Adénopathies cervicales

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Introduction :

Les adénopathies cervicales posent un problème courant de pathologie médicale.

Leur diagnostic positif est le plus souvent aisé.

En revanche , il est beaucoup plus difficile de préciser la nature, en particulier histologique, de l’adénopathie.

Les recherches doivent éliminer la possibilité d’adénopathies métastatiques d’un carcinome des voies aérodigestives supérieures (VADS) ou celles d’une hémopathie maligne.

Adénopathies cervicalesUn examen clinique rigoureux doit permettre , dans la majorité des cas, d’évoquer un diagnostic, de le confirmer rapidement par des examens paracliniques appropriés et de définir une stratégie thérapeutique.

Les adénopathies d’origine infectieuse sont une éventualité fréquente, surtout chez l’enfant.

Leur étiologie doit être précisée afin de ne pas négliger la possibilité d’un traitement salvateur.

Rappel anatomique : topographie des chaînes ganglionnaires cervicales

A – Cercle péricervical de Cunéo et triangles de Rouvière :

Classiquement, on reconnaît une disposition aux ganglions lymphatiques reliés par un réseau de vaisseaux lymphatiques.

Il existe une chaîne péricervicale de Cunéo longeant le bord inférieur de la mandibule, du menton jusqu’à l’ angle mandibulaire.

On décrit d’avant en arrière :

– les ganglions sous-mentaux ;

– les ganglions sous-mandibulaires ;

– les ganglions haut situés de la région sous-digastrique, rétro-angulomandibulaires ou jugulospinaux ;

– les ganglions mastoïdiens ;

– les ganglions occipitaux.

Le triangle de Rouvière, de chaque côté, est formé de trois bords :

– le bord antérieur correspond à la chaîne jugulocarotidienne contenant :

– les ganglions jugulocarotidiens supérieurs ou sous-digastriques dont le plus volumineux est le ganglion de Küttner.

Ce ganglion semble être le carrefour de drainage des VADS et de la région cervicofaciale ;

– les ganglions jugulocarotidiens moyens ou sus-omohyoïdiens ;

– les ganglions jugulocarotidiens inférieurs ;

– le bord inférieur est formé par la chaîne sus-claviculaire ou cervicale transverse.

Du côté gauche , elle contient le ganglion de Troisier confluant du canal thoracique ;

– le bord postérieur est formé par la chaîne spinale le long de la branche externe du nerf spinal, du bord postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien au bord antérieur du muscle trapèze.

Chaque triangle de Rouvière est relié de chaque côté au cercle péricervical au niveau de la région sous-digastrique.

Il existe des réseaux plus accessoires entre les ganglions sous-mentaux, les plans cervicaux sous-maxillaires et les ganglions sus-omohyoïdiens.

B – Groupes ganglionnaires : nomenclature

On reconnaît dans le cou plusieurs groupes ganglionnaires.

La nomenclature internationale proposée par une conférence de l’American Academy of Otolaryngology Head and Neck Surgery, en 1991, précise ces groupes qui correspondent à des territoires de drainage précis.

1- Groupe sous-mentomandibulaire :

Il correspond à la terminologie de groupe I de la nomenclature internationale.

Il draine les régions des lèvres, de la pyramide nasale, du plancher buccal et de la langue mobile.

La région sous-mandibulaire contient la loge sousmaxillaire dans laquelle se situe principalement la glande sous-maxillaire ou sous-mandibulaire.

Les ganglions sous-mandibulaires sont toujours situés sous le bord inférieur de la mandibule ou légèrement en dehors de ce bord inférieur et toujours à la face externe de la glande sous-mandibulaire.

D’avant en arrière, on décrit les groupes préglandulaires, prévasculaires, rétrovasculaires (par rapport aux vaisseaux faciaux) et rétroglandulaires.

2- Territoire sous-digastrique ou jugulocarotidien supérieur :

Le territoire sous-digastrique et le groupe rétrospinal sont réunis dans le groupe II de la nomenclature.

La région sous-digastrique est limitée en avant et en haut par le bord inférieur du ventre postérieur du muscle digastrique.

Celui-ci sépare la région sous-mandibulaire de la région sous-digastrique.

Elle est limitée en arrière par les muscles de la nuque.

Elle est séparée en deux parties par la branche externe du nerf spinal, une partie rétrospinale contenant les ganglions de la chaîne spinale.

En avant et en arrière de la veine jugulaire interne se situent les ganglions sous-digastriques dont le principal est le ganglion de Küttner.

Celui-ci se situe à la face antérieure et externe de la veine jugulaire interne.

