Urgence devant une plaie cervicale Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
Les plaies pénétrantes cervicales sont définies par l’effraction du
muscle peaucier du cou.
Elles entraînent des hémorragies une fois
sur trois, des lésions directes des voies aériennes supérieures, parfois
associées à une atteinte de l’oesophage, une fois sur dix et des lésions
neurologiques directes une fois sur trente.
Une fois sur trois, elles
s’associent à des lésions craniofaciales, thoraciques ou abdominales.
Mais, une fois sur trois également, il n’existe aucune lésion
majeure.
Leur gravité potentielle s’accroît, selon que leur cause
est une arme blanche, une arme à feu de poing ou de faible énergie
(22 long rifle), et au maximum, une arme de guerre ou un fusil de
chasse à faible distance ou de fort calibre.
La mortalité, en
milieu civil ou militaire, oscille entre 3 et 6 % et semble surtout due
aux lésions vasculaires.
Ces chiffres concernent les victimes
parvenant à l’hôpital ; mais, alors que 70 cas par an sont admis au
centre de traumatologie de Johannesburg, 215 ne l’atteignent jamais,
décédant sur place ou dans l’ambulance !
L’expérience montre
que le diagnostic lésionnel le plus efficace repose sur deux faits
d’observation simple, l’état des fonctions vitales et la région du cou
concernée.
Caractéristiques anatomofonctionnelles du cou
:
Le cou se divise en trois zones.
La zone I, du creux sus-claviculaire au cartilage cricoïde, contient
les structures émergeant du thorax, en particulier vasculaires ; les
lésions sont volontiers intriquées avec celles du thorax.
La zone II, du cartilage cricoïde à l’angle de la mâchoire, est facile à
examiner et à explorer ; elle est cliniquement expressive.
En fait, la
portion antérieure est la plus fragile puisqu’elle comporte la plupart
des structures nobles, vasculaires, respiratoires, digestives et
nerveuses.
La zone III, étroite, concerne les faces latérales du cou, en arrière de
la mâchoire inférieure, jusqu’à la base du crâne. D’accès chirurgical
difficile, elle contient les vaisseaux essentiels pour le cerveau,
carotide interne et vertébrale.
Une plaie du cou fait courir quatre grands risques.
Les voies aériennes supérieures, vitales, sont exposées sur toute la
hauteur du cou, pharynx, larynx, trachée…
Les vaisseaux sont nombreux, avec des veines à fort potentiel
hémorragique comme les jugulaires internes, des artères à destinée
fonctionnelle cérébrale comme les carotides internes et des artères
dépendant de l’intégrité du rachis que sont les vertébrales.
L’hémorragie extériorisée est donc souvent massive et brutale ; les
hématomes, se développant dans des loges aponévrotiques peu
expansibles, peuvent comprimer les voies aériennes.
L’interruption
des flux à destinée cérébrale peut être la cause d’une ischémie
cérébrale dévastatrice, par thrombose, dissection, section ou spasme.
Il existe ici un paradoxe redoutable : la chute de la pression artérielle
favorise l’ischémie, alors que sa restauration exacerbe le
saignement…
Ces risques vasculaires sont évolutifs, pouvant
s’aggraver à tout moment, en particulier sous l’effet d’une agitation.
Il existe une exposition lésionnelle médullaire manifeste, par
compression (hématome épidural, éclats osseux ou projectilaires),
par contusion ou par section.
Là encore, la situation est évolutive au
cours des premières heures.
Le quatrième risque est infectieux et très élevé : les voies aérodigestives, contaminées, peuvent être mises au contact du
liquide céphalorachidien (LCR) ou du médiastin ou de l’os
rachidien ; tous sont désarmés contre l’infection, dont la gravité est
précoce.
