Cancers de l’oesophage : voies d’abord de l’oesophage et du pharynx Cours de Chirurgie
Introduction
:
Du fait du siège cervical, thoracique et abdominal de l’oesophage, la
chirurgie du cancer de l’oesophage nécessite le plus souvent le
recours à une double ou une triple voie d’abord.
Une voie d’abord abdominale est toujours nécessaire pour assurer
la gastrolyse.
En fonction de l’étendue de l’oesophagectomie et de la
réalisation ou non d’un curage ganglionnaire thoracique, on y
associe une voie d’abord thoracique (habituellement droite) et/ou
une voie d’abord cervicale.
La multiplicité des voies d’abord
complique le choix de la technique chirurgicale, augmente
l’importance du retentissement respiratoire de l’intervention et
augmente le risque des complications postopératoires.
Ce travail expose successivement les voies d’abord de l’oesophage et
du pharynx et précise les éléments qui permettent d’orienter le choix
de ces voies d’abord et donc du type d’intervention.
Abord abdominal
:
Un abord abdominal permet la dissection de l’oesophage abdominal,
l’exérèse des chaînes ganglionnaires abdominales drainant
l’oesophage et la préparation de l’organe remplaçant l’oesophage.
Ce
dernier point explique que l’abord abdominal est presque toujours
nécessaire, la seule exception étant l’intervention de Sweet faite par
une thoracotomie gauche associée à une phrénotomie.
En
cas de cancer du cardia ou de l’oesophage inférieur, une voie d’abord
abdominale associée à une ouverture de l’hiatus peut être utilisée
pour réséquer la tumeur et faire une anastomose dans le médiastin
inférieur ; toutefois, la section oesophagienne porte alors à proximité
de la tumeur et l’anastomose est souvent de réalisation difficile
même en utilisant une pince à suture mécanique.
A - LAPAROTOMIE
:
L’installation du malade est habituellement un décubitus dorsal
strict, le membre supérieur droit à la perpendiculaire du corps.
Toutefois, cette installation peut varier selon le type d’intervention
retenu (oesophagectomie sans thoracotomie, résection par double
voie simultanée).
Chez les malades corpulents, un billot
transversal peut être placé sous la pointe des omoplates pour
améliorer l’exposition de la région hiatale.
La voie d’abord
habituellement utilisée est une incision médiane sus-ombilicale
éventuellement agrandie en sous-ombilical chez les malades
corpulents.
Une valve autostatique (type valve de Rochard) est
indispensable pour rétracter l’auvent costal vers le haut et donner
du jour sur l’étage sus-mésocolique.
Cet écarteur doit si possible
pouvoir être mobilisé dans le sens latéral pour améliorer l’exposition
sur l’hypocondre gauche lors de la section des vaisseaux courts gastrospléniques, et sur l’hypocondre droit lors du décollement
duodénopancréatique et de la confection de la pyloroplastie.
La mise
en place d’un deuxième écarteur autostatique dans le sens
transversal (type écarteur de Ricard ou de Gosset) permet encore
d’améliorer l’exposition.
Chez les malades obèses ou dont l’auvent costal est large, une
incision bi-sous-costale peut être préférée.
Il est alors utile de placer
un écarteur autostatique de chaque côté pour ouvrir, en le rétractant,
l’auvent costal.
L’incision bi-sous-costale est réputée moins
douloureuse et amputant moins la fonction respiratoire que
l’incision médiane. Cependant, à notre connaissance, cet avantage
n’est démontré par aucune étude contrôlée.
En cas de cancer épidermoïde, même localisé au bas oesophage, la
carcinose péritonéale est exceptionnelle et l’exploration abdominale
doit essentiellement rechercher des métastases hépatiques ou des
adénopathies métastatiques.
En cas d’adénocarcinome du cardia ou
du bas oesophage, il est indispensable d’examiner le péritoine de la
totalité de la cavité abdominale, y compris celui de l’arrière-cavité
des épiploons.
Pour obtenir un jour suffisant sur la région hiatale, il faut mobiliser
le lobe gauche du foie en le réclinant vers le haut et la droite, le plus
souvent après avoir sectionné le ligament falciforme, le ligament triangulaire gauche et le petit épiploon.
Lors de la section du
ligament triangulaire gauche, il faut veiller à ne pas blesser la veine
hépatique gauche dans laquelle s’abouche habituellement la veine
phrénique inférieure gauche.
Si le petit épiploon contient une artère
hépatique gauche, il faut palper le pédicule hépatique à la recherche
d’une artère hépatique moyenne ou d’une artère hépatique droite :
en cas d’absence d’artère dans le pédicule hépatique (disposition de
type artère hépatique gauche–foie total observée dans 1 % des cas)
ou si l’artère palpée dans le pédicule est de très petite taille, il faut
préserver l’artère hépatique gauche et l’artère gastrique gauche en
amont de celle-ci.
Le lobe hépatique gauche doit être maintenu
récliné vers le haut et la droite par une valve solidarisée à l’écarteur
pariétal.
La dissection de l’hiatus commence par l’ouverture du péritoine à la
face antérieure de l’oesophage.
Latéralement, le péritoine est incisé
aux bords antérieurs du pilier droit sur toute sa longueur et du pilier
gauche à sa partie haute.
L’espace inframédiastinal est ouvert après
incision du ligament phrénooesophagien.
L’oesophage est disséqué
au doigt et chargé avec les deux nerfs pneumogastriques.
Le passage rétrooesophagien est plus aisé si on l’effectue à la partie haute des
piliers.
En cas de cancer du cardia ou de l’oesophage abdominal, il
est souhaitable de laisser une collerette d’hiatus au contact de
l’oesophage et de la tumeur en incisant les piliers dans leur
épaisseur.
L’oesophage est mis sur lacs avec les deux nerfs
pneumogastriques et attiré vers le bas.
Deux cas doivent alors
être distingués :
– si l’on a choisi d’effectuer une oesophagectomie avec thoracotomie,
il n’est pas nécessaire d’agrandir davantage l’orifice hiatal pour
poursuivre la dissection vers le haut.
L’abord déjà obtenu permet de
visualiser la face postérieure du péricarde, les deux plèvres médiastinales et la face antérieure de l’aorte descendante.
L’agrandissement de l’hiatus par section partielle du pilier droit plus
ou moins complétée par l’incision du bord antérieur de l’hiatus
jusqu’à la veine phrénique inférieure n’est nécessaire qu’en fin
d’intervention pour éviter une compression de la gastroplastie et de
son pédicule gastroépiploïque ;
– une oesophagectomie sans thoracotomie (ou rarement une
résection limitée à l’oesophage inférieur avec anastomose médiastinale basse par voie abdominale) a été choisie : il faut alors
ouvrir largement l’hiatus à son bord antérieur après avoir décollé
au doigt le péricarde du diaphragme et avoir sectionné, entre deux
ligatures serties, la veine phrénique inférieure.