C’est le carrefour de drainage des VADS et des régions latérofaciales.

Ceci explique que les adénopathies sous-digastriques sont les plus fréquentes quand existe une infection ou une tumeur maligne desVADS. Certains auteurs les différencient en groupe II (sous-digastrique) et II bis (rétrospinal).

Le groupe sous-digastrique draine les trois étages du pharynx, la cavité buccale, le larynx et la glande thyroïde.

Véritable carrefour de drainage, il sert de relais pour les territoires ganglionnaires sousmandibulaire, parotidien et sus-omohyoïdien.

Le groupe rétrospinal draine le cavum, la loge parotidienne et l’oreille.

3- Groupe sus-omohyoïdien ou jugulocarotidien moyen :

Il correspond au territoire III.

La région sus-omohyoïdienne se situe audessus et à cheval du tendon intermédiaire du muscle omohyoïdien au moment où celui-ci croise en avant et en dehors la veine jugulaire interne.

Les tuméfactions de cette région sont dues le plus souvent à des adénopathies, qu’elles soient situées en avant de la veine jugulaire interne ou en arrière de celle-ci.

Il draine l’oro- et l’hypopharynx, le larynx, la cavité buccale et la glande thyroïde.

4- Groupe jugulocarotidien inférieur ou territoire IV :

Il contient essentiellement des ganglions pré- et rétrovasculaires.

Ses rapports sont très étroits avec le lobe latéral du corps thyroïde.

Il draine le larynx, l’hypopharynx, la glande thyroïde et les territoires thoraciques et abdominogénitaux par l’intermédiaire du canal thoracique.

5- Groupe cervical transverse et spinal :

Il correspond au triangle postérieur du cou (V).

Il est limité en arrière par le bord antérieur du muscle trapèze et en avant par la ligne sterno-cléidomastoïdienne.

Il est parcouru essentiellement par la branche externe du nerf spinal, après son émergence du muscle sterno-cléido-mastoïdien.

Le long du nerf court la chaîne ganglionnaire spinale.

Le bord inférieur de ce triangle est formé par la clavicule au-dessus de laquelle cheminent les vaisseaux cervicaux transverses, accompagnés de la chaîne cervicale transverse ou susclaviculaire.

Les ganglions drainent la région parotidienne, le rhino- et l’oropharynx pour la chaîne spinale et les organes thoraciques et abdominogénitaux pour la chaîne cervicale transverse.

6- Territoire VI :

Il correspond aux ganglions préviscéraux étendus de la région sous-mentale aux groupes prétrachéaux en passant par le ganglion prélaryngé.

Les ganglions prélaryngés drainent le larynx.

Diagnostic positif :

La démarche diagnostique clinique cherche à confirmer l’existence d’une adénopathie et définir son origine et sa nature.

Il repose sur un bilan minimal qui comprend plusieurs temps.

A – Interrogatoire :

Il va rechercher les antécédents, les modalités d’ apparition de l’adénopathie et les signes fonctionnels qui pourraient orienter le diagnostic.

Certains antécédents sont à préciser soigneusement :

– une radiothérapie cervicale dans l’enfance prédispose au cancer de la glande thyroïde ;

– une tuberculose ou primo -infection, quoique rarement, peut évoluer vers une tuberculose ganglionnaire cervicale ;

– des interventions chirurgicales de la face ou du cuir chevelu peuvent témoigner du traitement d’un carcinome ou d’un mélanome susceptible d’évoluer vers des métastases ganglionnaires cervicales ;

– le traitement d’une maladie de système ;

– une intoxication alcoolotabagique oriente préférentiellement vers un carcinome des VADS.

La date d’apparition et les conditions de survenue de l’adénopathie pourront aussi orienter le diagnostic.

Une adénopathie inflammatoire évolue plutôt rapidement dans un contexte plus ou moins douloureux ; une adénopathie néoplasique évolue lentement et occasionne rarement des douleurs au début.

La présence de signes fonctionnels oto-rhino-laryngologiques oriente vers une lésion primitive des VADS.

Il faut rechercher en particulier :

– une dysphagie, une otalgie ou une odynophagie qui orientent vers le pharynx ou le vestibule laryngé ;

– une dysphonie ou une dyspnée laryngée qui orientent vers le larynx ;

– une obstruction nasale ou des épistaxis qui orientent vers le cavum ou les cavités nasosinusiennes ;

– une surdité ou sensation de plénitude de l’oreille orientant vers une otite séromuqueuse liée à un cancer du cavum.

