Acides gras essentiels

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Introduction :

Les acides gras (AG) sont des acides organiques faibles formés d’une chaîne hydrocarbonée plus ou moins longue et d’un groupement carboxyle (COOH) à l’extrémité de la chaîne carbonée.

Ce sont les constituants principaux des lipides alimentaires. 

Ceux-ci comprennent les lipides simples tels que les triglycérides (TG), les plus abondants, résultant de l’action de trois molécules d’AG sur les trois fonctions hydroxyles (OH) d’un alcool, le glycérol, et les lipides complexes comprenant une composante non lipidique telle que l’acide phosphorique dans les phospholipides, et le cholestérol (stérol) dans le cholestérol estérifié.

Les lipides fournissent donc à l’organisme des AG, dont le premier rôle est énergétique.

Acides gras essentielsCelui-ci est assuré par tous les AG et, de ce point de vue , il n’y a pas de besoin en AG puisque la lipogenèse peut, à partir de l’acétyl coenzyme A, conduire aux AG saturés et mono-insaturés.

Mais les AG ont également des rôles structurels, puisqu’ils sont les constituants des membranes biologiques , et une fonction dynamique (rôle fonctionnel).

Définition :

Un AG est dit indispensable lorsqu’il ne peut être synthétisé par l’organisme (ni par la flore digestive), et doit donc être fourni par l’ alimentation.

Les deux AG indispensables sont l’ acide linoléique (LA) et l’acide alphalinolénique (ALA) chez l’homme, dans les conditions habituelles de physiologie normale.

Un AG est dit essentiel quand il est « essentiel » dans la pérennité d’une fonction biologique , à quelque niveau que ce soit ( structure, biochimie , physiologie, fonctions éventuellement supérieures) : ne sont alors concernés que certains AG des familles des deux AG indispensables.

Par usage ou abus de langage, on parle souvent d’AG essentiels (AGE) pour les deux AG indispensables (LA et ALA).

Cet usage sera maintenu ici.

Nomenclature :

Les AGE sont des AG polyinsaturés (AGPI) (on devrait dire AG polyéthyléniques ou polyènes) à chaîne longue à deux ou plus de deux doubles liaisons.

La place de la première double liaison détermine la famille d’AG insaturés. Celle-ci, dans la nomenclature des physiologistes, est indiquée à partir du groupement méthyle (CH3) terminal.

Les AGPI comprennent deux familles : ceux de la famille oméga 6 (anciennement n-6) comportent leur première double liaison après le sixième atome de carbone compté à partir du groupement CH3 ; ceux de la famille oméga 3 (anciennement n-3) après le troisième atome de carbone compté à partir du CH3.

Le chef de file de chacune de ces deux séries (ou familles) d’AGPI est un AG indispensable : LA et ALA.

La place de la seconde double liaison se déduit implicitement de la première car les doubles liaisons sont séparées par un groupement méthylène (CH2) et se succèdent donc tous les 3 C.

Ainsi, le LA s’écrit C18:2oméga 6 et comprend deux doubles liaisons ; l’ALA s’écrit C18:3oméga 3 et comprend trois doubles liaisons.

Tous deux ont 18 atomes de carbone. Deux isoméries sont à prendre en considération :

– l’isomérie géométrique : la forme cis comprend les deux parties de la molécule du même côté par rapport à la double liaison ; la forme trans possède les deux parties de la molécule de part et d’autre de la double liaison.

Les AGE ont la configuration cis ;

– l’isomérie de position : il s’agit d’AG ne différant que par la position de la première double liaison (et donc des autres).

Par exemple , l’acide gammalinolénique (C18:3oméga 6) (GLA) est un isomère de position de l’ALA. Appartenant à deux familles distinctes, ils sont très différents physiologiquement.

L’oxydation des AG peut conduire à la migration de doubles liaisons. Migration des doubles liaisons et isomérie géométrique conduisent à des isomères du LA appelés acides linoléiques conjugués.

Essentialité et carences :

A – ESSENTIALITÉ :

Les AGE, LA et ALA, sont donc indispensables car ils ne peuvent être synthétisés par l’homme. Ils sont, en revanche , synthétisés par les plantes . Rappelons cependant que les dérivés supérieurs des deux chefs de file des familles oméga 6 (LA) et oméga 3 (ALA) peuvent également être qualifiés d’essentiels car ils exercent des fonctions essentielles.

Dans certaines conditions physiologiques (le foetus et le nouveau-né ) ou pathologiques, les voies métaboliques conduisant des AG indispensables aux dérivés supérieurs sont altérées par immaturité ou déficit enzymatique.

Dans ces conditions, certains AG deviennent indispensables (c’est le cas de l’acide arachidonique [AA] et de l’acide docosahexaénoïque [DHA]) : on les qualifie parfois d’AG conditionnellement indispensables.

B – CARENCES :

1- Signes cliniques :

Le caractère essentiel d’un nutriment est attesté par la survenue de symptômes carentiels lors de son absence d’ apport et par la réversibilité de ceux-ci lors de la supplémentation.

En 1912, Herman posait déjà la question : « Les graisses sont-elles indispensables » ?

* Acide linoléique :

C’est en 1929 que les Américains Burr et Burr ont découvert qu’un animal ne pouvait pas vivre longtemps en l’absence de LA dans son alimentation : ils mettent alors en évidence chez le rat l’action curative de certains AG insaturés sur la dégénérescence hépatique provoquée par une carence totale en corps gras.

Chez le jeune rat, les symptômes de carence ont été bien décrits : retard de croissance , dermatite et parakératose, nécroses rénales avec hémorragies et lésions des tubules rénaux, fragilité capillaire , sensibilité aux affections : chez le mâle , on note un arrêt de la spermatogenèse ; chez la femelle , il y a des cycles irréguliers, une réduction des gestations, voire une stérilité , un défaut de lactation.

Chez l’homme, l’essentialité du LA a été démontrée à partir des années 1950 et pendant 30 ans de travaux menés par Hansen.

Dès 1944, il montrait que des lésions cutanées observées chez un nourrisson présentant une ascite chyleuse (associée à une malabsorption des graisses) étaient réversibles sous huile de maïs.

Hansen, Adam et Wiese ont ensuite démontré sur des nourrissons de 2 semaines à 12 mois qu’un régime à base de lait en poudre entraînait une diminution du gain de poids , une kératinisation de la peau, des lésions eczémateuses et une perte de cheveux , réversibles avec un apport de LA compris entre 0,5 et 1 % de l’apport énergétique total.

En 1985, Hansen montrait le point d’ impact du LA : les 0-linoleyl ceramides de la peau qui modulent la perméabilité à l’eau de la barrière épidermique en régulant l’ activité protéine kinase C des kératinocytes. Les niveaux de besoin ont ensuite été affinés.

