Acanthosis nigricans

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Acanthosis nigricans
Introduction :

Décrit initialement par Unna et Pollitzer en 1890, puis quelques années plus tard par Darier sous le terme de dystrophie papillaire et pigmentaire, l’acanthosis nigricans est une dermatose cutanéomuqueuse de fréquence assez rare, mais de diagnostic facile , reposant sur un aspect clinique caractéristique.

L’acanthosis nigricans a longtemps posé des problèmes d’ ordre nosologique et étiologique : dans un premier temps, ses rapports avec une néoplasie viscérale sous-jacente ont été mis en évidence, constituant ainsi un des premiers syndromes paranéoplasiques décrits.

Puis ont été décrites des associations à des endocrinopathies, dont le point commun est le plus souvent un hyperinsulinisme réactionnel à un état d’insulinorésistance.

Des travaux récents insistent sur le probable facteur de risque cardiovasculaire que représente intrinsèquement l’hyperinsulinisme.

Historique :

Les premiers cas d’acanthosis nigricans, décrits à la fin du siècle dernier par l’ équipe germanique de Unna et Pollitzer, correspondaient à des formes paranéoplasiques, les auteurs relevant d’emblée le lien existant entre cette éruption et un cancer viscéral, le plus souvent abdominal, en particulier gastrique.

Darier le décrit sous le terme de dystrophie papillaire et pigmentaire.

Au début du siècle, l’ attention fut attirée sur l’existence de formes non paranéoplasiques, « bénignes », fréquemment associées à des endocrinopathies.

Celles-ci étaient multiples et variées, concernant paradoxalement des états aussi opposés que des hyperthyroïdies, des hypothyroïdies, des hypercorticismes et des hypocorticismes, des acromégalies, des syndromes complexes avec nanisme.

Sur la base des travaux de Curth, l’acanthosis nigricans fut scindé en quatre syndromes différents : des formes paranéoplasiques, bénignes, syndromiques et des pseudoacanthosis nigricans observés chez le sujet obèse.

Suite aux travaux de Kahn, dans les années 1970, cette classification est actuellement rejetée.

La physiopathologie des acanthosis nigricans non paranéoplasiques a été bien mieux comprise, insistant sur la responsabilité d’un état d’hyperinsulinisme, réactionnel à une situation d’insulinorésistance.

Ceci semble constituer le point commun à la majorité des acanthosis nigricans bénins, qu’il s’agisse de cas associés à une endocrinopathie, à une surcharge pondérale ou de ceux apparaissant dans un contexte familial génétique.

Description :

L’acanthosis nigricans est caractéristique par sa topographie et par ses lésions élémentaires.

A – TOPOGRAPHIE :

L’acanthosis nigricans débute puis prédomine dans les grands plis, surtout ceux des régions axillaires et inguinales et autour de la nuque qui semble constituer la région le plus fréquemment et le plus précocement atteinte.

Secondairement, les lésions peuvent diffuser , concerner tous les plis, en particulier ceux de la région périombilicale, des creux poplités, des coudes , la face dorsale des articulations interphalangiennes.

Des atteintes extensives, touchant de grandes surfaces cutanées, ont été observées.

De façon exceptionnelle, l’ ensemble des téguments peut être atteint ; ces cas peuvent s’associer à une alopécie et à une leuconychie.

Ces formes profuses semblent surtout être l’apanage des acanthosis nigricans paranéoplasiques.

Plus rarement, les paupières , les lèvres et la région vulvaire sont concernées.

La semi-muqueuse des lèvres peut être recouverte de petites formations papillomateuses prédominant aux commissures.

Les muqueuses pharyngolaryngées, oesophagiennes et anogénitales sont parfois le siège de lésions d’acanthosis nigricans. Dans son ensemble, l’éruption est le plus souvent symétrique.

B – LÉSIONS ÉLÉMENTAIRES :

L’acanthosis nigricans associe deux types d’anomalies : une hyperpigmentation brunâtre, d’ origine mélanique, et un épaississement cutané donnant l’ impression d’une peau rugueuse, sèche, infiltrée, reflet de l’acanthose et de la papillomatose.

Au niveau des paupières, les lésions sont parfois exclusivement papillomateuses, non pigmentées. Une hyperkératose isolée des mamelons a été observée.

Au niveau des paumes des mains, on peut observer un aspect épaissi ressemblant plus ou moins à celui de la muqueuse intestinale.

L’aspect le plus caractéristique est un épaississement des dermatoglyphes.

Cette pachydermatoglyphie est très évocatrice d’un acanthosis nigricans paranéoplasique.

Elle serait fréquente dans environ un quart des cas paranéoplasiques, alors qu’elle est absente, ou en tout cas très discrète, dans les formes bénignes.

Les muqueuses sont le siège de lésions pigmentées, généralement isolées, rarement papillomateuses et infiltrées.

Diagnostic positif :

Le diagnostic de l’acanthosis nigricans est avant tout clinique et ne nécessite généralement pas d’examens complémentaires , à l’exception de ceux nécessités par l’enquête étiologique.

A – EXAMEN HISTOLOGIQUE :

Les lésions sont non spécifiques.

On observe une hyperplasie épidermique qualitativement normale avec une importante papillomatose, une hyperkératose de type orthokératosique, une acanthose plus discrète.

Au niveau de la couche basale, il existe une discrète hyperpigmentation mélanique.

Dans le derme, on n’observe aucune lésion et en particulier aucun infiltrat.