L’âge est à considérer : il est classique , devant une adénopathie maligne chez un sujet de plus de 50 ans, de rechercher un carcinome oto-rhinolaryngologique et chez les sujets jeunes, une hémopathie maligne.

Ceci doit être tempéré par le fait que les carcinomes pharyngolaryngés et de la cavité buccale apparaissent chez des sujets de 40 ans de plus en plus fréquemment.

Par ailleurs, les carcinomes du cavum peuvent être dépistés chez des adolescents et se manifestent souvent par des adénopathies cervicales prévalentes.

Chez l’enfant, la pathologie ganglionnaire cervicale inflammatoire ou infectieuse est plus fréquente.

Les facteurs de race doivent être pris en considération : un transplanté est exposé au risque de tuberculose, un Maghrébin ou un Asiatique (Vietnam, Chine du Sud-Est) au cancer du cavum.

B – Examen clinique :

Il précise le siège et les caractères de l’adénopathie.

L’examinateur se place derrière le sujet et étudie :

– son siège exact ;

– le nombre, l’uni- ou la bilatéralité des adénopathies ;

– sa taille précise ; ces données seront mentionnées sur un schéma daté ;

– sa sensibilité ;

– sa consistance, l’apparence collectée ou non ;

– le caractère inflammatoire ou non ;

– la fixité aux plans profonds ou à la peau.

L’examen des autres aires ganglionnaires cervicales explore :

– les territoires jugulocarotidiens, sous-digastrique, sus-omohyoïdien ;

– le territoire spinal (chaîne cervicale postérieure) ;

– le territoire sus-claviculaire (cervical transverse) ;

– le territoire sous-mandibulaire ;

– sur la ligne médiane, le territoire sous-mental et sous-hyoïdien prélaryngé et prétrachéal ;

– les chaînes occipitales mastoïdiennes et parotidiennes.

Un examen oto-rhino-laryngologique complet est indispensable avant d’entreprendre tout acte diagnostique, surtout invasif, et bien sûr avant tout traitement.

Cet examen est réalisé sous bon éclairage, au besoin à l’aide d’un naso-laryngo-fibroscope oto-rhino-laryngologique.

Il explore la cavité buccale, les trois étages du pharynx, le larynx, les fosses nasales, les oreilles.

Le toucher buccopharyngé est un temps très important de l’examen pour ne pas laisser passer une lésion maligne de la région amygdalienne ou de la base de la langue.

On recherche une tuméfaction de la glande parotide ou de la thyroïde, une lésion tumorale cutanée ou du cuir chevelu, tous foyers potentiels d’une tumeur maligne primitive.

L’examen clinique général s’attache à explorer en particulier les autres aires ganglionnaires, le foie et la rate.

On examine la peau de la région cervicale scapulaire et thoracobrachiale.

C – Examens complémentaires :

Ils sont toujours nécessaires : certains peuvent être obtenus rapidement et permettent une orientation diagnostique précoce.

Il est difficile à ce stade de faire une distinction entre les examens demandés pour confirmer le diagnostic d’adénopathies et ceux nécessaires à l’orientation du diagnostic étiologique.

De manière toujours systématique sont exécutés :

– une numération-formule sanguine et numération des plaquettes ;

– une vitesse de sédimentation ;

– une intradermoréaction à la tuberculine.

D’autres examens seront demandés en fonction du contexte, comme les sérologies : test de la mononucléose infectieuse (MNI), réaction de Paul-Bunnell-Davidsohn, dye-test, toxoplasmose.

1- Imagerie :

* Radiographie pulmonaire :

L’imagerie comprend au minimum une radiographie pulmonaire face et profil.

On recherche, en particulier, une opacité évoquant une tumeur intrathoracique ou une lésion calcifiée ou excavée évoquant un foyer tuberculeux.

* Échographie cervicale :

Elle est surtout nécessaire si l’on hésite entre le diagnostic de tumeur primitive et celui d’adénopathie cervicale.

En effet, la question posée au radiologue concerne l’aspect, la taille de la tuméfaction, sa situation par rapport aux gros vaisseaux cervicaux.

Il apprécie l’aspect liquidien ou solide de la tuméfaction, le caractère homogène ou hétérogène du ganglion.

Il recherche d’autres adénopathies. On lui demande aussi d’explorer la situation et la taille de la glande thyroïde, son aspect nodulaire ou non.

On peut aussi demander une exploration de la glande parotide et de la glande sous-maxillaire.

