Ulcères de jambe

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Introduction :

Un ulcère est une perte de substance cutanée sans tendance à la cicatrisation.

Cette définition exclut les pertes de substance aiguës transitoires, traumatiques ou autres.

La localisation élective à la jambe s’explique en partie par les conditions circulatoires locales.

La peau de la jambe est la moins vascularisée de toute la surface corporelle et, de plus, subit la pression hydrostatique dont l’effet est de freiner le retour veineux et donc de faciliter une stase sanguine génératrice de stase globulaire et éventuellement de thrombose.

Étiologies des ulcères de jambe :

A – QUELQUES CLEFS POUR LE CLINICIEN :

Les causes circulatoires représentent 99 % des cas en Allemagne, et en Suède 54 % sont d’origine veineuse.

C’est donc la première étiologie à évoquer dans nos régions.

Les ulcères d’origine veineuse ont une topographie caractéristique et appartiennent à un tableau clinique spécial (lipodermatosclérose [LDS]) qui, bien que rarement, peut être aussi engendré par une pathologie globulaire.

Ulcères de jambe

L’existence d’une nécrose (c’est-à-dire une lésion noirâtre, à ne pas confondre avec le sphacèle, qui est gris ou jaunâtre) même sur une zone limitée de l’ulcère, est typique d’une origine artériolaire ou d’un ulcère faisant suite à une nécrose (embolie de cholestérol, nécrose des anticoagulants, purpura nécrotique, infection nécrosante…).

Un ulcère rond évoque une origine infectieuse.

Une localisation prétibiale isolée se rencontre électivement dans les ulcères traumatiques purs, les ulcères sur artérite athéromateuse et les ulcères de Martorell.

La surélévation des bords est rare dans les ulcères d’origine vasculaire, elle évoque plutôt des affections « dermatologiques » (tumeurs malignes, pyodermites phagédéniques, mycoses profondes, mycobactérioses atypiques…).

Il en est de même lorsque les bords sont sous-minés (gommes tuberculeuses, érythème induré de Bazin, pathomimie…).

Enfin, chez le sujet jeune, un ulcère de jambe évoque une maladie congénitale : homocystinurie, syndromes d’Ehlers-Danlos, déficit en prolidase.

B – LISTE DES ÉTIOLOGIES (INDICATIVE, ET PAR FRÉQUENCE DÉCROISSANTE) :

– Origine veineuse.

– Origine artériolaire ou artérielle.

– Origine traumatique :

– ulcère prétibial traumatique du sujet normal (guérison très lente) ;

– ulcère en peau saine atrophique (vieillard, corticothérapie générale prolongée, syndromes de vieillissement précoce) ;

– ulcère après hématome chez le sujet âgé ;

– ulcère pathomimique (sujet jeune, bords géométriques, aucune autre étiologie apparente).

– Autres causes circulatoires locales :

– embolie de cholestérol (l’ulcère, nécrotique, est accompagné d’un livedo cyanotique) ;

– hypodermites nodulaires et érythème induré de Bazin ;

– nécrobiose lipoïdique et granulomatose de Miescher ;

– érythrocyanose sus-malléolaire ;

– anastomoses artérioveineuses congénitales ou acquises.

– Infections chroniques :

– ecthymas ulcéreux pyococciques (fréquents chez les diabétiques ou sur des oedèmes de cause générale) ;

– gommes au stade d’ulcération (tuberculose, mycoses profondes, syphilis) ;

– pyodermites phagédéniques (pyoderma gangrenosum) souvent associées à une dysglobulinémie ;

– leishmanioses ;

– ulcère du Burundi, et autres mycobactérioses atypiques ;

– surinfection d’une dracunculose (filaire de Médine) : siège électif près de la cheville.

– Maladies systémiques à manifestations ulcéreuses localisées aux membres inférieurs :

– dysglobulinémies, lupus erythémateux disséminé, granulomatoses de Wegener, de Liebow, de Churg et Strauss, purpuras nécrotiques immuno-infectieux, syndrome de Sjögren, syndrome des anticorps antiphospholipides, maladie de Crohn ;

– hypersplénisme et anomalies globulaires et autres affections hématologiques.

– Tumeurs malignes primitives.

Le mélanome malin est, de loin, la tumeur maligne le plus fréquemment rencontrée sur la jambe, principalement au mollet chez la femme.

