Abcès cérébraux et empyèmes intracrâniens

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Abcès cérébraux et empyèmes intracrâniens
Introduction :

Les abcès cérébraux sont des suppurations focales dues à une infection bactérienne et développées au sein du parenchyme cérébral.

Bien que ce terme ait été utilisé aussi dans les infections fungiques ou parasitaires, nous nous limitons aux infections bactériennes non tuberculeuses.

Les empyèmes sont des collections suppurées, cloisonnées , extracérébrales (extra – ou sous-durales).

L’imagerie moderne par scanner ou imagerie par résonance magnétique (IRM) a profondément modifié la prise en charge des suppurations intracrâniennes : le diagnostic est plus précoce, la précision topographique meilleure, la détermination des stades évolutifs plus aisée et la surveillance non invasive.

À l’avènement du scanner, quelques observations ont montré qu’il était possible de guérir des abcès cérébraux sans chirurgie chez des sujets à haut risque, en cas de localisation en zone fonctionnelle et dans les abcès multiples.

De nombreux auteurs ont désormais adopté une attitude thérapeutique prioritairement médicale, réservant la chirurgie à quelques cas particuliers.

La même attitude s’est ensuite appliquée aux empyèmes. Si des progrès considérables ont été effectués dans le courant des années 1980 avec l’ apparition des techniques d’imagerie modernes , les suppurations intracrâniennes n’ont fait l’objet que de peu de travaux au cours des 10 dernières années , sauf sous forme de cas cliniques isolés, apportant peu à la connaissance du problème, ou de cas survenant dans des états de baisse des défenses immunitaires.

Épidémiologie :

Les abcès et les empyèmes sont plus fréquents dans le sexe masculin , avec un sex-ratio de l’ ordre de trois hommes pour deux femmes.

Les abcès se rencontrent à tout âge, malgré une fréquence plus élevée avant 40 ans, 25 % des cas survenant avant 15 ans.

L’augmentation du nombre d’immunodéprimés et de leur espérance de vie depuis 10 ans, par infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ou transplantation d’organe ou de moelle, a changé le profil des abcès cérébraux, au détriment des abcès d’ origine oto-rhino -laryngologique (ORL), en nette diminution.

Les abcès cérébraux chez ces patients posent un problème spécifique de diagnostic et de traitement.

Les empyèmes extraduraux représentent 15 % des suppurations focales et touchent surtout des sujets jeunes ou des enfants. L’ incidence des abcès cérébraux est estimée à quatre à cinq cas par an et par million d’habitants.

Dans un établissement hospitalier sud- africain , les empyèmes extraduraux représentèrent 1,6 % des suppurations intracrâniennes sur une période de 15 ans.

Anatomopathologie :

Le parenchyme cérébral normal résiste aux infections, sauf s’il apparaît en son sein une zone d’ischémie et de nécrose.

Les abcès cérébraux se développent principalement à la jonction entre substance blanche et substance grise, dans un territoire jonctionnel entre les territoires superficiels et profonds de l’artère cérébrale moyenne.

A – ENCÉPHALITE PRÉSUPPURATIVE :

L’encéphalite présuppurative se caractérise par un centre nécrotique contenant des cellules inflammatoires et de nombreux germes, entouré d’une réaction inflammatoire faite de cellules macrophagiques et de fibroblastes, s’entourant de la formation d’un tissu de réticuline.

Une infiltration périvasculaire de polynucléaires, de cellules mononucléées et de néovaisseaux se développe autour du centre nécrotique et de la région inflammatoire.

Le cerveau sain est séparé de cette encéphalite présuppurative par un oedème plus marqué en substance blanche.

B – ABCÈS CÉRÉBRAL :

Au stade de l’abcès cérébral, la taille du centre nécrotique diminue, tandis que des fibroblastes et des cellules macrophagiques apparaissent à sa périphérie, entraînant la formation d’une capsule collagène dont l’épaisseur s’accroît progressivement.

L’aspect d’infiltration périvasculaire est moins sévère que dans l’encéphalite présuppurative.

À ce stade, les néovaisseaux ont leur développement maximal.

L’oedème cérébral régresse et une gliose astrocytaire se développe en périphérie.

C – EMPYÈME SOUS-DURAL :

Les empyèmes sous-duraux intracrâniens réalisent une collection suppurée extracérébrale située entre dure-mère et arachnoïde.