* Tomodensitométrie :

Elle est réalisée de préférence avec injection de produit de contraste pour :

– situer la tuméfaction par rapport aux gros vaisseaux cervicaux ;

– préciser l’aspect régulier ou non des parois de la tuméfaction (effraction capsulaire) ;

– préciser son caractère hypodense en faveur d’un kyste ou d’une nécrose intratumorale ou d’origine infectieuse ;

– préciser le degré de prise de contraste, son caractère hétérogène ou homogène.

Par exemple, une ou des tuméfactions prévasculaires hypodenses, siège d’un liseré périphérique prenant le contraste, est en faveur d’une adénopathie nécrotique métastatique ou d’origine infectieuse. Une lésion intercarotidienne prenant fortement le contraste évoque un paragangliome branchiomérique carotidien.

* Imagerie par résonance magnétique nucléaire :

Elle n’est demandée pour le moment que dans le cadre d’études cliniques.

Elle pourrait permettre, en cas d’adénopathie cervicale maligne sans foyer primitif retrouvé, de dépister une lésion minime de la base de la langue.

* Tomographie d’émission de positons (TEP) ou PET-scan :

C’est une méthode scintigraphique utilisant un émetteur de positons.

Elle consiste à injecter du fluor radioactif, le 18 FDG (2-fluorine-18-fluoro-2- désoxy-D-glucose), dont le principe est de se fixer sur les cellules cancéreuses et ainsi de repérer des tumeurs de petite taille ou des métastases infracliniques à un stade précoce.

C’est une technique prometteuse dans le bilan des cancers desVADS selon les premiers travaux. La sensibilité et la spécificité du TEP semblent supérieures à l’examen clinique et à la tomodensitométrie.

Ainsi, elle permettrait de dépister des adénopathies cervicales métastatiques infracliniques lors du bilan initial de cancers des VADS mais aussi de retrouver le foyer primitif au niveau de l’oro- et de l’hypopharynx dans le bilan d’une adénopathie prévalente sans porte d’entrée.

2- Panendoscopie :

Si l’on suspecte une adénopathie maligne et si le sujet est éthylotabagique, une panendoscopie sera accomplie.

À la recherche d’un foyer néoplasique primitif, elle comprend une pharyngolaryngoscopie, une trachéobronchoscopie, une oesophagoscopie et un examen du rhinopharynx.

Elle permet de biopsier toute lésion suspecte pour confirmer la présence d’un cancer primitif des VADS.

Certaines équipes utilisent le bleu de toluidine lors de l’endoscopie pour dépister des lésions prénéoplasiques susceptibles de dégénérer.

3- Autres examens :

Si l’on suspecte une hémopathie maligne, une ponction sternale pour myélogramme peut être effectuée.

Deux examens portent directement sur l’adénopathie : la ponction cytologique dont la spécificité n’est pas constante et l’analyse histologique au prix d’une intervention chirurgicale.

* Ponction cytologique ganglionnaire :

On a démontré son innocuité si elle est réalisée à l’aiguille fine (19 à 21 G).

Cet examen reste dépendant de l’expérience du médecin cytologiste et de la qualité de la ponction.

Celle-ci dépend du volume et de la richesse cellulaire du prélèvement.

Il est pratiqué sur un patient en position allongée, de préférence au laboratoire de cytologie.

Ces précautions permettent de le répéter dans la même séance s’il s’avère faiblement informatif en contrôlant instantanément la richesse des lames par une coloration de May-Grünwald-Giemsa.

Elle peut être effectuée avec ou sans aspiration.

La ponction avec aspiration peut être répétée quatre à cinq fois dans plusieurs directions au sein de la masse pour augmenter les chances de prélever la zone pathologique.

L’absence d’aspiration a l’avantage de libérer la main de l’opérateur qui peut alors maintenir la masse à ponctionner entre ses doigts et être plus précis.

La quantité de suc prélevé doit être suffisamment grande pour permettre de techniquer plusieurs échantillons pour la cytomorphologie, l’immunocytochimie, la biologie moléculaire et la cytogénétique.

Ces dernières techniques sont surtout utilisées dans la pathologie lymphoïde et à titre pronostique.

Une analyse microbiologique (bactériologie, parasitologie, mycologie) complétera cet examen aux ressources intéressantes.

Il s’agit d’un examen d’orientation diagnostique aux performances élevées.

Certaines études font état d’une sensibilité de 84 %, d’une spécificité de 98 % et d’une valeur prédictive de 95 %.

Cependant, cet examen semble dépendre de l’expérience de l’opérateur et les résultats ne sont pas constants selon les études.

Quel que soit le résultat de la ponction cytologique, il est confronté à l’examen histologique du ganglion s’il n’existe pas de contreindication à un tel geste chirurgical.

