Acrosyndromes vasculaires

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Introduction :

Les acrosyndromes vasculaires sont fréquents mais leur expression clinique, leur mécanisme et leur signification pronostique très différents selon la nature du trouble vasomoteur.

Le phénomène de Raynaud est un acrosyndrome paroxystique.

Il est l’expression d’un arrêt brutal mais très transitoire de la circulation artérielle digitale.

Sa prévalence est élevée.

Elle est estimée en France entre 5 et 6 % de l’ensemble de la population adulte.

Elle a été chiffrée à 4,6 % aux États-Unis.

Elle atteint jusqu’à 22 % chez la femme jeune.

Acrosyndromes vasculairesLe phénomène de Raynaud peut être primaire et évoluer indépendamment de toute pathologie sous-jacente ou révéler une pathologie vasculaire locorégionale ou plus souvent une maladie systémique et, notamment, une sclérodermie.

L’érythromélalgie ou érythermalgie est également un acrosyndrome paroxystique.

Elle est caractérisée par des accès douloureux de rougeur et de chaleur atteignant les extrémités des membres.

Comme le phénomène de Raynaud, elle peut être primitive ou secondaire.

Les syndromes myéloprolifératifs en sont la cause la plus fréquente.

Contrairement au phénomène de Raynaud, l’érythermalgie est un acrosyndrome très rare.

L’acrocyanose est un acrosyndrome permanent et probablement le plus fréquent de tous les acrosyndromes vasculaires.

Elle est d’observation courante dans certaines professions exposées au froid.

Aisée à reconnaître cliniquement, l’acrocyanose peut cependant poser des difficultés de trois ordres : diagnostique lorsqu’elle s’intrique avec un phénomène de Raynaud ; pronostique, si elle évolue dans le cadre d’une anorexie mentale ; thérapeutique, enfin, en raison de la faible efficacité des traitements médicaux.

Enfin, les engelures méritent également d’être décrites au sein des acrosyndromes vasculaires.

Elles sont, en effet, la conséquence d’une ischémie développée sous l’effet du froid.

Elles surviennent le plus souvent chez la femme et témoignent toujours d’une protection insuffisante vis-à-vis du froid et de l’humidité.

Leur survenue est d’autant plus fréquente qu’il existe un trouble vasomoteur prédisposant.

Elles peuvent être favorisées par la consommation de certains médicaments (vasoconstricteurs par voie nasale, bêtabloquants).

L’exploration des acrosyndromes vasculaires a bénéficié du développement des explorations fonctionnelles non invasives, utiles tant pour faciliter le diagnostic que pour favoriser l’approche pathogénique du trouble.

La capillaroscopie occupe actuellement une place de choix au sein de ces méthodes.

Phénomène de Raynaud :

A – PATHOGÉNIE :

La pathogénie du phénomène de Raynaud reste imparfaitement élucidée et diffère au moins partiellement selon que le trouble vasomoteur est primitif ou secondaire.

La phase blanche, syncopale, du phénomène est déterminée par un spasme des artérioles digitales.

Le vasospasme s’établit lorsque le tonus de la paroi vasculaire dépasse la pression intraluminale.

Cette situation peut s’observer si la pression intraluminale diminue ou si le tonus de la paroi vasculaire augmente.

La réduction de la pression intraluminale est essentiellement fonction des lésions artérielles quel qu’en soit le niveau.

Dans les phénomènes de Raynaud secondaires, ces lésions vasculaires sont habituelles, qu’il s’agisse des connectivites ou des artériopathies.

Le flux sanguin digital de base est diminué, ce qui favorise le vasospasme lors de l’exposition au froid.

Au cours des phénomènes de Raynaud primitifs, les vaisseaux sont en revanche de morphologie normale. Une augmentation du tonus vasomoteur rendrait alors compte de l’acrosyndrome.

Elle pourrait s’expliquer par une hyperactivité du système sympathique ou par des mécanismes locaux faisant intervenir les récepteurs vasculaires et les médiateurs.

L’hyperactivité du système sympathique répond à la conception initiale de Raynaud.

Lewis, pour sa part, devait proposer une autre hypothèse, celle d’une anomalie locale située au niveau des vaisseaux de la main.

Ces mécanismes locaux pourraient correspondre, soit à une anomalie des récepteurs vasculaires responsables d’une vasoconstriction exagérée, soit à l’intervention de médiateurs circulants interagissant avec le muscle vasculaire lisse.

De très nombreuses théories ont été suggérées pour expliquer la pathogénie des phénomènes de Raynaud.

Les plus récentes font intervenir des facteurs vasoactifs.

C’est le cas de puissants peptides vasodilatateurs comme le CGRP (calcitonine gene related peptide) ou vasoconstricteurs comme l’endothéline-1 (ET-1).

Le développement d’antagonistes puissants et spécifiques des récepteurs à l’ET-1 devrait permettre une évaluation précise du rôle physiopathologique de l’ET-1 et pourrait représenter une thérapeutique potentielle du vasospasme et des altérations hémodynamiques rencontrées au cours de certaines connectivites.

B – ASPECTS CLINIQUES ET DIAGNOSTIC POSITIF :

Le diagnostic d’un phénomène de Raynaud est exclusivement clinique.

Il est fondé sur la décoloration des doigts provoquée par le froid, conférant à ce phénomène intermittent les caractères d’une crise vasomotrice.

La notion de froid est importante mais relative et variable d’un sujet à l’autre.

Le rôle des émotions peut aussi être déterminant dans le déclenchement du trouble vasomoteur.

La localisation du phénomène aux orteils, au nez, aux oreilles, aux lèvres ou à la langue est possible, mais beaucoup moins fréquente.

D’autres topographies plus exceptionnelles ont été décrites : aux seins, surtout chez des femmes qui allaitent, ou à la verge avec troubles de l’érection.

Les phases d’asphyxie (cyanose) et d’hyperhémie (rougeur) qui suivent classiquement la phase syncopale (blanche) sont inconstantes et non indispensables au diagnostic.