Les colorations histologiques ne présentent pas d’intérêt.

On ne remarque pas d’anomalie du réseau dermique (fibres élastiques et collagéniques).

La coloration argentaffine montre une augmentation de la quantité de mélanine dans l’épiderme, sans élévation du nombre des mélanocytes.

B – MICROSCOPIE ÉLECTRONIQUE :

Lorsque cet examen est pratiqué , on observe la présence de grandes vacuoles à l’ intérieur des kératinocytes, des altérations dégénératives des kératinocytes superficiels.

Les grains de kératohyaline sont irréguliers.

Il existe une hyperactivité des mélanocytes très riches en mélanosomes.

Des dépôts de glycosaminoglycans ont été décrits chez des patients présentant un acanthosis nigricans avec syndrome des ovaires polykystiques.

L’origine de ces dépôts est mal précisée et pourrait traduire des anomalies du métabolisme glucidique en rapport avec l’état d’insulinorésistance.

Épidémiologie :

L’acanthosis nigricans a longtemps été considéré comme une dermatose rare.

En fait, son incidence véritable a sans doute été en partie sous-estimée.

Des cas d’acanthosis nigricans bénins ont été observés à tout âge, parfois même dès la naissance.

Dans une étude portant sur l’examen systématique de 1 412 enfants, l’incidence de l’acanthosis nigricans s’est révélée être de l’ordre de 7,1 %.

La prévalence exacte était de 5,7 % à l’âge de 11 ans, 9,3 % à l’âge de 12 ans, 6,6 % à l’âge de 13 ans et 6,5 % à l’âge 16 ans.

Le sex-ratio était à peu près égal avec 52,5 % de garçons et 47,5 % de filles.

Cette étude, réalisée aux États-Unis , a également démontré des différences d’incidences suivant l’origine des patients : l’incidence est inférieure à 1 % chez les sujets « blancs non hispaniques » ; elle montait à 5,5 % chez les sujets d’origine hispanique et à 13,3 % chez les Noirs.

Dans une population adulte de sujets obèses, les trois quarts des 34 patients examinés étaient atteints d’acanthosis nigricans. Les formes paranéoplasiques d’acanthosis nigricans sont beaucoup plus rares.

Si l’incidence exacte de ces acanthosis nigricans est inconnue, il est en tout cas clair que la plupart des patients présentant un cancer n’ont pas d’acanthosis nigricans : dans une étude portant sur 12 000 patients atteints de cancers observés pendant 10 ans, seulement deux présentaient un acanthosis nigricans.

La plupart des associations acanthosis nigricanscancers mettent en évidence des néoplasies d’origine variée, le plus souvent abdominales, en particulier gastriques.

Diagnostics différentiels :

Le diagnostic d’acanthosis nigricans est le plus souvent cliniquement facile ; certains diagnostics différentiels peuvent parfois se discuter, en particulier les dermatoses présentant un aspect pigmenté et touchant fréquemment les plis.

A – DERMATOSE PIGMENTAIRE ET RÉTICULÉE DES PLIS OU MALADIE DE DOWLING-DEGOS :

C’est une génodermatose autosomique dominante, de fréquence plus rare chez l’homme.

Elle se caractérise par une pigmentation brunâtre et réticulée des plis prédominant dans les plis axillaires, inguinaux et sous-mammaires.

Cette pigmentation est isolée, n’étant associée à aucune anomalie quantitativement visible de l’épiderme : ni hyperkératose, ni papillomatose.

B – PAPILLOMATOSE CONFLUENTE ET RÉTICULÉE DE GOUGEROT-CARTEAUD :

Elle réalise des placards pigmentés hyperkératosiques, papillomateux, formés par la coalescence de petites papules.

Elle prédomine sur des régions présternales et médiodorsales.

Elle est parfois associée à d’authentiques acanthosis nigricans.

Le traitement spécifique semble être la minocycline qui permettrait des régressions complètes.

C – MALADIE DE DARIER :

Elle peut simuler un acanthosis nigricans du fait de l’existence de plaques brunâtres « crasseuses », à surface kératosique.

Comparées à un acanthosis nigricans, les lésions sont mieux limitées et sont plus kératosiques que papillomateuses.

En cas de doute, l’examen histologique confirme le diagnostic : présence d’une hyperkératose de type parakératosique avec globes cornés, existence de corps ronds dans le corps muqueux traduisant la dyskératose kératinocytaire.

D – MALADIE DE FOX-FORDYCE :

Elle peut évoquer un acanthosis nigricans du fait de sa localisation aux plis et de son aspect pigmenté en « nappes ».

Ses lésions sont beaucoup plus papuleuses, de nature folliculaire, en rapport avec une rétention des glandes apocrines.

Surtout, la maladie de Fox-Fordyce se différencie facilement d’un acanthosis nigricans par la présence d’un prurit intense, source d’un grattage répété, responsable d’une lichénification.

E – MÉLANODERMIES :

Elles siègent souvent dans les plis et sur les zones de frottement.

Elles peuvent donc simuler un acanthosis nigricans bien qu’il manque la composante hyperkératosique.

Les principales étiologies sont :

– l’insuffisance surrénale d’Addisson ;

– la maladie de Cushing ;

– les hypersécrétions de melanocytic stimulating hormone (MSH) ;

– l’hémochromatose ; – l’arsénicisme ;

– enfin, les hypermélanoses induites par certains antimitotiques.