* Cervicotomie exploratrice avec analyse histologique extemporanée du ganglion :

Elle permet, en cas de lésion bénigne, d’arrêter là l’intervention.

La biopsie ganglionnaire est un geste qui pourrait être préjudiciable en cas d’adénopathie métastatique.

En effet, pour Mac Guirt rejoint par d’autres auteurs, l’effraction capsulaire créée par la biopsie est associée à un taux plus important de rechute ganglionnaire ou de métastase viscérale postthérapeutique.

Cet auteur a rapporté également un taux plus grand d’infection locale postopératoire en cas d’évidement ganglionnaire après la biopsie.

Dans un contexte infectieux, un fragment de l’adénopathie servira pour des cultures bactériologiques à la recherche de bacilles de Koch ou de mycobactéries.

En cas de suspicion d’hémopathie maligne, l’adénopathie prélevée doit être envoyée dans un flacon stérile, dans une ambiance humide, dans les meilleurs délais.

Après confirmation histologique extemporanée, différents prélèvements nécessaires au diagnostic et à l’évaluation pronostique sont effectués (immunomarquage, cytochimie, cytogénétique, biologie moléculaire).

En cas d’adénopathie maligne métastatique d’un carcinome malpighien, la cervicotomie est complétée par un évidement ganglionnaire cervical : il s’agit alors d’adénopathie maligne en apparence primitive.

Le bilan préopératoire n’a pas pu mettre en évidence le foyer primitif du carcinome.

Enfin, l’analyse histologique peut ne pas conclure dans des cas difficiles.

L’analyse définitive seule permet alors le diagnostic, aidée des techniques d’immunomarquage citées plus haut.

Pour exemple, il est difficile de différencier un carcinome indifférencié d’un lymphome en cytologie mais aussi lors de l’analyse histologique extemporanée.

Diagnostic différentiel :

Le problème ne se pose pas tant devant une adénopathie maligne métastatique d’un cancer des VADS retrouvé lors de l’examen clinique, mais plutôt devant une tuméfaction cervicale isolée après un examen clinique complet.

1- Masse sous-digastrique :

Il faut éliminer en premier lieu les pièges classiques que sont :

– un volumineux bulbe carotidien athéromateux ;

– une grande corne de l’os hyoïde chez un sujet maigre ;

– l’apophyse transverse de l’atlas.

2- Tuméfaction sous-mandibulaire :

Il faut éliminer une tumeur de la glande sous-mandibulaire (cylindrome ou adénome pléiomorphe), ou une sous-maxillite.

Celle-ci évolue souvent dans un contexte de lithiase.

Le palper bidigital et l’échographie sont ici intéressants pour différencier une tuméfaction de la glande sous-mandibulaire d’une adénopathie sous-mandibulaire.

3- Masse sous-mentale médiane :

Il faut éliminer un kyste du tractus thyréoglosse haut situé ascensionnant lors de la déglutition, un kyste dermoïde ou un noyau résiduel de cellulite après infection dentaire.

4- Masse spinale ou sus-claviculaire :

Il est assez facile d’éliminer une phlebectasie de la jugulaire externe mais plus difficilement un neurinome du plexus cervical.

Les signes déficitaires neurologiques sont très souvent absents, du moins avant l’exérèse du neurinome.

5- Masse sus-claviculaire :

Il faut reconnaître un diverticule pharyngo-oesophagien réductible situé le plus souvent du côté gauche, un neurinome du plexus brachial ou un cancer de l’apex pulmonaire.

Dans ce cas, le cliché pulmonaire et la tomodensitométrie injectée ont une place prépondérante.

6- Masse prélaryngée :

Le diagnostic peut se poser avec :

– un kyste du tractus thyréoglosse qui ascensionne à la déglutition.

L’échographie et la ponction cytologique seront des examens d’orientation très utiles ;

– une laryngocèle externe extériorisée au travers de la membrane thyrohyoïdienne est réductible lors de la palpation.

La tomodensitométrie retrouve ses caractéristiques et ses rapports aves les éléments du vestibule laryngé ;

– enfin, un nodule de l’isthme thyroïdien est difficile à différencier d’une adénopathie prélaryngée.

7- Masse dans le territoire jugulocarotidien :

C’est le problème essentiel du diagnostic différentiel.

Il est différent suivant l’étage de la lésion. L’échographie cervicale peut être dans ce cas très intéressante.

Comme la tomodensitométrie, elle précise les caractères de la tuméfaction et ses rapports avec les gros vaisseaux cervicaux.