L’ouverture ainsi
réalisée peut être maintenue ouverte par des fils tracteurs.
Une
ouverture diaphragmatique de 7 à 10 cm est habituellement
suffisante pour obtenir un jour satisfaisant jusqu’au bord inférieur
des deux bronches souches.
La visualisation de celles-ci nécessite
une parfaite exposition en refoulant le massif cardiaque par une
valve métallique, si possible de forme plane.
Cette manoeuvre est
souvent mal tolérée au plan cardiovasculaire et doit être
régulièrement interrompue pour permettre à l’opéré de récupérer
une hémodynamique satisfaisante.
En fin d’intervention, l’hiatus doit être reconstitué lâchement autour
de la gastroplastie en suturant la partie incisée du diaphragme
d’avant en arrière à points séparés de fil non résorbable.
Il faut
laisser un passage pour deux doigts à frottement doux entre la
plastie et l’hiatus pour éviter de stranguler la plastie et son pédicule.
À l’inverse, une fermeture insuffisante expose au risque de hernie
diaphragmatique qui peut survenir précocement ou à distance de
l’intervention.
Le drainage paraît en théorie utile pour éliminer le pneumopéritoine
postopératoire et faciliter ainsi la mobilité diaphragmatique en
postopératoire.
Deux drains aspiratifs de type Redon (un dans la
région sous-phrénique gauche et un dans la région sous-hépatique)
sont suffisants.
Il n’est pas démontré que ce type de drainage soit
indispensable.
Le drainage de la pyloroplastie, si elle est faite, est
inutile.
B - LAPAROSCOPIE
:
L’exploration de la cavité abdominale peut également être effectuée
par laparoscopie qui permet la détection des petites métastases
hépatiques (quelle que soit l’histologie de la tumeur oesophagienne)
et des métastases péritonéales (en cas d’adénocarcinome).
L’exploration par laparoscopie est d’autant plus rentable que le bilan
d’imagerie préopératoire est de qualité imparfaite, et permet d’éviter
une laparotomie inutile chez 10 à 30 % des malades.
Toutefois,
cette exploration méconnaît des métastases hépatiques ou
péritonéales chez environ 3 % des malades.
L’abord laparoscopique permet également la même dissection de
l’oesophage et du cardia et la même gastrolyse que la laparotomie.
Le curage ganglionnaire des chaînes gastrique gauche et coeliaque
est sensiblement identique à celui permis par une laparotomie.
La gastrolyse par laparoscopie nécessite la mise en place de six
trocarts abdominaux dont deux trocarts de 10 mm (no 4 en susombilical
et no 5 en fosse iliaque gauche) servant principalement à
l’insertion de l’optique, celle-ci devant être placée en fosse iliaque
gauche lors de la section des vaisseaux gastroépiploïques gauches et
des vaisseaux courts gastrospléniques.
Un trocart opérateur
de 12 mm (no 6) est nécessaire dans l’hypocondre gauche.
Les
trocarts de 5 mm sont placés dans la partie droite de l’abdomen
(nos 1, 2 et 3) et sont utilisés pour insérer des pinces à préhension
exposant le champ opératoire.
Si une intervention par voie abdominale et thoracique droite est
choisie, le temps laparoscopique est fait en premier et la tubulisation
de l’estomac, permettant la résection des chaînes ganglionnaires de
la partie verticale de la petite courbure gastrique, est plus facilement
réalisée par thoracotomie droite.
Si une oesophagectomie sans thoracotomie est choisie, l’oesophage
est disséqué par voie transhiatale (après agrandissement de l’hiatus
à son bord antérieur) jusqu’au bord inférieur des bronches souches où les deux nerfs pneumogastriques sont coupés.
Le cardia est
sectionné par agrafage linéaire (type Endo GIA), le transplant
gastrique étant extériorisé transitoirement au travers d’une courte
incision située en avant du pylore.
Cette incision permet la tubulisation gastrique par voie extracorporelle et la pyloroplastie.
Après tubulisation, l’estomac est réintroduit dans l’abdomen,
l’incision abdominale est fermée et l’oesophagectomie est complétée
par voie cervicale gauche.
Le tube gastrique est finalement
ascensionné dans le médiastin postérieur et anastomosé à
l’oesophage cervical.
Cette technique nécessite une bonne expérience de la laparoscopie.
Elle est encore mal évaluée et reste discutable dans les
adénocarcinomes du cardia et du bas oesophage en raison de la
manipulation tumorale directe qu’elle suppose.
Pour notre part,
nous la réservons aux carcinomes épidermoïdes de l’oesophage
thoracique sans extension ganglionnaire coeliaque décelable en
imagerie.
Le bénéfice procuré en termes de fonction et de
complications respiratoires est également discuté.
Certains auteurs
estiment qu’elle diminue le retentissement respiratoire des
oesophagectomies et permet ainsi d’opérer des malades ayant une
fonction respiratoire altérée.
D’autres n’ont observé aucun
bénéfice fonctionnel respiratoire comparativement à la
laparotomie.
Combinée à une approche thoracoscopique (lors
d’une intervention de Lewis-Santy), cette voie d’abord permettrait
une diminution du séjour hospitalier mais ne diminuerait pas le taux
de complications respiratoires.
Abord thoracique
:
L’abord droit est le plus souvent choisi.
En effet, par thoracotomie
gauche, la libération de l’oesophage est rendue difficile par la
présence du massif cardiaque, de la crosse de l’aorte et de l’artère
sous-clavière gauche.
A - THORACOTOMIE DROITE
:
L’incision habituelle est une thoracotomie postérolatérale droite
sectionnant le muscle grand dorsal et empruntant le cinquième ou
le sixième espace intercostal.
Le malade est alors placé en décubitus
latéral gauche avec un billot transversal placé à l’aplomb de la
pointe de l’omoplate.
Si l’on souhaite disposer préférentiellement
d’une bonne exposition sur le médiastin supérieur, il faut laisser le
membre supérieur droit pendant vers l’avant, ce qui ouvre l’angle
entre le bord postérieur de l’omoplate et le rachis et permet de
prolonger l’incision vers l’arrière jusqu’à débuter la section du
muscle rhomboïde, et inciser le cinquième espace intercostal.
Le muscle dentelé est sectionné après ligature de son pédicule vasculonerveux ou partiellement désinséré vers le bas en sectionnant
ses insertions costales.
Si l’on souhaite disposer préférentiellement d’une bonne exposition
sur le médiastin inférieur, il faut inciser le sixième espace intercostal.
Le membre supérieur droit est laissé pendant vers l’avant ou placé
au-dessus de la tête de l’opéré dans un berceau ou fixé à un arceau.
Dans ce dernier cas, la section du muscle dentelé est plus facile que
sa désinsertion.