* Acide alphalinolénique :

Chez l’animal, il a été montré il y a plus de 20 ans qu’une carence prolongée en ALA, portant sur plusieurs générations , entraînait des anomalies de la vision et des fonctions cérébrales.

En 1982, Holman publia le cas princeps de la carence en ALA chez l’homme avec le cas d’une fillette de 6 ans soumise pendant 4 à 5 mois, du fait d’une résection intestinale étendue, à une alimentation parentérale totale apportant une émulsion riche en LA (75 %) mais pratiquement dépourvue d’ALA : un syndrome neurologique représenté par une faiblesse généralisée, des paresthésies, une difficulté à marcher, des troubles visuels, a été corrigé en 4 mois après remplacement de l’émulsion par une préparation à base d’huile de soja , apportant 0,54 % des calories totales sous forme d’ALA.

: Acide arachidonique et acide docosahexaénoïque chez le foetus et le nouveau-né :

Une diminution de la teneur en DHA ou C22:6 oméga 3 dans les tissus nerveux du nouveau-né, chez le rat et chez le singe, consécutive à une déficience en AG oméga 3 dans l’alimentation maternelle au cours du développement foetal et postnatal (lait maternel ) s’accompagne d’une altération de la vision (électrorétinogramme modifié, acuité visuelle réduite) et du comportement ( réductions des capacités d’exploration, de discrimination, d’ apprentissage…).

Chez l’enfant prématuré de faible poids, il a également été montré qu’une supplémentation en DHA pouvait :

– éviter la décroissance de la teneur en C22:6oméga 3 des phospholipides plasmatiques et des hématies au cours des premières semaines de vie ;

– corriger les anomalies électrophysiologiques de la fonction rétinienne et de l’acuité visuelle ; mais une supplémentation simultanée en AA (C20:4oméga 6) serait nécessaire pour une croissance et un développement psychomoteur normaux de l’enfant.

Le même résultat a été obtenu sur les performances visuelles d’enfants nés à terme , de poids normal, supplémentés en DHA et/ou nourris au lait maternel.

En effet, le lait maternel a une teneur élevée à la fois en précurseurs, et en AA et en DHA.

Ceci suggère que le DHA et/ou l’AA sont des AG indispensables chez le nouveau-né et sans doute aussi (pour le DHA) chez la femme enceinte au cours d’une période précise de la gestation.

Une étude serait en faveur d’un effet prolongé, d’un apport adéquat en ces AG, avec un statut neurologique meilleur des enfants suivis jusqu ’à 9 ans s’ils avaient été nourris au sein.

Il s’agit bien ici de la notion d’AG conditionnellement indispensables.

2- Signes biologiques de la carence en AGE :

En cas de carence en AGE, la concentration en acide palmitoléique (C16:1oméga 7), oléique (OA) (C18:1oméga 9) et eicosatriénoïque (C20:3oméga 9) augmente et celle de LA, GLA et AA diminue notablement.

La carence se traduit par une augmentation du rapport défini par Holman, 20:3oméga 9 sérique/20:4oméga 6 sérique dans les phospholipides sériques, égal à 0,10 ± 0,08.

Une valeur supérieure à 0,4 est pathologique et signe d’une carence, et une valeur comprise entre 0,2 et 0,4 doit être discutée.

Ce rapport, peu différent selon le sexe, peut être utile au niveau individuel ou au niveau épidémiologique. Plus il est faible, meilleur est le statut en AGE.

La même élévation du rapport C20:3 oméga 9/C20:4oméga 6 s’observe en cas de régime carencé en AGE dans les membranes microsomales hépatiques et nucléaires avec une augmentation de l’activité Na+ K+ adénosine triphosphatase (ATPase).

Métabolisme des acides gras essentiels :

A – INCORPORATION :

Les lipides alimentaires, et en particulier les AG indispensables, apportés sous forme estérifiée dans des TG (le plus souvent) ou des phospholipides, sont hydrolysés dans l’intestin par des lipases pancréatiques, ce qui génère des AG libres, et des deux monoglycérides rapidement absorbés.

Dans l’entérocyte, la voie de resynthèse des TG sécrétés ensuite dans les chylomicrons se fait surtout à partir des deux monoglycérides.

La lipoprotéine lipase, attachée à l’endothélium vasculaire, hydrolyse ensuite les TG des chylomicrons (et les very low density lipoproteins [VLDL] d’origine hépatique).

Ils sont alors apportés aux cellules sous forme non estérifiée, liés à l’albumine.

Dans la cellule, les AGE peuvent avoir deux destinées :

– l’incorporation dans les lipides cellulaires, principalement dans les phospholipides, par l’action des acyltransférases.

Ils y subissent alors, dans le réticulum endoplasmique (au niveau des microsomes), des réactions de conversion en dérivés supérieurs plus longs et plus insaturés (désaturation et élongation successives), notamment dans le foie et le tissu nerveux central et périphérique.

Ils ne s’accumulent donc pas à l’état libre dans les cellules mais sont principalement incorporés dans les phospholipides où ils sont l’objet d’un renouvellement constant.

L’incorporation des AG au niveau des phospholipides des membranes semble influencée par des facteurs génétiques ainsi que l’ont montré des études sur des paires de jumeaux monozygotes établissant une ressemblance intrapaires (indépendante des apports alimentaires), cependant plus pour les AG saturés et mono-insaturés que pour les AGPI.

Puis les lipases et phospholipases libèrent les AG à l’état non estérifié et ceux-ci subissent alors l’action d’oxygénases (cyclo-oxygénase et lipooxygénase) conduisant aux eicosanoïdes ;

– la bêta-oxydation : celle-ci est concurrente de celle de la biosynthèse des polyènes supérieurs, notamment pour l’ALA.

Des spécificités enzymatiques au niveau cellulaire orientent l’ALA davantage vers une voie que vers l’autre. Cette bêta-oxydation a lieu essentiellement au niveau des mitochondries, mais 10 % a lieu dans les peroxysomes.

Les deux AG indispensables, LA et ALA, sont les précurseurs de véritables AGE que sont l’AA d’une part, l’acide eicosapentaénoïque (EPA) ou C20:5 oméga 3 et le DHA d’autre part, présents en quantité beaucoup plus importante que leurs précurseurs dans les phospholipides des membranes.

B – CONVERSION DES ACIDES GRAS ESSENTIELS :

Le LA et l’ALA sont les chefs de file des deux familles d’AG oméga 6 et oméga 3, indépendants dans le règne animal, c’est-à-dire non interconvertibles, mais concurrents dans la mesure où les enzymes impliquées dans leur élongation (élongases) et leur désaturation surtout (désaturases) sont les mêmes, y compris pour les familles ou séries oméga 7 et oméga 9.