F – LYMPHOMES CUTANÉS :

Certains lymphomes cutanés peuvent simuler des acanthosis nigricans, essentiellement des états parapsoriasiques en « plaques » ou certains lymphomes T cutanés.

À l’inverse, des proliférations hématodermiques peuvent s’accompagner d’un acanthosis nigricans.

G – PITYRIASIS VERSICOLOR :

Cette dermatomycose est parfois discutée devant des lésions profuses et émiettées de topographie présternale ou dorsale, mais le diagnostic en est généralement facile.

H – DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DES ATTEINTES ORALES :

On peut discuter un syndrome de Goltz-Gorlin, une maladie de Cowden, une granulomatose de Wegener, une lipoprotéinose, une réticulohistiocytose, une hypertrichose lanugineuse buccale.

Pathologies associées :

Les acanthosis nigricans peuvent être classés en deux grands types : paranéoplasiques, et bénins ou non paranéoplasiques.

A – ACANTHOSIS NIGRICANS PARANÉOPLASIQUES :

Ils constituent d’authentiques syndromes paranéoplasiques.

Ils apparaissent à la suite du développement d’une néoplasie, régressent habituellement après la cure chirurgicale de ces cancers, mais récidivent en cas de métastases ou de développement secondaire de ces cancers.

D’après des travaux de Curth, le cancer est précédé par l’acanthosis nigricans dans 17 % des cas, et apparaît de façon simultanée dans 61 % des cas.

Dans 22 % des cas, le cancer est découvert avant la survenue de l’acanthosis nigricans.

D’une façon générale, il semble que l’existence d’un acanthosis nigricans au cours d’un cancer soit un facteur de mauvais pronostic.

Ainsi, dans nombre de cas, lorsque des cancers étaient associés à un acanthosis nigricans, ils se révélaient déjà inopérables et de pronostic particulièrement mauvais.

Devant un acanthosis nigricans, les arguments en faveur de l’origine paranéoplasique sont les suivants :

– installation rapide ;

– association d’autres manifestations cutanées, tel un signe de Leser-Trelat ;

– hyperkératose palmoplantaire ;

– papillomatose cutanée floride. Cette dernière association pose toutefois des problèmes nosologiques.

L’âge de survenue constitue un argument faible, puisque si les formes paranéoplasiques sont plus fréquentes à l’âge adulte, comme l’ensemble des cancers, des formes paranéoplasiques ont néanmoins été décrites chez l’enfant dès l’âge de 2 ans.

Les meilleurs signes en faveur de l’origine paranéoplasique sont l’existence d’une pachydermatoglyphie et une éruption particulièrement intense et diffuse touchant l’ensemble des plis et les muqueuses.

L’existence d’un prurit, présent dans 47 % des cas environ, plaide également en faveur de l’origine paranéoplasique.

Les différents types de cancers associés sont variables mais sont dominés par des cancers abdominaux, en particulier les cancers de l’estomac.

Ainsi, dans une étude de Curth portant sur 191 cas, il s’avère que 90 % des acanthosis nigricans étaient associés à un cancer abdominal.

Les cancers de l’estomac représentaient à eux seuls 69 % des étiologies.

Les 31 % restants étaient dominés par des cancers de l’utérus, du foie, de l’intestin, du rectum et du côlon.

Parfois, des cancers non abdominaux ont été observés, dans 8 % des cas ; il s’agit surtout des cancers mammaires et pulmonaires.

En 1984, une autre étude, portant cette fois-ci sur 247 cas, a mis en évidence 112 cancers de l’estomac, 20 cancers du poumon, 19 cancers du foie, 18 cancers de l’utérus et 10 lymphomes, aussi bien des lymphomes hodgkiniens que non hodgkiniens, dont des cas de mycosis fongoïde.

Sur un plan histologique, la plupart des cancers associés sont des adénocarcinomes.

B – ACANTHOSIS NIGRICANS BÉNINS :

Au cours des acanthosis nigricans bénins, plusieurs situations peuvent être rencontrées :

– acanthosis nigricans associés à des endocrinopathies ;

– acanthosis nigricans avec surcharge pondérale ;

– acanthosis nigricans familiaux isolés ;

– acanthosis nigricans et syndromes dysmorphiques complexes ;

– acanthosis nigricans et maladies auto-immunes ;

– acanthosis nigricans et médicaments.

1- Acanthosis nigricans associés à des endocrinopathies :

De multiples endocrinopathies ont été décrites comme pouvant être associées à des acanthosis nigricans non paranéoplasiques.

Celles-ci étaient aussi variées que des hypercorticismes, des insuffisances surrénaliennes, des hyperthyroïdies, des hypothyroïdies, des cas d’acromégalie, des diabètes, etc.

Il convient de signaler que ces observations datent d’une époque où le dosage de l’insuline n’était pas courant : ainsi on ne peut préciser, dans la plupart de ces observations, s’il existait ou non un hyperinsulinisme.

Ceci n’a pas facilité la compréhension de la pathogénie de l’acanthosis nigricans.

On constate que dans tous ces cas, l’existence d’une insulinorésistance avec hyperinsulinisme réactionnel est possible.

Les hypercorticismes induisent par eux-mêmes un état d’insulinorésistance, et l’origine de l’hypercorticisme peut être autoimmune, ce qui peut favoriser la sécrétion d’autoanticorps antirécepteurs à l’insuline qui, comme nous le verrons ultérieurement, est la source d’une insulinorésistance. De même, l’insuffisance surrénale est souvent d’origine auto-immune.