La résection d’une côte est généralement inutile.
L’écarteur autostatique (de type Finochietto ou Lortat-Jacob) est installé avec
sa crémaillère placée vers l’aide.
Il faut ouvrir progressivement la
thoracotomie en désinsérant les muscles intercostaux au bord
supérieur de la côte inférieure sur toute la longueur de l’espace pour
limiter les risques de plaie des vaisseaux intercostaux et de fracture
de côte.
L’exposition peut être améliorée vers le haut ou vers le bas
par la section du col de la côte respectivement sus- ou sous-jacente.
La recherche de métastases pulmonaires est faite au mieux sur un
poumon exsufflé à l’aide d’une sonde d’intubation sélective.
L’exposition complète du médiastin nécessite la section du ligament
triangulaire (qui contient une artériole dont il faut assurer
l’hémostase) et la ligature-section de la crosse de la grande veine
azygos.
En l’absence de radiothérapie préopératoire, une dissection de
l’oesophage sus- et sous-tumoral n’entraîne pas d’ischémie pariétale
oesophagienne et peut constituer une manoeuvre utile pour mieux
apprécier la résécabilité de la tumeur.
Cependant, il est préférable
de faire porter la dissection directement sur la zone où la résécabilité
apparaît douteuse et de procéder éventuellement à un examen
histologique extemporané.
L’intervention est parfois indiquée pour
une tumeur initialement volumineuse et traitée par radiochimiothérapie avec une bonne réponse.
Dans ce cas, si l’on
craint une extension tumorale persistante aux structures médiastinales pouvant contre-indiquer une résection, il est
souhaitable de ne pas mobiliser de façon extensive l’oesophage suset
sous-tumoral afin de ne pas dévasculariser la tumeur et d’éviter
ainsi la nécrose de celle-ci, si elle est finalement laissée en place.
Pour un cancer épidermoïde quelle que soit sa hauteur ou un
adénocarcinome du cardia ou de l’oesophage inférieur, la découverte
d’adénopathies médiastinales métastatiques ne contre-indique pas
l’exérèse de la tumeur.
Toutefois, le mauvais pronostic des
adénocarcinomes du cardia ou de l’oesophage avec adénopathies récurrentielles ou latérotrachéales métastatiques peut inciter à
débuter l’intervention des ganglions suspects situés dans ces
territoires et récuser l’intervention si l’on souhaite éviter une
chirurgie palliative.
Avant fermeture, il est souhaitable de s’assurer d’une bonne réexpansion pulmonaire en favorisant par la palpation douce du
parenchyme la levée des zones atélectasiées.
Un double drainage
pleural est indispensable : un drain antérosupérieur est placé à
distance des vaisseaux sous-claviers, et un drain postérieur est placé
à proximité de la plastie et de l’anastomose.
Un drainage médiastinal
est inutile et dangereux (risque d’ulcération digestive ou vasculaire).
La fermeture est faite plan par plan au fil résorbable. Les points
rapprochant les côtes peuvent être passés au travers de la côte
inférieure pour éviter de traumatiser le nerf intercostal sous-jacent à
l’incision.
Le drainage pariétal n’a pas d’intérêt, sauf en cas de pneumolyse difficile ayant entraîné une fuite aérienne importante
pour laquelle on craint un emphysème pariétal malgré le drainage
thoracique.
B - THORACOTOMIE GAUCHE
:
Deux cas sont à distinguer :
– la thoracotomie gauche est choisie en raison de l’impossibilité
d’utiliser une thoracotomie droite (antécédent de chirurgie ou de
tuberculose pleuropulmonaire droite) ou parce qu’il faut explorer
chirurgicalement une lésion thoracique gauche (nodule pulmonaire
par exemple) : l’incision est alors une thoracotomie postérolatérale
gauche empruntant le cinquième ou le sixième espace intercostal.
L’installation de l’opéré, l’incision pariétale et sa fermeture ont les
mêmes particularités que la thoracotomie droite.
Toutefois, la
mobilisation de l’oesophage (qui nécessite un décroisement avec la
crosse de l’aorte) et la confection d’une anastomose intrathoracique
sus-aortique (qui est gênée par la présence de la crosse de l’aorte et
de l’artère sous-clavière gauche) demandent une excellente
exposition sur le médiastin supérieur.
En pratique, il est souvent
plus facile, après thoracotomie gauche, de confectionner une
anastomose cervicale ;
– la thoracotomie gauche constitue la voie d’abord exclusive pour
traiter un cancer de la jonction oesogastrique ou un adénocarcinome
de l’oesophage inférieur.
Il s’agit de l’intervention de Sweet
C -
THORACOSCOPIE :
L’abord thoracoscopique, qui n’a été rapporté que du côté droit,
nécessite une exclusion pulmonaire par intubation sélective et la
mise en place de cinq trocarts.
Le trocart permettant l’introduction
de la caméra doit être placé immédiatement en dessous de la pointe
de l’omoplate chez un malade en décubitus latéral gauche avec le
bras relevé placé en abduction.
L’insufflation se fait à une pression
inférieure à 6 mmHg.
Le ligament triangulaire droit est sectionné
par coagulation et la crosse de l’azygos par une agrafeuse (type Endo GIA).
Par cet abord, l’oesophage peut être disséqué, mis sur
lacs, et libéré intégralement de l’orifice hiatal au défilé cervicothoracique.
À cette exérèse peut être associé un curage
ganglionnaire médiastinal et un clippage du canal thoracique à son
entrée dans le médiastin.
Le reste de l’intervention est mené par
laparotomie (gastrolyse, gastroplastie et pyloroplastie) et
cervicotomie (dissection et anastomose cervicales).
Certains
auteurs associent un abord laparoscopique et réalisent en fait une
intervention de Lewis totalement vidéoassistée.
L’abord thoracoscopique des cancers de l’oesophage a trois
inconvénients :
– à la différence de la laparoscopie, la thoracoscopie ne semble pas
diminuer la fréquence et la gravité des complications respiratoires
après oesophagectomie ; ce résultat pourrait être, entre autres,
la conséquence de l’exclusion pulmonaire droite prolongée et d’un
taux élevé de paralysies récurrentielles gauches dû à la dissection
cervicomédiastinale ;
– l’exérèse des volumineuses tumeurs semble difficile ;
– même si cet abord permet également une lymphadénectomie
thoracique, l’exérèse des cancers thoraciques oblige à manipuler
l’oesophage en zone tumorale et doit donc faire émettre des réserves
au plan carcinologique. Pour ces raisons, cet abord reste peu utilisé
dans la chirurgie du cancer.
Abord cervical
:
A - CERVICOTOMIE LATÉRALE
:
L’abord cervical usuel est une cervicotomie présterno-cléidomastoïdienne.
