacités visuospatiales, visuoperceptives, le raisonnement et l’attention sont également affectés.

La diminution de la fluence verbale est fréquente, faisant évoquer, avec l’existence de persévérations, une altération des fonctions frontales (dysfonctionnements des circuits frontostriés surtout).

Pour Lundervold, les troubles de la mémoire et de la fluence verbale sont parmi les plus précoces, alors que les troubles de la mémoire visuelle, de l’attention, des fonctions visuoperceptives et visuospatiales sont plus tardifs.

3- Manifestations psychiatriques et leur traitement :

En dehors de toute évolution démentielle, les troubles du comportement, du caractère, les manifestations dépressives ou psychotiques sont très fréquentes et constituent l’une des caractéristiques de la maladie.

Ils peuvent précéder de plusieurs années les manifestations motrices et les troubles cognitifs.

Ainsi les troubles de l’humeur sont présents dans près de 40 % des cas, les modifications du caractère et de la personnalité dans 44 % des cas, les manifestations d’allure psychotique dans 15 à 20 % des cas.

Les troubles de l’humeur sont dominés par les épisodes dépressifs, mais des troubles bipolaires ont également été décrits.

La symptomatologie psychotique est variée, allant de manifestations délirantes et hallucinatoires isolées à un tableau plus complet et évocateur d’un diagnostic de schizophrénie.

Les troubles du caractère sont dominés par l’irritabilité et l’agressivité.

Ces troubles du caractère sont parfois responsables d’hétéroagressivité envers les conjoints, ils ont été décrits, dans certains cas, comme étant à l’origine d’actes délictueux, voire criminels.

À l’opposé, une indifférence avec perte de l’initiative (répondant à la stimulation) est également fréquemment retrouvée en dehors de tout autre symptôme de la lignée dépressive. L’origine d’une vulnérabilité sélective des neurones gabaergiques du striatum est inconnue.

L’hypothèse actuellement la plus vraisemblable fait référence à la notion d’« excitotoxicité » du glutamate, qui possède la double propriété de neurotransmetteur et de neurotoxique puissant.

Cette neurotoxicité pourrait s’exercer sur le striatum, par la médiation préférentielle de l’un des récepteurs à glutamate : le N-méthyl-D-aspartate (NMDA).

Sur la base de ces modèles physiopathologiques, des stratégies de traitement de substitution par des agonistes gabaergiques ou des antagonistes glutamaergiques ont été tentées sans réel succès pour l’instant.

La prise en charge des patients repose alors sur un soutien à long terme des patients et de leur famille.

Le conseil génétique et le soutien psychosocial prennent une importance particulière dans ce contexte de maladie chronique invalidante et transmissible aux descendants.

En l’absence d’étude contrôlée, les données relatives au traitement des manifestations psychiatriques dans la maladie de Huntington restent très parcellaires et empiriques.

Les neuroleptiques classiques pouvant aggraver les symptômes moteurs, la clozapine se révèle, une fois encore, précieuse dans ce contexte.

Les bêtabloquants peuvent s’avérer efficaces dans le traitement des troubles du comportement.

Les symptômes dépressifs semblent bien répondre aux antidépresseurs sérotoninergiques, tricycliques et IMAO.

Le recours à l’ECT peut être rendu nécessaire en présence de dépression à forme agitée ou catatonique.

Les troubles bipolaires semblent en revanche moins répondre au lithium, et la carbamazépine conserve un bon effet thymorégulateur.

C – AUTRES MALADIES NEURODÉGÉNÉRATIVES :

En dehors des atteintes vasculaires, toutes les affections neurodégénératives des noyaux gris centraux, bien qu’ayant des manifestations neurologiques qui leur sont propres, peuvent prendre la forme d’une démence sous-corticale.

Le terme de démence souscorticale a été utilisé pour la première fois en 1912 par Wilson à propos de la dégénérescence hépatolenticulaire.

Le terme a été repris dans les années 1970 par Albert à propos de la paralysie supranucléaire progressive (PSP).

La caractéristique de ces démences sous-corticales est d’associer des troubles moteurs, en particulier extrapyramidaux, des troubles cognitifs, des troubles affectifs.

Les troubles cognitifs associent une altération des fonctions exécutives frontales, de l’attention, des capacités d’initiation, avec une relativement bonne préservation des fonctions phaso-practognosiques et de mémorisation immédiate.

Les manifestations affectives sont caractérisées par une incontinence ou une labilité émotionnelle, une apathie, une dépression.

D’autres manifestations psychiatriques ont en outre été décrites avec l’une ou l’autre de ces pathologies.

Ainsi, la PSP décrite au début des années 1960 associe un tableau de démence sous-corticale à une paralysie de la verticalité du regard.

Elle a été décrite comme pouvant être associée à des troubles de l’humeur et à des manifestations psychotiques.

Comparativement aux patients atteints de maladie de Parkinson, les patients atteints de PSP ont une prévalence élevée de troubles de l’humeur, autour de 40 %, et surtout les troubles cognitifs sont plus sévères et plus invalidants.

La dégénérescence hépatolenticulaire ou maladie de Wilson est une affection génétique à transmission autosomique récessive à l’origine d’un défaut du métabolisme du cuivre qui s’accumule dans le foie, l’oeil, les noyaux gris centraux.

Elle associe cirrhose hépatique, arc péricornéen (signe de Kayser-Fleischer), détérioration cognitive.

Des manifestations psychiatriques à types de modifications du caractère et du comportement pouvant aller jusqu’à des manifestations du registre psychopathiques, des manifestations dépressives et psychotiques ont été décrites.

Elles peuvent précéder les signes d’atteinte viscérale et s’améliorent parfois avec le traitement de la maladie qui fait appel à la prise orale de chélateurs du cuivre (D-pénicillamine).

Les atrophies multisystémiques constituent un groupe hétérogène d’affections neurodégénératives des noyaux gris centraux : dégénérescences nigrostriées et spinocérébelleuses, atrophies olivoponto- cérébelleuses.

Les manifestations motrices et cognitives dominent leur présentation clinique, l’association à des manifestations psychiatriques n’a été que rarement décrite.

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