Principes du diagnostic lésionnel
:
A - EXAMEN CLINIQUE
:
Il recherche les signes d’un hématome en voie d’expansion, comme
la déviation du tractus aérodigestif ; il note la présence ou la
disparition d’un pouls carotidien et recherche un souffle ou un thrill
carotidiens ; il repère un éventuel emphysème sous-cutané, signe
probable d’une plaie trachéale ou bronchique ; il cherche à mettre
en évidence un déficit neurologique et à en définir l’origine centrale
(hémiplégie franche) ou médullaire (paraplégie, tétraplégie,
priapisme, hypotonie anale) ; l’atteinte de nerfs crâniens donne un
déficit focal alors qu’une lésion du plexus brachial entraîne un
déficit sensorimoteur unilatéral du membre supérieur.
L’examen doit
être répété régulièrement tant que l’imagerie ou l’exploration
chirurgicale n’ont pas clos l’investigation lésionnelle puisque les
lésions peuvent se révéler ou s’aggraver à tout moment.
Les zones
frontières sont scrutées, à la recherche d’un impact, de déformation,
de douleur d’orifice (s) de sortie…
B - IMAGERIE
:
Elle se réalise dans un ordre précis.
Dès l’arrivée, la radiographie
thoracique de face et l’échographie abdominale sont systématiques :
il faut toujours envisager une urgence vitale absolue d’origine
thoracique ou abdominale, tant les projectiles et même une longue
lame peuvent créer à distance une lésion imprévue.
Aussitôt après,
sans aucun retard, une tomodensitométrie du cou (scoutview de C1
à D1, puis coupe tous les 20 mm sans injection) localise les éclats,
reconstitue un trajet, révèle les fractures et prépare le diagnostic des
lésions laryngées. Une série de coupes rapides du crâne et du thorax
évite de méconnaître d’éventuelles lésions de ces zones frontières.
L’angiographie des quatre axes par abord fémoral est classiquement
impérative si la plaie se situe en zone I antérieure riche en gros
vaisseaux.
Toutefois, il est établi qu’elle est inutile si l’examen
clinique est rigoureusement normal et qu’il le reste au cours des
heures suivantes.
L’angiographie est également recommandée si
la plaie est en zone III, tant l’exploration chirurgicale s’avère difficile
ou imprévisible.
En zone II, certains proposent de se passer de
l’artériographie systématique puisque l’exploration chirurgicale est
facile et la clinique assez nette.
Toutefois, lorsque la plaie intéresse
le triangle postérieur de la zone II, il est sage de la discuter pour
apprécier l’état des artères vertébrales, toute exploration chirurgicale
aveugle pouvant déboucher sur une hémorragie torrentielle alors
qu’une intervention endovasculaire est plus simple et moins
risquée.
Demetriades conteste le principe de l’angiographie
systématique selon le siège de la plaie lorsque l’examen clinique est
rassurant : il a observé de façon prospective 223 patients en 20 mois,
en confrontant systématiquement l’angiographie ou l’échodoppler
couleur pulsé à l’examen clinique standardisé ; il a conclu à l’inutilité
de l’imagerie vasculaire s’il n’existe ni hématome, ni saignement
visible, ni souffle vasculaire et que les pouls radiaux sont conservés.
Il ne relève d’ailleurs que 25 interventions vasculaires malgré la mise
en évidence de lésions chez 45 blessés.
Thal affaiblit la portée de
ces résultats en notant le défaut de suivi à long terme, risquant de
méconnaître des complications liées à des blessures vasculaires mal
évaluées (missing injuries).
Demetriades utilise cette même étude
pour confirmer l’intérêt de l’échodoppler couleur pulsé, dont il
établit la valeur prédictive positive à 100 % et la valeur prédictive
négative à 98 % ; il reconnaît cependant que le rendement de cet
examen est entaché par sa longueur et la disponibilité incertaine
d’un opérateur fiable.
Munera, fort d’une expérience de près de
30 cas par mois, propose une alternative séduisante, l’angioscanner
hélicoïdal.