Il existe donc une compétition dans le métabolisme de ces AG : les désaturases désaturent plus vite les AG de la série oméga 3 et, par conséquent, la présence d’ALA en faible quantité inhibe la désaturation du LA et celle de l’OA oméga 9 dans une plus grande mesure ; de même, le LA inhibe la désaturation de l’OA et en quantité modérée inhibe le métabolisme d’ALA.

C’est pourquoi dans les régimes contenant à la fois LA et ALA, il ne peut se produire qu’une conversion négligeable d’OA en C20:3oméga 9. À l’inverse, un régime pauvre en AGE entraîne une augmentation du C20:3 oméga 9 caractéristique de cette carence.

Seules de fortes quantités d’OA inhibent le métabolisme du LA.

En définitive, il existe une compétition de substrat modulée par l’affinité des désaturases pour ces familles d’AG avec une hiérarchie de substrats : ALA > LA > OA.

La biosynthèse des AG insaturés nécessite donc une suite d’élongation de deux carbones, et de désaturations alternantes, delta6 désaturase, puis delta5 et delta4 désaturases.

La filière oméga 6 conduit du LA au GLA puis au dihomogammalinolénique (DHGLA) puis à l’AA.

La filière oméga 3 conduit de l’ALA à l’EPA puis au DHA.

La biosynthèse hépatique de cette dernière étape pour la série oméga 3 (EPA ® DHA) comme pour la série oméga 6 ne dépend pas en réalité d’une delta4 désaturase mais passe par des AG intermédiaires en C24 avec successivement une élongation suivie d’une delta6 désaturation (la même désaturase que pour la famille oméga 6) puis d’une rétroconversion qui est une bêta-oxydation ayant lieu dans les peroxysomes.

Aux compétitions classiques s’ajoutent des données plus récentes :

– bien que la vitesse de delta6 désaturation du C18:3 oméga 3 soit supérieure à celle du 18:2oméga 6 par la même enzyme, un excès de LA est susceptible d’entraîner une inhibition de la formation d’EPA et de DHA à partir du ALA ;

– les réactions de delta6 et delta5 désaturation des AG oméga 6 sont fortement inhibées par l’EPA et le DHA, susceptibles donc d’entraîner un déficit dans la synthèse des dérivés supérieurs.

Mais le C22:6 oméga 3 inhibe sa propre synthèse au niveau de la delta6 désaturase.

C – FACTEURS MODIFIANT LA SYNTHÈSE DES DÉRIVÉS SUPÉRIEURS :

1- Proportion et quantités de substrats :

La compétition entre les substrats s’explique par le fait d’enzymes communes et dépend des affinités des désaturases justifiant la nécessité d’une proportion adéquate des deux familles d’AG.

Celle-ci s’établirait dans un rapport oméga 6/oméga 3 compris entre 4 et 8, mais qui, pour la plupart des auteurs, serait plus proche de 5.

2- Activité de la delta6 désaturase :

Enzyme clé de la synthèse des dérivés supérieurs, elle est déficitaire dans un grand nombre de situations :

– le diabète insulinodépendant non traité et donc insulinoprive conduit à un déficit en DHGLA précurseur de la prostaglandine PGE1…

L’insulinothérapie corrige ce déficit ;

– le vieillissement, les cancers, l’atteinte hépatique, le jeûne, entraînent également une inhibition de la delta6 désaturase.

Mais l’effet du vieillissement sur la delta6 désaturase serait peut-être compensé par la baisse de la bêta-oxydation peroxysomale (et probablement aussi mitochondriale) observée avec l’âge pour le LA, l’OA et l’ALA, expliquant que la présence du 22:6oméga 3 dans les phospholipides soit peu affectée par le vieillissement ;

– l’espèce : chez les félins, il existe naturellement un déficit en delta6 désaturase expliquant que l’AA (apporté par les produits d’origine animale comme la viande) soit réellement indispensable chez les félidés, et que ces animaux soient carnivores obligatoires.

Chez l’homme, de ce point de vue, les régimes végétaliens sont acceptables ;

– le glucagon, les catécholamines et leur médiateur l’acide adénosine monophosphorique (AMP) cyclique, inhibent également la désaturation de l’ALA.

La thyroxine accélèrerait les conversions.

3- Acides gras trans :

Les isomères trans du LA et de l’ALA peuvent interférer avec les voies métaboliques de ces AG.

Ainsi, parmi les isomères du LA, seul le 18:2 (9 cis, 12 trans) peut être converti en isomère de l’AA mais pas les isomères 18:2 (9 trans, 12 cis) et 18:2 (9 trans, 12 trans).

En effet, les isomères 9 trans inhibent la désaturation de l’AA et de l’ALA par la delta6 désaturase.

Chez l’animal, un apport élevé en C18:2 (9 trans, 12 cis) conduit à une élévation du rapport C20:3oméga 9/C20:4oméga 6. Les isomères 9 trans du LA pourraient inhiber la formation d’AA et de DHA dont on sait qu’ils jouent un rôle important dans le développement du système nerveux central chez le nouveau-né, d’autant plus que l’on sait que chez le prématuré, les réserves en AGE et l’activité des désaturases sont faibles.

D – MÉTABOLISME DES ACIDES GRAS ESSENTIELS DANS LE CERVEAU ET LA RÉTINE : IMPORTANCE CHEZ LE NOUVEAU-NÉ

Le cerveau est l’organe le plus riche en lipides après le tissu adipeux avec 50 à 60 % de sa masse.

Dans le système nerveux, un AG sur trois est polyinsaturé. La position 2 des phospholipides cérébraux est généralement occupée par un AGPI, le plus souvent le 20:4oméga 6 et le 22:6oméga 3 ou DHA ou acide cervonique.

L’AA est typiquement présent dans les membranes des cellules gliales et neuronales et le DHA est l’AG majoritaire dans les phospholipides de la rétine (phosphoglycérides à éthanolamine et à choline). Pendant la période prénatale, la question importante est de savoir, d’une part quelle est la capacité de fourniture des AA et DHA à partir de l’organisme maternel et du foie foetal, et d’autre part quelle est la capacité de synthèse du cerveau foetal à partir des précurseurs.

Il a été établi que la conversion en dérivés supérieurs à partir du LA et de l’ALA peut avoir lieu dans le foie et le placenta foetal. Au niveau de la rétine, il semble qu’il existe deux périodes, une première phase avant la 20e semaine avec mise en place de la voie d’entrée dans la cellule de l’AA et du DHA, puis, de façon progressive et à partir du huitième mois, un second mécanisme capable d’augmenter la teneur en DHA par rapport à l’AA jusqu’à des valeurs élevées avec un rapport DHA/AA de l’ordre de 10, caractéristique de la rétine adulte.