L’association au phénomène de Raynaud d’un syndrome du canal carpien n’est pas exceptionnelle et peut modifier l’expression clinique de l’acrosyndrome du fait de l’existence d’acroparesthésies nocturnes qui viennent s’ajouter aux crises vasomotrices. Le diagnostic de phénomène de Raynaud n’est réellement difficile qu’en trois circonstances :

– d’abord, l’impossibilité de recueillir par l’interrogatoire des données suffisamment précises pour affirmer la survenue d’une décoloration des doigts provoquée par le froid ; la reconnaissance de l’acrosyndrome est alors d’autant plus difficile que les tests de provocation ont, en pratique, peu d’intérêt diagnostique ; il est, en effet, difficile de reproduire une crise, par exemple lors de l’immersion des mains dans l’eau froide, car un refroidissement trop important détermine une vasodilatation capillaire ; pour faciliter le diagnostic, la présentation aux patients d’une échelle de couleurs a été proposée, ainsi que des tests au froid dont la fiabilité est variable selon la méthode utilisée et dont l’utilité est surtout appréciable dans l’évaluation objective de l’efficacité des traitements médicamenteux ;

– ensuite, la forme cyanique pure, réalisant des accès de cyanose digitale évoluant sur un mode paroxystique sans phase syncopale ; cette variété s’observe plus volontiers chez des sujets âgés ou souffrant d’un phénomène de Raynaud depuis de longues années ;

– enfin, l’association du phénomène de Raynaud à une acrocyanose, qui est fréquente et ajoute aux crises vasomotrices une cyanose permanente des extrémités ; elle témoigne généralement d’une microangiopathie purement fonctionnelle et l’enquête étiologique est dans cette éventualité très souvent négative.

C – ENQUÊTE ÉTIOLOGIQUE :

La nécessité d’une exploration étiologique est l’une des caractéristiques majeures des phénomènes de Raynaud, bien que les Raynaud primaires soient approximativement dix fois plus fréquents que les Raynaud secondaires.

1- Principales causes :

Les causes des phénomènes de Raynaud sont variées mais très inégalement réparties.

Explorer un phénomène de Raynaud doit permettre d’assurer précocement le diagnostic d’une connectivite et de rechercher des maladies chirurgicalement curables, beaucoup plus rares, mais dont la méconnaissance pourrait conduire à une aggravation irréversible des lésions vasculaires digitales.

La sclérodermie généralisée demeure l’affection le plus souvent redoutée en cas de phénomène de Raynaud bilatéral et sans doute la première cause de phénomène de Raynaud secondaire.

Beaucoup plus rares sont les sclérodermies après prothèses mammaires en silicone.

Les artériopathies digitales sont plus rares.

Elles sont surtout observées chez les hommes.

Elles doivent également être reconnues car leur aggravation est largement influencée par la poursuite de l’intoxication tabagique dont l’arrêt est impératif.

Au cours de la maladie de Buerger, le phénomène de Raynaud est l’un des signes cardinaux ; cette affection est d’autant plus facilement diagnostiquée qu’il existe chez un sujet jeune fumeur, outre un acrosyndrome sévère souvent compliqué de nécroses digitales, des thromboses veineuses superficielles et une artériopathie distale des membres inférieurs.

La nécessité d’une exploration est encore plus nette lorsque le phénomène de Raynaud est strictement unilatéral car il est alors pratiquement toujours secondaire.

Le métier du patient est parfois en cause et la reconnaissance du diagnostic impose un reclassement professionnel.

Certaines activités sportives telles que le karaté, le volley-ball ou le motocross peuvent également être responsables de lésions traumatiques de cette nature.

L’occlusion des artères digitales peut aussi être la conséquence de la migration thromboathéromateuse en distalité à partir d’une lésion athéroscléreuse de l’artère sous-clavière.

Quant aux tumeurs glomiques, elles sont souvent localisées à la dernière phalange d’un doigt.

Elles sont à l’origine de très vives douleurs au moindre effleurement, souvent associées à un phénomène de Raynaud localisé à un seul doigt.

Ces caractères sémiologiques très particuliers permettent d’évoquer le diagnostic.

Une artériographie est utile pour localiser la tumeur dont l’exérèse guérit les symptômes.

L’enquête étiologique d’un phénomène de Raynaud doit être applicable à un grand nombre de patients, c’est-à-dire simple, non invasive, peu coûteuse et réalisable en dehors de structures très spécialisées.

Il est également nécessaire qu’elle soit adaptée au dépistage des causes les plus fréquentes et en particulier au diagnostic précoce de la sclérodermie généralisée qui reste l’arrièrepensée le plus souvent redoutée.

Enfin, l’enquête étiologique doit être capable de distinguer d’emblée les phénomènes de Raynaud primaires qui justifient tout au plus un traitement symptomatique et les phénomènes de Raynaud secondaires ou suspects de l’être ou de le devenir, qui peuvent en revanche mériter un complément d’investigation.

2- En cas de phénomène de Raynaud bilatéral :

L’examen clinique, conjugué à la capillaroscopie, paraît suffisant en première analyse.

L’interrogatoire et l’examen physique servent de base à l’enquête étiologique.

Le phénomène de Raynaud primaire est toujours bilatéral alors qu’un trouble vasomoteur unilatéral oriente au contraire vers un phénomène de Raynaud secondaire à une cause locorégionale.

La présence de phénomènes de Raynaud dans la famille est un indice important en faveur d’une simple maladie de Raynaud.

Un phénomène de Raynaud d’apparition tardive plaide en faveur de l’existence d’une cause.

Inversement, un long recul évolutif, supérieur à 10 ans, sans anomalies cliniques associées, oriente vers une maladie de Raynaud.

L’interrogatoire permet également de rechercher un phénomène de Raynaud médicamenteux ou professionnel.

L’examen s’attache tout particulièrement à la recherche d’anomalies, si discrètes soient-elles, qui pourraient orienter vers une sclérodermie.

Une infiltration cutanée, des télangiectasies de la main mais aussi du visage ou des lèvres, la cicatrice de petits troubles trophiques pulpaires sont autant de signes qui plaident en faveur d’une sclérodermie éventuellement dans une forme limitée et peu évolutive : le syndrome Crest.

Ce dernier associe au phénomène de Raynaud (r), une calcinose souscutanée (C), une atteinte oesophagienne (e), une sclérodactylie (s) et des télangiectasies (t).

La capillaroscopie mérite de faire partie de l’enquête étiologique de tout phénomène de Raynaud puisque les anomalies qu’elle peut mettre en évidence sont précoces et de bonne valeur diagnostique dans la sclérodermie.

La présence de mégacapillaires est caractéristique d’une connectivite.

Une capillaroscopie normale exclut pratiquement une sclérodermie et apporte un argument important en faveur d’un phénomène de Raynaud primaire.

En cas de suspicion de sclérodermie, d’autres examens simples sont utiles.

La radiographie des mains recherche deux anomalies pratiquement caractéristiques d’une sclérodermie : une calcinose sous-cutanée et une résorption des houppes phalangiennes ou acro-ostéolyse.

La radiographie thoracique peut identifier, à la suite de l’auscultation pulmonaire, une fibrose des bases qui appartient, avec la sclérose cutanée et les cicatrices rétractées de troubles trophiques pulpaires, aux critères retenus pour le diagnostic de sclérodermie.