Dans le territoire sous-digastrique (jugulocarotidien supérieur), il faut éliminer :

– une tumeur du pôle inférieur de la parotide.

Cliniquement, la tuméfaction parotidienne est plus superficielle.

Sa mobilisation antérieure et supérieure peut l’extérioriser en dehors de l’angle mandibulaire.

L’échographie et la ponction cytologique sont des examens utiles pour orienter le diagnostic ;

– un kyste congénital de la deuxième fente branchiale (dit amygdaloïde).

Le bord antérieur du kyste est très souvent situé en avant de la ligne sternocléido-mastoïdienne alors que les adénopathies sont plus profondes. Il peut se surinfecter au cours de son évolution.

L’échographie montre en règle la nature kystique caractéristique de la masse et la ponction cytologique découvre du liquide classiquement chocolat et met en évidence des cellules épithéliales et des macrophages ;

– un paragangliome (appelé tumeur glomique ou chémodectome) carotidien situé dans la bifurcation carotidienne, ou vagal situé en arrière de l’axe carotidien.

La tuméfaction classiquement est mobilisable dans le sens transversal mais aucunement dans le sens vertical.

L’échographie ou la tomodensitométrie injectée sont ici utiles.

Elles permettront de situer la tuméfaction par rapport à la bifurcation carotidienne.

La tumeur prend le contraste de façon massive après l’injection du produit de contraste.

L’artériographie réalisée devant une lésion en rapport avec la bifurcation (paragangliome carotidien) ou en arrière de l’axe vasculaire confirme aisément le diagnostic, précise les éléments de vascularisation de la tumeur, son siège, le degré d’atteinte pariétale carotidienne et dépiste une autre localisation ;

– une tumeur parapharyngée extériorisée dans la région sous-digastrique peut être méconnue.

La présence d’une dysphagie même modérée et l’examen de l’oropharynx permettent de corriger le diagnostic qui peut être confirmé par la tomodensitométrie injectée. Dans la région jugulocarotidienne moyenne :

– un anévrysme de la région carotidienne peut amener à réaliser une échographie et une artériographie ;

– une tumeur nerveuse ne donne pas habituellement de déficit nerveux en dehors du sympathome qui se traduit par un syndrome de Claude Bernard-Horner ;

– une myosite postradique peut faire discuter une récidive néoplasique ganglionnaire cervicale.

La ponction cytologique a ici toute sa place pour éviter une cervicotomie inutile s’il s’agit d’une adénopathie métastatique inextirpable.

À la partie basse, il faut éliminer une tumeur thyroïdienne qui est en règle plus interne au contact de l’axe laryngotrachéal et ascensionne à la déglutition.

Certaines tumeurs développées au bord externe du corps thyroïde sont difficiles à éliminer.

Une tumeur maligne de la thyroïde peut s’accompagner d’adénopathies métastatiques.

Une échographie cervicale et une ponction cytologique de la tuméfaction permettent d’orienter le diagnostic.

8- Chez l’enfant :

Les tumeurs sont plus rares que les adénopathies cervicales.

Il faut éliminer :

– un lymphangiome kystique dont la localisation préférentielle est latérocervicale moyenne ;

– un kyste du deuxième arc qui augmente de volume et s’enflamme lors des épisodes infectieux pharyngés au même titre qu’une adénopathie ;

– un kyste du tractus thyréoglosse qui peut également se surinfecter.

Les tumeurs nerveuses sont le plus souvent une découverte opératoire.

Diagnostic étiologique :

A – Adénopathies cervicales d’origine infectieuse :

Parmi les nombreuses causes d’adénopathies cervicales, les adénopathies d’origine infectieuse constituent un groupe important mais très disparate.

Il est communément admis d’employer le terme d’adénite en cas d’atteinte infectieuse d’un ganglion, terme qui, en réalité, désigne une réaction inflammatoire histologique au sein du ganglion, qu’elle soit aiguë ou chronique.

D’autres pathologies, qu’elles soient tumorales (lymphome, carcinome) ou immunologiques (maladies de système), peuvent reproduire un tableau histologique similaire.

L’adéquation adénite-atteinte infectieuse ganglionnaire n’est donc pas toujours vérifiée ; c’est pourquoi nous n’utiliserons pas ce terme.

L’interrogatoire est essentiel en matière d’adénopathies d’origine infectieuse ; il permet de préciser la date où sont apparus les ganglions ; en effet, la démarche diagnostique n’est pas la même si les adénopathies sont apparues récemment ou si elles évoluent depuis plusieurs semaines.