Ceci est particulièrement important si l’on sait que la proportion de DHA atteint jusqu’à 50 % des AG totaux des segments externes des cellules en bâtonnets de la rétine (SECBR) dans des phospholipides à proximité de la rhodopsine, la protéine des saccules discoïdes empilés du SECBR, capable de capter l’énergie lumineuse arrivant sur la rétine.

Dans la période postnatale, AA et DHA, dans le système nerveux, peuvent provenir de trois sources :

– une source alimentaire, notamment le lait maternel qui contient des quantités appréciables de ces AG ;

– la fourniture au niveau du cerveau de l’AA et du DHA provenant du foie à partir des précurseurs et transportés via la circulation par les lipoprotéines VLDL ;

– la synthèse locale à partir des précurseurs.

E – BIODISPONIBILITÉ DES ACIDES GRAS ESSENTIELS :

La place des AG sur la molécule de glycérol intervient fortement dans leur biodisponibilité et leur métabolisme.

Un AG estérifié en position Sn-2 est efficacement absorbé sous forme de deux monoglycérides et se retrouve à cette même position dans les TG nouvellement synthétisés par l’entérocyte.

Par exemple, la position très préférentielle de l’EPA et du DHA en position Sn-2 des TG de l’huile de hareng est un élément très favorable à leur absorption intestinale et même à l’approvisionnement des cellules en ces AG. De même l’huile de colza, dont la caractéristique est de contenir 66 % de l’ALA en Sn-2 contre 27 % pour le soja, a des propriétés spécifiques.

Dans l’huile d’olive, le 18:3oméga 3 est apporté sous forme libre dissous ; dans ces conditions, il se retrouve principalement estérifié aux fonctions externes 1 et 3 des TG lymphatiques.

Compte tenu de la spécificité des lipoprotéine-lipases qui hydrolysent les TG des chylomicrons, l’ALA sera moins bien « protégé » que s’il était estérifié en position 2.

Du rapport relatif des trois AG : 20:3oméga 6 (DHGLA), 20:4oméga 6 (AA) et 20:5oméga 3 (EPA) en position Sn-2 d’un phospholipide membranaire dépend une libération équilibrée de précurseurs, puis une synthèse équilibrée d’eicosanoïdes.

De même, la mitochondrie peut oxyder l’ALA libre a un niveau deux fois plus rapide que le LA libre.

Très probablement, la position Sn-2 permet d’éviter ou de limiter cette oxydation et privilégie l’entrée dans une voie préférentielle, la transformation en dérivés supérieurs.

Rôles physiologiques des acides gras essentiels :

On peut distinguer deux fonctions principales aux AGE, structurale et dynamique, et une troisième fonction de découverte récente comme ligand des récepteurs aux cannabinoïdes.

A – FONCTION STRUCTURALE AU NIVEAU MEMBRANAIRE :

Elle doit être considérée comme une fonction structuromodulatrice.

Les AG représentent les éléments fondamentaux des lipides membranaires constitués par la somme de phospholipides et des glycolipides.

Ces lipides complexes représentent 70 à 90 % des lipides totaux membranaires.

À chaque classe de phospholipides est associée une tête polaire présentant une charge électrique caractéristique qui, du fait de son caractère hydrophile, se maintient à la surface de la membrane et crée ainsi des charges superficielles négatives, positives ou nulles.

Certaines classes de phospholipides se comportent comme des activateurs spécifiques de systèmes enzymatiques membranaires.

C’est le cas notamment du phosphatidylinositol pour la phosphatase alcaline et l’adénylcyclase du muscle cardiaque, de la phosphatidylsérine pour la Na+/K+- ATPase, et la protéine kinase C, ou de la phosphatidylcholine pour l’acide uridine diphosphorique (UDP) glucuronyltransférase.

Les modifications de la composition en AG de la matrice phospholipidique, sous l’effet de facteurs nutritionnels notamment, induisent une modulation des propriétés des structures membranaires intrinsèques à activité biologique (enzymes, transporteurs, récepteurs à low density lipoprotein [LDL], à insuline) en modifiant la fluidité (ou microviscosité) de la membrane sous l’effet d’une augmentation du nombre ou de la position des doubles liaisons.

La définition d’un rapport oméga 6/oméga 3 optimal au niveau de chaque membrane et pour chaque type d’activité physiologique pourrait en découler.

Toutefois, le 22:6 oméga 3 est un des seuls AGPI constitutifs des phospholipides membranaires à potentialiser de façon directe et/ou indirecte spécifiquement l’activité d’enzymes impliquées dans la voie de synthèse des seconds messagers (phospholipase A2, protéine kinase C, protéine G).

Le rôle structural des AGE s’exprime aussi, bien entendu, au niveau du cerveau et de la rétine puisque les phospholipides des membranes neuronales y sont très riches en DHA, mais aussi en 22:6 oméga 6 (oméga 6 DPA) qui s’incorpore aussi vite.

Toutefois, dans l’astrocyte, le principal produit du métabolisme des AGE est le DHA pour la famille oméga 3 et l’AA pour la famille oméga 6.

Mais bien que la fourniture d’AGPI oméga 6 au cerveau à partir du flux plasmatique soit plus élevée, c’est le DHA, plus que le oméga 6 DPA, qui s’accumule le plus dans les membranes du cerveau et de la rétine.

Mais le 22:6 oméga 3 peut jouer un rôle biologique tout aussi capital dans d’autres tissus : dans le muscle par exemple, il module la réponse à l’insuline du transport du glucose et des acides aminés.

B – FONCTION DYNAMIQUE :

Elle est liée à la production d’eicosanoïdes et d’autres médiateurs cellulaires lipidiques à partir de certains dérivés supérieurs des AG indispensables.

Bien que fondamentale, cette fonction ne correspondrait qu’à une part infime des besoins en AGE.

1- Eicosanoïdes :

Trois AGPI conduisent à ces médiateurs : le 20:3oméga 6, le 20:4oméga 6 (et accessoirement le 22:4oméga 6) et le 20:5oméga 3.

Les AGPI sont libérés de leur liaison aux phospholipides membranaires par l’action d’une enzyme membranaire, la phospholipase A2, calcium dépendante, enzyme des voies métaboliques d’aval qui agit sur son substrat, les phospholipides de membrane, pour libérer l’AA.

La voie des PG est ensuite ouverte à partir des cyclo-oxygénases (spécifiques du monde animal) et celle des leucotriènes (LT) à partir des lipo-oxygénases (communes au monde végétal et animal).