En cas d’hypothyroïdie, il existe une surcharge pondérale qui est la source d’une insulinorésistance.

Nombre d’hyperthyroïdies sont d’origine auto-immune, avec sécrétions possibles d’autre types d’autoanticorps, tels des anticorps antirécepteurs à l’insuline.

2- Acanthosis nigricans et surcharge pondérale :

La survenue d’un acanthosis nigricans chez un patient obèse a longtemps été considérée comme sans valeur, et on parlait volontiers de « pseudoacanthosis nigricans » du sujet obèse.

On considérait que les lésions de type acanthosis nigricans ne traduisaient qu’une simple hyperplasie épidermique en rapport avec le frottement et la macération dans les plis épaissis de ces patients.

Or, des études ont démontré que l’existence d’un acanthosis nigricans était loin d’être constante chez un sujet en état de surcharge pondérale.

De plus, les lésions débordent largement des zones de frottement, ce qui démontre bien qu’on ne puisse pas incriminer le seul facteur de frottement pour expliquer la survenue de ces lésions.

Aujourd’hui, l’ensemble des auteurs considèrent qu’il s’agit d’authentiques acanthosis nigricans.

Chez un sujet en état de surcharge pondérale, il existe toujours un certain degré d’insulinorésistance avec hyperinsulinisme réactionnel.

Des travaux, en particulier ceux de Flier, semblent démontrer que chez un sujet obèse, l’existence d’un acanthosis nigricans signe un hyperinsulinisme particulièrement important, plus important que celui habituellement observé pour un même poids.

L’évolution de l’hyperinsulinémie est parallèle à celle de la surcharge pondérale : en cas d’aggravation, elle augmente ; en cas de régime et de perte de poids, elle diminue rapidement.

Cette notion prend toute son importance chez les sujets obèses puisque de nombreux arguments plaident actuellement pour le fait que l’hyperinsulinémie constitue en soi un facteur intrinsèque de risque cardiovasculaire, venant s’ajouter au facteur de risque représenté par la surcharge lipidique.

3- Acanthosis nigricans familiaux :

Ils sont considérés comme une génodermatose rare transmise sur un mode autosomique dominant.

L’âge de survenue est variable, parfois dès la naissance, parfois plus tardivement.

Lorsqu’il débute précocement, il s’accompagne d’une accélération de la croissance des os responsable d’une grande taille.

De même que pour les endocrinopathies, la plupart des cas décrits l’ont été à une époque où le dosage de l’insuline n’était pas de pratique courante.

Il est permis de se demander si une insulinorésistance, source d’hyperinsulinémie, n’existait pas chez ces patients, comme cela semble être le cas dans les observations les plus récentes.

4- Acanthosis nigricans et syndromes dysmorphiques complexes :

De très nombreux syndromes plus ou moins complexes peuvent être associés à un acanthosis nigricans.

La liste en est longue, mais on retiendra plus particulièrement :

– le lepréchaunisme ;

– le syndrome ataxie-télangiectasie ;

– le syndrome de Seip-Lawrence et les autres états de diabète lipoatrophique ;

– le syndrome des ovaires micropolykystiques ;

– les syndromes de Bloom, de Rud, de Crouzon, d’Alström ;

– les syndromes de Rabson et Mendenhall, de Berardinelli.

Ces syndromes sont extrêmement variés dans leur expression, mais le point commun semble constitué par l’existence d’un état d’hyperinsulinisme.

* Lepréchaunisme :

Il s’agit d’une affection exceptionnelle, caractérisée par un faciès d’elfe avec proéminence oculaire, un retard de croissance, une hypertrophie des organes génitaux externes.

Au niveau de la peau, on observe une hypertrichose, un acanthosis nigricans, une diminution relative du tissu adipeux et une hypertrophie gingivale.

Le lepréchaunisme s’accompagne fréquemment d’anomalies du métabolisme glucidique avec insulinorésistance.

Celui-ci serait lié à une anomalie de nature « postrécepteur ».

* Syndrome de Bloom :

De transmission autosomique récessive, il associe un état poïkilodermique télangiectasique, du visage avec photosensibilité.

Plus tard, une fragilité chromosomique héréditaire favorise la survenue de multiples néoplasies.

L’acanthosis nigricans y est possible mais inconstant.

Syndrome de Rud Congénital, transmis sur un mode autosomique récessif, il associe une érythrodermie ichtyosiforme congénitale sèche, un nanisme, des anomalies du squelette des mains et des pieds, une comitialité, un hypogonadisme d’origine centrale, une surdité et une rétinite.

L’acanthosis nigricans y est inconstant.

* Syndrome de Mendenhall :

Ce syndrome associe une lipoatrophie de la partie supérieure du corps avec distension abdominale, hépatomégalie de surcharge, hypertrophie des organes génitaux externes.

Un acanthosis nigricans y est fréquent associé à une insulinorésistance par baisse du nombre des récepteurs à l’insuline.

* Maladie de Werner et progeria :

Elles peuvent présenter des acanthosis nigricans.

Un état d’insulinorésistance est habituel au cours de ces affections d’évolution sévère.

5- Acanthosis nigricans et maladies auto-immunes :

Des affections auto-immunes ont également été associées à des acanthosis nigricans, telles que cirrhose biliaire primitive, lupus érythémateux, dermatomyosite, sclérodermie, maladies au cours desquelles la production d’autoanticorps est habituelle.

