Chirurgie de la veine cave supérieure Cours de Chirurgie
Introduction
:
La chirurgie de la veine cave supérieure a pu se développer grâce à
l’utilisation d’un matériel prothétique de remplacement représenté par
le polytétrafluoroéthylène (PTFE) qui assure une perméabilité durable
dans le système veineux.
Elle se situe aux confins de la chirurgie
thoracique et de la chirurgie vasculaire et trouve ses principales
indications dans l’exérèse des tumeurs malignes médiastinales et
pulmonaires.
La situation anatomique de la veine cave supérieure,
profonde dans le médiastin, rend son abord parfois difficile.
Anatomie chirurgicale
:
A - RAPPEL ANATOMIQUE
:
La veine cave supérieure est constituée par la réunion des deux
troncs veineux brachiocéphaliques en arrière du premier cartilage
costal droit.
Elle descend un peu obliquement en arrière.
Son tronc mesure en
moyenne 7 cm de longueur et 2 cm de diamètre.
Il s’ouvre sur la
paroi supérieure de l’oreillette droite.
La veine cave supérieure entre
en rapport :
– en avant, avec la loge thymique, la plèvre et le poumon droit ;
– en arrière et de haut en bas, avec la chaîne lymphatique latérotrachéale droite, l’artère pulmonaire droite et la veine
pulmonaire supérieure droite ;
– en dedans, la veine cave supérieure décrit une courbe à concavité
gauche qui épouse la convexité de la partie ascendante de la crosse
aortique ;
– en dehors, elle répond à la plèvre droite, au nerf phrénique droit
et aux vaisseaux diaphragmatiques supérieurs droits qui descendent
le long de sa face externe.
Vers le bas, la veine cave supérieure est intrapéricardique : la séreuse
péricardique engaine les trois quarts antéroexternes de la veine cave
supérieure sur une hauteur de 2 cm environ.
Dans
l’interstice entre la veine cave supérieure et la partie ascendante de
la crosse aortique, on retrouve de haut en bas :
– une courte zone extrapéricardique répondant à l’origine de la
bronche droite ;
– la face antérieure de l’artère pulmonaire droite avant son segment rétrocave ;
– l’orifice droit du sinus de Theile limité par l’aorte en dedans,
l’auricule droite et la veine cave supérieure en dehors.
Le noeud sinusal débute sous le péricarde, sur le côté externe de
l’orifice de la veine cave supérieure dans l’oreillette droite.
La veine cave supérieure ne reçoit qu’une collatérale, la grande veine
cave azygos, qui s’abouche à sa face postérieure au-dessus de l’artère
pulmonaire et de la bronche principale droites.
B - ABORD CHIRURGICAL
:
La sternotomie médiane totale verticale, éventuellement prolongée
par une cervicotomie, donne le meilleur jour possible sur les
troncs veineux brachiocéphaliques droit et gauche et le tronc de la
veine cave supérieure.
Après ablation de la loge thymique, le tronc veineux gauche est
d’abord libéré après section entre ligatures ou clips de ses
collatérales.
On contrôle ensuite la terminaison du tronc veineux
droit et la confluence cave supérieure.
L’extrémité distale de la veine
cave supérieure est contrôlée soit en extrapéricardique, soit le plus
souvent après ouverture du péricarde et exposition de la jonction
cavoauriculaire.
La thoracotomie postérolatérale droite ou latérale droite,
type Noirclerc, dans le quatrième ou le cinquième espace intercostal,
permet également le contrôle de la veine cave supérieure sur tout
son trajet.
La confluence cave supérieure est plus difficilement
contrôlée par cette voie que par sternotomie médiane.
La veine cave
supérieure distale est contrôlée après ouverture du péricarde et
exposition du sillon interauriculaire.
La bithoracotomie antérieure avec sternotomie transversale
est rarement utilisée.
Elle permet de contrôler les deux troncs
veineux et la veine cave supérieure en donnant un abord large des
deux cavités pleurales.
Le choix de la voie d’abord de la veine cave supérieure dépend
essentiellement de la nature et de la topographie de la tumeur à
réséquer ainsi que de la nécessité ou non du contrôle proximal des
troncs veineux brachiocéphaliques, voire des veines jugulaires
internes.