La présence d’anticorps antinucléaires oriente d’emblée, lorsque le taux est élevé, vers une affection dysimmunitaire ; cette recherche peut être affinée par la recherche d’anticorps plus spécifiques comme les anticorps anticentromère assez caractéristiques du syndrome Crest ou les anticorps anti-Scl 70 plus spécifiques au contraire des formes extensives.

La mesure de la vitesse de sédimentation est également proposée par certains.

3- En cas de phénomène de Raynaud strictement unilatéral :

Dans cette éventualité beaucoup plus rare, le trouble vasomoteur est toujours secondaire.

L’exploration n’a plus pour vocation d’opposer « Raynaud primaires » et « Raynaud secondaires » mais de déterminer la maladie responsable.

L’examen clinique en position statique peut être normal.

Il recherche l’abolition d’un pouls radial, une amyotrophie de l’éminence thénar ou une lésion cutanée.

La palpation peut détecter dans le creux sus-claviculaire une côte cervicale, voire une tuméfaction battante, expansive ou trop bien perçue.

Des manoeuvres dynamiques cherchent à reproduire la compression vasculaire dans différentes positions du bras ; c’est le cas de la manoeuvre d’Adson qui combine inspiration forcée, extension du rachis cervical et rotation de la tête du côté examiné.

Des examens complémentaires sont aussi nécessaires.

Un cliché simple recherche une côte cervicale.

Une échographie artérielle couplée à un doppler peut visualiser une lésion athéroscléreuse axillo-sous-clavière susceptible d’avoir émis une embolie distale.

Le résultat de l’échographie-doppler conditionne l’indication d’une artériographie du membre supérieur, indispensable chaque fois qu’une lésion chirurgicalement curable est suspectée.

Le diagnostic d’artériopathie digitale est toutefois possible sans avoir recours à l’artériographie grâce à la mesure de la pression systolique digitale en pléthysmographie, l’artériographie étant alors réservée à la recherche d’une cause.

D’autres méthodes d’explorations fonctionnelles non invasives ont été proposées pour faciliter la distinction entre phénomènes de Raynaud primaires et secondaires.

C’est le cas du laser-doppler qui s’applique toutefois mieux à la compréhension des mécanismes pathogéniques qu’à l’enquête étiologique des phénomènes de Raynaud.

Enfin, il arrive, dans 10 à 15 % des cas environ, qu’aucune cause ne soit retrouvée à un phénomène de Raynaud qui ne remplit pourtant pas les classiques critères d’Allen et Brown pour le diagnostic de maladie de Raynaud :

– épisodes déclenchés par le froid ou l’émotion ;

– bilatéralité du phénomène ;

– pouls radial et pouls cubital normaux ;

– absence de gangrène digitale ;

– bilan étiologique négatif ;

– recul évolutif suffisant (plus de 2 ans).

Ces phénomènes de Raynaud sont regroupés sous le nom de « Raynaud suspects d’être secondaires ».

Eux seuls justifient, au sein des phénomènes de Raynaud sans cause, une surveillance clinique annuelle ou semestrielle.

D’autres auteurs préfèrent au contraire classer dans le groupe des phénomènes de Raynaud secondaires à une connectivite « indifférenciée » ou incomplète les acrosyndromes associés à des anomalies capillaroscopiques ou immunologiques insuffisantes toutefois pour affirmer le diagnostic d’une connectivite précise.

4- Chez l’enfant :

Le phénomène de Raynaud est primaire ou plus souvent secondaire et les causes les plus fréquentes sont, comme chez l’adulte, les connectivites.

L’enquête étiologique reste donc dominée par la recherche d’anticorps antinucléaires et d’anomalies capillaroscopiques.

5- Chez les femmes enceintes :

En cas de phénomène de Raynaud primaire, le taux de prématurité pourrait être plus élevé lorsque le phénomène de Raynaud est apparu avant la grossesse et non l’inverse.

D – TRAITEMENT :

Le traitement des phénomènes de Raynaud dépend de la gêne engendrée plus encore que de la cause du trouble vasomoteur.

En l’absence de gêne fonctionnelle ou en cas de phénomène de Raynaud peu gênant, n’apparaissant que durant la mauvaise saison, sans retentissement professionnel, les mesures non médicamenteuses résument le traitement : protection contre le froid non seulement des extrémités mais aussi de l’ensemble du corps ; protection contre les traumatismes locaux ; contre-indication de certains médicaments propres à aggraver l’acrosyndrome tels que les dérivés de l’ergot de seigle et les bêtabloquants.

La contraception oestroprogestative, quoique classiquement citée comme cause possible de phénomène de Raynaud, n’est pas contre-indiquée.

En cas de gêne fonctionnelle plus importante, un traitement médicamenteux mérite d’être associé aux conseils d’hygiène de vie.

Certains médicaments vasoactifs utilisés dans le traitement symptomatique de la claudication intermittente des artériopathies des membres inférieurs ont également l’indication : « amélioration du phénomène de Raynaud ».

Ils peuvent être essayés en première intention dans la mesure où ils sont simples d’utilisation et généralement bien tolérés. Leur efficacité est toutefois inconstante.

Les inhibiteurs calciques, en revanche, représentent un réel progrès dans le traitement des phénomènes de Raynaud et leur efficacité a été confirmée par des études menées en double insu contre placebo.

Il peut s’agir de la nifédipine (Adalatet 10 mg ou Adalatet 20 mg LP), du diltiazem (Tildiemt ou Tildiem retard 300 mgt), également utilisé pour traiter la calcinose des syndromes Crest, ou de la nicardipine (Loxent 20 mg ou Loxent 50 mg LP).

La félodipine a aussi été testée en une seule prise par jour, ainsi que l’amlodipine.

Ces médicaments sont prescrits en période froide après avoir éliminé un bloc auriculoventriculaire et sous couvert d’une contraception efficace en raison de la tératogénicité de certains de ces médicaments chez l’animal.

Les effets secondaires sont peu graves (céphalées, flush du visage, oedème des chevilles) mais fréquents et limitent l’utilisation de ces médicaments, surtout chez les patients souffrant de migraines, la prévalence de ces dernières étant élevée en cas de phénomène de Raynaud primaire.

La trinitrine percutanée a été utilisée, sous forme de pommade dosée à 2 % sur les pulpes digitales, deux ou trois fois par jour et lors des accès avec un risque d’effets secondaires (céphalées, vertiges) liés au passage systémique de la molécule.

Des patches transdermiques ont également été proposés avec les mêmes effets secondaires.

La prazosine (Minipresst) peut être employée mais à doses faibles et progressivement croissantes pour éviter des effets secondaires (vertiges, hypotension).

Seuls l’Adalatet 10 mg et le Minipresst avaient en 1999 l’indication : « traitement symptomatique des phénomènes de Raynaud ».