La biosynthèse de ces dérivés dépend de l’équipement enzymatique de la population cellulaire.

* Prostaglandines :

Ce sont des dérivés d’AG à chaîne longue hydroxylés et pourvus d’un cycle à 5 C dont la production est une des composantes du métabolisme des AGPI des phospholipides membranaires.

La PGH synthétase est un complexe multienzymatique qui comprend une activité cyclo-oxygénasique (COX, COX1 dans les plaquettes et COX2 dans les cellules endothéliales) conduisant à des endoperoxydes PGG instables, et une activité peroxydasique conduisant à une endoperoxyde PGH.

Ce composé relativement instable est un substrat pour diverses activités enzymatiques variables selon le type cellulaire considéré.

Dans la paroi vasculaire, les cellules endothéliales et les cellules musculaires lisses ont une prostacycline synthétase et les plaquettes sanguines ont une thromboxane (TX) synthétase.

– À partir de l’AA. Issue du PGH2 la PGI2 ou prostacycline est produite dans l’endothélium et la TXA2 est produite au niveau plaquettaire.

Les PGE2, D2, F2alpha sont également produites à partir du PGH2.

– À partir du 22:4oméga 6 (dérivé de l’AA), deux PG sont produites, le dihomo-PGI2 dans l’endothélium et le dihomo-TXA2 au niveau des plaquettes.

– À partir du DHGLA est produite la PGE1.

– À partir de l’EPA, la PGE3 et la PGI3 sont des prostacyclines produites dans l’endothélium (mais aussi la PGD3 et la PGF3alpha ; la TXA3 est d’origine plaquettaire. Les PG ont des fonctions dans l’hémostase et la thrombose (agrégation plaquettaire), l’inflammation et la vasomotricité, mais aussi la cytoprotection, l’apoptose…

Elles exercent leurs effets par l’intermédiaire de récepteurs ; il existe des sous-populations de récepteurs au TXA2.

* Leucotriènes :

Les LT sont des médiateurs lipidiques de structure linéaire, libérés au niveau des leucocytes et des plaquettes notamment.

Ils sont impliqués dans les réactions inflammatoires vasculaires, bronchiques, allergiques, immunitaires, chimiotactiques.

– À partir de l’AA. Sous l’effet d’une 5 lipo-oxygénase, l’AA conduit à un précurseur commun hydroperoxyde, le 5 HPETE, puis sous l’effet d’une LTA4 synthétase au LTA4, LT instable, puis à deux types de dérivés de celui-ci, le LTB4 pro-inflammatoire et puissant agent chimiotactique et le LTC4 conduisant successivement au LTD4 et au LTE4.

Ces LT ont un très fort pouvoir bronchoconstricteur et sont les composants de la slow reacting substance of anaphylaxis (SRSA). D’autres lipo-oxygénases conduisent à d’autres dérivés oxygénés : la 15 lipo-oxygénase conduit au 15 HPTE ; la 12 lipo-oxygénase conduit au 12 HPETE puis au 12 HETE libéré avec le TXA2 lors de l’activation et de l’agrégation plaquettaire, et aboutit à un isomère inactif du LTB4.

Les cellules endothéliales sécrètent aussi, en même temps que la PGI2, le 12 HETE.

Les cellules musculaires lisses le métabolisent en trois principaux dérivés selon deux voies : d’une part, il subit une bêta-oxydation [16:3(8-OH)] et d’autre part, il est réduit en 20:3(12-OH) par une 10-11 réductase et cet intermédiaire est lui-même transformé par bêta-oxydation en 16:2(8-OH).

Le rôle des métabolites du 12 HETE s’exerce sur l’inflammation, la fluidité membranaire, l’expression des récepteurs membranaires, l’athérogenèse (migration et prolifération cellulaires), le métabolisme et l’hydrolyse du cholestérol dans les cellules musculaires lisses.

– À partir du DHGLA, la production de LTB4 dans les polynucléaires neutrophiles est réduite.

– À partir de l’EPA.

Sous l’effet d’une 5 lipo-oxygénase sont produits les LTB5, LTC5 et LTD5 anti-inflammatoires.

La transformation du 20:5oméga 3 en LTB5 est doublement moins efficace que celle du LTB4 à partir du 20:4oméga 6 puisqu’elle est quantitativement moins importante ; et elle conduit à une LTB5 beaucoup moins chimiotactique.

L’EPA inhibe en outre la production de LTB4. L’EPA est un substrat privilégié pour la lipo-oxygénase par rapport à la cyclo-oxygénase. Le DHA est aussi un substrat pour la lipo-oxygénase.

Ainsi, parmi les AGPI, ceux de la série oméga 3 semblent avoir des effets bénéfiques vis-à-vis de l’athérothrombose, en partie en réduisant la production d’eicosanoïdes dérivés de l’AA dans les cellules sanguines et vasculaires.

Toutefois, le nombre élevé de doubles liaisons conduit à la production d’hydroperoxydes susceptibles de modifier le statut antioxydant en générant des radicaux libres oxygénés, ce qui stimule l’expression de la glutathion peroxydase, épargne la vitamine E plaquettaire, et diminue l’expression de la PGH synthétase 1 ou COX1 probablement en réponse à l’induction du stress oxydatif.

2- Autres médiateurs cellulaires lipidiques :

* « Platelet activating factor » (PAF)-acéther :

C’est un phospholipide fonctionnel dont la biosynthèse est initiée par une phospholipase A2 ; c’est le plus puissant activateur et antiagrégant plaquettaire connu.

Il stimule la libération du platelet derived growth factor (PDGF) et, pour cela, est incriminé dans les mécanismes de l’athérothrombose.

En cas de déficit en 18:2 oméga 6, le remplacement de la plus grande part de 20:4oméga 6 par du 20:3oméga 9 inhibe d’autant la synthèse de PAF (mais le 20:3oméga 9 est un bon substrat de la 12 lipo-oxygénase).

* Isoprostanes :

En temps normal, dans les liquides biologiques, les isoprostanes sont en quantité une à deux fois plus importante que les dérivés des PG synthétisés par la cyclo-oxygénase et ont été longtemps confondus avec ceux-ci.

Avec les PG, les isoprostanes appartiennent aux prostanoïdes mais sont issus d’une peroxydation non enzymatique de l’AA et ont une structure prostaglandine-like.

Ils sont augmentés en cas de stress oxydatif.

L’un d’entre eux, le 8-épiprostaglandine F2alpha a une action vasoconstrictrice sur les cellules musculaires lisses (notamment rénales), car il est capable d’activer des récepteurs du TX.