Pathologie de la veine cave supérieure
et des lésions médiastinales
ayant un retentissement sur la veine
cave supérieure
:
A - THROMBOSE CAVE SUPÉRIEURE DE CAUSE
ENDOLUMINALE OU PARIÉTALE :
La cause la plus fréquente actuellement de thrombose cave
supérieure est iatrogène, liée à la mise en place d’un corps étranger
intraveineux :
– cathéter intraveineux ou sonde de Swan-Ganz ;
– cathéter central permanent de chimiothérapie ;
– sonde endocavitaire de stimulation cardiaque ;
– dérivation péritonéojugulaire ;
– cathéter à double voie de dialyse.
La thrombose de l’axe veineux axillo-sous-clavier est
particulièrement fréquente, étendue ou non au tronc de la veine cave
supérieure.
Les cathéters centraux et les sondes endocavitaires
peuvent également provoquer des sténoses de la veine cave
supérieure en quelques mois.
La maladie de Behçet est une cause fréquente de syndrome cave
supérieur autour du bassin méditerranéen et au Japon, dû à une
altération de la paroi vasculaire ou à une médiastinite fibreuse.
B - ATTEINTE PARIÉTALE PRIMITIVE
:
Les tumeurs primitives de la veine cave supérieure sont
exceptionnelles, angiosarcome ou léiomyosarcome, et le plus
souvent asymptomatiques.
Les anévrismes congénitaux de la veine cave supérieure, sacculaires
ou plus souvent fusiformes, sont très rares et en règle
asymptomatiques.
Ils sont développés aux dépens du tronc de
la veine cave supérieure.
Le diagnostic peut être évoqué sur les
variations de l’image radiologique, voire sa disparition au cours des
mouvements respiratoires.
Il repose sur les clichés injectés de
scanner et la cavographie.
C - COMPRESSIONS BÉNIGNES
:
– Tumeurs bénignes du médiastin.
Les goitres à développement
endothoracique sont fréquemment responsables d’un syndrome cave
supérieur par compression des troncs veineux brachiocéphaliques à
la jonction cervicothoracique.
L’image d’encorbellement à concavité
supérieure est typique en phlébographie.
Thymomes bénins, dysembryomes et kystes thymiques sont
beaucoup plus rarement à l’origine d’un syndrome cave
supérieur.
– Les médiastinites chroniques sont la conséquence d’un processus
scléreux d’évolution lente du tissu de soutien médiastinal pouvant
enserrer ou sténoser la veine cave supérieure.
La médiastinite
fibreuse idiopathique peut être localisée en latérotrachéal ou
englober d’autres organes médiastinaux dans les formes plus ou
moins diffuses avec atteinte de l’artère et des veines pulmonaires,
de la trachée et des bronches, de l’oesophage.
Un diagnostic
histologique est indispensable pour éliminer une médiastinite
néoplasique.
– Un hémomédiastin, une médiastinite aiguë, peuvent évoluer
secondairement vers la sclérose.
– Les compressions ganglionnaires bénignes sont rares :
compression de la veine cave supérieure par des adénopathies
tuberculeuses ou sarcoïdosiques.
– Anévrismes artériels :
– les anévrismes athéromateux ou syphilitiques de la crosse
aortique ou du tronc artériel brachiocéphalique peuvent
comprimer ou engainer le tronc de la veine cave supérieure.
En l’absence même d’anévrisme, le tronc artériel brachiocéphalique
peut donner une empreinte sur l’origine de la veine cave supérieure ou sur le tronc veineux brachiocéphalique gauche,
en particulier chez le patient hypertendu ayant une crosse
aortique et un tronc artériel brachiocéphalique déroulés.
– une rupture traumatique de l’aorte ou des troncs supraaortiques
peut être à l’origine d’un syndrome cave aigu par
l’hématome médiastinal sous tension ou le faux anévrisme qu’elle
entraîne.
D - PATHOLOGIE MÉDIASTINOPULMONAIRE MALIGNE
:
Elle représente la cause la plus fréquente des atteintes de la veine
cave supérieure.
– Les adénopathies médiastinales malignes peuvent envahir ou
comprimer le tronc de la veine cave supérieure ou le tronc veineux
brachiocéphalique gauche dans le médiastin antérieur :
– lymphomes ;
– hématosarcomes ;
– métastases ganglionnaires latéro- et prétrachéales, le plus
souvent d’un cancer bronchique dont le diagnostic est fait par
médiastinoscopie.
– Les cancers bronchiques droits peuvent envahir directement la
veine cave supérieure :
– cancer développé au niveau du segment ventral du lobe
supérieur envahissant le tronc brachiocéphalique droit ou la
confluence cave supérieure voire le tronc de la veine cave par
contiguïté ;
– cancer pédiculaire envahissant massivement le tronc de la veine
cave supérieure et le confluent cavoauriculaire.