Lorsque le phénomène de Raynaud est très sévère, volontiers secondaire à une maladie polysystémique et notamment à une sclérodermie, a fortiori s’il est compliqué de troubles trophiques, les prostaglandines actives par voie parentérale peuvent trouver une indication.

C’est le cas de l’iloprost (Ilomédinet), analogue de la prostacycline actuellement proposé dans les formes les plus sévères de maladie de Buerger ou d’artérite athéroscléreuse compliquées de troubles trophiques sans possibilité de revascularisation radiologique ou chirurgicale.

L’utilisation par voie orale des analogues de la prostacycline tels que le beraprost ou le cicaprost ouvre des perspectives intéressantes.

Les perfusions de CGRP auraient des effets équivalents mais plus durables que ceux de la prostacycline.

Les phénomènes de Raynaud secondaires peuvent mériter un traitement spécifique : suppression du médicament responsable en cas de pathologie iatrogène ; traitement de fond des connectivites ; arrêt de l’intoxication tabagique au cours de la maladie de Buerger associé à la correction des autres facteurs de risque en cas d’artériopathie dégénérative ; reclassement professionnel en cas d’utilisation d’engins vibrants.

Le traitement chirurgical n’a que des indications très limitées au cours des phénomènes de Raynaud : exérèse d’une lésion axillosous-clavière emboligène (endartériectomie ou pontage) ; traitement d’un anévrisme cubital ; résection de la première côte dans le syndrome du défilé thoracobrachial dans les rares formes avec une atteinte artérielle, à condition que la responsabilité de la compression par la première côte soit démontrée dans le trouble vasomoteur.

La sympathectomie thoracique supérieure n’a plus que de très rares indications telles que les phénomènes de Raynaud secondaires à une artériopathie athéroscléreuse ou à une maladie de Buerger en cas d’ischémie sévère compliquée de troubles trophiques.

En revanche, la sympathectomie endoscopique transthoracique, qui ouvre des perspectives intéressantes dans le traitement des hyperhidroses, pourrait également trouver des indications dans les formes les plus sévères de phénomène de Raynaud secondaire.

Acrocyanose :

A – ASPECTS CLINIQUES, DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT :

À l’échelon clinique, deux tableaux méritent d’être individualisés.

À chacun d’eux correspond, en effet, une approche différente.

Ce sont l’acrocyanose commune et l’acrocyanose associée au phénomène de Raynaud.

1- Acrocyanose commune :

* Diagnostic :

Il est porté chez une adolescente ou une jeune femme dans 90 % des cas.

La consultation se fait spontanément ou sur les conseils de l’entourage familial ou professionnel en raison d’une teinte cyanique des extrémités.

Cette coloration, variable du bleu foncé au rouge, est uniforme, permanente, mais changeante dans son intensité.

Elle intéresse les doigts et peut remonter jusqu’aux poignets ; elle atteint souvent les pieds, parfois le nez et les oreilles.

Elle est majorée par le froid ou les émotions et moins gênante durant la belle saison.

Elle est indolore, du moins à la température ambiante.

Une histoire familiale d’hypersensibilité au froid quelle qu’en soit l’expression clinique (acrorhigose, engelures, phénomène de Raynaud, acrocyanose) est fréquente.

L’apparition du trouble vasomoteur dès l’enfance est possible.

Les doigts sont objectivement froids, parfois un peu oedématiés, « matelassés » et le siège d’une transpiration plus ou moins profuse (hyperhidrose).

La pression localisée crée sur la peau une tache blanche qui se recolore progressivement.

La cyanose diminue sans disparaître lors de l’élévation du membre.

L’examen artériel est normal.

Il n’y a jamais de sclérose cutanée, ni d’ulcère pulpaire ou de gangrène digitale et les seuls troubles trophiques parfois visibles sont de banales fissures, en hiver, en cas d’activités manuelles.

* Formes cliniques :

Sans que sa signification s’en trouve modifiée, l’acrocyanose peut apparaître mouchetée de taches plus claires en raison de l’inhomogénéité de la circulation cutanée.

Elle peut aussi s’associer à une cyanose des jambes (érythrocyanose sus-malléolaire) ou à des marbrures des membres influencées par le froid ou la déclivité (livedo reticularis).

Quant à l’individualisation sous le nom d’acroïodèse d’une entité autonome regroupant une acrocyanose et des manifestations fonctionnelles d’insuffisance veineuse des membres inférieurs, sans autres anomalies objectives que quelques varices, elle est nosologiquement discutable mais paraît pourtant correspondre à une réalité clinique.

* Examens complémentaires :

Aucun examen paraclinique n’est indispensable dans l’acrocyanose commune et la bénignité de ce trouble vasomoteur interdit de recourir à des explorations sanglantes.

La thermométrie permet tout au plus de quantifier l’hypothermie cutanée.

Le doppler confirme la perméabilité des artères digitales et perçoit un signal sonore pulpaire aboli ou diminué.

La pléthysmographie couplée à un système de réfrigération mesure la pression systolique digitale qui est comparée à la pression humérale.

Le gradient de pression humérodigital à la température ambiante ou au chaud n’est pas significativement augmenté dans l’acrocyanose.

La pression systolique digitale diminue après refroidissement.

La capillaroscopie permet de visualiser directement la stase capillaroveinulaire mais aussi de mesurer, comme la pléthysmographie, la pression systolique digitale à l’aide d’un petit brassard pneumatique conçu pour cet usage et placé à la racine du doigt.

Elle est utile pour étayer les hypothèses pathogéniques ou tenter d’apprécier objectivement une éventuelle amélioration sous traitement du trouble microcirculatoire mais son intérêt diagnostique s’efface, dans l’acrocyanose, devant le seul aspect des mains.

Le paysage capillaroscopique est toutefois caractéristique.

Il associe : un nombre de boucles capillaires normal ou augmenté ; une accentuation de la teinte de fond qui est sombre, violacée ; une dilatation capillaire prédominant sur la branche veineuse, efférente, de l’anse ; une dilatation des plexus veineux sous-papillaires.

Un ralentissement circulatoire (phénomène de sludge) et des hémorragies péricapillaires sont également fréquents.

Le degré de ces anomalies capillaroscopiques n’est pas corrélé avec l’importance de la gêne fonctionnelle.

Ces images sont faciles à distinguer de celles observées chez les sujets normaux ou dans la maladie de Raynaud où l’aspect le plus évocateur est au contraire l’association d’anses fines et d’un fond pâle.

* Traitement :

Le traitement de l’acrocyanose est très difficile et purement symptomatique.