Il est rare que le processus infectieux s’étende directement par continuité à partir d’une sinusite ou d’une ostéite, formant progressivement une collection suppurée extradurale, puis sousdurale cloisonnée : l’infection des veines sous-muqueuses, dépourvues de valvules, des cavités sinusiennes se transmet de façon rétrograde aux veines sous-durales.

C’est dans cet espace que se développe l’infection, alors qu’une réaction méningée tend à la limiter par la formation de dépôts de fibrine qui contribue à former des néomembranes puis un encapsulement.

En cas d’intervention, on trouve fréquemment, au voisinage de l’empyème, une thrombose veineuse, un oedème ou une encéphalite.

D – EMPYÈME EXTRADURAL :

Le mécanisme de développement est proche de celui de l’empyème sous-dural.

L’empyème extradural est en général secondaire à une infection de l’oreille moyenne ou des sinus de la face, parfois à une intervention ORL ou neurochirurgicale.

Des cas ont été décrits, avec drainage spontané de la collection par la porte d’ entrée ORL.

Diagnostic positif :

A – CIRCONSTANCES DU DIAGNOSTIC :

1- Abcès et encéphalites présuppuratives :

Les manifestations cliniques dépendent de la taille, de la localisation et du nombre de lésions.

Certains abcès frontaux peuvent rester « silencieux » pendant très longtemps et avoir un volume important lorsqu’ils s’expriment.

Dans la plupart des cas, la symptomatologie existe depuis moins de 1 semaine lorsque le diagnostic est posé.

Trois présentations cliniques peuvent être différenciées.

* Méningite purulente en apparence isolée :

La clinique permet de suspecter l’existence d’un abcès devant une évolution traînante, malgré une antibiothérapie bien adaptée ou de discrets signes de focalisation.

Le scanner cérébral révèle alors un petit abcès, souvent paraventriculaire, secondaire à une dissémination hématogène.

Il est probable que l’abcès est la lésion initiale et qu’il ait été responsable d’une dissémination méningée à l’occasion de son ouverture dans les voies d’écoulement du liquide céphalorachidien ou dans les espaces sous-arachnoïdiens.

Ce dépistage ne modifie pas les modalités du traitement antibiotique, mais il oriente vers un mécanisme septicémique, et non pas vers une porte d’entrée locale ou locorégionale.

Parfois, le scanner, recommandé devant toute méningite purulente autre qu’à méningocoque, révèle un petit abcès paraventriculaire que ni l’évolution, ni la négativité de l’examen clinique ne laissaient supposer.

* Syndrome tumoral subaigu fébrile :

Le tableau clinique associe une hypertension intracrânienne , au premier plan chez l’ enfant, un déficit neurologique focal d’ installation et d’aggravation rapides, avec hémiplégie , hémianopsie latérale homonyme et déficits neuropsychologiques et des crises épileptiques focales ou généralisées.

C’est le scanner cérébral qui révèle l’abcès cérébral, en précise le siège, et le différencie d’une encéphalite présuppurative.

* Syndrome tumoral isolé :

Le patient présente une symptomatologie évocatrice d’une tumeur cérébrale, associant en quelques semaines des crises épileptiques généralisées ou focalisées, un déficit neurologique focal s’aggravant progressivement, des signes d’ hypertension intracrânienne, sans altération de l’état général, et pendant longtemps sans fièvre ni syndrome inflammatoire.

Le scanner révèle alors une image ronde, unique, difficile à différencier d’un astrocytome ou une métastase kystique.

Sauf cas particuliers, c’est une indication à une ponction diagnostique.

* Déficit focal brutal :

Un abcès cérébral révélé par un déficit neurologique focal brutal a été rapporté.

Une hypothèse plausible est celle d’une endocardite infectieuse, avec un abcès se développant précocement dans l’infarctus.

L’autre hypothèse est celle d’une surinfection précoce à l’occasion d’une bactériémie d’un infarctus initial.

2- Empyèmes sous-duraux :

Les manifestations cliniques initiales d’un empyème sous-dural peuvent être difficilement différenciées de celles d’une sinusite ou d’une thrombose veineuse corticale.

Le début est souvent progressif sur une quinzaine de jours.

Les premiers signes sont des céphalées et une fièvre survenant alors qu’une antibiothérapie pour infection ORL est déjà prescrite dans la plupart des cas.