Ils sont produits in situ sur les phospholipides oxydés contenant de l’AA et sont ensuite relargués sous l’effet d’une phospholipase A2 dont l’un des rôles est d’éliminer les peroxydes de la membrane.

C – LIGAND POUR LE RÉCEPTEUR AUX CANNABINOÏDES :

Il existe des composés endogènes qui se lient aux récepteurs aux cannabinoïdes : le premier isolé fut le N-arachidinoyl éthanolamine appelé anandamide.

De nombreux anandamides contenant du 20:oméga 6 ou du 22:4oméga 6 (et peut-être des AG oméga 3) ont été isolés, alors que le N-palmitoyl éthanolamine est inactif.

Ainsi, la découverte de l’anandamine ajoute une nouvelle molécule biologiquement active à la cascade issue de l’AA.

Effets des acides gras essentiels et implications pour la pathologie :

Les effets des AGE sont à distinguer de ceux liés à la correction des symptômes carentiels qui correspondent aux effets liés à la couverture des besoins.

Ils sont d’analyse délicate car ils sont fonction du niveau des apports et de la place de ces AG sur le glycérol, de la proportion des apports des deux AG indispensables chefs de file, des apports conjoints des AG conditionnellement indispensables, et enfin de l’efficacité des voies métaboliques, notamment de la delta6 désaturase (en fonction des pathologies). Ils ne pourront être ici que résumés et donc simplifiés.

A – PATHOLOGIES CARDIOVASCULAIRES :

1- Lipides plasmatiques :

* Acide linoléique :

Principale source d’AGPI sur le plan quantitatif, il entraîne une diminution du cholestérol total et du cholestérol LDL (et de l’apoprotéine B [apoB]), sans abaisser le cholestérol hight density lipoprotein (HDL) tant que l’apport est inférieur à 11 % de la ration énergétique totale.

Cette baisse est due à une diminution de synthèse ainsi qu’en témoigne la baisse du lathostérol, et une augmentation du catabolisme (en entraînant une activité récepteur LDL maximale).

Il s’oppose ainsi à partir de 4 à 6% de la ration énergétique à l’effet hypercholestérolémiant des AG saturés.

Le LA est en outre susceptible de réduire la teneur en cholestérol des LDL et d’augmenter la taille des LDL, ce qui les rend moins athérogènes.

* Acide alphalinolénique :

Il a la même efficacité à 9 ou 10 g/j que le LA pour abaisser le cholestérol total, le cholestérol LDL, le cholestérol VLDL et l’apoB chez les hommes normolipidémiques et chez les sujets hyperlipidémiques.

L’effet sur les TG est identique et modestement à la baisse.

* Acide eicosapentaénoïque :

L’EPA diminue les TG et les lipoprotéines riches en TG, de façon dose-dépendante à partir de 1,5 g/j chez les sujets normolipidémiques et chez les sujets hypertriglycéridémiques de façon inconstante pour des apports très élevés (10 à 20 g/j).

* Acide gammalinolénique :

À 2 g/j, le 18:3 oméga 6 diminue, chez les sujets normolipidémiques (et chez les diabétiques), le cholestérol total et l’apoB.

2- Hémostase :

Les effets sur l’hémostase, bien démontrés sur l’agrégation plaquettaire in vitro, ne sont pas toujours le reflet des situations in vivo.

Le LA a un effet antithrombotique moindre, cependant, que celui de l’ALA.

En revanche, l’ALA (6 g/j) a des effets très proches de ceux de l’EPA (5 g/j) dans la mesure où la conversion de l’ALA en EPA est très rapide en l’absence de déficit en delta6 désaturase.

Cet effet des AG oméga 3 passe par une inhibition de la cyclo-oxygénase plaquettaire qui conduit de l’AA au TXA2 par compétition de l’EPA avec l’AA au niveau des lipides plaquettaires et par la production de TXA3 beaucoup moins actif dans l’agrégation plaquettaire que le TXA2, et à la production de PGI3 d’action similaire à celle de la PGI2.

Les AG oméga 3 (ALA et EPA) pourraient également réduire l’agrégation plaquettaire en intervenant sur certains récepteurs, notamment ceux du TXA2.

Bien qu’une baisse du rapport oméga 6/oméga 3 semble une condition nécessaire à la baisse de l’agrégation plaquettaire, des travaux récents indiquent que c’est la valeur absolue d’EPA qui détermine l’importance de l’inhibition de l’AA et l’incorporation de l’EPA dans les phospholipides plaquettaires.

L’AA apporté à haute dose (1,5 g/j) augmente à la fois la production de PGI2 et de TXA2, mais de façon plus importante de TXA2, ce qui pourrait avoir des effets en termes d’augmentation du risque de thrombose.

3- Autres effets sur le système vasculaire :

* Sur les troubles du rythme :

Les AG oméga 3, et en particulier l’EPA, exercent des effets antiarythmiques sur la tachycardie et la fibrillation ventriculaire induites chez l’animal et sur des cultures de cellules myocardiques isolées.

Chez l’homme, l’EPA accroît la variabilité de la fréquence cardiaque, inversement corrélée au risque de troubles du rythme après infarctus.

L’ALA a le même effet ; celui-ci ne semble pas direct mais médié par sa transformation en EPA et en DHA qui auraient un effet stabilisant sur les membranes par une stabilisation de l’activité électrique consécutive à l’inhibition des canaux ioniques membranaires.

De nombreuses données épidémiologiques viennent en renfort des données expérimentales.

* Autres effets cardiovasculaires :

– Le LA possède un effet normotenseur.

– Les AG oméga 3 exercent également des effets protecteurs vis-à-vis des cardiopathies ischémiques incluant l’augmentation de la captation du cholestérol par les HDL, une inhibition de la migration des macrophages, un effet anti-inflammatoire à travers la réduction de la production des cytokines, l’inhibition des facteurs de croissance cellulaire dans la paroi artérielle (PDGF) et l’augmentation de l’oxyde nitrique à partir de l’endothélium.

B – PATHOLOGIES NON CARDIOVASCULAIRES :

1- Immunité :

À travers la dégradation enzymatique d’eicosanoïdes, les AGE ont des effets bénéfiques sur la production de cytokines, les réactions inflammatoires, les réponses immunitaires spécifiques et non spécifiques, et l’infection.

Chez des animaux de laboratoire nourris avec une alimentation riche en ALA ou en EPA-DHA, on observe une diminution de la prolifération lymphocytaire, de l’activité des cellules T cytotoxiques, de l’activité des cellules tueuses naturelles, de la présentation des antigènes et de la production de cytokines pro-inflammatoires par les lymphocytes et les macrophages.