Dans la mesure où l’exploration tomodensitométrique
paraît difficilement contestable pour apprécier les dégâts des parties
molles, de l’os et du tissu nerveux, il propose un angioscanner dans
toutes les indications déjà retenues par Demetriades mais
aussi lorsque la plaie est très proche d’un trajet vasculaire.
Il obtient
en 10 à 15 minutes une exploration de bonne qualité, éventuellement
exploitée en trois dimensions, exceptionnellement complétée par une
artériographie conventionnelle si un artefact métallique est trop
gênant (1,1 % dans sa série) ou quand une thérapeutique endovasculaire est indiquée.
L’opacification de l’oesophage est systématiquement proposée
ensuite car il est exceptionnel de faire cliniquement le diagnostic de
plaie oesophagienne, et il semble indispensable de l’éliminer avant
la 24e heure pour prévenir le risque de médiastinite.
Ici, la série de Demetriades montre clairement que cette attitude doit être
révisée : 30 % des blessés présentent des signes évoquant une lésion
aérodigestive ; mais, à l’issue de 98 explorations de
l’oesophage, deux vraies perforations seulement sont démontrées !
À l’inverse, aucun des patients asymptomatiques n’a nécessité un
geste chirurgical. On peut en retenir que l’oesophage ne doit être
exploré que chez un sujet non interrogeable ou symptomatique.
Le
débat sur la méthode d’exploration s’est également simplifié :
l’oesophagoscopie souple est fiable (spécificité = 100 %,
sensibilité = 92 %), comme le démontre l’étude rétrospective de
Srinivasan chez 55 malades.
Demetriades montre d’ailleurs que
le risque de médiastinite est faible lorsque la lésion oesophagienne
est strictement cervicale.
S’il existe un bullage sourdant de la
plaie, quelquefois seulement visible à la toux, un emphysème souscutané,
des crachats sanglants ou un enrouement, une laryngoscopie
puis une fibroscopie bronchique sont indispensables.
Elles se
réalisent au mieux chez un patient anesthésié dont les voies
aériennes supérieures sont contrôlées.
Prise en charge pratique
:
Une hémorragie franche, extériorisée, un choc sans autre origine
évidente que la plaie cervicale, un hématome pulsatile en expansion,
une lésion franche des voies aériennes doivent conduire le malade
au bloc sans aucun délai ; dans l’attente, le doigt est
éventuellement pressé avec précision sur la plaie et on se rend le
plus vite possible à l’hôpital, directement au bloc, sans passer par la
case urgence.
Pour le réanimateur, le corollaire immédiat est le problème posé par
les voies aériennes supérieures : en effet, soit elles font partie
intégrante de la plaie, soit elles sont menacées par l’hématome ou
par le sang qui les envahit (« noyade dans un verre de sang »), soit
elles imposent l’intubation chez un choqué à l’estomac plein dont
l’intégrité du rachis est suspecte.
Quelques règles de bon sens doivent être observées.
On ne doit jamais extraire hors du bloc une arme blanche ou un
corps étranger fiché dans la plaie, au risque de déclencher une
hémorragie incontrôlable.
Pour la même raison, on ne doit jamais
installer de sonde gastrique, ni tenter de clamper un vaisseau, ni
perdre de temps à tamponner un saignement oropharyngé, tant que
les voies aériennes supérieures ne sont pas contrôlées.
Chez un
sujet en collapsus, la persistance de l’hypotension malgré un
remplissage appréciable (2 l de Ringer Lactate ou 0,5 l
d’hydroxyéthylamidon) doit évoquer une lésion médullaire ou une
hémorragie intrathoracique.
Il faut éviter autant que possible la
ventilation au masque (ou alors la faire avec douceur) pour ne pas
favoriser la pénétration d’air dans le médiastin ou dans un gros
vaisseau.
Dès qu’un malade est intubé puis ventilé artificiellement, il faut craindre
par principe la décompensation d’un pneumothorax.