Toute ulcération isolée à cet endroit doit faire suspecter ce diagnostic même en l’absence de pigmentation.

Cependant son évolution rapide lui donne rarement l’aspect d’un ulcère chronique.

Cet aspect est plus habituel dans les épithéliomas basocellulaires.

Les autres tumeurs sont exceptionnelles.

Complications :

– Le phagédénisme, rare aujourd’hui, est caractérisé par une extension très rapide en surface, parfois en profondeur.

Il est dû au manque d’hygiène, à la macération du tégument au voisinage de l’ulcère, ou au terrain débilité.

– L’allergie de contact survient très facilement sur un terrain de stase veineuse.

Elle se manifeste par l’apparition d’un prurit, d’une desquamation et parfois des érosions ponctuées caractéristiques des vésicules eczémateuses rompues.

– La présence de germes bactériens divers sur l’ulcère est habituelle.

Seule l’infection par Pseudomonas aeruginosa se traduit par un abondant suintement et, plus tard, par la suppuration bleuvert caractéristique.

– L’ulcère et la dermite microbienne constituent une porte d’entrée possible pour des infections à pronostic vital : dermite érysipèloïde, fasciite nécrosante, lymphangite aigüe, tétanos.

– La cancérisation des bords de l’ulcère est exceptionnelle et doit être suspectée lorsqu’ils deviennent bourgeonnants.

Il peut s’agir d’un épithélioma basocellulaire ou plus fréquemment d’un carcinome spinocellulaire.

Dans ce dernier cas, l’histopathologiste doit éliminer une hyperplasie pseudoépithéliomateuse.

Traitement symptomatique des ulcères :

La guérison de l’ulcère procède en deux phases : apparition de bourgeons charnus (rouges) sur le fond, puis épidermisation.

L’ulcère, en détruisant le derme superficiel, détruit aussi la partie distale des follicules pilosébacés et des conduits sudoraux, structures qui auraient pu rapidement régénérer un nouvel épiderme.

L’épidermisation de l’ulcère ne peut donc procéder qu’à partir des bords de la plaie, ce qui demande du temps. La vitesse de progression maximale est proche de 1 mm par jour.

A – TRAITEMENT LOCAL :

Le traitement local est essentiel.

Son objectif est double : stimuler la formation de bourgeons charnus, qui sont la condition de l’épidermisation, et favoriser celle-ci, tout en évitant l’infection ou la macération de la peau voisine.

La détersion constitue la première partie du traitement.

Après désinfection et nettoyage de la plaie pour enlever les sécrétions, les tissus morts sont ôtés, au bistouri ou aux ciseaux (attention à ne pas blesser l’épiderme en voie de régénération !), de préférence aux enzymes protéolytiques.

Il est souhaitable que ces soins soient quotidiens. Le pansement doit maintenir un environnement humide : solution de Dakin diluée, pâte grasse à l’oxyde de zinc ou à l’ichtyol, pommade, ou simple vaseline, doivent être recouverts d’une couverture imperméable à l’eau pour éviter l’évaporation.

Les pansements synthétiques (films, mousses, hydrocolloïdes, hydrogels, alginates) assurent cette occlusion pour la plupart d’entre eux.

L’occlusion doit être limitée à la surface non épidermisée.

Un badigeon de la peau saine périphérique sur 1 ou 2 cm avec de l’éosine à 2 % en solution alcoolique à 60 %, suivi de l’application d’une fine pellicule de pâte à l’oxyde de zinc, contribue à éviter sa macération et son infection.

L’oxyde de zinc serait un stimulant du tissu de granulation, comme le peroxyde de benzoyle.

Les pansements non tissés et non adhérents respectent la mince frange d’avancée épithéliale.

Si le fond de l’ulcère est rouge, un pansement occlusif renouvelé seulement tous les 3 à 7 jours peut accélérer beaucoup la guérison.

Dans les ulcères étendus, la durée d’épidermisation peut être raccourcie par une autogreffe de peau totale en pastilles (peau totale ou dermatomée) ou en résille, ou de kératinocytes isolés et cultivés à partir d’explants biopsiques. Des allogreffes de culture ont été prônées récemment.

Une contention préventive peut empêcher un décollement bulleux sérohémorragique de l’épiderme néoformé apparaissant au lever du malade.