Le côté gauche est préféré parce que l’oesophage est
légèrement dévié latéralement à gauche et parce que le nerf
récurrent, situé dans l’angle dièdre trachéooesophagien, parallèle à
l’oesophage, n’est pas mis en tension par l’ouverture large de
l’espace situé entre l’axe jugulocarotidien et l’axe viscéral.
Si le côté
gauche n’est pas utilisable (antécédent chirurgical oto-rhinolaryngologique
ou vasculaire), une incision droite est possible mais
expose à un risque accru de paralysie récurrentielle, en particulier
par traction excessive lors de l’exposition à la partie basse de
l’incision ou si l’on étend la dissection vers le médiastin.
L’opéré est installé en décubitus dorsal, le cou en hyperextension
grâce à un billot transversal placé sous les omoplates.
Chez les
malades âgés ou atteints d’arthrose cervicale, il faut éviter toute hyperextension forcée et veiller à ce que la tête reste en appui
pendant la durée de l’intervention.
Le cou est tourné du côté opposé
à l’incision sans être placé dans une position forcée qui aurait pour
inconvénient de faire recouvrir la gouttière jugulocarotidienne par
le muscle sterno-cléido-mastoïdien (SCM).
L’incision est oblique au bord antérieur du muscle SCM.
Elle est
centrée par le repère de la bouche oesophagienne que constitue le
cartilage cricoïde.
La partie basse de l’incision est, soit prolongée
dans le même axe jusqu’à la fourchette sternale, soit transversale 1 à
2 cm de la fourchette sternale.
Cette dernière variante permet
de mieux récliner l’axe trachéodigestif vers la gauche et d’améliorer
ainsi l’exposition sur l’oesophage cervicomédiastinal.
L’incision intéresse la peau, le muscle peaucier et l’aponévrose
cervicale superficielle.
La section de la veine jugulaire externe et
d’une veine jugulaire antérieure est habituelle.
L’aponévrose
cervicale moyenne est incisée au ras du muscle SCM et la gouttière
est ouverte en passant en avant du muscle SCM.
La branche
descendante du XII peut être sectionnée sans inconvénient à la partie
haute de l’incision.
La section du muscle omohyoïdien, de la veine
thyroïdienne moyenne au ras de la veine jugulaire interne, puis de
l’artère thyroïdienne inférieure est indispensable.
Il faut éviter
d’ouvrir la gaine vasculaire et de séparer la veine jugulaire interne
de l’artère carotide.
Ceci permet ensuite de récliner de façon atraumatique l’artère carotide en chargeant la veine jugulaire et la
gaine avec l’écarteur.
La section de l’artère thyroïdienne inférieure
doit être faite à légère distance du lobe thyroïdien pour éviter toute
lésion du nerf récurrent gauche.
L’oesophage est exposé après avoir
extériorisé le pôle inférieur du lobe thyroïdien, geste qui nécessite
en règle la section au moins partielle des muscles sous-hyoïdiens
(sterno-cléido-hyoïdien et sternothyroïdien).
Un écarteur autostatique de type Beckmann est placé sur le lobe thyroïdien d’une
part et sur la veine jugulaire interne recouverte de la gaine
vasculaire et le muscle SCM d’autre part.
Il est impératif d’éviter
d’appuyer tout écarteur dans l’angle trachéooesophagien pour ne
pas léser le nerf récurrent.
La section des vaisseaux thyroïdiens
supérieurs n’est pas nécessaire pour disposer d’un jour satisfaisant
sur la bouche oesophagienne.
Si l’on souhaite s’exposer davantage
sur la paroi pharyngée postérieure, il peut être nécessaire de lier ces
vaisseaux en préservant soigneusement le nerf laryngé supérieur et
sa branche, le nerf laryngé externe, qui assurent la sensibilité du
larynx et de la margelle pharyngolaryngée.
L’oesophage est abordé par son bord postérogauche.
Il existe en
arrière de l’oesophage un plan prévertébral celluleux lâche qui peut
être facilement décollé au doigt jusque dans le défilé
cervicomédiastinal et en arrière du pharynx.
Le nerf récurrent
gauche est repéré et progressivement séparé du bord gauche de
l’oesophage.
Il existe à ce niveau des artérioles tendues entre le bord
gauche de la trachée et celui de l’oesophage dont l’hémostase est
facilitée par de petits clips ou une coagulation bipolaire.
Il existe en
règle des rameaux collatéraux du nerf récurrent gauche assurant
l’innervation de l’oesophage.
La face antérieure de l’oesophage est
ensuite progressivement séparée de la membraneuse trachéale.
Le
plan séparant l’oesophage de la membraneuse est avasculaire.
En
revanche, il existe le long du bord droit de petites artérioles
identiques à celles présentes du côté gauche dont l’hémostase doit
être faite par coagulation bipolaire ou clips.
La présence de ces petits
vaisseaux, le point fixe que constitue la bouche oesophagienne, et la
proximité du nerf récurrent droit si l’on est très proche de la bouche
oesophagienne expliquent pourquoi le tour de l’oesophage cervical
est plus facile au niveau du défilé cervicomédiastinal.
Pour améliorer l’exposition à la partie basse de l’incision ou dans le
défilé cervicomédiastinal, il est possible de sectionner le chef sternal
du muscle SCM 1 cm au-dessus du sternum.
Ce chef musculaire est
alors reconstitué lors de la fermeture.
L’exploration ganglionnaire
ne pose en règle pas de problème.
Les deux seules difficultés sont :
– éviter une plaie du canal thoracique ou d’une de ses racines lors
de l’exérèse d’un ganglion sus-claviculaire, surtout s’il est situé en
arrière du confluent jugulo-sous-clavier ;
– éviter un traumatisme du nerf récurrent gauche en réalisant
l’exérèse d’un ganglion situé à son contact.
Dans ce but, l’utilisation
de la coagulation bipolaire ou de clips de petite taille peut être utile.
La fermeture de l’incision est faite en deux plans : muscle peaucier
(surjet ou points séparés de fil résorbable 3/0) et peau (fil ou
agrafes).
On peut également reconstituer un plan plus profond en
réinsérant lâchement les muscles sterno-cléido-hyoïdien et
sternothyroïdien à la face profonde du muscle SCM, ce qui permet
de couvrir partiellement le montage digestif.
L’intérêt du drainage
cervical est discuté.
En l’absence de drainage, il est nécessaire de réintervenir pour drainer toute collection cervicale susceptible d’être
la conséquence d’une fistule et éviter ainsi sa propagation par le
médiastin.
Si l’on choisit de drainer, une lame rétroanastomotique
est extériorisée par une contre-incision au travers du muscle SCM
en évitant de blesser la veine jugulaire interne.
B - CERVICOTOMIE EN U
:
Cette incision est indiquée lorsqu’on veut procéder à un curage
ganglionnaire cervical extensif ou en cas de pharyngolaryngectomie.