Il est utile d’évaluer le rôle d’une intoxication associée éventuelle
pour apprécier l’origine organique d’une détérioration neurologique.
Lorsqu’une compression médullaire est prouvée par l’imagerie, alors
que l’évolution clinique est plutôt favorable, il n’est pas conseillé
d’intervenir.
Un tableau paucisymptomatique impose, quant à lui, une conduite
pratique rigoureuse.
On doit d’abord admettre par principe que
l’hémorragie soudaine ou l’obstruction des voies aériennes sont possibles
à tout moment, les lésions étant considérées a priori comme instables : le
remplissage trop généreux, la tentative d’installer une sonde gastrique,
l’exploration d’une plaie d’apparence sèche peuvent entraîner une
hémorragie soudaine ; il est interdit de tenter de clamper un vaisseau en
dehors du bloc, même pour un chirurgien, sous peine d’aggraver la
situation17.
Il faut se méfier d’une fausse bonne idée, l’administration de
corticoïdes à forte dose en cas de lésion médullaire : probablement
assez peu efficace, ce traitement risque surtout d’être dangereux
dans ce contexte infectieux potentiel majeur, avec la conjonction de
corps étrangers, de fractures ouvertes, de fascia en communication
directe avec le médiastin, de plaies aérodigestives contaminantes et
de LCR à leur voisinage étroit !
Au contraire, dès que possible,
on injecte une forte dose d’antibiotiques actifs sur la flore
commensale des voies aérodigestives supérieures et sur la flore
tellurique.
Il faut réfuter vigoureusement une autre fausse bonne idée, celle de
rétablir la pression artérielle avant de prendre le chemin de l’hôpital
ou l’ascenseur pour le bloc.
Il faut surveiller la préparation du champ opératoire : le nettoyage
doit être mené avec douceur pour éviter une hémorragie brutale ; le
champ va du menton à l’ombilic car une extension thoracique est
toujours possible ; il faut garder libre un site donneur de veine
saphène.
Plaie cervicale associée
à une difficulté respiratoire
:
Sur le terrain, deux actions simples permettent de faire aussitôt la
part des choses : la mise en position latérale de sécurité ou en
position ventrale confirme ou élimine l’obstruction pharyngolaryngée par le sang, les débris osseux ou les
vomissements ; si la ventilation n’est pas améliorée, une ponction
pleurale au deuxième espace intercostal d’un côté puis de l’autre
met en évidence ou élimine un pneumothorax compressif.
Dans certains cas, une avulsion pharyngolaryngée ou trachéale
invite à l’intubation directe au travers de la plaie.
En dehors de ces situations caricaturales, la décision de contrôler les
voies aériennes et le choix de la méthode sont imposés par l’état de
la conscience et les signes vitaux observés.
Si le malade est inconscient ou en état de mort apparente,
l’intubation orale doit être immédiate ; en cas d’échec, la cricothyroïdotomie est aussitôt entreprise.
On ne se
préoccupe pas outre mesure d’une lésion médullaire ou
rachidienne : lorsqu’elle n’est que potentielle, le simple maintien de
la tête en position neutre par un aide suffit ; lorsqu’une quadriplégie
est déjà manifeste, elle sera malheureusement définitive…
Si le malade est agité, hypoxique ou collapsique, l’intubation
orotrachéale s’impose aussitôt ; elle peut cependant être gênée par
un trismus ou un saignement très abondant : on ne doit alors surtout
pas tenter une intubation nasale, excellent moyen pour aggraver
l’agitation et le saignement…
Il ne faut pas non plus tenter un
cathétérisme transtrachéal au risque de favoriser l’aspiration de sang
et souvent de rater la ponction.
Il vaut mieux décider une cricothyroïdotomie immédiate. Une fois la situation stabilisée, une
trachéotomie chirurgicale est réalisée classiquement avec une sonde
d’un calibre suffisant pour permettre une fibroscopie
trachéobronchique.