En règle, il n’existe pas de syndrome cave supérieur.
– Les tumeurs solides du médiastin antérieur et moyen exposent
particulièrement à l’envahissement de la confluence cave et du tronc
de la veine cave supérieure :
– thymome invasif ;
– tumeurs germinales malignes du médiastin ;
– carcinome indifférencié du médiastin ;
– tumeurs carcinoïdes malignes.
Elles entraînent fréquemment un syndrome cave supérieur plus
ou moins marqué.
Un diagnostic étiologique précis doit être obtenu en cas de tumeur
du médiastin antérieur et moyen, et repose sur l’étude des
marqueurs biologiques (bêta-hCG [human chorionic gonadotrophin],
alpha-foetoprotéines), et une biopsie chirurgicale obtenue par
cervicomanubriotomie ou médiastinotomie.
Une médiastinite néoplasique se manifeste fréquemment par un
syndrome cave dû à l’enserrement du tronc veineux gauche et de la
veine cave supérieure.
E - PLAIES DE LA VEINE CAVE SUPÉRIEURE
:
– Désinsertion des troncs veineux au cours d’une sternotomie.
– Plaies thoraciques par arme blanche ou arme à feu.
Physiopathologie
:
En cas d’obstruction progressive de la veine cave supérieure, les
collatérales jouent un rôle de suppléance. Plusieurs voies de
dérivations sont possibles en fonction du siège de l’obstacle :
– veine intercostale supérieure droite ;
– plexus périrachidien ;
– veine azygos en cas d’obstacle sus-azygotique ;
– veine azygos à contre-courant, veine mammaire interne en cas
d’obstacle situé au-dessous de la crosse de l’azygos.
Explorations
:
A - EXAMEN TOMODENSITOMÉTRIQUE THORACIQUE AVEC
INJECTION DE PRODUIT DE CONTRASTE :
Le scanner à rotation continue avec reconstruction spatiale permet
d’étudier le système cave supérieur, et ses rapports anatomiques
avec les éléments du médiastin.
Il visualise :
– des adénopathies latéro-, pré- ou rétrocaves ;
– une tumeur du médiastin antérieur et moyen ;
– l’extension pédiculaire et médiastinale d’une tumeur bronchique.
B - PHLÉBOCAVOGRAPHIE SUPÉRIEURE
:
1- Technique
:
Une injection simultanée dans une veine des deux membres
supérieurs est nécessaire pour visualiser la perméabilité ou non des
deux troncs veineux brachiocéphaliques.
Plusieurs incidences du tronc de la veine cave supérieure sont
utiles : face, trois quarts ou profil vrai.
2- Résultats
:
La veine cave supérieure peut être :
– comprimée ou refoulée par une adénopathie ou une tumeur
bénigne ;
– le siège d’une sténose circonférencielle au cours d’une
médiastinite ou en cas de tumeur du médiastin ;
– une image lacunaire est visible en cas de bourgeon tumoral endoluminal.
En cas de cancer bronchique envahissant la paroi externe de la veine
cave supérieure par contiguïté, la cavographie est le plus souvent
normale. Parfois la veine cave supérieure est laminée sur son bord
droit.
En cas de thrombose complète de la veine cave
supérieure, on apprécie l’importance de la collatéralité.
L’examen
doit être complété par une échographie cardiaque quand il existe un
bourgeon tumoral ou un thrombus endoluminal.
En cas d’oblitération complète extensive de la veine cave supérieure
et de ses branches d’origine, l’état du lit d’amont peut être exploré
par :
– une échographie des veines jugulaires internes ;
– une artériographie des troncs supra-aortiques avec temps de
retour veineux ;
– voire une injection de produit de contraste dans les veines
jugulaires internes par ponction directe.
C - IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
:
Elle peut visualiser un bourgeon tumoral endoluminal ou un
thrombus sur les coupes frontales ou sagittales.
Procédés chirurgicaux
:
A - INTERVENTION DE DÉCOMPRESSION
:
En cas de compression ou d’étirement de la veine cave supérieure,
sans envahissement pariétal ni thrombose, la levée de l’agent
compressif permet le rétablissement de la circulation cave.
L’exemple typique est l’exérèse, presque toujours possible par voie
cervicale pure, des goitres à développement endothoracique.
Les
autres tumeurs médiastinales bénignes ou malignes, comprimant la
veine cave supérieure sans l’envahir, peuvent également être
réséquées par thoracotomie ou sternotomie selon leur localisation et
sans obliger à un sacrifice veineux.