La tête est droite, en hyperextension grâce à un billot
placé sous les épaules, mais peut être tournée facilement vers la
droite ou la gauche.
Latéralement, l’incision est située en avant de
chaque SCM et remonte au minimum à hauteur de l’os hyoïde.
Sur
la ligne médiane, les deux incisions sont reliées par une courte
incision horizontale située 1 à 2 cm au-dessus de la fourchette
sternale.
Si l’on souhaite confectionner un trachéostome
définitif au travers du lambeau inférieur, la partie horizontale de
l’incision doit être placée plus haut.
Il faut décoller le lambeau musculoaponévrotique inférieur jusqu’à la fourchette sternale et le
lambeau supérieur jusqu’à 1 ou 2 cm au-dessus de l’os hyoïde.
Ces deux lambeaux doivent être réclinés par un écarteur autostatique ou quelques points de suture temporaires chargeant les
téguments du thorax et du menton.
Il est nécessaire de mobiliser la face profonde et la face superficielle
des deux muscles SCM pour exposer de façon satisfaisante la totalité
du cou.
Les creux sus-claviculaires peuvent être abordés en passant
en avant et/ou en arrière des muscles SCM.
Pour améliorer
l’exposition dans le défilé cervicomédiastinal, il est possible de
sectionner les deux chefs sternaux des muscles SCM et de les
reconstituer lors de la fermeture.
Les contre-indications à l’exérèse sont :
– l’envahissement d’un axe artériel carotidien ;
– une extension trachéale interdisant une section de la trachée en
zone saine et la confection sans traction d’un trachéostome fixé à la
peau au-dessus de la fourchette sternale ;
– un envahissement ganglionnaire fixé au plan postérieur ou
nécessitant le sacrifice des deux veines jugulaires internes.
Par ailleurs, la découverte d’adénopathies métastatiques à distance
de l’axe viscéral du cou (creux sus-claviculaires, partie haute de la
chaîne jugulaire au contact du nerf spinal ou du muscle digastrique)
ne doit faire retenir l’indication de l’intervention qu’avec
circonspection en raison du mauvais pronostic attendu.
En revanche,
l’envahissement d’un lobe thyroïdien ou d’un nerf récurrent à
proximité de son entrée dans le larynx ne constitue pas une
contre-indication.
Du fait de l’importance de la dissection cervicale, il est souhaitable
de mettre en place un drainage aspiratif de type Redon dans les
zones de décollement et de curage, ainsi qu’une lame souple rétroanastomotique extériorisée par une contre-incision.
La
fermeture cervicale est faite en deux plans (peaucier et peau).
Chez
un malade ayant eu une radiothérapie préalable, une suture cutanée
par fils est préférable à l’utilisation d’agrafes.
La confection du trachéostome est faite à points séparés de fil résorbable 2/0 par
suture de son bord antérieur à la berge inférieure de l’incision et
suture de la membraneuse au lambeau supérieur de l’incision.
C - CERVICOMANUBRIOTOMIE
:
Cette incision peut être utile pour améliorer l’exposition sur
l’oesophage cervicomédiastinal (tumeur située à ce niveau,
réintervention).
La cervicotomie, faite en avant du SCM gauche, est
prolongée vers le bas par une incision médiane dépassant
légèrement vers le bas les limites du manubrium.
Celui-ci est
incisé au ciseau à frapper ou à la scie oscillante après avoir décollé
au doigt les éléments du médiastin antérieur (loge thymique, tronc
veineux innominé).
L’écartement est fait par un écarteur de type
Beckmann au niveau cervical et un écarteur de type Tuffier au
niveau sternal.
Lors de la fermeture, le manubrium est suturé par un ou deux fils
d’acier et les téguments thoraciques reconstitués en deux plans.
Choix de la voie d’abord
:
A - CRITÈRES DE CHOIX
:
En pratique :
– un abord abdominal est presque toujours nécessaire ;
– un double abord abdominothoracique ou abdominocervical est
fréquemment utilisé ;
– un triple abord permettant l’exposition et la dissection de la
totalité de l’oesophage et des aires ganglionnaires de drainage est la
technique la plus rarement utilisée.
Les voies d’abord, et donc finalement le type d’intervention, sont
choisis en fonction : du type histologique et de la hauteur du pôle
supérieur de la tumeur, du type de curage ganglionnaire souhaité,
de l’organe utilisé pour le remplacement oesophagien, de l’état
général et de la fonction respiratoire de l’opéré.
1- Type histologique et pôle supérieur de la tumeur
:
Pour le cancer épidermoïde, la marge à respecter varie selon
l’extension pariétale :
– en cas de cancer superficiel (limité à la muqueuse et à la sousmuqueuse),
la fréquence des lésions épithéliales satellites est telle
que des marges de résection de 2, 4 et 6 cm in vivo exposent à un
risque d’envahissement de la tranche de section par un carcinome
in situ de respectivement 14 %, 8 % et 3 % ; ces résultats plaident en
faveur de la réalisation systématique d’une oesophagectomie
subtotale avec anastomose cervicale, ou d’une coloration vitale au
Lugol pour localiser précisément le pôle supérieur d’une
tumeur superficielle ;
– quelle que soit la profondeur de la tumeur, une marge de 6 cm in
vivo est associée à un risque d’envahissement de la recoupe
proximale par des emboles lymphatiques ou vasculaires de 5 %.
À l’étage cervical, il faut essayer de conserver 2 cm d’oesophage sous
la bouche oesophagienne pour limiter le risque de fausses routes.
Le
résultat en termes de survie à distance ne semble pas non plus
conditionné par le siège de l’anastomose.
Le résultat fonctionnel
attendu ne peut également être un critère décisif car :
– les anastomoses cervicales sont associées à une prévalence plus
importante des fistules et des sténoses anastomotiques ;
– les anastomoses intrathoraciques sont associées à une prévalence
plus importante du reflux gastrooesophagien.
Pour l’adénocarcinome, la prévalence des emboles lymphatiques sous-muqueux est plus importante dans ce type histologique et la
marge de résection proximale doit être comprise in vivo entre 8 et
10 cm pour obtenir un taux d’envahissement de la recoupe
proximale inférieur à 5 %.
2- Type de curage ganglionnaire
:
L’extension ganglionnaire thoracique ne peut être appréciée
précisément que par une lymphadénectomie médiastinale qui ne
peut être faite que par thoracotomie.
Lorsqu’une oesophagectomie
est faite par voie thoracique droite, la plupart des auteurs
s’accordent à réaliser un curage médiastinal sous-aortique, en
complément du curage abdominal dans la région coeliaque (curage
« à deux étages »).
Un curage ganglionnaire sus-aortique complet
associé à un curage cervical est proposé par certains auteurs dans le
but de diminuer le taux de récidives cervicomédiastinales et
augmenter ainsi la survie à distance, en particulier pour les tumeurs
de l’oesophage sus-aortique et cervicomédiastinal.