La sécrétion d’autoanticorps antirécepteurs à l’insuline, responsable d’un état d’insulinorésistance, a été décrite au cours de ces syndromes.

6- Acanthosis nigricans et médicaments :

Quelques cas d’acanthosis nigricans apparemment induits par une prise médicamenteuse ont été décrits.

Il est important de noter que la plupart des médicaments répertoriés se révèlent capables d’induire, par voie générale ou localement, un état d’insulinorésistance ou un hyperinsulinisme.

Physiopathologie :

A – INTRODUCTION :

Comme le montre l’examen histologique, l’acanthosis nigricans correspond à une hyperplasie qualitativement normale de l’épiderme.

Celle-ci est responsable de l’aspect clinique.

Il est raisonnable de considérer que l’acanthosis nigricans est le résultat d’une stimulation exagérée de la croissance épidermique par des facteurs de croissance.

Ceux-ci peuvent agir directement en stimulant les kératinocytes, ou indirectement en stimulant les fibroblastes dermiques qui, on le sait, interviennent dans la régulation du renouvellement épidermique.

Dans les formes paranéoplasiques, la pathogénie est encore mal précisée, mais on s’accorde à penser que des facteurs de croissance sécrétés par les cellules cancéreuses induisent l’hyperplasie.

Dans les autres formes d’acanthosis nigricans, il semble que l’hyperinsulinisme généralement retrouvé constitue le facteur de croissance responsable.

B – PATHOGÉNIE DES ACANTHOSIS NIGRICANS PARANÉOPLASIQUES :

L’acanthosis nigricans constitue un véritable syndrome paranéoplasique, régressant avec la cure de la tumeur et récidivant en même temps qu’elle.

Cette affection a été décrite chez le chien, en cas de cancer du foie, avec cette même évolution parallèle de type paranéoplasique.

L’acanthosis nigricans est secondaire à une hyperplasie épidermique réactionnelle à une sécrétion d’un facteur de croissance par les cellules cancéreuses, le plus souvent de type adénocarcinome.

Plusieurs molécules se révèlent capables de stimuler les kératinocytes, ou les fibroblastes dermiques, alors qu’elles peuvent être sécrétées par des cellules cancéreuses.

Le principal facteur de croissance aujourd’hui suspecté est le transforming growth factor alpha (TGFá).

Ainsi chez un patient porteur d’un mélanome et chez d’autres atteints de cancer gastrique, des taux élevés de TGF-á ont été retrouvés dans les urines.

Le TGFá pourrait stimuler les kératinocytes de façon directe ou indirecte, par le biais des récepteurs à l’epidermal growth factor (EGF), autre facteur de croissance important de l’épiderme, du fait de sa ressemblance sur un plan tridimensionnel.

De même, il est possible que d’autres cas d’acanthosis nigricans soient secondaires à la sécrétion d’EGF par les cellules cancéreuses.

Les cellules épidermiques présentent des récepteurs pour de nombreux facteurs de croissance dont le TGFá et l’EGF.

C – PATHOGÉNIE DES ACANTHOSIS NIGRICANS NON PARANÉOPLASIQUES :

Les pathologies associées à des acanthosis nigricans bénins sont multiples.

Dans la plupart des cas, le point commun se révèle être un état d’hyperinsulinisme réactionnel à une situation d’insulinorésistance.

1- Rappel sur les métabolismes de l’insuline et des somatomédines :

L’insuline est sécrétée par les cellules bêta de Langerhans du pancréas.

Elle intervient fondamentalement dans la régulation du métabolisme glucidique, mais joue également un rôle non négligeable dans une multitude d’autres actions métaboliques.

Son activité passe par le biais d’une fixation à des récepteurs spécifiques appelés récepteurs à l’insuline.

Ces récepteurs, situés au niveau des membranes des cellules cibles, sont des glycoprotéines, d’un poids moléculaire de 300 000 Da.

La fixation de l’insuline sur le récepteur membranaire provoque une réaction enzymatique à type de phosphorylation.

Il s’ensuit une cascade de réactions enzymatiques aboutissant à la synthèse d’acides nucléiques.

Il existe une corrélation inverse entre le taux d’insuline et le nombre de récepteurs, ce qui constitue un mécanisme de régulation par feedback : plus le taux d’insuline augmente, plus le nombre de récepteurs diminue.

Ainsi, en cas d’hyperinsulinisme, le nombre de récepteurs à insuline est plus faible, de même en cas de surcharge pondérale, on observe une diminution nette du nombre des récepteurs à insuline.

Les actions cellulaires de l’insuline sont multiples.

Elles régulent le métabolisme du glucose mais interviennent également dans celui des acides aminés et exercent donc des effets anabolisants.

Point fondamental pour comprendre la physiopathogénie de l’acanthosis nigricans, l’insuline présente également une affinité, faible certes, mais non négligeable, pour les récepteurs aux somatomédines appelées insuline-like growth factor I (IGF-I). L’IGF-I est un facteur de croissance essentiel, en particulier pour la croissance osseuse, sécrété par le foie sous l’influence de l’hormone de croissance.

En fait, l’IGF-I constitue le médiateur périphérique de l’hormone de croissance.

En cas de sécrétion excessive d’hormone de croissance, on observe une élévation du taux d’IGF-I responsable du syndrome d’acromégalie.