Le début est souvent difficile à préciser, car les céphalées et la fièvre peuvent s’expliquer aussi par une sinusite, porte d’entrée la plus fréquente. Un oedème palpébral unilatéral peut aussi être observé.

Sur ce tableau à bas bruit survient, après 1 ou 2 semaines, un déficit neurologique focal brutal ou rapide, accompagné de signes d’atteinte corticale : crises épileptiques focales ou généralisées et troubles des fonctions supérieures, hypertension intracrânienne avec un syndrome infectieux modéré.

Cette aggravation brutale est généralement le témoin d’une thrombophlébite corticale.

3- Empyèmes extraduraux :

Contrairement aux empyèmes sous-duraux, ils évoluent insidieusement, parfois même sans fièvre, leur symptomatologie se limitant à quelques céphalées et un minimum de signes neurologiques dans les suites d’une infection ou d’une chirurgie ORL.

Les antibiotiques à faibles doses atténuent la symptomatologie et masquent la gravité de ces empyèmes, sans pour autant prévenir une décompensation rapide.

B – IMAGERIE CÉRÉBRALE :

Une nouvelle approche diagnostique et évolutive a été permise par l’imagerie moderne : scanner, IRM, tomographie d’émission monophotonique ou de positons, spectroscopie, permettant une approche non invasive.

Dans la plupart des cas, le contexte clinique amène à réaliser un scanner cérébral avec injection intraveineuse de produit de contraste comme examen de dépistage des suppurations intracrâniennes.

L’IRM, moins disponible en urgence, n’a pas totalement remplacé le scanner pour le diagnostic initial, mais devient l’examen de choix pour le suivi.

Elle n’expose pas au risque d’allergie, n’irradie pas, et est plus performante que le scanner pour les lésions de la fosse postérieure et les thromboses veineuses associées.

L’imagerie permet de différencier le type de lésion focale.

1- Encéphalite présuppurative :

Au stade précoce de l’encéphalite, le scanner révèle une zone d’hypodensité mal définie, étendue, avec un effet de masse.

Il peut exister une prise de contraste au sein de cette hypodensité ou à sa périphérie.

Lors de l’évolution de cette encéphalite, un anneau de contraste apparaît autour d’une hypodensité et se renforce.

Dans une encéphalite présuppurative, il n’y a pas de prise de contraste arrondie périphérique, mais une prise de contraste plus diffuse au sein d’une zone hypodense, responsable d’un effet de masse souvent très important en raison de l’oedème.

2- Abcès cérébral :

L’abcès cérébral se manifeste par :

– des signes directs : hypodensité dont la périphérie devient hyperdense après injection de produit de contraste iodé, donnant une image ronde hypodense, cerclée d’une paroi hyperdense et entourée d’une zone hypodense d’oedème ;

– des signes indirects : refoulement des structures médianes et des ventricules latéraux, éventuellement dilatation ventriculaire dans les abcès du cervelet.

L’imagerie précise la topographie et le nombre des abcès et permet de suivre l’évolution sous traitement : l’oedème régresse vite, l’anneau de prise de contraste s’épaissit et la taille de l’abcès diminue progressivement.

3- Empyème sous-dural :

Le scanner cérébral révèle une hypodensité extracérébrale, en croissant ou en ellipse, entourée d’une prise de contraste périphérique correspondant à la paroi dont l’épaisseur est proportionnelle à l’ancienneté de la lésion.

L’effet de masse est souvent plus important que ne le voudrait le volume de la lésion elle-même, en raison de l’oedème périlésionnel qui peut traduire une simple réaction à l’empyème, une encéphalite présuppurative de voisinage ou une thrombose veineuse corticale. Parfois, l’IRM permet une meilleure visualisation de l’empyème.

4- Empyème extradural :

Ce diagnostic est permis par le scanner qui révèle une hypodensité extracérébrale comportant une prise de contraste périphérique intense et épaisse qui correspond à la dure-mère hypervascularisée et refoulée.

C – AUTRES ARGUMENTS DIAGNOSTIQUES :

1- Arguments cliniques :

Le meilleur argument clinique est l’existence d’une porte d’entrée.

La fièvre et l’altération de l’état général sont d’autres bons arguments, mais inconstants car la plupart des patients ont déjà reçu une antibiothérapie qui atténue les signes.

2- Arguments biologiques :

Seulement la moitié des patients présentant un abcès cérébral ont une hyperleucocytose ou une élévation, souvent modérée, de la vitesse de sédimentation.