Si le malade est conscient, encore coopératif, mais avec un
hématome cervical important, un saignement oropharyngé et un
stridor ou un enrouement, le risque d’obstruction aiguë existe à tout
moment.
On ne doit plus le laisser seul, même quelques minutes ;
on ne doit pas tenter de régler ce problème dans le service des
urgences ; on doit encore moins le laisser s’éloigner pour réaliser
une imagerie, même accompagné par un réanimateur !
Il faut au
contraire, le garder assis ou demi-assis si la pression artérielle le
permet, avec de l’oxygène pur au masque ; on pratique un simple
cliché antéropostérieur et latéral du cou pour apprécier la
déformation laryngotrachéale ; on donne au blessé une canule pour
aspirer lui-même sa cavité buccale et on le conduit au bloc
opératoire : le malade reçoit des sédatifs à dose suffisante pour
réduire l’anxiété, la douleur et l’agitation mais en prenant garde à
ne pas provoquer d’apnée ni de vraie perte de conscience : par
exemple, du midazolam, 2 mg par 2 mg, est associé au sufentanil,
5 μg par 5 μg, jusqu’à ce que le malade supporte l’introduction du
laryngoscope.
Une laryngoscopie directe ou une fibroscopie oropharyngo-laryngée s’assurent d’un passage possible pour une sonde
trachéale ; si l’obstacle paraît important, aucune tentative « en force »
n’est réalisée ; la solution de repli préférentielle est la cricothyroïdotomie de préférence à la trachéotomie chirurgicale :
celle-ci risque en effet de décompenser la « tamponnade » cervicale
qui limitait l’importance de l’hémorragie.
Si le malade est conscient, avec un hématome important et un
stridor ou un enrouement, mais sans hémorragie des voies aériennes
supérieures, l’intubation selon la méthode à séquence rapide par
voie orale est facilement réalisée. L’alternative serait une intubation
sous fibroscope.
Dans les deux cas, il est prudent que le chirurgien
soit présent pour une trachéotomie éventuelle.
Le piège est le cas du malade conscient sans signes de gravité locaux
concernant les voies aériennes : il ne faut pas l’intuber « pour
protéger les voies aériennes supérieures » ; on prend alors le risque
de faire saigner alors qu’on n’est pas au bloc !
Il vaut mieux réaliser
le circuit d’imagerie éventuel sous surveillance puis pratiquer
l’intubation au bloc, chirurgien présent.
Dans la réalité, la littérature montre que le contrôle des voies
aériennes est souvent obtenu sans difficultés excessives : Eggen
relève 28 intubations urgentes dans une série de 114 plaies
cervicales : l’intubation par voie orotrachéale est facile une fois sur
deux, se réalise au travers de la plaie une fois sur quatre et la
cricothyroïdotomie est nécessaire une fois sur quatre ; chez
58 patients, Mandavia note deux trachéotomies de sauvetage, mais
44 intubations faciles par voie orotrachéale, alors que sur
12 tentatives par fibroscopie, trois échecs sont résolus par
l’intubation orotrachéale conventionnelle !
Toutefois, Desjardins,
au Ryder Trauma Center de Miami, propose une approche
différente : estimant qu’il est difficile de prédire chez les blessés
les plus urgents si les voies aériennes sont intactes, il craint qu’une
intubation classique ou une cricothyrotomie n’aggravent les lésions ;
son équipe réalise l’intubation orotrachéale sous laryngoscopie et
fibroscopie laryngée : l’opérateur expose la glotte de la main gauche
au laryngoscope et guide de la main droite l’extrémité distale du
fibroscope, en visualisant glotte et trachée sur un moniteur couleur ;
l’extrémité proximale du fibroscope, sur laquelle est enfilée la sonde
d’intubation, est maintenue par un aide ; un second effectue la
manoeuvre de Sellick et un troisième assure la rectitude cervicale ;
cette méthode permet d’identifier d’éventuelles lésions sur grand
écran, de les montrer au chirurgien et de placer le ballonnet de la
sonde en aval de celles-ci ; le fibroscope choisi doit avoir un
important canal opérateur (= 5 mm), capable d’aspirer une
hémorragie éventuelle.