À l’inverse, l’absence de réponse de sécrétion de l’IGF-I après stimulation par l’hormone de croissance conduit à un nanisme harmonieux.

L’exemple classique est le pygmée d’Afrique dont le foie ne sécrète pas d’IGF-I.

Les somatomédines de type IGF-I présentent des effets anabolisants majeurs sur la croissance osseuse et les diverses synthèses protéiques.

Elles stimulent la croissance de multiples tissus tels que l’os, le muscle, l’épiderme (les kératinocytes présentent des récepteurs aux IGF-I), les vaisseaux, les cellules sexuelles de l’ovaire et des testicules.

Il a été démontré que l’insuline et l’IGF-I dérivent probablement d’une même molécule qui, au cours de l’évolution, s’est scindée en deux molécules distinctes restant encore assez proches sur le plan de leur structure tridimensionnelle.

De plus, il s’avère que l’insuline est capable de se fixer et de stimuler les récepteurs membranaires aux IGF-I, avec toutefois une faible affinité.

Néanmoins, on comprend facilement qu’en cas d’hyperinsulinisme, c’est-à-dire lorsque le taux d’insuline est très élevé, cette action de l’insuline, par le biais des récepteurs à l’IGF-I, n’est plus négligeable et que l’insuline exerce alors un effet anabolisant important sur les divers tissus cibles tels que les ovaires, les testicules, les os, les vaisseaux et l’épiderme.

2- Insulinorésistance :

Elle peut être révélée soit par des dosages simultanés de la glycémie et de l’insulinémie lors d’une épreuve d’hyperglycémie provoquée, soit par une deuxième méthode : le clamp euglycémique.

Celui-ci mesure la quantité de glucose exogène nécessaire pour maintenir une glycémie constante lorsqu’une quantité d’insuline prédéterminée est perfusée.

Cette insulinorésistance peut être due à trois mécanismes différents :

– le premier, qui est assimilé au syndrome de Kahn de type A, correspond à une disparition ou à une diminution importante du nombre des récepteurs à l’insuline à la surface des membranes cellulaires ;

– le deuxième, appelé syndrome de Kahn type B, est lié à la présence d’autoanticorps antirécepteurs à l’insuline qui, en se fixant sur les récepteurs à l’insuline avec une forte affinité, empêchent la fixation de l’insuline ;

– le troisième, correspondant au syndrome de Kahn de type C, est moins bien connu et traduit une anomalie enzymatique postrécepteur siégeant sur la cascade enzymatique qui intervient après la stimulation du récepteur à l’insuline.

Quel que soit le mécanisme de l’insulinorésistance, qu’il s’agisse d’une anomalie du récepteur (type A) postrécepteur (type C) ou d’une maladie auto-immune (type B), le résultat sera le même : pour compenser cette insulinorésistance, le pancréas va synthétiser une quantité beaucoup plus importante d’insuline, ce qui crée une hyperinsulinémie et peut contribuer à éviter une perturbation du métabolisme glucidique.

Ainsi, un état d’insulinorésistance ne s’accompagne pas forcément d’un diabète.

Au contraire même, l’hyperinsulinémie vise à éviter l’hyperglycémie.

On comprend qu’un simple dosage de la glycémie ne suffise en aucun cas à éliminer un état d’insulinorésistance.

3- Rôle de l’hyperinsulinémie dans la survenue de l’acanthosis nigricans :

En cas d’hyperinsulinémie, l’insuline, présente en taux élevé dans le sang et ne pouvant plus se fixer sur les récepteurs à l’insuline, a tendance à se fixer de façon importante sur les récepteurs aux IGF-I.

Il s’ensuit une action de l’insuline de type pseudosomatomédine, c’est-à-dire une action fortement anabolisante sur divers tissus :

– au niveau du muscle, ceci entraîne une hypertrophie musculaire ;

– au niveau des veines, une phlébomégalie ;

– au niveau des cellules sexuelles, une hyperandrogénie ;

– au niveau des cellules osseuses, lorsque la croissance n’est pas terminée, donc chez l’enfant, une grande taille ;

– enfin au niveau de la peau, une hyperplasie épidermique telle que celle que l’on observe au cours des acanthosis nigricans.

La présence de récepteurs kératinocytaires à l’insuline et à l’IGF-I a été démontrée.

4- Syndromes de Kahn :

On a longtemps décrit les syndromes de Kahn comme des syndromes anatomocliniques.

Le type A se traduisait cliniquement par des signes d’hyperandrogénie (acné, hyperpilosité, alopécie androgénogénétique, stérilité) ; chez la femme, une association fréquente à un syndrome des ovaires micropolykystiques.

Sur un plan biologique, l’anomalie était une diminution très importante du nombre des récepteurs à l’insuline.

On lui opposait le type B de Kahn, cliniquement caractérisé par sa survenue plutôt chez une femme plus âgée présentant diverses anomalies traduisant des anomalies d’ordre auto-immun : association à divers autoanticorps (lupus érythémateux systémique, vitiligo, cirrhose biliaire primitive, thyroïdite auto-immune, syndrome néphrotique, syndrome ataxie-télangiectasies).

Sur un plan biologique, l’insulinorésistance est donc liée à des autoanticorps se fixant sur les récepteurs à l’insuline.

Aujourd’hui, on ne doit plus considérer qu’il s’agisse de syndromes cliniques, mais simplement d’un mécanisme physiopathologique permettant de comprendre la survenue d’une insulinorésistance.