Ce curage nécessite une bonne exposition sur le médiastin supérieur,
une cervicotomie en U, et un drainage aspiratif cervical.
L’anastomose oesogastrique est faite dans le cou quelle que soit la
hauteur du pôle supérieur de la tumeur.
Pour cette raison, le temps
thoracique est réalisé en premier, et suivi par le temps abdominal
associé au temps cervical.
La gastroplastie est alors montée dans le
médiastin postérieur.
3- Organe utilisé pour le remplacement oesophagien
:
L’estomac, tubulisé ou non, est l’organe le plus souvent utilisé pour
remplacer l’oesophage.
Avec l’estomac, il est possible de faire porter
l’anastomose oesogastrique dans le thorax ou dans le cou.
Dans
certains cas, une gastroplastie peut être impossible et une coloplastie
alors nécessaire (antécédent de gastrectomie pour ulcère ou de
gastrostomie chirurgicale, antécédent de réfection chirurgicale des
mécanismes antireflux, cancer sur oesophagite caustique avec
atteinte gastrique, ou plaie peropératoire des vaisseaux
gastroépiploïques droits).
Il s’agit d’une indication de nécessité car
les coloplasties sont associées à une morbidité plus importante que
les gastroplasties.
L’anastomose oesocolique doit être faite au
niveau cervical, en raison des conséquences plus graves d’une
désunion intrathoracique.
Une colopastie est donc utilisée, soit au
cours d’une oesophagectomie par triple voie d’abord, soit au cours
d’une oesophagectomie sans thoracotomie.
Si l’intervention est une
oesophagectomie sans thoracotomie, la coloplastie est positionnée
dans le médiastin postérieur.
Si l’indication d’une thoracotomie a
été retenue, le trajet de la coloplastie peut être médiastinal postérieur
ou antérieur ; les critères de choix entre les deux techniques sont
ceux du choix entre intervention d’Akiyama et intervention de Mac
Keown.
Cependant, le côlon est habituellement considéré comme
plus sensible à la radiothérapie que l’estomac : il est donc logique
de préférer un trajet rétrosternal si une radiothérapie postopératoire
apparaît probable.
4- État général et fonction respiratoire de l’opéré
:
La plupart des auteurs réservent l’oesophagectomie sans
thoracotomie aux malades en mauvais état général ou ayant une
insuffisance respiratoire mais d’autres utilisent systématiquement
cette technique.
Certains travaux rétrospectifs suggèrent que
l’oesophagectomie sans thoracotomie est l’intervention la mieux
tolérée et que l’oesophagectomie par triple voie d’abord est
l’intervention ayant les suites opératoires les plus difficiles.
En
réalité, aucun travail prospectif randomisé portant sur des effectifs
importants n’a confirmé ces données.
En pratique, l’expérience et les préférences de l’opérateur participent
également largement au choix du type d’intervention.
B - DIFFÉRENTES INTERVENTIONS
:
1- OEsophagectomie par double abord abdominal
et thoracique droit (intervention de Lewis-Santy)
:
L’installation habituelle consiste à placer d’abord le malade en
décubitus dorsal pour la réalisation du temps abdominal, puis en
décubitus latéral gauche pour le temps thoracique.
En décubitus dorsal, la position du membre supérieur gauche est
indifférente, sauf si on envisage de convertir l’intervention en
oesophagectomie sans thoracotomie.
Il est souhaitable de préparer
un champ suffisamment large pour permettre le drainage des deux
cavités thoraciques si cela s’avère nécessaire (tumeur du cardia ou
du bas oesophage dont on commence la dissection par voie
abdominale).
Pour le temps thoracique, le malade est ensuite placé
en décubitus latéral gauche avec le bras pendant.
Un billot
transversal est placé à hauteur de la pointe de l’omoplate, monté
dès l’intervention et descendu immédiatement avant la fermeture
pariétale.
En cas de découverte dans le thorax d’une extension
tumorale inattendue signant le caractère palliatif de l’intervention, il
est cependant nécessaire de réaliser l’oesophagectomie et
l’anastomose oesogastrique.
Il est également possible de réaliser la même intervention en
installant le malade en position de double voie simultanée.
Pour ce
faire, il faut installer le malade de trois quarts sur une table
permettant un roulis de chaque côté.
Le bassin du malade
est légèrement incliné vers la gauche en mettant un coussin sous la
fesse droite.
Le tronc du malade est légèrement tourné par rapport
au bassin afin que l’axe passant par les deux épaules soit incliné
d’environ 45° par rapport au plan de la table.
Le membre supérieur
gauche est placé à plat perpendiculairement au tronc du malade, et
le membre supérieur droit est fixé à un arceau à hauteur de la tête
du malade.
Un billot transversal est également placé et levé à
hauteur de la pointe des omoplates.
Le malade doit être calé
suffisamment pour éviter tout mouvement lors des inclinaisons
latérales de la table d’opération.
L’incision abdominale est toujours
une médiane car l’abord vers la région sous-costale gauche est
limité.
L’oesophage est abordé par thoracotomie antérolatérale
droite.
Lors du temps abdominal ou du temps thoracique, le roulis
de la table doit être marqué dans un sens ou dans l’autre.
Cette
installation permet un gain de temps, en particulier si deux
chirurgiens peuvent assurer simultanément les deux temps de
l’intervention.
Elle permet également un bon contrôle des
différents temps de l’intervention : exploration des deux étages
avant la tubulisation gastrique ou mobilisation de l’oesophage,
sécurité de l’ascension de la gastroplastie dans le thorax.
En
revanche, cette installation a pour inconvénient une exposition
moins bonne dans l’hypocondre gauche et sur le médiastin
postérieur en particulier à sa partie haute.
Il faut donc disposer d’une bonne expérience en chirurgie oesophagienne pour utiliser
cette installation qui semble particulièrement utile chez les malades
peu corpulents et/ou ayant une tumeur bas située sur l’oesophage.
À l’inverse, cette technique doit à notre avis être évitée chez les
malades obèses et/ou préalablement opérés à l’étage sus-mésocolique.
2- OEsophagectomie par double abord abdominal
et cervical (oesophagectomie sans thoracotomie,
ou oesophagectomie par voie transhiatale)
:
L’oesophagectomie sans thoracotomie a pour buts de procéder à
l’exérèse de la totalité de l’oesophage thoracique en minimisant le
retentissement respiratoire de l’intervention.
Cette intervention ne
permet un abord sous contrôle visuel que de l’oesophage souscarénaire.
La dissection de l’oesophage est aveugle du défilé cervicomédiastinal à la carène.
Cette intervention ne permet
l’exérèse que des ganglions latérooesophagiens sous-carénaires et des
ganglions des ligaments triangulaires.