La mise à plat-greffe des
anévrismes de la crosse aortique ou de ses branches supprime la
compression cave supérieure.
Dans les médiastinites la compression ou la sténose cave supérieure
ne peut habituellement pas être levée par une simple libération de
la veine cave qui est très difficilement dissécable.
B - THROMBECTOMIE
:
Les thrombectomies ne peuvent s’adresser qu’à des thromboses
aiguës sur cathéter à condition d’être réalisées précocement.
En
effet, une thrombose cave supérieure sur corps étranger intraluminal
entraîne en quelques jours une altération intimale, source de
thrombose secondaire après thrombectomie.
La thrombectomie peut
être faite par thoracotomie droite ou sternotomie médiane à la sonde
de Fogarty, après cavotomie et contrôle de la jonction
cavoauriculaire.
C - RÉSECTION PARTIELLE DE LA VEINE CAVE SUPÉRIEURE
:
En cas d’envahissement partiel du tronc de la veine cave supérieure
par une tumeur médiastinale ou pulmonaire, une résection partielle
peut être faite si elle ne réduit pas de plus d’un tiers le calibre de la
veine cave supérieure.
La veine cave supérieure est suturée sur
clamp ou agrafée à la pince mécanique.
Devant un anévrisme sacciforme de la veine cave supérieure la résection-suture sur clamp ou par agrafage du collet anévrismal est
le procédé de choix.
D - CHIRURGIE RESTAURATRICE
:
1- Plasties caves
:
Une sténose pure de la veine cave supérieure, d’origine tumorale ou
par médiastinite, peut être élargie par un patch veineux ou
péricardique.
Ces techniques s’adressent à des sténoses limitées en circonférence
et en hauteur, sans thrombose.
2- Pontages
:
* Choix du matériau de remplacement
:
La veine autologue représentait initialement le meilleur matériau
dans ce système à basse pression, la veine saphène interne étant
utilisée préférentiellement.
Les techniques permettant d’augmenter
le calibre du prélèvement veineux et de l’adapter au diamètre de la
veine cave supérieure telles que la greffe spiralée étaient de
réalisation longue et ne sont pratiquement plus utilisées.
Le péricarde autologue a été proposé.
Le Dacront et les homogreffes artérielles n’assurent pas une
perméabilité satisfaisante à court et moyen termes malgré plusieurs
artifices telles la ligature des voies de dérivation spontanée et la
création de fistule artérioveineuse.
Le PTFE est le seul matériau synthétique à assurer une perméabilité
durable dans le système veineux cave supérieur.
On
dispose de prothèses tubulaires disponibles en grand diamètre et
dans leur présentation annelée.
Ces dernières ont l’avantage certain
de ne pas se couder.
* Conditions anatomiques des remplacements caves supérieurs
:
Le lit d’amont doit être de bonne qualité sans thrombose sus-jacente
avec une circulation veineuse collatérale peu développée en raison
du risque de thrombose précoce du pontage, exposant à une embolie
pulmonaire.
Ces conditions sont réunies lorsqu’il existe un
envahissement de la veine cave supérieure sans thrombose ou
encore en cas de syndrome cave récent.
L’extension de la thrombose
aux axes axillo-sous-claviers a fait proposer à certains auteurs une
revascularisation à partir d’une ou des deux veines jugulaires restées
perméables.
Celle-ci est inutile, voire dangereuse, en cas de syndrome cave
supérieur constitué dans le cadre de la pathologie tumorale ; une
exérèse élargie à la veine cave supérieure oblitérée, sans
revascularisation, nous paraît préférable.
* Méthode de protection durant le clampage de la veine cave
supérieure
:
Les effets du clampage sont différents selon qu’existe déjà un
syndrome cave ou que la perméabilité de la veine cave supérieure
est conservée.
Lorsqu’il existe un syndrome cave supérieur, le clampage n’a que
peu ou pas de retentissement sur le retour veineux encéphalique.
En revanche, lorsque la voie cave supérieure est encore perméable,
le clampage induit un syndrome cave supérieur aigu et une chute
de la pression artérielle systémique.
Il en résulte une baisse
importante du gradient artérioveineux cérébral exposant le patient
à des complications neurologiques.
Certains auteurs proposent, dans
le but de maintenir un gradient artérioveineux cérébral normal
durant le clampage, l’utilisation d’un shunt habituellement monté
par l’auricule droit en intubant la veine cave supérieure.
Ce
procédé a pu également être proposé pour modeler et faciliter une
plastie d’élargissement lorsqu’une sténose simple est accessible à
cette technique.