La confirmation bactériologique est parfois apportée par les hémocultures ou le prélèvement de la porte d’entrée.

La ponction lombaire est déconseillée lorsque l’on suspecte un abcès cérébral ou un empyème sous-dural. Elle peut aggraver l’état du patient si l’oedème est important.

Elle révélerait une hypercytose faite de polynucléaires neutrophiles non altérés, avec une hyperprotéinorachie, sans hypoglycorachie, la culture demeurant stérile.

3- Bactériologie :

Dans les travaux les plus anciens, le germe le plus fréquemment rencontré était le staphylocoque doré.

Actuellement, plus de 50 % des cas se révèlent être à pus stérile et quelques-uns sont polymicrobiens.

Les germes les plus fréquents de nos jours sont le streptocoque, les entérocoques et les germes anaérobies.

Les infections à Peptococcus, Fusobacterium, Clostridium, Propionibacterium, sont des causes importantes d’abcès cérébraux.

Il s’agit plus rarement de staphylocoque doré, d’Escherichia coli, d’Haemophilus influenzae, de Pasteurella multocida et d’Actinomyces israelii, de peptostreptocoques, de bactéroïdes, d’entérobactéries dont Pseudomonas aeruginosa et du staphylocoque doré.

Dans les abcès postopératoires, le Proteus est le plus fréquent, suivi d’Escherichia coli, de Klebsiella, d’Enterobacter, de Pseudomonas aeruginosa, d’Acinetobacter, de Pasteurella multocida.

Des abcès ou des empyèmes à Salmonella ont été décrits de façon exceptionnelle.

En revanche, Haemophilus influenzae et Neisseria meningitidis, causes fréquentes de méningites bactériennes, sont exceptionnels dans les abcès cérébraux.

Les méningoencéphalites listériennes ont une localisation bulboprotubérantielle classique et peuvent évoluer en abcès du tronc cérébral.

L’immunosuppression est un facteur favorisant classique mais pas obligatoire de listériose.

Diagnostic différentiel :

En l’absence d’arguments pour une cause infectieuse, la discussion se focalise sur la nature d’une image ronde au scanner.

En fonction du contexte, on peut proposer, soit une ponction à visée diagnostique, soit une antibiothérapie avec surveillance scanographique.

A – DEVANT UN SYNDROME NEUROLOGIQUE SURVENANT DANS UN CONTEXTE INFECTIEUX :

1- Thromboses veineuses cérébrales :

Le tableau clinique d’une encéphalite présuppurative, d’un abcès cérébral et d’un empyème sous-dural peut être confondu avec certaines thromboses veineuses cérébrales.

C’est l’imagerie qui permet le diagnostic, en mettant en évidence la suppuration intracrânienne.

L’IRM permet d’écarter la thrombose d’un gros sinus. Une thrombose limitée de veine corticale peut échapper à une IRM.

2- Encéphalite herpétique :

Dans l’encéphalite herpétique, l’atteinte temporale interne est souvent bilatérale et s’accompagne parfois d’un effet de masse, mais sans prise de contraste.

L’IRM permet souvent de rectifier le diagnostic devant la bilatéralité habituelle des lésions de l’encéphalite herpétique.

La composition du liquide céphalorachidien et la polymerase chain reaction (PCR) apportent au diagnostic des éléments déterminants.

3- Collections intracérébrales non suppurées :

La présentation clinique et les données de l’imagerie dans la toxoplasmose cérébrale peuvent être identiques à celles des abcès à pyogènes.

Le terrain est toutefois celui d’une infection à VIH le plus souvent. Dans ce cas, il peut être difficile de différencier un abcès cérébral à pyogènes d’un tuberculome ou d’un abcès à toxoplasme.

Dans ce contexte, un traitement de la toxoplasmose peut s’imposer en première intention, car environ 40 % des patients infectés par le VIH développent une infection toxoplasmique.

Toutefois, l’absence de régression après 2 semaines de traitement doit faire pratiquer une biopsie.

B – DEVANT UN SYNDROME NEUROLOGIQUE SANS CONTEXTE INFECTIEUX :

Dans les formes tumorales pures, un astrocytome kystique ou une métastase kystique peuvent être discutés.

Une ponction à but diagnostique est généralement indiquée mais, selon l’état du patient, un traitement d’épreuve peut être préféré.