5- Insulinorésistance et endocrinopathies :

Nous avons déjà signalé la possibilité d’une insulinorésistance et donc d’un hyperinsulinisme en cas de thyroïdite d’Hashimoto par synthèse d’autoanticorps antirécepteurs à l’insuline.

À l’inverse, en cas d’hypothyroïdie, le mécanisme semble être plus en rapport avec la surcharge pondérale (due à l’hypothyroïdie), ce qui induit l’état d’insulinorésistance.

La maladie de Cushing peut provoquer une insulinorésistance par deux mécanismes :

– d’une part, les corticostéroïdes exercent un effet anti-insuline ;

– d’autre part, la maladie de Cushing peut être d’origine autoimmune avec synthèse d’autoanticorps antirécepteurs à l’insuline.

La maladie d’Addison est le plus souvent d’origine auto-immune, avec possibles sécrétions d’autoanticorps antirécepteurs.

L’acromégalie peut s’accompagner d’acanthosis nigricans : le mécanisme semble alors légèrement différent puisque, dans ce cas, l’hyperplasie épidermique serait le résultat direct de la stimulation excessive des récepteurs à l’IGF-I par un taux anormalement élevé d’IGF-I et non d’insuline.

6- Insulinorésistance et médicaments :

L’acide nicotinique induit directement un état d’insulinorésistance.

Les cas d’acanthosis nigricans, apparaissant au site d’injection de l’insuline, illustrent directement l’effet anabolisant de l’insuline au niveau de l’épiderme en cas d’hyperinsulinémie localisée.

Les hormones sexuelles, les corticostéroïdes, induisent des insulinorésistances.

7- Insulinorésistance et syndromes dysmorphiques complexes :

Parmi les très nombreux syndromes dysmorphiques complexes décrits comme pouvant être associés à un acanthosis nigricans, la recherche d’une hyperinsulinémie révélatrice d’une insulinorésistance a rarement été entreprise.

On constate toutefois que dans la plupart des cas, il est possible de proposer une explication à la présence d’une insulinorésistance.

Celle-ci est habituelle en cas de lepréchaunisme, de syndrome de Bloom, de syndrome de Werner et de progeria, de syndrome de Seip-Lawrence, ou d’autres états avec lipoatrophie, et de syndrome ataxie-télangiectasies.

8- Maladies auto-immunes et insulinorésistance :

Les cas d’acanthosis nigricans décrits au cours d’affections autoimmunes, tels le lupus érythémateux et la dermatomyosite, peuvent s’expliquer par la présence d’autoanticorps antirécepteurs à l’insuline induisant une insulinorésistance.

Dans ce cas, il est important de connaître cette situation avant de prescrire des corticostéroïdes, si ce traitement est envisagé.

En effet, la prescription des corticoïdes entraîne une diminution brutale de la synthèse des autoanticorps antirécepteurs à l’insuline, alors que l’hyperinsulinémie diminue plus lentement.

Ceci peut induire de façon rapide une hypoglycémie qui peut se révéler mortelle.

Ainsi, en théorie, lorsque l’on prescrit des corticostéroïdes au cours d’un lupus érythémateux ou d’une autre affection auto-immune, il devrait être obligatoire de dépister la présence d’un acanthosis nigricans, qui signerait une possible insulinorésistance.

Celle-ci est toutefois d’incidence très faible au cours de ces affections, expliquant la rareté de tels accidents.

9- Hyperandrogénie et insulinorésistance :

On a longtemps considéré que l’hyperandrogénie était également une cause possible d’acanthosis nigricans illustrant les effets anabolisants des androgènes sur l’épiderme.

Il est maintenant établi que l’hyperinsulinisme, en stimulant les cellules du stroma ovarien et les cellules sexuelles du testicule, est capable d’induire une sécrétion excessive d’hormones sexuelles mâles et donc un état d’hyperandrogénie.

L’hyperandrogénie est en elle-même responsable d’une aggravation de l’insulinorésistance.

Il s’établit donc un cercle vicieux, l’insulinorésistance provoquant l’hyperandrogénie qui aggrave ellemême l’insulinorésistance.

Il semble aujourd’hui très peu probable que l’hyperandrogénie, si elle est isolée, soit capable par elle-même de provoquer un acanthosis nigricans.

Le principal argument tient dans le fait que tous les hommes présentent des taux de testostérone beaucoup plus élevés que ceux de la femme, alors qu’ils ne présentent pas d’acanthosis nigricans !

L’existence d’un hyperinsulinisme semble donc nécessaire pour que la situation d’hyperandrogénie s’accompagne d’un acanthosis nigricans.

La signification des syndromes appelés hair-an syndromes doit probablement être très relativisée.

Les syndromes traduisaient l’association d’une hyperandrogénie, d’une insulinorésistance et d’un acanthosis nigricans.

En fait, tout hyperinsulinisme peut induire chez la femme une hyperandrogénie et, bien sûr, un acanthosis nigricans.

Signification de l’acanthosis nigricans :

A – DOUBLE MARQUEUR CUTANÉ :

Il constitue un double marqueur cutané soit d’une néoplasie viscérale profonde, soit d’une insulinorésistance avec hyperinsulinémie réactionnelle.

Cette deuxième notion est fondamentale, car il est aujourd’hui établi que l’hyperinsulinémie constitue un facteur de risque cardiovasculaire.