Outre le fait que le maniement du shunt peut être
délicat et exposer à des complications thromboemboliques, nous
pensons qu’aucun moyen de dérivation temporaire n’est nécessaire.
Le maintien d’un gradient artérioveineux cérébral efficace peut
être obtenu par un remplissage vasculaire adapté avant même le
clampage et l’utilisation d’agents vasoconstricteurs.
Une héparinisation générale est faite dans tous les cas avant le clampage pour éviter une thrombose d’amont et la tactique
chirurgicale doit rendre le temps de clampage cave le plus court
possible.
* Techniques de revascularisation
:
La revascularisation de la veine cave supérieure peut se faire selon
plusieurs modalités :
– revascularisation tronculaire de la veine cave supérieure par un
pontage prothétique quand la confluence cave supérieure et la
terminaison de la veine cave sont libres.
L’intervention est
faite par sternotomie ou thoracotomie droite ;
– interposition d’un seul segment de PTFE entre le tronc veineux
droit ou gauche et l’auricule droite ;
– interposition séparée de deux segments de PTFE entre chaque
tronc veineux et l’oreillette droite.
Ces interventions sont menées en règle par sternotomie.
Dilatation endoluminale percutanée
:
A - TECHNIQUE
:
Le geste est en général simple par cathétérisme par voie brachiale
ou par voie fémorale veineuse.
La dilatation est réalisée au moyen
d’un cathéter à ballonnet monté sur guide selon les techniques
habituelles, en sachant qu’un diamètre normal de veine cave
supérieure est de l’ordre de 12 à 16 mm.
En cas de mauvais résultat
immédiat de l’angioplastie au ballonnet, en particulier dans le cas
des resténoses élastiques au cours des pathologies médiastinales, il
est nécessaire de mettre en place un stent métallique.
Cette mise en
place ne pose pas de problème particulier, il faut essayer cependant
de préserver l’abouchement de la veine azygos si celle-ci est
perméable et choisir préférentiellement un stent de type
autoexpansif.
Le stent impose une thérapeutique
adjuvante comportant antiagrégants plaquettaires et/ou
antivitamine K (AVK).
B - INDICATIONS
:
Elles sont peu nombreuses :
– traitement palliatif d’un syndrome cave supérieur rebelle au
traitement médical dans le cadre d’une pathologie tumorale
d’envahissement médiastinal pour laquelle on ne peut envisager
d’exérèse chirurgicale immédiate, ou après chimiothérapie ;
– traitement d’une sténose secondaire à une chirurgie cave
supérieure correspondant le plus souvent à une fibrose
postopératoire au niveau de l’anastomose ou en amont du pontage
qui peut survenir plusieurs mois après l’intervention ;
– traitement d’une sténose fibreuse de la veine cave supérieure,
notamment chez les patients porteurs de cathéters centraux ou
d’électrodes de pacemaker ou survenant chez des patients porteurs
d’un abord vasculaire brachial d’hémodialyse pour lesquels la
symptomatologie a peu de chances de régresser spontanément du
fait de l’augmentation du retour veineux par la fistule.
Les médiastinites fibreuses ne représentent pas une bonne indication
d’angioplastie, car la lésion cave n’est en règle pas isolée, et la lésion
ne cède pas malgré de fortes pressions d’inflation du ballonnet.
Indications chirurgicales
:
A - RÉSECTION DE LA VEINE CAVE SUPÉRIEURE AU COURS
DE L’EXÉRÈSE DES CANCERS BRONCHIQUES :
Dans les cancers bronchopulmonaires droits, lorsqu’il existe un
envahissement de la paroi de la veine cave supérieure par contiguïté,
l’élargissement de l’exérèse pulmonaire à la veine cave supérieure est possible et offre un taux de survie à distance appréciable.
L’intervention est menée par thoracotomie droite.
La tactique chirurgicale varie en fonction du siège de la tumeur et
du type d’envahissement de la veine cave supérieure.
1- Envahissement de la veine cave supérieure
par une tumeur située dans le segment ventral du lobe
supérieur :
On commence par contrôler la veine cave supérieure de part et
d’autre de la zone envahie.
Lorsque l’envahissement de la paroi
vasculaire est limité, on clampe latéralement la veine cave
supérieure qui est réséquée en zone saine. Une suture directe non sténosante de la veine cave supérieure peut être faite le plus souvent.
En cas d’envahissement plus étendu du tronc de la veine cave
supérieure, le clampage de celle-ci doit être total.