Diagnostic étiologique :

Le scanner cérébral apporte des arguments indirects en faveur d’une porte d’entrée : des abcès cérébraux profonds paraventriculaires ou multiples orientent vers un processus hématogène, à point de départ pulmonaire ou cardiaque, tandis qu’un abcès frontal unique oriente vers une porte d’entrée sinusienne et un abcès cérébelleux ou temporal oriente vers une otomastoïdite.

A – CAUSES LOCALES :

Les abcès s’observent plutôt lorsqu’il existe un corps étranger.

Les traumatismes crâniens par balle ne sont pas responsables d’abcès, car le corps étranger est rendu stérile par la température.

Il peut s’agir d’une ostéite des os du crâne, ou d’une lésion posttraumatique , ou d’un halo de traction transcrânienne.

Les infections du scalp, les surinfections de volet, les plaies craniocérébrales, les ostéites et ostéomyélites du crâne peuvent se compliquer d’abcès cérébraux ou d’empyèmes.

La responsabilité des infections dentaires est certainement surestimée.

B – CAUSES RÉGIONALES :

Certains abcès cérébraux ou empyèmes intracrâniens peuvent être liés à l’extension directe à partir du foyer infectieux de la collection suppurée.

La porte d’entrée la plus fréquente dans ce cas est une infection de l’oreille moyenne, généralement une otite chronique ou des sinus de la face.

Les abcès autogènes sont habituellement localisés dans le lobe temporal homolatéral ou dans l’hémisphère cérébelleux homolatéral.

Les abcès liés à des infections des sinus de la face sont habituellement frontaux.

L’extension du processus infectieux à partir de l’oreille moyenne peut se faire directement à travers le tegmen tympani.

L’infection peut aussi se propager par le biais d’une thrombophlébite septique de veines temporales corticales.

Les infections de la cavité sinusienne sont responsables de 10 à 15 % des abcès cérébraux et de la majorité des empyèmes sous-duraux.

L’infection peut s’étendre vers l’encéphale par des veines drainant les cavités sinusiennes et pénétrant en intracrânien.

L’infection du sinus frontal peut s’étendre directement vers le lobe frontal.

Les infections des autres cavités sinusiennes de la face sont plus rarement responsables d’abcès cérébraux.

Cette porte d’entrée est la cause d’abcès frontaux ou parfois temporaux profonds au cours de sinusites ethmoïdales. Une sinusite sphénoïdale peut être responsable d’abcès frontal ou temporal, voire hypophysaire.

Ces causes régionales peuvent entraîner des abcès cérébraux ou des empyèmes.

La porte d’entrée des empyèmes est toujours locorégionale : infection des sinus de la face, infection otologique.

La porte d’entrée est, dans la majorité des cas, une infection des sinus de la face, beaucoup plus rarement une infection otologique, une ostéite, ou parfois même un traumatisme ouvert.

Des cas d’abcès faisant suite à un acte de chirurgie dentaire ont aussi exceptionnellement été décrits.

C – CAUSES GÉNÉRALES :

Les abcès cérébraux métastatiques par dissémination hématogène sont fréquemment multiples et se développent le plus souvent à la jonction substance grise-substance blanche, là où le débit sanguin cérébral est le plus bas.

Ces abcès représentent 20 à 35 % des abcès cérébraux. Les empyèmes sous-duraux ne sont jamais liés à ce mécanisme.

La répartition topographique des abcès dépendant du débit sanguin cérébral, la plupart se développent dans le territoire de l’artère cérébrale moyenne, en particulier le lobe pariétal, plus rarement le cervelet ou le tronc cérébral.

1- Causes pulmonaires :

Les infections pleuropulmonaires (abcès pulmonaires, pleurésies purulentes, bronchectasies) sont la source de la plupart des abcès cérébraux hématogènes.

2- Causes cardiaques :

Les cardiopathies congénitales cyanogènes (tétralogie de Fallot, transposition des gros vaisseaux) peuvent être responsables d’abcès cérébraux par suppression du filtre pulmonaire.

Elles représentent une majorité des causes des abcès cérébraux chez l’enfant.

Les abcès cérébraux peuvent représenter également une complication des endocardites infectieuses.

3- Shunts droite-gauche :

Il peut exister des signes cliniques de shunts droite-gauche dus à l’hypoxie chronique : dyspnée, asthénie, cyanose, hippocratisme digital, polyglobulie avec céphalées.