Aucun traitement médicamenteux n’a fait la preuve de son efficacité dans ce trouble vasomoteur et l’utilité que l’on peut espérer des thérapeutiques « vasoactives » s’inscrit vraisemblablement dans les limites de l’effet placebo.

En revanche, la protection contre le froid, non seulement des extrémités mais aussi de l’ensemble du corps, est essentielle.

L’arrêt du tabac est une mesure de prévention toujours utile sur laquelle la prise en charge du trouble vasomoteur est l’occasion d’insister.

La contraception oestroprogestative n’est pas contre-indiquée.

L’activité physique et sportive doit être encouragée.

Indépendamment de l’anorexie mentale qui requiert une prise en charge qui lui est propre, les mesures psychologiques ne doivent pas être négligées.

Elles représentent le seul traitement lorsque le préjudice est purement esthétique.

Il est utile de rassurer le patient et son entourage souvent impressionnés par la cyanose des doigts lors de l’exposition au froid, de souligner la bénignité du pronostic local et général (hormis le cas particulier de l’anorexie mentale) et l’amélioration possible du trouble vasomoteur au fil des ans.

En revanche, l’acrocyanose est considérée comme prédisposant aux engelures, aux surinfections mycosiques et aux retards de cicatrisation.

Lorsque l’hypersudation palmaire est majeure et représente l’essentiel du handicap socioprofessionnel et psychologique, des séances d’ionisation à l’eau, à raison d’une à deux par mois en traitement d’entretien, peuvent être proposées.

C’est une méthode simple et efficace qui permet presque toujours d’obtenir une anhidrose mais qui est inactive sur la cyanose.

Elle mérite d’être préférée à la sympathectomie thoracique, bien que les techniques endoscopiques actuelles réduisent le caractère agressif de cette chirurgie.

2- Acrocyanose associée au phénomène de Raynaud :

L’association d’une acrocyanose et d’un phénomène de Raynaud est une éventualité fréquente ; elle peut modifier la démarche diagnostique et justifier le recours à des thérapeutiques médicamenteuses vis-à-vis des crises vasomotrices.

Si parfois l’apparition des deux acrosyndromes coïncide dans le temps, souvent l’acrocyanose précède le phénomène de Raynaud et c’est le développement des accès de pâleur au froid qui motive l’examen.

La reconnaissance du caractère purement fonctionnel de cette microangiopathie intriquée est généralement suggérée par le contexte clinique : apparition dès le jeune âge, absence de troubles trophiques, symétrie de l’atteinte, perception de tous les pouls, notion d’acrosyndrome familial.

Inversement, le début de l’acrosyndrome à un âge avancé, les modifications de la peau, l’existence actuelle ou passée d’ulcérations pulpaires, l’asymétrie des troubles, les anomalies de l’examen artériel, orientent d’emblée vers une sclérodermie (chez une femme) ou une artérite digitale (chez un homme fumeur), parvenus au stade de cyanose permanente.

L’enquête étiologique devient alors celle d’un phénomène de Raynaud secondaire.

À l’étape capillaroscopique, en revanche, l’acrocyanose peut poser un problème diagnostique difficile avec la sclérodermie systémique lorsqu’il existe des hémorragies nombreuses, un oedème péricapillaire important et des dilatations capillaires très marquées pouvant en imposer pour des mégacapillaires de sclérodermie.

Toutefois, quelques nuances permettent de distinguer le mégacapillaire de la sclérodermie et le capillaire dilaté de l’acrocyanose.

En faveur de la sclérodermie plaident : la réduction associée du nombre des anses, la répartition inhomogène des capillaires, le caractère anévrismal du sommet de l’anse et la diminution de la longueur des capillaires.

Si le doute persiste, l’enquête étiologique doit se poursuivre.

D’un point de vue thérapeutique, si les crises vasomotrices associées à l’acrocyanose sont intenses et fréquentes, un traitement médicamenteux peut être associé aux conseils hygiénodiététiques et aux mesures de soutien psychologique mais ils sont sans intérêt sur la seule cyanose.

Peuvent être utilisés : les inhibiteurs calciques ; la trinitrine percutanée en pommade ; la prazosine, mais à doses faibles et progressivement croissantes pour éviter les effets secondaires.

B – PHYSIOPATHOLOGIE :

L’acrocyanose est une maladie de la microcirculation.

La stase capillaroveinulaire est visible in vitro au lit unguéal.

Le courant sanguin est ralenti. La stase est attribuée à une ouverture exagérée et permanente des anastomoses artérioveineuses avec mise hors circuit du lit capillaire.

Elle explique la cyanose mais son mécanisme précis demeure inconnu.

Anatomiquement, l’hypertrophie minime de la média des artérioles observée sur des biopsies de peau ne peut être tenue pour déterminante.

L’effet souvent spectaculaire mais transitoire de la sympathectomie a fait évoquer l’intervention du système sympathique par le biais d’un spasme artériolaire permanent mais celui-ci ne saurait suffire à expliquer la totalité des caractéristiques de cet acrosyndrome.

Le rôle des récepteurs à l’histamine a été suggéré par la description de cas d’acrocyanose secondaires à l’administration pour énurésie d’imipramine chez des enfants, ce médicament ayant des propriétés antihistaminiques.

Malgré la réelle fréquence de l’acrocyanose au cours de l’anorexie mentale ou tout simplement chez les femmes jeunes rapportant un passé de variations pondérales rapides et importantes, aucune anomalie biologique n’a été formellement reconnue permettant d’attribuer ce trouble vasomoteur à un dysfonctionnement endocrinien.

Quant à l’influence des troubles psychoaffectifs dans le déterminisme de la maladie, elle doit sans doute beaucoup au diagnostic d’hystérie porté chez les deux patients qui servirent à la description initiale de Crocq et à l’origine des premières séries de malades étudiés qui étaient issus d’établissements psychiatriques.

En réalité, le profil psychologique que l’on décrit dans l’acrocyanose (introversion, timidité, immaturité, angoisse) n’est ni constant, ni spécifique et peut n’être que réactionnel aux difficultés d’une adolescente ou d’une femme jeune à s’accommoder d’une coloration disgracieuse des extrémités ou d’une hypersudation déplaisante dans la vie socioprofessionnelle.

C – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

L’acrocyanose est, par définition, primitive, bilatérale et limitée aux extrémités.

Son diagnostic suppose donc d’éliminer toutes les formes de cyanose ne répondant pas à ces critères : une acrocyanose d’apparition tardive et compliquée de troubles trophiques pulpaires ou d’autres signes de vascularite (acrocyanose « suspecte ») doit faire rechercher une pathologie systémique sous-jacente, une sclérodermie, une maladie des agglutinines froides ; une cyanose généralisée est aisément reconnue, elle déborde largement les extrémités et atteint les autres territoires, les lèvres notamment.