Après remplissage
vasculaire et héparinisation générale, la veine cave supérieure est
clampée à ses deux extrémités et l’envahissement cave supérieur est
réséqué avec revascularisation tronculaire par un segment de PTFE
n° 18 ou 20 non annelé.
Dans le cas rare d’envahissement de la confluence cave supérieure,
la résection de celle-ci impose une revascularisation cave supérieure
faite préférentiellement par une prothèse en PTFE (calibre 10 à
14 annelé) implantée entre un seul tronc veineux brachiocéphalique
et la terminaison cave supérieure.
Les éléments du pédicule pulmonaire sont en règle facilement
contrôlables et l’exérèse pulmonaire (pneumonectomie ou
lobectomie supérieure) est ensuite faite.
2- Cancer bronchopulmonaire à développement
pédiculaire
:
La veine cave supérieure est ici massivement envahie par la tumeur
qui peut atteindre également l’artère pulmonaire droite, la veine
pulmonaire supérieure, voire la carène.
Une telle tumeur peut être
réséquée au prix d’une pneumonectomie droite élargie avec
résection tronculaire de la veine cave supérieure.
On commence par contrôler la confluence cave et l’origine de la
veine cave supérieure.
Après ouverture large du péricarde, on
contrôle la jonction cavoauriculaire et les deux veines pulmonaires
en intrapéricardique.
Le contrôle de l’artère pulmonaire droite à son
origine dans le segment interaorticocave peut être difficile et facilité
par la résection première de la veine cave supérieure.
En l’absence
d’envahissement de l’oreillette droite et du tronc de l’artère
pulmonaire, une pneumonectomie peut être faite et l’intervention
est poursuivie.
On sectionne la veine cave en zone saine de part et
d’autre de la tumeur, puis l’origine de l’artère pulmonaire droite est
sectionnée et suturée sur clamp ou à l’agrafeuse mécanique.
La revascularisation cave supérieure est faite par un segment de PTFE n° 18 ou 20, non annelé, anastomosé en terminoterminal sur
les extrémités de la veine cave supérieure. Une purge
soigneuse est faite avant déclampage.
On termine ensuite la
pneumonectomie : les deux veines pulmonaires sont sectionnées et
suturées sur clamp ou à la pince mécanique en intrapéricardique ;
après avoir lié la crosse de l’azygos, l’origine de la bronche
principale droite est contrôlée et sectionnée en zone saine à la pince
mécanique.
Une extension bronchique à la carène pourra
nécessiter un temps d’élargissement bronchique, licite uniquement
en l’absence d’extension ganglionnaire médiastinale.
On termine
l’intervention en mettant en place un filet péricardique de Vicrylt
pour prévenir toute luxation des cavités cardiaques.
Le moignon
bronchique est pleuralisé ; on lave soigneusement la cavité au sérum
bétadiné et la thoracotomie est fermée sur un drain siphon.
Une angiographie de contrôle est systématiquement faite en
postopératoire.
Dans notre expérience, sur une série globale de 25 patients
présentant un cancer bronchique envahissant le tronc de la veine
cave supérieure et ayant bénéficié d’un remplacement cave
prothétique en PTFE associé à l’exérèse pulmonaire (3 lobectomies
supérieures, 22 pneumonectomies dont 10 avec résection de carène),
le taux actuariel de survie à 5 ans est de 32 %.
B - RÉSECTION DE LA VEINE CAVE SUPÉRIEURE AU COURS
DE L’EXÉRÈSE DES TUMEURS MALIGNES
DU MÉDIASTIN
:
Les tumeurs du médiastin antérieur et moyen envahissant
massivement la veine cave supérieure ont longtemps été jugées
inextirpables.
La possibilité de remplacer la veine cave supérieure
permet d’élargir les indications d’exérèse de ces tumeurs avec un
pronostic carcinologique satisfaisant justifiant ce type d’intervention.
1- Voie d’abord : cervicosternotomie médiane totale
Le premier temps est toujours explorateur avec ouverture des deux
cavités pleurales et du péricarde.
La tumeur prend en masse le tronc
veineux gauche, la confluence cave supérieure et une partie plus ou
moins importante de la veine cave supérieure. Le nerf phrénique
droit est le plus souvent englobé dans la tumeur : son sacrifice
impose la préservation du nerf phrénique gauche.
On s’assure de
l’absence d’envahissement du coeur, de l’aorte, du tronc artériel
brachiocéphalique et de la trachée qui sont les limites de l’exérèse.