Le shunt droite-gauche supprime le filtre microbien pulmonaire physiologique, permettant à toute infection cutanée d’être responsable d’un abcès cérébral.

* Fistules artérioveineuses pulmonaires :

La survenue d’abcès cérébraux peut être révélatrice d’une fistule artérioveineuse pulmonaire inaperçue dans la radiographie standard de thorax.

Il peut s’agir d’une fistule isolée ou entrant dans le cadre d’une maladie de Rendu-Osler : cette affection, de transmission autosomique dominante, se caractérise par des télangiectasies du visage et des muqueuses (lèvres, langue, face interne des joues et muqueuse nasale) responsables d’épistaxis.

Hormis les angiomes cérébraux et médullaires, la plupart des complications neurologiques de la maladie de Rendu-Osler sont secondaires à une fistule artérioveineuse pulmonaire : embolie cruorique, embolie gazeuse se révélant par une hémoptisie suivie d’une hémiplégie, embolie paradoxale et abcès cérébraux.

Lorsque l’abcès cérébral survient, la maladie de Rendu-Osler n’est pas toujours connue.

Les antécédents familiaux, la notion d’épistaxis, d’abcès cérébraux, d’abcès récidivants, ou simplement d’abcès de cause inconnue, doivent faire rechercher un angiome pulmonaire par un scanner thoracique.

Le traitement chirurgical ou radiologique évite les récidives.

* Autres shunts droite-gauche :

Comme tout shunt droite-gauche, des anomalies du retour veineux cave, isolées ou non, peuvent favoriser un abcès cérébral. Nous avons rapporté une observation où le shunt droite-gauche était lié à l’existence de deux veines caves supérieures, dont l’une, de petite taille, se jetait dans l’oreillette gauche.

4- États septicémiques divers :

Les abcès septicémiques sont plus rarement dus à une infection cutanée, urinaire, abdominale, pelvienne, dentaire, amygdalienne.

Des cas anecdotiques d’abcès cérébraux se développant dans un foyer d’infarctus ou d’hémorragie cérébrale chez des patients ayant présenté une infection systémique dans les semaines qui suivent leur accident vasculaire ont été décrits.

La particularité de ces observations est que, en raison de l’accident récent, le diagnostic d’abcès peut être rendu difficile et le traitement tardif.

La rupture de la barrière hématoencéphalique pourrait expliquer la faible résistance du cerveau à une bactériémie.

5- Infection VIH :

L’épidémie d’infection à VIH, qui a débuté dans le courant des années 1980, a fait apparaître la toxoplasmose comme une cause fréquente d’abcès cérébraux.

Les images scanographiques ne sont pas différentes de celles observées dans les abcès à pyogènes, mais il s’agit le plus souvent d’images multiples.

Le terrain immunodéprimé doit amener à évoquer ce diagnostic en première intention.

Les recommandations pour la prise en charge des lésions intracrâniennes dans l’infection à VIH ont changé, alors que l’incidence de la toxoplasmose cérébrale a diminué avec l’utilisation prophylactique de l’association triméthoprime-sulfaméthoxazole.

D – CAUSES INDÉTERMINÉES :

La cause des abcès cérébraux reste indéterminée dans certains cas.

Traitement :

Le traitement optimal d’un abcès cérébral requiert une reconnaissance précoce sur des critères cliniques et une confirmation par une imagerie appropriée.

A – TRAITEMENT MÉDICAL :

Le scanner a profondément modifié les modalités de diagnostic, de traitement et de surveillance des suppurations intracrâniennes.

Pour la plupart des auteurs, le traitement chirurgical des abcès cérébraux était la règle il y a une vingtaine d’années.

Dès l’avènement du scanner, un traitement médical exclusif fut tenté chez certains malades à haut risque, ou porteurs d’abcès multiples ou dont la localisation empêchait la chirurgie.

Dans ces cas sélectionnés, il fut montré qu’un traitement médical exclusif permettait souvent une guérison rapide sans séquelle.

C’est pour cette raison que la priorité fut rapidement donnée au traitement médical.

L’idée ancienne selon laquelle un abcès ou un empyème n’est pas sensible aux antibiotiques était donc fausse.

Certains abcès de gros volume, bien tolérés, ont aussi guéri sous traitement médical exclusif : une évolution favorable pendant la première semaine de traitement autorise donc à ne pas pratiquer de ponction dans certains cas sélectionnés.