Le diagnostic est ici celui d’une cardiopathie, d’une insuffisance respiratoire ou d’une polyglobulie.

Une acrocyanose unilatérale limitée à un seul membre supérieur est rare.

Elle peut n’être que l’une des composantes d’une angiodysplasie plus ou moins complexe facilement évoquée d’après les anomalies vasculaires associées.

Ailleurs, c’est une algodystrophie de la main qui est responsable d’une peau froide et cyanique.

La douleur qui domine ici le tableau, l’éventuel antécédent traumatique, les anomalies radiologiques de la trame osseuse et l’hyperfixation en scintigraphie permettent le diagnostic.

Ailleurs encore, l’association de l’acrocyanose à un oedème dur, froid, indolore, nettement limité, d’évolution capricieuse, doit faire évoquer un oedème bleu.

Provoqué par une autoagression, l’oedème bleu de Charcot est apparenté aux pathologies simulées (syndrome de Münchhausen).

L’autoagression correspond le plus souvent à la pose de garrots, parfois à des microtraumatismes locaux.

Il s’observe dans des contextes psychiatriques très variés : hystérie, schizophrénie, personnalité limite.

Seule la découverte du mécanisme de l’autoagression (sillon de striction) apporte la preuve formelle du diagnostic.

Érythermalgie :

A – ASPECTS CLINIQUES ET PARACLINIQUES :

L’érythermalgie s’observe à tous les âges, y compris chez l’enfant. Les douleurs sont à type de brûlures, atteignant de façon bilatérale et symétrique les mains ou les pieds et évoluant par crises.

La douleur peut revêtir d’autres caractères : sensations de lancement ou de broiement, démangeaisons.

La localisation de la douleur aux pieds est la plus fréquente, tantôt limitée à un ou plusieurs orteils ou à la plante, tantôt intéressant la totalité du pied, beaucoup plus rarement la jambe jusqu’au genou.

La durée de la crise est variable, habituellement de plusieurs minutes à quelques heures.

L’intensité de la douleur, parfois insoutenable, et la répétition des crises peuvent créer chez certains patients une invalidité majeure et retentir gravement sur leur psychisme.

Les crises sont déclenchées ou aggravées par la marche, l’exercice et l’exposition à la chaleur.

Toutes les situations qui mettent les extrémités en déclivité et surtout qui augmentent la chaleur locale (repos sous une couverture, port de chaussures ou de gants, proximité d’une source de chaleur…) peuvent déclencher une crise.

Les temps chauds, la fièvre, sont également des facteurs favorisants.

La douleur est diminuée par l’exposition au froid et, à un moindre degré, par l’élévation du membre atteint.

Tout ce qui peut refroidir les extrémités est recherché par les patients : repos hors des couvertures, marche pieds nus sur un carrelage, ventilation et, dans les cas les plus sévères, bains d’eau glacée ou friction avec des glaçons.

Les territoires atteints sont modifiés durant la crise : ils sont rouge vermillon, brûlants, parfois oedématiés.

La résistance de l’érythermalgie au traitement figurait initialement au rang des critères diagnostiques.

En réalité, l’efficacité d’une dose unique d’aspirine qui peut faire disparaître les symptômes durant plusieurs jours mérite d’être utilisée comme test diagnostique sans pour autant que l’échec de ce médicament ne permette formellement d’éliminer cette affection.

L’érythermalgie est habituellement un diagnostic d’interrogatoire car il est rare d’assister à la crise.

L’examen élimine une artériopathie (tous les pouls sont perçus) et une neuropathie.

Des troubles trophiques pulpaires ou des gangrènes distales n’ont été rapportés avec une certaine fréquence qu’en cas d’érythermalgie secondaire à un syndrome myéloprolifératif.

Un terrain vasculaire associé n’est toutefois pas exceptionnel et notamment une acrocyanose en cas d’érythermalgie primitive.

Les tests de provocation font appel au réchauffement du membre atteint par ventilation d’air chaud plus efficace que l’immersion des extrémités dans l’eau chaude. L’utilisation d’une chambre thermique a surtout un intérêt physiopathologique.

La mesure de la température cutanée permet de définir, pour chaque patient, une température critique pour laquelle le symptôme apparaît.

Ce « point critique » se situe généralement entre 32 °C et 36 °C.

La stase veineuse provoquée par le gonflement d’un brassard à tension placé autour du membre atteint peut favoriser l’apparition des crises.

Les examens complémentaires visent essentiellement à préciser la cause de l’acrosyndrome (hémogramme, vitesse de sédimentation, masse sanguine, biopsie médullaire à la recherche d’un syndrome myéloprolifératif).

Sinon, ils sont surtout utilisés pour étudier la pathogénie du trouble vasomoteur ou suivre son évolution sous traitement.

La thermographie permet de quantifier et de délimiter l’élévation locale de la température cutanée.

Elle peut être utile pour apprécier objectivement l’efficacité des traitements.

La pléthysmographie permet la mesure de la pression systolique digitale, normale du moins en cas d’érythermalgie primitive.

En dehors des crises, la capillaroscopie est normale dans environ la moitié des cas ou montre des anomalies modérées et non spécifiques témoignant généralement du terrain vasculaire associé.

Pendant la crise, il existe une dilatation des anses capillaires et une accentuation de la teinte de fond.

Des images de stase capillaire et un ralentissement du flux sanguin qui prend un aspect granulaire (phénomène de sludge) peuvent s’observer lorsque l’érythermalgie est secondaire à une polyglobulie.

B – ASPECTS ÉTIOLOGIQUES :

1- Érythermalgie primitive :

Elle atteint deux fois plus souvent l’homme que la femme et s’observe chez des sujets jeunes, parfois des enfants.

Elle réalise la forme la plus pure de la maladie.

La symptomatologie clinique est intense et la topographie bilatérale et symétrique dans plus de 90 % des cas.

L’atteinte exclusive des membres supérieurs est exceptionnelle (5 % des cas).

Lorsque les crises sont fréquentes, voire subintrantes, le handicap psychologique et socioprofessionnel est majeur.

L’échec des traitements médicamenteux et les agressions locales itératives pour tenter de calmer la douleur peuvent être à l’origine de troubles trophiques sérieux servant de porte d’entrée à des complications infectieuses.

Des formes familiales ont été rapportées ; elles apparaissent exceptionnelles.

La transmission se ferait sur le mode dominant.

2- Érythermalgie secondaire :

Elles sont plus fréquentes que les formes primitives.

Elles partagent les caractères séméiologiques de ces dernières à quelques nuances près : début plus tardif, volontiers après 40 ans, pas de prédominance nette de sexe, intensité moindre des troubles, formes incomplètes plus fréquentes, qu’elles soient unilatérales ou du moins asymétriques, dans environ 50 % des cas.