Vers la droite, la tumeur envahit souvent une partie plus ou moins
importante du parenchyme pulmonaire, des lobes supérieur et
moyen.
2- Exérèse de gauche à droite
:
On commence par libérer la tumeur du nerf phrénique gauche et
l’on s’assure de l’intégrité fonctionnelle du nerf à l’aide du
stimulateur nerveux, avant de poursuivre l’intervention.
Le tronc
veineux gauche est sectionné à l’agrafeuse et l’on bascule la tumeur
de gauche à droite en la décollant du plan du tronc artériel
brachiocéphalique puis de la trachée.
Après héparinisation générale, la veine cave supérieure est clampée
et sectionnée au niveau de la jonction cavoauriculaire, ce qui permet
de la décoller de l’artère pulmonaire droite et de sectionner la crosse
de l’azygos.
On réalise une résection large de toute la partie droite
et haute du péricarde envahi par la tumeur.
L’exérèse tumorale est
terminée par la section du tronc veineux droit à son origine et le
plus souvent du nerf phrénique droit envahi par la tumeur.
L’étendue de l’exérèse parenchymateuse associée au niveau du
poumon droit est fonction de l’extension tumorale.
Lorsque
l’envahissement est limité au parenchyme pulmonaire du lobe
supérieur et/ou moyen, on réalise une exérèse atypique à
l’agrafeuse.
En cas d’extension aux éléments du pédicule
lobaire supérieur, une lobectomie supérieure droite, voire une bilobectomie supérieure et moyenne, doit être faite.
Lorsqu’il existe un envahissement tumoral limité de la paroi de
l’artère pulmonaire droite, un geste de résection partielle et de
plastie péricardique au niveau de l’artère pulmonaire peut être
associé pour éviter une pneumonectomie.
3- Revascularisation cave supérieure
:
Elle est faite selon les différentes modalités envisagées par un tube
de PTFE annelé (calibre 10 à 13) implanté en terminoterminal sur un
tronc veineux.
L’anastomose distale est faite en terminoterminal sur
le moignon de la veine cave supérieure si celui-ci est respecté par la
tumeur ou plus souvent sur l’auricule droite. Une purge soigneuse
est faite avant déclampage.
Le drainage est assuré par un ou deux drains dans chaque cavité
pleurale ; un drain médiastinal rétrosternal et un drain péricardique.
La sternotomie est fermée sur cinq à sept fils d’acier.
Une angiographie de contrôle est faite systématiquement en
postopératoire.
Sur une série globale de 27 patients présentant une
tumeur médiastinale invasive et ayant bénéficié d’une exérèse
complète élargie à la veine cave supérieure avec reconstruction
prothétique en PTFE, le taux de survie à 5 ans est de 61 %.
C - CHIRURGIE PALLIATIVE
:
Les syndromes caves en rapport avec une pathologie maligne
inaccessible à la chirurgie n’ont pas d’indication à une
revascularisation cave palliative.
Le traitement médical apporte en
général une amélioration suffisante au syndrome cave.
Une
dérivation palliative de confort peut se discuter en peropératoire si
une sternotomie exploratrice a été faite.
Devant un syndrome cave supérieur mal supporté malgré le
traitement médical, à moyen terme, une revascularisation peut se
discuter selon différents procédés :
– un pontage entre un tronc veineux, voire une veine jugulaire
interne restée perméable, et l’auricule droite ;
– exceptionnellement, une revascularisation extra-anatomique :
pontage axillo- ou jugulofémoral en PTFE, à condition qu’un axe
veineux axillo-sous-clavier soit encore perméable.
Les dérivations caves isolées peuvent être envisagées dans les médiastinites fibreuses ou les thromboses caves d’étiologie non
tumorale.
D - TRAUMATISMES DE LA VEINE CAVE SUPÉRIEURE
:
1- Plaies iatrogènes
:
Compliquant les sternotomies itératives notamment en chirurgie
cardiaque, elles sont relativement rares.
Ces traumatismes doivent
être évités par un écartement approprié du sternum portant surtout
sur la partie inférieure de la sternotomie.
La plaie siège en règle au niveau du tronc veineux gauche et s’étend
sur le confluent cave supérieur.
La restauration peut se faire par :
– suture simple ou plastie cave en sectionnant le tronc veineux
gauche à son origine et en l’utilisant comme patch veineux
d’élargissement ;
– pontage prothétique entre un tronc veineux et la partie distale de
la veine cave supérieure si la réparation apparaît sténosante au
niveau du tronc de la veine cave supérieure.