1- Antibiothérapie :

Le traitement des abcès cérébraux nécessite une antibiothérapie la plus précoce possible, à fortes doses et pendant plusieurs semaines, et éventuellement une ponction.

Le choix de l’antibiotique repose sur les données bactériologiques et l’antibiogramme.

Très souvent, le germe n’est pas isolé ou la connaissance du germe n’est apportée que plusieurs jours après la mise en route du traitement.

Le choix initial d’antibiotiques dépend alors des circonstances cliniques et de la première orientation : en l’absence de germe identifié, elle associe une bêtalactamine intraveineuse (ampicilline 200 mg/kg/j ou ceftriaxone 2 à 3 g/j), péfloxacine (800 mg/j) et métronidazole (1,5 g/j) ; l’association triméthoprime (320 mg)- sulfaméthoxazole (1 200 mg) peut remplacer la péfloxacine.

Les Américains préfèrent l’association d’une céphalosporine de troisième génération (ceftriaxone ou céfotaxime) et de thiophénicol (1g intraveineux toutes les 6 heures).

Pour les pneumocoques résistants, la ceftriaxone ou la vancomycine sont les traitements de choix.

Pour les bacilles à Gram négatif, les céphalosporines de troisième génération sont aussi le traitement de choix, associées le plus souvent à un aminoside.

Pour les streptocoques B, l’ampicilline est le traitement de première intention.

Les Listeria sont sensibles à l’ampicilline, mais l’association triméthoprime-sulfaméthoxazole est une alternative acceptable.

Dans les abcès à staphylocoque, la flucloxacilline ou la vancomycine sont recommandées.

L’imagerie cérébrale doit être répétée tous les 3 à 4 jours, jusqu’à ce qu’un début d’amélioration se manifeste.

Le traitement médical, exclusif ou non, doit être poursuivi par voie parentérale, puis per os lorsque le patient peut s’alimenter, pendant au moins 6 semaines, jusqu’à obtention des critères de guérison : apyrexie, état neurologique stable, hémogramme et vitesse de sédimentation normaux, imagerie normale ou stabilisée, porte d’entrée traitée.

Le pronostic a été nettement amélioré sur le plan vital et fonctionnel par cette attitude prioritairement médicale, grâce à la diminution des épilepsies et la fréquence des séquelles neurologiques après chirurgie.

2- Antioedémateux :

Les corticoïdes diminueraient la pénétration des antibiotiques. Pendant les 48 premières heures, le Mannitolt est donc préférable.

3- Autres traitements :

Les anticonvulsivants sont indiqués en cas d’état de mal épileptique et l’héparine en cas de thrombose veineuse.

B – TRAITEMENT CHIRURGICAL :

1- Porte d’entrée :

La porte d’entrée doit être traitée en urgence s’il s’agit d’un foyer infectieux iatrogène ou traumatique pour enlever le matériel septique.

Cela ne doit néanmoins pas différer le traitement médical.

Le traitement de la porte d’entrée, dans les autres circonstances, peut parfois être différé.

2- Suppuration intracrânienne :

* Abcès cérébraux :

+ Technique :

Lorsque le traitement chirurgical reste indiqué, il ne faut plus pratiquer l’exérèse, source de dissémination bactérienne et de cicatrice épileptogène, mais une simple ponction n’évacuant qu’une partie du pus afin d’éviter une hémorragie au sein de l’abcès.

Ces ponctions peuvent être itératives et guidées par l’imagerie.

+ Indications de la chirurgie :

– En urgence lorsque le volume de l’abcès est tel qu’il entraîne à lui seul une hypertension intracrânienne menaçante, car une légère aggravation de l’état clinique est fréquente dans les 48 premières heures.

Quand l’abcès est volumineux et l’hypertension intracrânienne sévère, la ponction permet le retour à une taille compatible avec un traitement médical.

Une hypertension intracrânienne sévère due à un volumineux oedème entourant un petit abcès ne justifie en revanche pas le recours à la chirurgie qui pourrait même être source d’aggravation.

– Dans les volumineux abcès cérébelleux qui peuvent obstruer brutalement les voies d’écoulement du liquide céphalorachidien.

– En l’absence de certitude diagnostique lorsque la lésion est superficielle et le patient en bon état général.