L’excès de bourgeonnement gênant l’épidermisation est corrigé par des attouchements au crayon de nitrate d’argent ou, mieux, par application 1 jour ou 2 d’une crème aux corticoïdes.

La douleur peut être calmée par une autogreffe, même partielle, ou par l’autohémothérapie locale : application sur l’ulcère du sang hépariné du patient puis d’un pansement hydrocolloïde.

B – TRAITEMENT GÉNÉRAL :

Le traitement général consiste surtout à maintenir une albuminémie normale.

Le sulfate de zinc per os (0,2 g trois fois par jour) serait efficace.

Un rappel de vaccination antitétanique doit être systématique dans les régions endémiques.

L’antibiothérapie générale est inutile.

Ulcères d’origine veineuse (ulcère variqueux, ulcère veineux, ulcère de stase) :

Ils représentent de 0,15 % à 1 % de la population en Écosse et de 0,63 % à 2 % en Suède si on inclut les antécédents ulcéreux.

Leur impact négatif sur la qualité de vie et leur coût social élevé sont fréquemment soulignés.

A – SIGNES CLINIQUES :

L’ulcère a souvent un début furtif : simple érosion, parfois traumatique, ou petite zone de macération suivie du sphacèle de l’épiderme.

L’aspect est variable selon l’ancienneté et l’évolutivité, mais ne comporte pas de nécrose : ulcère érosif superficiel en début d’évolution, peu douloureux, à fond souvent grisâtre, sphacélique ; ulcère profond à bords à pic et à fond jaunâtre, indolore, dit « ulcère calleux », des évolutions longues ; ulcère de petite taille, arrondi, inflammatoire et très douloureux, des formes rapidement évolutives.

L’environnement de l’ulcère comporte un certain nombre de symptômes spécifiques décrits successivement sous les dénominations de ankle blow-out syndrome, d’hypodermite sclérodermiforme, aujourd’hui de LDS.

Leur analyse a une importance diagnostique fondamentale.

La localisation initiale est limitée à trois régions anatomiques : les zones paramalléolaires, la gouttière tibioachilléenne interne, le dos du pied.

Ultérieurement le processus peut s’étendre au tiers moyen de la jambe, à sa face externe, à la racine des orteils.

Fait important, le tiers supérieur de la jambe et la plante des pieds sont toujours respectés.

La symptomatologie est typique.

Au début, c’est un oedème blanc et mou à peine sensible.

Il va progresser sur la jambe de façon ascendante, tandis que sa partie inférieure devient rosée et douloureuse.

Si l’ulcère apparaît à ce moment, il est hyperalgique et se situe sur la zone inflammatoire.

Plus tard on reconnaît de bas en haut la zone initiale devenue scléreuse, une zone d’oedème inflammatoire et une zone d’oedème blanc représentant le front de progression.

L’ulcère apparaît au niveau des lésions les plus anciennes.

L’hypodermite scléreuse est hypertrophique ou rétractée pseudosclérodermique (guêtre au-dessus de la cheville, rétraction dorsale des orteils).

La palpation y décèle des veines « en canyon » (Gerson).

Une ostéopériostite, voire un blocage de l’articulation tibiotarsienne, une altération de la fonction de drainage lymphatique avec oedème lymphatique, témoignent de l’extension et de la sévérité du processus.

L’extension au derme se manifeste par des signes d’insuffisance veineuse non spécifiques : dermite ocre, dermite purpurique, atrophie blanche.

La sclérose respecte le derme qui est seulement oedématié, comme le montre l’échographie ultrasonore à 20 MHz.

L’apparition d’une desquamation signe l’atteinte épidermique : dermoépidermite microbienne ou eczéma microbien s’il y a prurit.

Le syndrome pseudokaposien de Mali est une forme clinique rare, où l’existence de plaques infiltrées et de lésions pseudotumorales rouge violacé simule de près l’angiosarcomatose.

L’histologie n’est pas toujours concluante.

Mais, à la différence de la maladie de Kaposi, il n’y a jamais de lésions plantaires. Pour nous, il n’y a pas d’ulcère veineux sans LDS.

Celle-ci peut être considérée comme une maladie autonome du tissu hypodermique et de ses veines, dont l’ulcère n’est que le symptôme ultime.