Nous aborderons successivement les adénopathies aiguës, puis les adénopathies subaiguës et chroniques d’origine infectieuse.

Enfin, un chapitre sera consacré aux adénopathies cervicales au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

1- Adénopathies aiguës :

La survenue rapide (1 à 7 jours) d’une ou plusieurs adénopathies cervicales d’origine infectieuse est un phénomène très fréquent chez l’enfant, à un degré moindre chez l’adulte.

Le mode de révélation, la clinique et l’évolution ne sont pas influencés par l’âge du patient, c’est pourquoi nous ne ferons pas de description spécifique pour l’enfant et l’adulte.

Le diagnostic d’une adénopathie infectieuse aiguë ne pose généralement pas de problème.

Le recours à des examens complémentaires n’est pas toujours nécessaire.

L’infection responsable peut être virale ou bactérienne.

* Infections virales :

Dans la majorité des cas, plusieurs territoires ganglionnaires sont atteints simultanément, et généralement de façon bilatérale.

La répétition des épisodes infectieux rhinopharyngés d’origine virale (adénovirus, échovirus, rhinovirus et virus respiratoire syncytial), banale chez l’enfant, représente une cause très fréquente d’une polyadénopathie cervicale.

Les ganglions sont généralement bilatéraux, infracentimétriques, non inflammatoires, plus ou moins sensibles à la palpation, de siège sousmandibulaire ou sous-digastrique.

Ils disparaissent avec la guérison de l’épisode viral et réapparaissent lors d’une nouvelle contamination.

De façon exceptionnelle, une fibrose peut se développer au sein d’un ou plusieurs ganglions ; ceux-ci restent alors perceptibles cliniquement pendant plusieurs mois.

En pratique, aucun examen complémentaire n’est nécessaire.

+ Mononucléose infectieuse :

C’est une infection due au virus Epstein-Barr (EBV) qui affecte surtout les adolescents et les adultes jeunes.

Elle entraîne des polyadénopathies diffuses à prédominance cervicale, signe majeur et précoce de l’infection.

Les ganglions ont un volume variable déformant la région cervicale de façon uniou bilatérale.

Ils sont fermes et sensibles.

Une angine érythématopultacée ou pseudomembraneuse, une splénomégalie, un rash cutané maculopapuleux (favorisé par la prise d’ampicilline) et une asthénie souvent marquée complètent le tableau clinique. Beaucoup plus rarement, des manifestations hépatiques (hépatomégalie, ictère) peuvent être relevées.

Le bilan biologique retrouve un syndrome mononucléosique et parfois une cytolyse hépatique modérée.

La confirmation biologique est apportée par le MNI-test ou la réaction de Paul-Bunnell-Davidsohn.

Rarement, ces tests sont négatifs et seule une sérologie EBV positive permettrait le diagnostic.

La guérison est spontanée mais peut demander plusieurs semaines.

Il n’y a jamais de suppuration des ganglions. Dans quelques cas (formes très dysphagiantes ou dyspnéisantes), une corticothérapie de quelques jours peut être indiquée.

+ Infection par le cytomégalovirus (CMV) :

Elle passe souvent inaperçue, sauf chez les sujets porteurs d’un déficit immunitaire, d’une hémopathie maligne ou après un traitement immunosuppresseur.

Le tableau clinique est proche de celui de la MNI.

La présence de ganglions cervicaux est inconstante ; lorsqu’ils sont présents, ils sont généralement de petite taille, bilatéraux et non douloureux.

Le diagnostic repose sur la sérologie, la mise en évidence du virus dans les urines ou dans le sang par inoculation de cultures cellulaires et la négativité du MNI-test et de la réaction de Paul-Bunnell-Davidsohn.

+ Primo-infection rubéolique :

Elle s’accompagne d’adénopathies cervicales quasi constantes.

Leur localisation cervicale postérieure (chaînes spinale et occipitale) est caractéristique.

Une fébricule, un exanthème fugace et des arthralgies distales viennent compléter le tableau clinique.

Le diagnostic est porté sur la notion de contage, une sérologie positive.

L’absence de vaccination doit être prise en compte.

+ Maladie de Kawasaki :

Encore appelée syndrome adéno-cutanéo-muqueux, elle atteint préférentiellement le jeune enfant ; il s’agit d’une vascularite dont l’étiologie reste encore inconnue, bien que l’on soupçonne la responsabilité d’un rétrovirus.

Le tableau clinique comporte une fièvre, une conjonctivite, un énanthème buccopharyngé, un exanthème du tronc associés à une ou plusieurs adénopathies cervicales généralement fermes et douloureuses à la palpation.