L’exposition des ganglions intertrachéobronchiques est très difficile et leur exérèse n’est que très
rarement réalisable.
Aucune exérèse lymphatique n’est possible à
l’étage rétroaortique ou sus-aortique.
L’exérèse oesophagienne libère
le médiastin postérieur pour y placer la gastroplastie, mais il est
également possible de placer celle-ci dans un trajet rétrosternal.
Le malade est installé en décubitus dorsal avec le bras gauche le
long du corps.
La tête est en hyperextension et en rotation
droite.
Un billot transversal est placé sous la pointe des omoplates
et améliore à la fois l’extension cervicale et l’exposition sur le
médiastin inférieur abordé par voie transhiatale.
Le champ
opératoire doit inclure latéralement la partie basse du thorax pour
que les deux plèvres puissent facilement être drainées.
En effet, la
dissection médiastinale aboutit à l’ouverture d’au moins une cavité
pleurale dans 75 % des cas.
Si la plèvre n’a pas été ouverte, un
épanchement pleural liquidien d’apparition retardée est très
fréquent et peut, surtout s’il est bilatéral, altérer la fonction
respiratoire postopératoire.
C’est la raison pour laquelle certains
préfèrent ouvrir délibérément les deux cavités pleurales pour les
drainer.
Certains auteurs laissent également la partie antérieure
de l’hémithorax droit dans le champ opératoire dans l’hypothèse où
une thoracotomie droite urgente (hémostase de la crosse de la veine
azygos) s’avérerait nécessaire.
L’incision abdominale est une médiane ou une bi-sous-costale selon
le morphotype de l’opéré. L’incision cervicale est une cervicotomie
gauche habituelle.
Afin que l’intervention puisse être réalisée à deux
équipes avec un opérateur abdominal à la droite du malade et un
opérateur à gauche de la région cervicale, il faut éviter d’encombrer
le champ opératoire cervical avec la chaîne rattachant la valve
abdominale aux piquets de Toupet.
Pour ce faire, notre habitude est
de placer le piquet gauche un peu plus près du plan de la table que
le piquet droit et de tracter la valve abdominale avec le piquet
gauche uniquement lors de la section des vaisseaux gastroépiploïques gauches et des vaisseaux courts gastrospléniques
pour bénéficier, lors de ce temps, d’une bonne exposition sur
l’hypocondre gauche.
L’intervention commence habituellement par l’exploration
abdominale.
Dès celle-ci terminée, l’incision cervicale peut être faite
et la dissection cervicomédiastinale débutée.
L’exploration doit
cependant être adaptée à chaque cas.
En cas de tumeur de
l’oesophage thoracique inférieur ou du cardia, il est logique de
vérifier que la tumeur est localement résécable avant de débuter le
temps cervical.
S’il s’agit d’une tumeur cervicomédiastinale, il peut
être préférable d’explorer d’abord la région cervicale.
Le drainage des plèvres est plus facile avant l’ascension de la gastroplastie.
Celle-ci est le plus souvent faite dans le lit oesophagien,
dans le médiastin postérieur.
3- OEsophagectomie par triple abord abdominal,
thoracique et cervical
:
Cette intervention est celle permettant l’exérèse oesophagienne la
plus large avec le curage ganglionnaire le plus complet.
Si cette
intervention est décidée, il faut choisir le trajet de la plastie
oesophagienne, ce qui équivaut à celui de l’ordre des différents
temps opératoires.
La première possibilité consiste à réaliser
en premier la gastroplastie, et l’ascensionner dans un trajet
rétrosternal, et à l’anastomoser à l’oesophage cervical, puis de
procéder à l’exérèse de l’oesophage et de la tumeur par une
thoracotomie droite (intervention d’Akiyama).
La deuxième
possibilité consiste à procéder en premier à l’exérèse de l’oesophage
et de la tumeur par une thoracotomie droite, puis à réaliser la gastroplastie, et l’ascensionner dans un trajet médiastinal postérieur,
et à l’anastomoser à l’oesophage cervical (intervention de Mac
Keown).
Les éléments pouvant faire préférer une intervention d’Akiyama (et
donc un trajet médiastinal antérieur) sont :
– en cas de récidive dans le lit oesophagien, la gastroplastie est à
distance de la récidive et le risque de dysphagie a priori nul ;
– une irradiation du lit oesophagien est sans risque pour la gastroplastie ; en fait, les lésions de l’estomac après irradiation
médiastinale postérieure sont exceptionnelles.
Les éléments pouvant faire préférer une intervention de Mac Keown
(et donc un trajet médiastinal postérieur) sont :
– ce trajet est plus court que le trajet rétrosternal ;
– dans certaines équipes, le taux de fistule anastomotique cervicale
est inférieur à celui-ci observé après utilisation d’un trajet rétrosternal ;
– il pourrait permettre un meilleur confort fonctionnel car il est
exempt d’angulation et, si une dilatation endoscopique de
l’anastomose oesogastrique est nécessaire, cette dilatation est plus
facile et plus efficace.
Or, le taux de sténoses anastomotiques
cervicales bénignes nécessitant des dilatations endoscopiques peut
atteindre 25 à 30 %.
Notre préférence va à l’intervention de Mac Keown, d’autant plus
qu’elle est la seule vraiment adaptée aux cancers
cervicomédiastinaux pour lesquels :
– une section proche de la bouche oesophagienne est nécessaire ;
– une plastie médiastinale postérieure est dans le même axe que le
court segment oesophagien restant.
L’intervention d’Akiyama débute par le temps abdominal et le
temps cervical.
Après exploration, la gastrolyse et la gastroplastie
sont réalisées.
L’oesophage est sectionné et suturé au niveau de
l’hiatus oesophagien qui est fermé, et du défilé cervicomédiastinal.
Le transplant gastrique devant être ascensionné en rétrosternal, on
commence la tunnellisation à l’étage abdominal en désinsérant le
diaphragme de la face postérieure du sternum.
Dans le défilé cervicomédiastinal, il faut sectionner à leur partie basse le sternocléido-hyoïdien et le sternothyroïdien puis emprunter le plan situé
immédiatement au contact du manubrium sternal.
Les insertions
latérales de ces deux muscles doivent être effondrées pour obtenir
un tunnel suffisamment large.
En effet, le tunnel rétrosternal doit
admettre quatre doigts à ses deux extrémités pour éviter toute
compression de la gastroplastie.
Les deux incisions sont fermées
après ascension de la plastie, réalisation de l’anastomose, et
discussion d’une jéjunostomie d’alimentation.
Le malade est alors
installé en position de thoracotomie droite.
En cas de découverte
d’une extension tumorale méconnue signant le caractère palliatif de
la résection, il est possible d’arrêter l’intervention en laissant
l’oesophage exclu à condition qu’il ait été préalablement suturé à ses
deux extrémités de façon satisfaisante.