B – ÉTIOLOGIE – ÉTIOPATHOGÉNIE :

L’étiologie postphlébitique de la LDS est la plus fréquente.

Une association a été montrée avec le syndrome de Klinefelter, un taux sanguin élevé de plasminogen-activator-inhibitor-1 (PAI-1), une résistance à la protéine C activée. La varicose de la saphène interne, lorsqu’elle est monstrueuse, engendre rarement une LDS.

Mais une insuffisance modérée de la saphène interne, avec ou sans incontinence des veines perforantes jambières, est une cause fréquente.

La LDS est engendrée par des reflux veineux à contre-courant lors de la marche.

La diminution de pression veineuse associée à la contraction des muscles jambiers est insuffisante ou de trop brève durée, et le volume du membre ne diminue pas ou se reconstitue trop vite.

Bref, la pompe du mollet est inefficace, comme le montrent la mesure de la pression dans les veines du pied, les pléthysmographies (à eau, à air, à jauge de contrainte) et la photopléthysmographie. Le reflux lui-même peut être constaté par phlébographie ascendante et par doppler ou échodoppler.

On l’observe dans la saphène interne, les veines perforantes, les veines profondes ; le plus souvent plusieurs points de reflux sont associés.

Mais parfois il n’y a pas de reflux visible bien que la pompe du mollet soit insuffisante : est-ce un reflux dans des veines réticulaires (1mm de diamètre) indétectables en échodoppler ?

Quels sont les facteurs qui déterminent l’ulcération ?

L’anoxie habituellement invoquée est peu compatible avec une microcirculation localement augmentée (laser doppler et tcPO2 sur peau non chauffée).

En revanche, la capacité maximale de vasodilatation (mêmes examens sur peau chauffée à 44 °C) est diminuée probablement par sclérose des parois vasculaires (visible sur les biopsies).

On invoque plutôt aujourd’hui une mort cellulaire par production d’espèces radicalaires d’oxygène, par la stase de leucocytes activés et par l’artériolisation du sang veineux.

C – TRAITEMENT DE LA LIPODERMATOSCLÉROSE :

1- Bandage compressif ambulatoire :

La correction des reflux veineux ambulatoires est obtenue par un bandage inextensible (botte de Unna) ou élastique (bande à varices ou bas de classe 4).

Le bandage inextensible a l’avantage de relâcher la compression pendant la diastole musculaire de la jambe et de pouvoir ainsi être conservé la nuit.

Dans les gouttières périmalléolaires, l’adjonction d’un matériau est nécessaire pour assurer la transmission de la pression de contention (coussinets en mousse ou, mieux, dispositifs plus fermes utilisés en chirurgie pour les sutures compressives).

À la cheville, une pression de 40 mmHg (54 cm d’eau), donc bien inférieure à la pression hydrostatique, suffit.

Si elle est mal supportée d’emblée (ulcère hyperalgique), une progression en 1 à 2 semaines la rend tolérable.

Un bandage élastique doit toujours être enlevé pour la nuit car en décubitus une compression externe diminue la pression de perfusion, ce qui peut entraîner des douleurs et une ischémie.

La surélévation du pied a le même effet et doit donc être utilisée avec circonspection.

Une surélévation du pied de 6°, le tronc étant surélevé de 35°, est la position qui accroît le plus le flux sanguin et le diamètre de la veine fémorale.

Les sujets présentant une artérite peuvent supporter une contention à condition qu’ils ne soient pas en ischémie critique et que la contention ne diminue pas l’index de pression systolique mesuré au gros orteil.

L’effet d’une contention bien adaptée est spectaculaire, à condition toutefois que le malade marche correctement (grands pas).

L’ulcère est le premier symptôme à régresser. Même l’ostéopériostite et l’ankylose articulaire peuvent disparaître. Cependant, la graisse hypodermique ne se reconstitue pas.

À défaut d’un traitement de la cause des reflux, la contention doit être maintenue toute la vie, sous peine de rechute.

L’objectif des traitements sclérosants et des interventions chirurgicales est précisément de permettre au patient de pouvoir se passer de contention.

Il semble cependant exceptionnellement atteint.

2- Sclérose des veines :

La sclérose des veines dilatées au sein de la LDS a pour objectif d’obturer, sinon la totalité, du moins une proportion suffisante des communicantes directes ou indirectes responsables des reflux.