EPA et DHA augmentent la survie après administration d’endotoxine, diminuent les symptômes cliniques chez les animaux ayant des maladies auto-immunes et accroissent leur survie.

Ces effets suppressifs sont décroissants : EPA > DHA > ALA > LA.

Quels que soient les mécanismes, des études cliniques sont en faveur de l’effet des AG oméga 3 dans les maladies inflammatoires intestinales, les maladies rhumatismales auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde), les maladies inflammatoires cutanées (psoriasis), le rejet de greffe après transplantation rénale (en synergie avec la ciclosporine A), certaines maladies rénales (néphrite lupique, néphropathie à immunoglobulines A), la resténose après angioplastie…

2- Pathologie respiratoire :

Une supplémentation en AGE diminue le nombre d’infections respiratoires récidivantes chez l’enfant. Une supplémentation en AG oméga 3 (EPA) réduit les symptômes de l’asthme parallèlement à la production de LTB5.

3- Allergie et eczéma atopique :

Plusieurs études sont en faveur du bénéfice du GLA (dérivé de l’AA) dans l’eczéma atopique.

4- Cancers :

Les travaux sur lipides et cancers sont encore très discutés. Des données expérimentales et cliniques sont cependant en faveur du rôle bénéfique de l’ALA dans le cancer du sein, y compris au stade des métastases.

5- Neuropathie diabétique :

Au cours du diabète insulinodépendant déséquilibré et du diabète de type 2 de plus de 10 ans d’ancienneté, un déficit en delta6 désaturase, insulinosensible dans le diabète 1 et corrélé à l’insulinorésistance dans le diabète 2, engendre un déficit en GLA et en DHGLA précurseur de PGE1, un des facteurs impliqués dans la neuropathie diabétique.

La PGE1 a notamment un effet vasodilatateur, un effet fluidifiant sur les membranes, un effet antiagrégant plaquettaire, un effet inhibiteur sur l’accumulation de collagène…

6- Cirrhose :

Au cours de la cirrhose, un déficit enzymatique en delta6 et probablement en delta5 désaturase est observé, pouvant altérer la production des eicosanoïdes impliqués dans l’hémostase, le flux rénal hydrosodique, la protection de la muqueuse gastrique.

La supplémentation en GLA peut accroître le taux de DHGLA dans les phospholipides sériques et d’AA dans les plaquettes sanguines, ce qui pourrait avoir un effet favorable dans les complications de la cirrhose.

7- Syndrome prémenstruel :

Des études ont suggéré, chez les femmes ayant un syndrome prémenstruel, un défaut de conversion du LA en GLA.

Au cours du syndrome prémenstruel, les manifestations congestives sont améliorées par une supplémentation en GLA, probablement par le biais des effets anti-inflammatoires de la PGE1 et du LTB4.

C – STRESS OXYDATIF ET ACIDES GRAS ESSENTIELS :

Les AGE ainsi que l’AA, l’EPA et le DHA, sont des AGPI.

Ils sont présents dans les lipoprotéines et dans les membranes cellulaires. Ils sont susceptibles, notamment dans les LDL, de subir l’action des radicaux libres et autres espèces oxygénées réactives, dont l’origine peut être enzymatique sous l’action des lipo-oxygénases cellulaires dans l’espace sous-endothélial, ou non enzymatique.

Ceci aboutit à la formation de peroxydes lipidiques, susceptibles de modifier la structure de l’apoB aboutissant à une LDL oxydée impliquée dans l’athérothrombose.

Les LDL riches en AGPI sont plus oxydables que les AG monoinsaturés car les AGPI contiennent davantage de doubles liaisons.

Pour protéger les AGPI des LDL de l’oxydation, de nombreux systèmes de défense existent, en particulier la vitamine E présente dans les LDL et active au niveau de la phase lipidique : celle-ci est régénérée par la vitamine C (active au niveau de la phase aqueuse).

On estime que la peroxydation des AGPI in vivo peut être évitée par l’apport alimentaire de 0,6 à 1 mg de vitamine E par gramme d’AGPI oméga 6 et de 1,5 à 2 mg de vitamine E par gramme d’AGPI oméga 3.

Sources d’acides gras essentiels et dégradations lors des transformations :

A – SOURCES :

Les AGE sont largement présents dans les aliments couramment disponibles.

1- Acide linoléique :

Il est présent en quantité importante dans les végétaux, en particulier les oléagineux (graines, fruits), le germe des céréales (maïs…), les légumes et légumineuses (soja…) et leurs dérivés (huile de raisin, huile de tournesol, noix, arachide, carthame, pépin de raisin…) et les margarines qui en sont issues.

On en trouve aussi dans les produits animaux, en particulier les viandes (volaille, porc surtout…), la charcuterie, en faible quantité en revanche dans les produits laitiers.

Les principales sources dans l’alimentation des Français sont les corps gras.

2- Acide alphalinolénique :

Il est beaucoup moins répandu.

On en trouve dans certains oléagineux (noix, noisettes…), dans le soja, le colza, et le germe de blé et les huiles qui en dérivent ainsi que les margarines contenant ces huiles (Primevèret…).

Certains végétaux comme le pourpier en contiennent, ainsi que les animaux consommant des plantes qui en contiennent (oeufs [en Crète], escargot, gibier, lapin, lait de brebis) ; le hareng en contient également, le beurre de façon variable selon les saisons.

3- Acides gras conditionnellement indispensables :

* Acide gammalinolénique :

Ses sources sont représentées par les huiles d’onagre, de bourrache et de pépin de cassis.

* Acide arachidonique :

Sa source principale est représentée par les produits carnés et les oeufs.

* Acide eicosapentaénoïque :

Le plancton dont se nourrit le poisson est à l’origine d’une teneur élevée en EPA (et en DHA) dans le foie des poissons maigres, et dans la chair des poissons gras, ainsi que dans les mollusques et les crustacés.

B – DÉGRADATIONS LORS DES TRANSFORMATIONS :

1- Lors de la fabrication des corps gras :

Lors de l’hydrogénation partielle des huiles utilisées pour la fabrication de certaines margarines, une partie des doubles liaisons cis, non hydrogénée, peut être transformée en AG trans, réduisant d’autant la part des AGPI cis.

Mais la technologie des margarines a permis aujourd’hui, pour la plupart des margarines molles présentes en France, d’éviter le plus souvent la présence d’AG trans.

2- Lors du stockage :

La surgélation du poisson entraîne une diminution importante des AG oméga 3 au bout de quelques mois de stockage, ce qui n’est pas le cas des conserves de poisson dans lesquelles seuls des transferts surviennent entre le milieu de conservation et le produit.