* Syndromes myéloprolifératifs :

Ils sont la cause la plus fréquente des érythermalgies secondaires.

Dans ces affections, la prévalence de l’érythermalgie est très diversement appréciée, entre 3 et 65 % des cas selon les séries.

Il s’agit de polyglobulie primitive ou de thrombocytémie essentielle, exceptionnellement de métaplasie myéloïde ou de leucémie myéloïde chronique.

L’hémogramme avec numération des plaquettes et la vitesse de sédimentation (anormalement basse en cas de polyglobulie) sont des examens simples justifiés devant toute érythermalgie.

De leurs résultats dépend l’indication de la mesure de la masse sanguine et de la biopsie médullaire.

Dans environ 85 % des cas, l’érythermalgie précède le syndrome myéloprolifératif.

Son évolution est parallèle à celle de la maladie hématologique : le traitement de la polyglobulie ou de la thrombocytémie fait disparaître les symptômes ; la réapparition de l’acrosyndrome annonce la rechute hématologique.

* Érythermalgie d’origine médicamenteuse :

Quelques cas ont été rapportés.

Ils sont rares mais chaque fois l’arrêt du médicament a permis la disparition des symptômes.

Les drogues incriminées sont des inhibiteurs calciques (nifédipine, nicardipine) utilisés dans le traitement de l’insuffisance coronarienne ou de l’hypertension artérielle, la bromocriptine dans le traitement de syndromes parkinsoniens et certaines chimiothérapies anticancéreuses (fluorouracil et doxorubicine notamment).

* Lupus systémique :

Seuls Alarcon-Segovia et al ont rapporté une série de cinq lupus systémiques avec érythermalgie : il s’agissait de lupus multisymptomatiques où l’érythermalgie évoluait parallèlement à la maladie lupique.

* Autres étiologies :

Les autres affections classiquement citées comme cause d’érythermalgie (insuffisance veineuse, hypertension artérielle, diabète) ont valeur d’association fortuite plus que de déterminants pathogéniques et leur découverte ne saurait faire clore l’enquête étiologique de l’acrosyndrome.

C – PHYSIOPATHOLOGIE :

Les hypothèses pathogéniques formulées à propos des érythermalgies sont nombreuses mais aucune d’entre elles ne permet d’expliquer à la fois les diverses composantes séméiologiques de l’acrosyndrome et son évolution sur un mode paroxystique.

Quelques observations isolées ont fait évoquer le rôle pathogénique des complexes immuns circulants (érythermalgie au cours du lupus systémique), une anomalie de l’innervation (un cas d’érythermalgie primitive apparue dans l’enfance) ou encore l’action de la sérotonine.

Aucune démonstration formelle du bienfondé de ces hypothèses n’a été ultérieurement apportée.

Une origine virale a également été discutée à propos d’une « épidémie » d’érythermalgies observée en Chine chez des enfants et attribuée à des infections par des poxvirus.

Plus crédibles sont les hypothèses qui font intervenir un trouble des prostaglandines et de l’agrégation plaquettaire.

Ainsi s’expliquerait, en effet, l’efficacité thérapeutique spectaculaire de l’aspirine qui, en inactivant la cyclo-oxygénase, inhibe l’agrégation plaquettaire et la synthèse des prostaglandines.

Dès 1978, le rôle des prostaglandines était suggéré par la mise en évidence, dans deux cas d’érythermalgie primitive, d’une sensibilité accrue à l’injection intradermique de prostaglandines avec augmentation de la synthèse cutanée de substance « prostaglandinelike » ; en revanche, ni l’histamine, ni la sérotonine, ni la bradikinine ne provoquent de réactions analogues.

L’étude histologique des artérioles cutanées en cas d’érythermalgie secondaire à une thrombocytémie a mis en évidence des lésions artériolaires jugées caractéristiques sans anomalies des veinules, des capillaires ni des nerfs.

Ces lésions associent une turgescence des cellules endothéliales, une prolifération des cellules musculaires lisses de la média avec rétrécissement de la lumière et une occlusion fréquente des artérioles par des thrombi d’âges différents.

L’étude des fonctions plaquettaires et de la synthèse des prostaglandines chez ces mêmes patients a fait considérer les signes de l’érythermalgie comme le résultat de l’agrégation et de l’activation plaquettaire in vivo au niveau des artérioles.

Les prostaglandines et les thromboxanes synthétisés par les plaquettes activées seraient responsables des signes de l’inflammation et le facteur mitogène (platelet-derived growth factor), libéré par les plaquettes activées, des lésions artériolaires et de la prolifération des cellules musculaires lisses.

Toutefois, ce schéma pathogénique ne peut être extrait du contexte particulier des thrombocytémies et l’énigme des érythermalgies primitives reste entière.

Dans ces dernières, en effet, les artérioles peuvent être histologiquement normales et la mesure transcutanée de la pression partielle d’oxygène au niveau des avantpieds normale.

D – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

Le diagnostic d’érythermalgie est réputé difficile d’autant qu’il est généralement fondé sur l’interrogatoire.

En réalité, le recours à des critères cliniques simples fondés sur la description initiale de Mitchell et les travaux ultérieurs permettent un diagnostic avec une bonne fiabilité.

Trois critères majeurs et quatre critères mineurs sont individualisés.

Le diagnostic est retenu en présence obligatoire des trois critères majeurs et d’au moins deux critères mineurs. Ainsi sont éliminés les différents diagnostics différentiels.

– L’acrocyanose est responsable de rougeurs des extrémités mais elle est permanente et majorée par le froid.

– Le phénomène de Raynaud est un trouble vasomoteur paroxystique mais s’oppose en tous points à l’érythermalgie.

– La maladie des paumes rouges de Lane est responsable, comme l’érythermalgie, d’une coloration rouge vermillon des extrémités mais celle-ci est permanente et atteint plus souvent les mains et les pieds.

De plus, elle ne s’accompagne ni de douleurs, ni d’élévation de la température locale.

– Les neuropathies périphériques, les acroparesthésies et en particulier les acroparesthésies douloureuses nocturnes peuvent engendrer une sensation de brûlure des extrémités mais l’absence de rougeur et d’accentuation de la chaleur locale élimine facilement une érythermalgie.

– Les troubles de la statique des pieds, les névromes plantaires, sont à l’origine de douleurs provoquées par la marche mais la chaleur ne joue aucun rôle dans le déclenchement des symptômes.

– Une érythrocyanose et des douleurs des extrémités des membres inférieurs peuvent être symptomatiques d’une artériopathie mais la température des téguments est ici diminuée et surtout, les pouls distaux sont abolis.