Ainsi, alors qu’il est facile de dépister cliniquement un acanthosis nigricans en examinant les plis d’un patient, ceci peut conduire à modifier l’attitude thérapeutique puisque l’on aura dépisté un facteur de risque cardiovasculaire accru.

B – MARQUEUR CUTANÉ DE RISQUE CARDIOVASCULAIRE ACCRU :

Les facteurs de risque cardiovasculaire les plus connus sont le tabac, l’hypertension artérielle et l’hypercholestérolémie.

L’hyperglycémie constitue un facteur indépendant de maladie coronarienne.

Diverses études épidémiologiques ont démontré que le taux de l’insulinémie à jeun était prédictif de la mortalité coronarienne à côté d’autres facteurs. Une étude réalisée récemment au Québec suggère que l’hyperinsulinisme est un facteur de risque indépendant de la glycémie.

Une étude scandinave a montré une mortalité plus élevée par cardiopathie ischémique ou accident vasculaire cérébral lorsqu’il existe une hyperinsulinémie.

Plusieurs études de suivi prospectif de cohortes de patients ont démontré qu’un taux élevé d’insuline, supérieur à 15 X 10-3 UI/L, provoquait un risque cardiovasculaire exagéré. Celui-ci est indépendant de celui conféré par les facteurs de risque classiques.

De plus, l’insulinorésistance semble favoriser ou aggraver l’hypertension artérielle.

Celle-ci passerait par une activation par l’insuline du système nerveux sympathique, ce qui provoquerait une hypertension artérielle.

Celle-ci va elle-même se comporter comme un deuxième facteur de risque cardiovasculaire venant aggraver la situation d’insulinorésistance.

Traitement :

Il doit d’abord être étiopathogénique.

A – ACANTHOSIS NIGRICANS PARANÉOPLASIQUES :

En cas d’acanthosis nigricans paranéoplasiques, le traitement repose sur celui de la tumeur.

L’acanthosis nigricans constituant un authentique syndrome paranéoplasique, la cure de la tumeur provoque une régression de l’acanthosis nigricans.

A contrario, la récidive de l’acanthosis nigricans doit faire évoquer la survenue d’une récidive ou de métastases secondaires.

Un cas d’acanthosis nigricans aurait régressé après traitement par cyproheptadine.

B – ACANTHOSIS NIGRICANS BÉNINS :

Là encore, le traitement repose d’abord sur celui de l’étiologie, même si des traitements locaux, à visée kératolytique, ont pu être proposés par certains.

En cas de surcharge pondérale, une cure d’amaigrissement provoque une régression de l’acanthosis nigricans.

De même, une augmentation de l’utilisation périphérique de l’insuline, telle que celle qui est apportée par un exercice physique régulier, en réduisant l’état d’insulinorésistance, peut entraîner une diminution de l’acanthosis nigricans.

En cas d’acanthosis nigricans induit par la prescription d’un médicament (en particulier corticostéroïdes, acide nicotinique), l’arrêt de la prescription ou la baisse de la posologie permet généralement une régression de l’acanthosis nigricans.

Dans les différents syndromes où l’insulinorésistance semble de nature essentielle et primitive, le traitement est plus difficile.

Sur un plan local, purement symptomatique, il est possible d’utiliser des topiques kératolytiques. Les résultats sont variables avec la trétinoïne topique, les dérivés salicylés et la cryothérapie.

Par voie générale, les rétinoïdes ont pu provoquer des régressions de l’acanthosis nigricans, mais seulement pour des posologies extrêmement élevées, de l’ordre de 2 mg/kg/j, sources d’effets secondaires nets.

Dans cette optique, cette prescription ne semble pas logique.

De plus, elle risque d’aggraver les anomalies du métabolisme lipidique, très fréquentes en cas d’insulinorésistance.

Le kétoconazole pourrait dans certains cas permettre une diminution de l’acanthosis nigricans du fait d’un effet antiandrogénique modéré.

En réalité, en cas d’acanthosis nigricans révélateur d’une hyperinsulinémie, l’essentiel du traitement doit viser à diminuer l’insulinorésistance, puisque l’hyperinsulinémie se comporte comme un facteur de risque cardiovasculaire.

Plusieurs médicaments peuvent réduire l’insulinorésistance :

– les biguanides, en particulier la metformine ;

– les dérivés de la thiazolidine-dione ;

– les hypolipémiants.

Ils réduisent le taux d’insuline circulant et améliorent le métabolisme de l’insuline.

Enfin, en plus des médicaments, deux démarches permettent de diminuer l’insulinorésistance en améliorant le métabolisme de l’insuline au niveau de son récepteur : il s’agit de l’exercice physique régulier et du régime alimentaire pauvre en graisses et en sucres d’absorption rapide.

 

L’acanthosis nigricans se révèle être un double marqueur cutané particulièrement intéressant puisque, à côté du syndrome paranéoplasique, il peut également révéler une hyperinsulinémie jusque-là méconnue.

Or, l’hyperinsulinémie constitue un facteur de risque cardiovasculaire aussi important que la consommation de tabac, l’hypercholestérolémie, ou l’hypertension artérielle.

Ainsi, reconnaître un acanthosis nigricans, ce qui est possible par un simple examen clinique, sans passer par la réalisation d’examens sophistiqués, permet de dépister une insulinorésistance.

Par ailleurs, pour les chercheurs, le cadre des acanthosis nigricans avec hyperinsulisme contribue à mieux faire comprendre la régulation du renouvellement épidermique, l’influence et le rôle des divers facteurs de croissance.

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