On commence par les veines en canyon, les autres veines devenant plus accessibles ensuite avec la régression de la LDS.

La compression totale et immédiate de la veine injectée est indispensable pour obtenir son oblitération et éviter un caillot, source possible de varicophlébite ou de suppuration.

3- Stripping :

Le stripping crural de la saphène interne est indiqué si le remplissage sanguin cutané après contraction du mollet est ralenti par la compression de la veine.

Le traitement des autres varices n’a pas d’intérêt.

4- Suppression des perforantes :

La suppression chirurgicale des perforantes incontinentes comprend leur exérèse ou leur ligature par abord externe ou endoscopique, éventuellement associées à l’excision totale de l’ulcère avec greffe immédiate ; 80 % de guérisons ont pu être observées dans un suivi de 10 à 38 mois, les rares récidives ne survenant qu’en périphérie, pas sur la greffe. Mais pour d’autres auteurs aucune de ces interventions ne semble supérieure à la simple contention.

5- Reconstitution valvulaire :

La reconstitution valvulaire des veines profondes par valvuloplastie, prothèse en manchon ou tranfert de la veine axillaire a ouvert des espoirs.

Il convient de rappeler que c’est la veine poplitée qui est responsable des reflux profonds les plus sévères.

6- Choix des traitements et stratégie des examens paracliniques :

Le traitement commence toujours par une contention avec rééducation de la marche.

À lui seul, il permet la cicatrisation de l’ulcère et la régression significative de la LDS en quelques semaines ou mois.

Si l’on veut éviter le port d’une contention à vie, il importe de corriger les troubles hémodynamiques. En cas de thrombose des troncs profonds objectivée par le doppler, on ne peut rien faire.

Lorsque les troncs profonds sont perméables mais dévalvulés, une reconstruction valvulaire peut être envisagée.

La localisation des perforantes incontinentes par l’échodoppler est souhaitable si l’on veut tenter de les supprimer par la chirurgie ou la sclérose.

Enfin, le stripping crural de la saphène interne n’est indiqué que si sa participation au remplissage trop rapide de la peau a été démontré par la photopléthysmographie.

Comme traitement médicamenteux adjuvant, on cite actuellement les thérapeutiques antiradicalaires locales ou générales, les phlébotoniques, l’aspirine. Le stanozolol (fibrinolytique) semble inutile.

Ulcères d’origine artériolaire ou artérielle :

Les gangrènes ont un aspect bien particulier et sont exclues de cet article. Cependant, il est des ulcères liés à l’insuffisance d’apport sanguin.

La circulation cutanée n’étant pas terminale mais anastomotique, la carence d’apport est liée à une thrombose extensive, une thrombose localisée étant immédiatement suppléée et l’infarctus cutané étant impossible.

A – ANGIODERMITE NÉCROTIQUE (ULCÈRE ARTÉRIOLOSCLÉREUX) :

Cette affection survient chez des sujets âgés, de préférence de sexe féminin, présentant un athérome généralisé mais habituellement sans artérite des membres inférieurs.

La lésion siège électivement à la face externe de la jambe, sur la crête tibiale, ou à la partie inférieure du mollet. Elle débute par une brève phlyctène.

La plaie, jaune grisâtre, est parsemée de points nécrotiques ou hémorragiques.

Ses contours sont irréguliers, géographiques, avec souvent de petits ulcères satellites. Les bords, abrupts, sont cyanotiques ou inflammatoires dans les zones d’extension et reposent sur un oedème rosé.

La douleur est vive et permanente, parallèle à la sévérité de la nécrose. On note une fièvre modérée avec accélération de la vitesse de sédimentation, élévation de la protéine C réactive et hyper-á1-globulinémie.

L’ulcère est le résultat d’une thrombose récente et extensive de la microcirculation cutanée (capillaires distendus gorgés de sang coagulé et noyés dans une nappe nécroticohémorragique) survenue au sein de vaisseaux altérés par un athérome diffus : sclérose sousendothéliale et de la média refoulant l’intima et rétrécissant la lumière.

Des thromboses anciennes localisées sont observées ça et là.

Il est possible qu’une angiodermite nécrotique complique un ulcère de jambe d’origine veineuse.

Cela se manifeste par l’apparition d’une nécrose (noirâtre) sur les bords ou le fond de l’ulcère, et d’une douleur spontanée.