Si la lésion est petite, profonde, ou en zone fonctionnelle, un traitement antibiotique d’épreuve court peut être préférable.

– Si la taille de l’abcès augmente malgré le traitement médical bien conduit.

La chirurgie doit être la moins invasive possible et aidée éventuellement de la stéréotaxie.

* Empyèmes sous-duraux :

Classiquement, le traitement des empyèmes sous-duraux intracrâniens nécessite l’évacuation chirurgicale d’urgence par un large volet.

Le pronostic reste cependant grevé d’une mortalité de 30 % et de fréquentes séquelles.

L’expérience du traitement médical exclusif des abcès cérébraux a permis d’envisager le traitement médical des empyèmes.

Les modalités de traitement médical et de surveillance sont les mêmes que pour les abcès, mais le recours aux anticonvulsivants est plus souvent nécessaire.

Cela a permis un plus grand nombre de guérisons sans séquelle épileptique.

Il est en effet exceptionnel que la gravité du tableau neurologique soit directement en rapport avec le volume de l’empyème.

Cet élément fondamental oppose empyèmes et abcès.

Le volume d’un abcès cérébral peut nécessiter une ponction évacuatrice en urgence.

Cela n’est jamais le cas dans les empyèmes : dans la majorité des observations, le trouble de vigilance est en rapport avec l’oedème cérébral, l’état de mal convulsif, la thrombophlébite, et exceptionnellement, le volume de l’empyème.

S’il peut être indiqué de ponctionner en urgence les abcès cérébraux, cette attitude n’est pas justifiée de façon systématique dans les empyèmes sous-duraux.

Dans certaines observations, les patients s’amélioraient sous traitement médical, alors que le volume de l’empyème augmentait encore : cela témoigne de l’absence de parallélisme entre le volume de l’empyème et la gravité clinique.

Opérer uniquement pour isoler le germe n’est pas justifié car l’intervention n’augmente pas toujours les chances d’isolement du germe.

En fait, en dehors de la pathologie iatrogène où l’on observe souvent des résistances bactériennes, il n’est pas toujours nécessaire d’isoler le germe.

* Empyèmes extraduraux :

Si des auteurs préconisent l’intervention chirurgicale en urgence dans les empyèmes extraduraux, nous avons rapporté une observation démontrant qu’il était également possible de guérir un empyème extradural par le seul traitement médical.

Évolution :

A – ÉVOLUTION FAVORABLE :

Avant les antibiotiques, la mortalité était de 90 %.

Actuellement, l’évolution est favorable.

Ce progrès est dû aux antibiotiques, à une technique chirurgicale moins agressive et à un diagnostic plus précoce.

Les facteurs de bon pronostic sont l’âge, un diagnostic précoce, une antibiothérapie adaptée, l’unicité de l’abcès, le petit volume, une localisation autre qu’au cervelet ou au tronc cérébral, une vigilance normale.

B – COMPLICATIONS :

Dans tous les cas, l’état neurologique peut s’aggraver brutalement, par un engagement cérébelleux ou une ouverture dans les ventricules ou les espaces sous-arachnoïdiens.

L’hémorragie spontanée dans l’abcès est rare, mais elle peut se rencontrer après une ponction évacuatrice.

C – SÉQUELLES :

1- Séquelles cliniques :

La persistance d’un déficit neurologique focal, une hydrocéphalie communicante et une épilepsie, sont les trois séquelles les plus fréquentes. Des statistiques jamaïcaines récentes font encore état d’une mortalité de 20 % et de 21 % d’épilepsie séquellaire chez les survivants.

2- Séquelles radiologiques :

Il arrive que des patients chez qui sont réunis les critères de guérison après une antibiothérapie prolongée gardent une image ronde cerclée au scanner, sans effet de masse.

L’arrêt de l’antibiothérapie ne s’accompagne pas pour autant de récidive.

Il n’y a pas de critère scanographique formel de la guérison de cet abcès.

Néanmoins, il faut exiger l’absence d’effet de masse et d’oedème avoisinant.

 

Depuis l’introduction des antibiotiques, la gravité des abcès et des empyèmes a diminué.

Le scanner, puis l’IRM permettent un diagnostic plus précoce, une meilleure orientation étiologique et une surveillance de l’évolution des lésions sous traitement.

Cela permet de traiter la plupart des suppurations intracrâniennes, sans recours à la chirurgie, et de diminuer le risque de séquelles épileptiques.

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