2- Plaie thoracique par arme blanche ou arme à feu
:
La voie d’abord est une sternotomie médiane plus souvent qu’une
bithoracotomie avec sternotomie transversale.
Dans tous les cas, une excision des berges veineuses contuses est
nécessaire.
Plusieurs procédés sont utilisables en fonction du siège et du type
de la plaie :
– section-suture simple du tronc veineux brachiocéphalique gauche
sur clamp ou à l’agrafeuse ;
– plastie cave en cas de plaie de la confluence cave supérieure ;
– pontage en cas d’atteinte du tronc de la veine cave supérieure.
Complications de la chirurgie
de la veine cave supérieure
:
Les pontages ou plasties caves supérieures peuvent être à l’origine
de thrombose, d’embolie pulmonaire, ou se compliquer de
suppuration.
A - THROMBOSE D’UN PONTAGE CAVE
:
Elle s’installe en règle progressivement en quelques jours.
Plusieurs
facteurs étiologiques peuvent être distingués.
– Défaut de lit d’amont : le flux à travers la prothèse est en
compétition avec une circulation collatérale développée
antérieurement ou l’existence d’une altération de la paroi veineuse
en amont du pontage.
– Fautes techniques :
– un excès de longueur du pontage fait effet de plicature, d’où
l’intérêt d’une excellente géométrie du montage et de l’utilisation
de prothèse annelée, évitant la coudure de la prothèse, notamment
après fermeture du sternum dans les pontages entre le tronc
veineux brachiocéphalique gauche et l’oreillette droite.
– la rotation doit aussi être évitée afin d’empêcher une sténose
par torsion sur la veine sus- ou sous-jacente.
Lorsque le pontage cave s’oblitère immédiatement après sa
réalisation, il y a lieu de réintervenir afin de pallier un éventuel
défaut technique (prothèse coudée ou trop longue).
Le malade doit être prévenu du type d’intervention qu’il a subi et
de l’interdiction de mettre en place un cathéter veineux central par
voie cervicale, car celui-ci entraîne habituellement la thrombose
immédiate du pontage.
L’intérêt du traitement anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire
n’est pas actuellement démontré.
Nous avons l’habitude d’instituer
un traitement anticoagulant en postopératoire, poursuivi 6 mois.
L’oblitération tardive d’un pontage cave est relativement bien
supportée sous traitement anticoagulant efficace, diurétiques et
éventuellement antioedémateux cérébraux.
En l’absence de facteur étiologique tel qu’un cathéter sous-clavier,
une reprise évolutive de la maladie causale doit être fortement
évoquée (médiastinite néoplasique, extension du processus
pathologique à la région cervicale).
B - EMBOLIE PULMONAIRE
:
Contemporaine de la thrombose d’un pontage cave, c’est sans doute
la complication la plus grave qui peut être à l’origine du décès du
malade lorsque le lit vasculaire pulmonaire a déjà été amputé par
une exérèse pulmonaire étendue (lobectomie ou pneumonectomie).
Une embolie pulmonaire grave peut nécessiter une reprise
chirurgicale avec embolectomie sous circulation extracorporelle.
C - SUPPURATION
:
La suppuration d’un pontage cave prothétique est grave et
contemporaine d’une médiastinite ou d’un pyothorax avec ou sans
fistule bronchique après pneumonectomie.
Au cours du temps de réintervention pour lavage-drainage du
médiastin ou de la cavité pleurale, la conservation du pontage peut
être tentée dans un premier temps en associant une épiplooplastie
ou une myoplastie, mais l’ablation de la prothèse cave est le plus
souvent nécessaire.
Lorsque la prothèse est oblitérée, son ablation se fait sans
conséquence après ligature des extrémités veineuses sus- et
sous-jacentes.
L’ablation d’une prothèse encore perméable fait discuter, si le
syndrome cave aigu est mal supporté, la réalisation d’un pontage extra-anatomique axillofémoral ou jugulofémoral.
Conclusion
:
La possibilité de remplacement prothétique de la veine cave supérieure a
surtout l’intérêt d’élargir les indications d’exérèse à visée curatrice des
cancers bronchiques et des tumeurs malignes médiastinales envahissant
la veine cave supérieure avec un taux de survie à distance très
appréciable.
La perméabilité à distance des pontages caves supérieurs en PTFE fait
de ce type de prothèse le matériel de choix pour les remplacements de la
veine cave supérieure.
Dans le cadre des pathologies bénignes, les indications de pontage cave
palliatif sont peu fréquentes, étant donné l’amélioration habituelle du
syndrome cave apportée par le traitement médical.