3- Lors du chauffage :

Selon les conditions de chauffage (friture plate ou profonde, température, nombre, durée et continuité des chauffages), des altérations surviennent.

* Apparition de composés anormaux :

Ces composés sont issus de phénomènes de polymérisation, isomérisation, cyclisation, oxydation à partir des AG les plus sensibles, cette fragilité augmentant avec le nombre de doubles liaisons.

Ceci explique que la cuisson des huiles riches en ALA (plus de 2 %) ne soit pas légalement autorisée.

En réalité, les conditions habituelles et normales de cuisson entraînent très peu de dégradation et d’apparition de composés nouveaux.

C’est cette altération qui est à l’origine de la diminution des composés normaux (AGE).

* Perte des composés normaux :

Une perte en LA et en ALA survient de façon proportionnelle au degré et à la durée du chauffage, les AGPI étant les plus sensibles.

Besoins et apports conseillés :

Les besoins correspondent aux apports nécessaires pour éviter la survenue de carences.

Ils sont établis à partir de données expérimentales et cliniques.

On distingue le seuil d’apport nutritionnel minimal et le besoin moyen qui correspond à la moyenne de distribution des ingérés individuels. Les apports conseillés ou apports quotidiens (ou journaliers) recommandés sont des recommandations de références pour une population en bonne santé, tenant compte des données (habitudes et motivations) observées dans cette population.

Par définition, ils correspondent aux besoins moyens plus deux écarts types, et sont capables de satisfaire les besoins de 97,5 % des individus.

A – CHEZ L’ADULTE :

Chez l’adulte en bonne santé, il n’y a pas de besoin nutritionnel en AA ni en EPA car ces AG sont normalement synthétisés à partir des AGE (LA et ALA) bien que ce point soit encore souvent débattu.

On peut cependant considérer qu’un apport en EPA (et DHA) chez l’adulte en bonne santé, s’il n’est pas indispensable, est utile à hauteur de 0,1 à 0,2 % de l’apport énergétique total (AET), ou plus si l’apport en ALA est insuffisant.

Les apports en AGE doivent également être considérés entre eux.

En effet, un apport trop important en AG oméga 6 (il ne doit pas dépasser 10 % des AET) inhibe la désaturation de l’ALA et sa conversion en EPA. Le rapport optimal oméga 6/oméga 3 est de 4 à 8/1.

B – CHEZ LE NOUVEAU-NÉ ET L’ENFANT ET L’ENFANT :

Pour le nouveau-né, les apports sont fondés sur les teneurs en 20:4oméga 6 et en 22:6oméga 3 dans les phospholipides circulants et sur la composition du lait maternel qui contient tous les AG indispensables et conditionnellement indispensables avec un rapport oméga 6/oméga 3 de 13.

Chez le prématuré, l’utilisation d’un lait supplémenté en DHA permet une meilleure fonction visuelle et un meilleur développement cognitif, car sa production est insuffisante à partir de l’ALA et l’incorporation du DHA dans le cerveau en développement est dix fois plus rapide que la voie de biosynthèse à partir de l’ALA. Une faible proportion de DHA a été observée dans le cerveau d’enfants nourris au biberon, comparativement à des enfants nourris au sein.

Compte tenu du rôle essentiel pour la rétine et le cerveau du DHA chez le nouveau-né, et de l’immaturité enzymatique du nouveau-né prématuré, cet AG est considéré comme essentiel, avec la nécessité probable d’apporter simultanément de l’AA pour une croissance optimale.

Les laits infantiles doivent contenir de l’ALA (1 % des AG totaux et 0,5 % des calories totales), avec un rapport oméga 6/oméga 3 compris entre 5 et 15, et en particulier pour le prématuré du DHA (0,3 % des AG totaux), et de l’AA (0,3 – 0,7 % des calories totales). Plusieurs laits infantiles sont aujourd’hui supplémentés en DHA.

C – CHEZ LA FEMME ENCEINTE :

Dans la mesure où le pourcentage maximal de DHA dans la rétine est atteint à 36-38 semaines, et où un déficit en ALA avant cette période entraîne chez l’animal une altération de la fonction rétinienne, il semble bien que les enfants prématurés aient des besoins en DHA supérieurs à ceux des enfants à terme.

Mais dans la mesure où les enfants à terme peuvent synthétiser le DHA et l’AA à partir des précurseurs (bien que ceci soit encore controversé), l’ALA est bien sûr indispensable pendant la grossesse mais un apport en DHA peut être utile par précaution (risque de prématurité), notamment à partir de la 20e semaine, période de poussée accrétionnelle et de mise en place de la voie d’entrée dans la cellule de l’AA et du DHA.

D – CHEZ LES SUJETS ÂGÉS :

Chez le sujet âgé, un déficit de la delta6 désaturase peut survenir et pourrait réduire la synthèse des eicosanoïdes, notamment ceux provenant du DHGLA et ceux provenant de l’ALA en l’absence de consommation de poisson.

Mais une modification des voies d’oxydation de l’ALA compenserait ce déficit.

Autrement dit, il n’y a pas d’apport nutritionnel spécifique chez le sujet âgé mais il faut veiller à apporter non seulement des AGE en proportion adéquate, mais aussi du poisson, source d’EPA.

E – SITUATIONS PARTICULIÈRES :

1- Végétariens :

Les études ont montré que la proportion d’AA dans les lipides plasmatiques et tissulaires des végétariens et végétaliens était égale ou supérieure à celle des non-végétariens, mais que la proportion de DHA était plus faible.

Ce dernier point est attribué à une consommation excessive de LA qui inhibe la conversion d’ALA en EPA.

On doit donc leur conseiller d’accroître leurs apports en ALA (et en DHA chez les femmes allaitantes).

2- Diabétiques :

Les diabétiques déséquilibrés pourraient bénéficier d’une supplémentation en GLA susceptible de réduire les signes électrophysiologiques et cliniques de la neuropathie diabétique (et peut-être de la rétinopathie diabétique).

3- Coronariens et artéritiques :

Plusieurs études ont montré le rôle d’apports insuffisants en LA dans la pathogénie de l’artérite des membres inférieurs, justifiant des apports suffisants, mais le rôle du tabagisme est intriqué à ce facteur nutritionnel.

Chez le coronarien (après infarctus), la consommation d’ALA est particulièrement importante pour la prévention du risque de thrombose et de troubles du rythme responsables de mort subite, ainsi que l’a montré l’étude de Lyon, en veillant au rapport oméga 6/oméga 3.

4- Syndrome de malabsorption :

En cas de malabsorption, les besoins en AGE lors de la nutrition parentérale sont plus importants que ceux qui sont recommandés chez les sujets ayant une absorption intestinale préservée.

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