L’intervention de Mac Keown débute par le temps thoracique. Après
l’exploration, l’oesophage est mobilisé.
Dans le médiastin supérieur,
il faut s’efforcer de poursuivre la dissection le plus haut possible
dans le défilé cervicothoracique pour faciliter la dissection cervicale
ultérieure.
En fin d’intervention, le drainage pleural doit être relié à
un système d’aspiration qui sera fonctionnel lors du temps
abdominal et cervical.
Le drainage médiastinal est inutile. Le malade
est ensuite réinstallé en décubitus dorsal.
En cas de découverte
d’une extension tumorale méconnue lors de l’exploration
abdominale ou cervicale, il est nécessaire de poursuivre
l’intervention car l’oesophage thoracique a été dévascularisé.
La cervicotomie est faite au mieux dans le même temps par une
deuxième équipe.
La confection d’une jéjunostomie
d’alimentation doit être discutée avant la fermeture abdominale.
4- OEso-pharyngo-laryngectomie totale
:
Cette intervention est indiquée à titre curatif pour des cancers de la
bouche oesophagienne, des cancers du sinus piriforme ou de la paroi
pharyngée postérieure envahissant la bouche oesophagienne, et pour
des cancers de l’oesophage cervical ne permettant pas une section
de l’oesophage en zone saine.
Pour permettre une conservation du pharyngolarynx, la plupart des auteurs recommandent une distance
minimale de 2 ou 3 cm entre la bouche oesophagienne et le pôle
supérieur de la tumeur.
L’oeso-pharyngo-laryngectomie totale
doit être faite à deux équipes, dont une expérimentée en chirurgie
cervicale.
Habituellement, l’exérèse oesophagienne est faite sans
thoracotomie.
Seuls les cancers cervicothoraciques dont le pôle
supérieur est à moins de 2 cm de la bouche oesophagienne peuvent
justifier d’une thoracotomie droite associée qui alourdit nettement
l’intervention.
Pour cette intervention, le malade est installé en décubitus dorsal
avec les deux bras le long du corps, les épaules soulevées par un
billot et le cou en extension.
La tête est non fixée, le thorax est dans
le champ pour un éventuel drainage pleural.
L’installation doit tenir
compte de la possibilité de ventiler le patient via le champ opératoire
dès la trachée sectionnée.
La jéjunostomie doit être systématique en
raison du risque de fistule de l’anastomose pharyngogastrique, de
fréquents troubles de la déglutition, et des difficultés possibles
d’accès aux veines cervicales pour une nutrition parentérale.
5- Intervention de Sweet
:
Cette intervention est rarement utilisée.
Elle était réservée à l’exérèse
des adénocarcinomes du cardia ou du bas oesophage chez des
malades à l’état général imparfait.
On peut lui préférer actuellement
l’oesophagectomie sans thoracotomie.
Pour l’intervention de Sweet, le malade est installé en décubitus
latéral droit, un billot transversal sous la pointe de l’omoplate, et le
membre supérieur étant fixé en hauteur à un arceau ou laissé
pendant vers la tête de l’opéré. Une intubation sélective n’est
pas nécessaire car seul le lobe inférieur gauche doit être récliné.
L’incision est une thoracotomie empruntant le 7e espace intercostal,
sectionnant le rebord chondrocostal et associé à une phrénotomie.
En arrière, il est souvent nécessaire de prolonger assez loin l’incision
en sectionnant le muscle grand dorsal pour disposer d’une bonne
exposition sur la région sous-aortique.
L’exposition vers le haut peut
être améliorée par la section du col de la côte sus-jacente à l’incision.
Si la pointe de l’omoplate vient cacher la partie postérieure de la
thoracotomie, elle doit être rétractée vers le haut avec un lacs fixé à
un crochet.
La phrénotomie peut être, soit une phrénotomie
radiée ouvrant l’orifice hiatal en sectionnant le pilier gauche, soit
une phrénotomie périphérique sans section du pilier gauche qui a
l’avantage de moins traumatiser le diaphragme et les branches de
division du nerf phrénique mais complique la dissection et la
réalisation de l’anastomose au bord inférieur de la crosse de l’aorte.
Si la tumeur envahit les piliers du diaphragme, une phrénotomie
radiée associée à une résection partielle des piliers est la technique
la plus adaptée.
Il est souhaitable de mettre en place deux à six fils
repères résorbables sur la coupole diaphragmatique pour faciliter sa
reconstruction en fin d’intervention.
Des adhérences entre la rate et
le diaphragme doivent être systématiquement recherchées et
sectionnées pour éviter une décapsulation.
La palpation permet une
exploration complète de la cavité abdominale.
En revanche,
l’exploration visuelle est limitée à l’étage sus-mésocolique et au foie
gauche.
S’il est nécessaire d’exposer plus largement la cavité
abdominale, il faut s’agrandir en prolongeant la thoracotomie par
une incision oblique abdominale jusqu’à la ligne médiane.
Pour la fermeture, le diaphragme est reconstitué par des points
séparés ou plusieurs surjets juxtaposés de fil monobrin non
résorbable 2/0.
Il faut fixer la gastroplastie au pourtour de l’orifice
hiatal ainsi reconstitué en évitant de traumatiser ou de comprimer
les vaisseaux gastroépiploïques.
Nous utilisons un drainage sousphrénique
gauche de type drain de Redon.
Le drainage pleural est
sans particularité.
Lors de la fermeture pariétale, il faut veiller à
réinsérer la partie antérieure de la phrénotomie à la partie la plus
antérieure de l’espace intercostal, et à réséquer suffisamment de
rebord chondrocostal pour limiter le risque de pseudarthrose ou de chondrite
sources de douleurs postopératoires.
6- OEsogastrectomie polaire supérieure
par voie abdominale
:
Cette intervention n’est plus actuellement indiquée qu’à titre palliatif
pour des adénocarcinomes du cardia sans extension oesophagienne
et dont l’extension gastrique est suffisamment limitée pour
permettre la confection d’un tube gastrique.
En effet, cette
intervention ne permet pas d’obtenir de façon régulière une marge
de résection oesophagienne satisfaisante au plan carcinologique, et
entraîne souvent un reflux gastrooesophagien invalidant.
L’oesophage sus-tumoral doit être abordé en agrandissant l’orifice
hiatal à son bord antérieur, éventuellement après section de la veine
diaphragmatique inférieure, ou par résection d’une collerette de
piliers autour de la tumeur.
Après réalisation de l’anastomose
oesogastrique, il faut fixer la gastroplastie au pourtour de l’orifice
hiatal reconstitué lâchement en évitant de traumatiser ou de
comprimer les vaisseaux gastroépiploïques.
Le drainage médiastinal
nous paraît inutile. Le drainage abdominal est sans particularité.