– Une algodystrophie du pied peut s’accompagner, au début de l’évolution de la maladie, de signes locaux inflammatoires mais elle est généralement unilatérale et succède le plus souvent à un traumatisme.

– Les symptômes de la maladie de Fabry peuvent en revanche ressembler à ceux de l’érythermalgie et peuvent précéder l’apparition des angiokératomes cutanés qui caractérisent cette affection.

Le diagnostic de maladie de Fabry peut être confirmé par la présence d’un déficit en alphagalactosidase A, tandis que la mise en évidence d’une cornée verticillée par l’examen ophtalmologique est déjà très évocatrice du diagnostic.

– Quant à l’acrocholose, c’est une simple sensation de chaleur cutanée dans les extrémités surtout inférieures, bilatérale, permanente ou paroxystique.

C’est une symptomatologie purement subjective.

Elle a pu être considérée comme un syndrome préérythermalgique mais des études ultérieures n’ont pas confirmé cette notion.

E – TRAITEMENT :

Les érythermalgies secondaires sont redevables du traitement de la cause : chimiothérapie ou injection de phosphore 32 en cas de polyglobulie ou de thrombocytémie ; corticothérapie d’un lupus systémique ; suppression du médicament jugé responsable des troubles dans l’éventualité d’une érythermalgie iatrogène.

L’aspirine reste le traitement le plus simple et le plus efficace de l’érythermalgie primitive.

Elle a un effet sédatif sur les accès.

De plus, une prise orale unique de 500 mg peut prévenir les récidives durant plusieurs jours.

L’indométacine à la dose de 25 mg per os aurait le même effet mais durant un temps plus bref.

Les érythermalgies primitives résistant à l’aspirine sont généralement très difficiles à traiter.

La liste des médicaments inefficaces est longue, incluant des antiagrégants plaquettaires autres que l’aspirine (dipyridamole, ticlopidine) ou des inhibiteurs de la thromboxane synthétase (dazoxiben).

Le propranolol (Avlocardylt) est parfois efficace à la dose quotidienne de 40 à 120 mg.

Son utilisation est fondée sur l’antonymie entre l’érythermalgie et le phénomène de Raynaud et sur l’effet aggravant des bêtabloquants sur ce dernier.

Les inhibiteurs de la sérotonine sont proposés depuis plus de 20 ans.

Le maléate de méthysergide (Désernil-Sandozt) est prescrit à la dose de 2,2 à 6,6 mg/j mais le risque de fibrose rétropéritonéale en limite l’utilisation et impose des cures discontinues.

La kétansérine a été plus récemment utilisée mais sans succès.

La prophylaxie des situations à risque est toujours utile mais de réalisation souvent difficile dans la vie courante.

Les méthodes de réadaptation progressive au chaud sont plus lourdes à mettre en oeuvre et supposent une parfaite coopération du patient.

Les traitements sédatifs ne sont qu’un palliatif qui tente de compenser le retentissement psychologique de l’acrosyndrome.

Engelures :

Les engelures sont des lésions d’allure inflammatoire provoquées par l’exposition au froid mais aussi à l’humidité.

Une protection insuffisante vis-à-vis de ces facteurs climatiques apparaît comme une cause majeure dans leur développement, expliquant sans doute le paradoxe qui fait que les engelures sont moins fréquentes dans les pays où les conditions climatiques sont particulièrement rudes mais où les mesures de protection sont plus sérieuses et mieux appliquées.

Les engelures sont fréquentes en France.

Une étude menée au sein de la communauté urbaine de Lille, sur une cohorte de 1 832 agents volontaires sains (513 femmes et 1 319 hommes) fait état d’une fréquence de 1,56 % (2,53 % chez la femme, 0,51 % chez l’homme).

Les engelures sont incluses dans le chapitre des acrosyndromes dans la mesure où elles sont attribuées à un spasme artérioloveinulaire de courte durée lié au froid, suivi d’une dilatation artériolaire avec spasme veinulaire persistant lors du réchauffement.

Les lésions sont uniques ou multiples, érythémateuses, s’accompagnant d’une sensation de cuisson et de prurit aggravée par la chaleur.

Dans les cas les plus sévères, des phlyctènes, des fissures douloureuses, voire des ulcérations peuvent apparaître.

Les localisations les plus caractéristiques sont la face dorsale des premières phalanges des doigts et surtout les orteils.

Les talons sont également des localisations fréquentes.

L’atteinte du nez, des oreilles ou des genoux est plus rare. Les engelures ont tendance à récidiver durant la saison froide.

Elles surviendraient plus volontiers sur un terrain d’hypersensibilité au froid tel qu’une acrorhigose ou une acrocyanose.

Elles guérissent spontanément en 1 à 3 semaines.

L’examen histologique montre un oedème du derme papillaire et un infiltrat lymphocytaire périvasculaire de cellules mononucléées.

Le diagnostic d’engelure est simple devant les caractères des lésions, leur tendance à la récidive dans les mêmes territoires, leur évolution saisonnière, leurs circonstances d’installation, l’âge le plus souvent jeune des patients et la normalité, par ailleurs, de l’examen clinique.

Devant un orteil douloureux, tuméfié, d’aspect inflammatoire, la palpation de tous les pouls distaux élimine une artériopathie des membres inférieurs.

Des embolies de cholestérol localisées aux orteils peuvent être responsables d’un tableau comparable mais le contexte clinique est habituellement bien différent puisque ces embolies surviennent dans un contexte athéroscléreux, soit spontanément, soit après un cathétérisme artériel.

Le traitement des engelures est avant tout préventif, fondé sur des mesures strictes de protection des extrémités vis-à-vis du froid et de l’humidité en évitant, notamment, le port de souliers trop serrés qui sont une cause déclenchante habituelle.

La protection de la peau exposée par une crème grasse est utile.

Les médicaments susceptibles d’aggraver un spasme distal sont également évités, qu’il s’agisse des bêtabloquants ou des vasoconstricteurs utilisés notamment par voie nasale.

Dans une étude portant sur 111 cas d’engelures, un facteur médicamenteux favorisant a en effet été identifié dans 24 % des cas : vasoconstricteurs, bêtabloquants par voie orale ou en collyre, dérivés de l’ergot de seigle chez les migraineux.

Dans les formes les plus sévères, un traitement inhibiteur calcique peut être proposé.

Une étude en double aveugle utilisant la nifédipine (Adalatet) a montré en effet que ce médicament était efficace dans les engelures récidivantes à la dose de 20 mg trois fois par jour.

Dans cette étude, les engelures guérissaient chez sept des dix patients sous nifédipine et aucun d’entre eux ne développait de nouvelles lésions sous traitement.

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