L’atteinte ganglionnaire est le plus souvent unilatérale.

L’administration précoce de gammaglobulines permet de prévenir les complications cardiovasculaires redoutables de cette maladie, en particulier les anévrysmes coronaires.

L’évolution se fait vers la régression des signes en quelques semaines.

+ Autres :

D’autres atteintes virales comme la rougeole, la gingivostomatite herpétique et l’herpangine à coxsackie peuvent engendrer une polyadénopathie cervicale bilatérale avec des ganglions de petite taille, prédominant dans les territoires sous-mental, sous-mandibulaire et sous-digastrique.

* Infections bactériennes :

Contrairement aux infections virales, l’atteinte ganglionnaire se limite généralement à un seul ganglion siégeant dans le territoire de drainage d’une porte d’entrée microbienne.

Le traitement du foyer infectieux primitif entraîne habituellement la régression de l’adénopathie.

Il est donc essentiel, tant sur le plan diagnostique que thérapeutique, de rechercher cette porte d’entrée.

Il peut s’agir d’une atteinte cutanée (40 %), y compris le cuir chevelu, parfois reliée par une traînée de lymphangite au ganglion : griffure, eczéma surinfecté, impétigo, plaie, furoncle ; les infections pharyngées (adénoïdienne, amygdalienne) et dentaires (carie, abcès dentaires) représentent respectivement 39 et 21 % des autres portes d’entrée potentielles.

Malheureusement, on ne retrouve pas toujours la porte d’entrée et il faut alors traiter le patient sur des arguments de présomption et en fonction des germes les plus fréquents.

Le staphylocoque doré et le streptocoque b-hémolytique du groupe A représentent 80 % des cas.

Le premier est généralement d’origine cutanée alors que le second est plutôt d’origine pharyngoamygdalienne.

Les germes anaérobies jouent un rôle moindre, souvent avec une porte d’entrée buccodentaire.

D’autres germes, plus rares, peuvent être isolés (Haemophilus influenzae type 1b, streptocoques du groupe B et C, pyocyanique).

Chez le nouveau-né, le staphylocoque doré est le germe le plus fréquent, mais des streptocoques du groupe B peuvent être isolés.

Trois tableaux cliniques peuvent se rencontrer : l’adénopathie aiguë inflammatoire, l’adénopathie aiguë suppurée et l’adénophlegmon.

+ Adénopathie aiguë inflammatoire :

L’examen clinique retrouve un ganglion volumineux, ferme, de plusieurs centimètres, sensible à la palpation, non adhérent aux plans profond et superficiel ; une vitesse de sédimentation élevée et une hyperleucocytose complètent le tableau.

L’échographie cervicale permet de dépister une éventuelle collection centroganglionnaire et de guider une ponction à visée bactériologique.

Un traitement antibiotique doit être instauré rapidement.

Il se confond avec celui de la porte d’entrée lorsqu’elle existe, en particulier à visée antianaérobie en cas d’infection buccodentaire.

Sinon, une antibiothérapie orale antistaphylococcique et antistreptococcique est instaurée.

Le traitement est institué pour 10 à 15 jours.

La voie parentérale est préférée chez le nourrisson.

L’évolution se fait le plus souvent vers la guérison, mais parfois vers la suppuration.

+ Adénopathie aiguë suppurée :

Elle se caractérise par l’apparition de signes inflammatoires locaux et de signes généraux. Le ganglion augmente de volume, se fixe aux plans profonds.

La peau en regard est érythémateuse (parfois violacée) et amincie ; la palpation, hyperalgique, retrouve à un stade avancé une fluctuation. Une douleur lancinante et insomniante, une fièvre élevée, voire une anorexie (chez le petit enfant) complètent le tableau clinique.

À ce stade, le drainage chirurgical devient indispensable après ponction afin d’obtenir la nature du germe.

Après lavage abondant, un drainage par lame est laissé en place 48 à 72 heures.

Ce traitement local est complété par une antibiothérapie parentérale antistaphylococcique et streptococcique, adaptée ensuite à l’antibiogramme.

L’antibiothérapie est maintenue par voie intraveineuse 5 à 7 jours (2 jours après la défervescence thermique), puis per os pendant 10 jours, soit, en moyenne, 15 jours de traitement.

Les récidives sont rares, soit du fait du cloisonnement de l’infection, soit liées à un germe inhabituel (Staphylococcus epidermidis, Serratia, Enterobacter).

Il faut dans ce cas rechercher une granulomatose chronique familiale.

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