La sophistication de la méthode n’est
qu’apparente : réalisée en routine en chirurgie réglée, elle est donc
facile à utiliser en urgence !
Séduisante pour un centre
traumatologique, elle s’applique cependant mal au praticien
occasionnellement confronté à cette pathologie très spécifique, pour
laquelle la méthode développée plus haut est encore la plus sûre.
Problèmes chirurgicaux
:
Toute lésion carotidienne identifiée sans conséquence neurologique
est classiquement réparée.
Demetriades est moins affirmatif : il
s’est contenté de surveiller, sous anticoagulants, une occlusion de la
carotide interne intracrânienne, deux petits anévrismes et deux
lésions intimales minimes de la carotide commune.
Le vrai problème
se pose en fait lorsque les lésions carotidiennes accompagnent une
altération de la conscience ; il n’est pas toujours simple d’apprécier
la part d’une intoxication associée, des effets de l’insuffisance
circulatoire ou des conséquences ischémiques cérébrales.
Dans ce
dernier cas, la restauration du flux pourrait être la cause d’un
ramollissement hémorragique pire que l’ischémie initiale.
Cependant, les expériences de plusieurs auteurs concordent
pour observer un pronostic fonctionnel et vital bien plus mauvais après ligature simple de la carotide.
Il est plutôt recommandé de
réaliser la réparation vasculaire carotidienne malgré la présence d’un
déficit, sauf en cas de coma profond (Glasgow coma scale : GCS < 9).
Si la lésion est inaccessible (base du crâne, portion intrapétreuse),
D’Alise puis Rostomily ont montré la faisabilité et la perméabilité à
long terme d’une dérivation par greffon veineux à destination de
l’artère cérébrale moyenne.
Les lésions sous-clavières sont
également d’accès difficile : il faut ajouter à l’abord supraclaviculaire
une sternotomie médiane pour contrôler le vaisseau en amont.
Cependant, le traitement de pseudoanévrismes ou de fistules
artérioveineuses sous-clavières est également réalisable par voie
endovasculaire, de même que les lésions des artères vertébrales.
Sauf exploration chirurgicale urgente par ailleurs, il n’est pas
indispensable de fixer les fractures du rachis le plus tôt possible
dans l’espoir d’améliorer le pourcentage de récupération
fonctionnelle médullaire ; en l’absence d’esquilles, d’éclats ou
d’hématomes comprimant la moelle, les dégâts osseux peuvent être
réparés « à froid » dans les 72 heures.
La réparation des plaies aérodigestives est habituellement réalisée
par l’abord classique le long du bord antérieur du sterno-cléidomastoïdien
; cependant, les atteintes basses de la trachée sont mieux
contrôlées par sternotomie médiane.
La plupart des lésions sont
accessibles à une réparation directe sans trachéotomie ; celle-ci reste
indispensable en cas de perte de substance importante, nécessitant
une plastie protégée par un enrobage musculaire.
À la fin de toutes
ces interventions sur les voies aérodigestives, il est opportun de
réaliser une fibroscopie de toilette bronchique, tant est constante
l’inhalation d’un volume notable de sang.
Conclusion
:
Toute plaie cervicale n’est pas une indication opératoire
formelle…
Toute plaie cervicale non opérée ne requiert pas un
traitement actif…
Mais, toute plaie peu symptomatique à l’arrivée doit
faire l’objet d’un protocole d’évaluation lésionnelle, explorant, dans
l’ordre, les vaisseaux, puis le rachis et la moelle, ensuite l’oesophage et
les voies aériennes.