Le traitement comporte le repos au lit. Les pansements quotidiens tentent prudemment d’enlever la nécrose au bistouri après application d’un anesthésique local.

Puis l’ulcération est soigneusement recouverte afin de garder son humidité.

L’autohémothérapie locale serait curative en plus de son effet antalgique.

On a également préconisé l’exérèse en bloc des lésions suivie de greffe.

Le traitement général comporte des antalgiques et des médications tentant de limiter l’extension du processus : aspirine, médications anti-sludge, hémodilution surtout.

Les vasodilatateurs peuvent aggraver la lésion par détournement du sang vers des vaisseaux plus perméables. L’oxygènothérapie hyperbare serait bénéfique.

B – ULCÈRE DE MARTORELL (ULCÈRE DES HYPERTENDUS) :

Survenant chez des sujets d’âge moyen ou mûr et hypertendus, ces ulcères siègent électivement sur les régions prétibiales et antéro-internes du tiers inférieur de jambe. Ils sont volontiers bilatéraux.

Leur aspect est variable, nécrotique ou atone. Ils sont très douloureux.

L’hypertension est ancienne et en général compliquée de lésions rétiniennes.

L’histologie montrerait des lésions artériolaires : paroi épaissie par une prolifération endothéliale, hyalinose sous-intimale et épaississement de la média. Des thromboses organisées seraient parfois observées.

Aucune autre étiologie ne doit être retrouvée pour pouvoir porter ce diagnostic ; en particulier il ne doit pas y avoir d’athérome généralisé.

Un critère diagnostique important est la suppression de la douleur et la cicatrisation par correction de l’hypertension.

Ulcères artéritiques :

Deux types d’ulcères sont concernés sous cette dénomination : des ulcères d’origine veineuse ou autre, aggravés ou rendus incurables par le processus artéritique, et des ulcères de jambe apparus sans autre facteur étiologique que l’artérite.

La participation artérielle peut être invoquée lorsque l’ulcère stagne alors que le facteur causal est supprimé. Cette éventualité est fréquente chez des personnes âgées présentant un ulcère d’origine veineuse.

On parle alors d’ulcères mixtes.

L’aspect clinique est celui de l’affection initiale, le terrain artéritique contribuant seulement à la chronicité et à l’incurabilité.

Bien entendu le pronostic dépend des deux facteurs étiologiques.

Les ulcères artériels ont une localisation sélective sur la région achilléenne et la crête tibiale, probablement par facteur déclenclant traumatique.

Ils sont volontiers creusants, sphacéliques, à bords à pic et très douloureux.

L’existence d’une nécrose serait indicatrice d’une artériolite athéromateuse associée.

Le diagnostic d’artérite est confirmé par la palpation des pouls, l’auscultation vasculaire, l’existence d’une claudication intermittente, un index de pression systolique distale inférieur à 1.

Pour engendrer ou aggraver des lésions, il doit être inférieur à 0,4 ; il est alors classiquement associé à des douleurs de décubitus et à une érythrose de déclivité.

Le traitement de l’artérite doit bien entendu être alors mis en oeuvre.

Conclusion :

Les ulcères de jambe posent encore aujourd’hui des problèmes de diagnostic et de thérapeutique.

Si l’origine veineuse reste prédominante dans nos régions, il est important de ne pas méconnaître une autre étiologie ; une photopléthysmographie normale doit conforter ce doute.

Cet examen paraît le plus apte à dénouer l’écheveau des divers reflux, car il s’adresse directement au tissu malade.

Il permet en outre de décider de l’utilité ou non d’un stripping saphénien.

Les examens par sonde doppler et échodoppler ne trouvent leur utilité que pour des décisions thérapeutiques chirurgicales plus complexes.

Les examens fonctionnels de la pompe du mollet ont surtout un intérêt pronostique.

La thérapeutique de première intention reste la contention associée à la rééducation de la marche.

Dans tout ulcère, la recherche d’une artérite associée est de rigueur.

Dans tous les cas également, la qualité du traitement local est essentielle.

Elle dépend en grande partie de l’infirmier qui doit être éduqué par le médecin après que ce dernier se soit familiarisé avec les problèmes courants des soins locaux d’ulcères. Enfin, il est une exigence médicale à ne pas oublier : le rappel de vaccination antitétanique.

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