Ulcération ou érosion des muqueuses orale et génitale
Cours de dermatologie
Diagnostic positif
:
Les lésions sont découvertes en raison d’une symptomatologie
fonctionnelle : douleurs, brûlures.
L’ulcération
ou l’érosion sont visibles à l’examen clinique.
Les particularités
sémiologiques sont à étudier car elles donnent
parfois des éléments d’orientation pour une cause
particulière.
On peut citer :
– le caractère superficiel et induré d’une lésion génitale
qui oriente vers un chancre syphilitique ;
– le caractère superficiel et douloureux et le groupement
en bouquet, vers une érosion post-herpétique ;
– le caractère creusant et douloureux vers un chancre
mou ou vers les aphtes si les lésions sont répétitives.
L’examen clinique concerne tous les territoires
muqueux ainsi que les aires ganglionnaires satellites.
L’interrogatoire précise le mode d’apparition, l’évolution
aiguë ou chronique, la notion de poussées récidivantes…
Les examens complémentaires à ce stade sont assez peu
nombreux et, bien entendu, orientés par les données de
l’interrogatoire et l’allure des lésions.
On envisagera :
– un prélèvement bactériologique ou un examen direct
au microscope à fond noir pour le chancre mou et la
syphilis ;
– un prélèvement virologique avec cytodiagnostic et (ou)
culture en cas de suspicion d’herpès par exemple ;
– des prélèvements sérologiques orientés par la suspicion
clinique (sérodiagnostic de Chlamydia trachomatis,
de la syphilis, de l’herpès…) ;
– une biopsie muqueuse pour un examen anatomopathologique
et éventuellement pour une immunofluorescence
directe indispensable en cas de maladie
bulleuse auto-immune.
Diagnostic étiologique
:
A - Maladies sexuellement transmissibles
:
• Le chancre syphilitique (se reporter à la question) est
induré, érosif, peu douloureux avec une atteinte ganglionnaire
satellite. La période d’incubation est de
3 semaines.
Le diagnostic est confirmé par la présence
de tréponèmes à l’examen direct, au microscope à fond
noir et par la sérologie spécifique (treponema pallidum
hæmagglutination assay [TPHA], venereal diseases
research laboratory [VDRL] ou Kline).
Les syphilides
secondaires génitales sont rarement isolées ; elles sont
végétantes et érosives.
• Le chancre mou survient de préférence chez l’homme
avec contamination dans les régions exotiques où il est
endémique.
La période d’incubation est courte (3 à 5 j).
Le chancre est creusant, douloureux avec une adénopathie
satellite, inflammatoire, se fistulisant 1 fois sur
2 si on la laisse évoluer.
La culture du bacille de Ducrey
est difficile ; il n’y a pas de sérologie disponible.
• Le chancre du lymphogranulome vénérien a pratiquement
disparu ; le diagnostic repose sur la sérologie et
éventuellement la culture de Chlamydia trachomatis
sérotype L.
Il en est de même pour la donovanose
d’origine spécifiquement tropicale. Le diagnostic repose
sur l’examen direct (corps de Donovan).
• L’herpès récurrent donne une éruption vésiculeuse,
rapidement érosive avec des vésicules groupées en bouquets.
C’est la lésion la plus fréquente dans nos régions ; le
diagnostic est le plus souvent clinique, associé à la
recherche d’un effet cytopathogène sur frottis de l’érosion.
La culture est réservée à la première poussée, le sérodiagnostic
n’a d’intérêt que dans la primo-infection.
Cette dernière est sévère avec une éruption vésiculeuse
disséminée dans toute la région génitale.
Elle survient le
plus souvent lors des premiers rapports sexuels.
• L’aphte génital se caractérise par une lésion creusante,
douloureuse, touchant soit le territoire muqueux, soit
la peau avoisinante (scrotum chez l’homme, grande
lèvre chez la femme).
L’aphte génital s’accompagne le
plus souvent d’une aphtose buccale, les examens complémentaires
sont tous négatifs.
La biopsie est non
spécifique.
Il faut par l’interrogatoire savoir si l’on est
en présence d’une aphtose bipolaire ou d’une maladie
de Behçet.
L’origine ethnique des sujets a une valeur
d’orientation (sujets maghrébins ou turcs).
Dans toutes les autres situations, on doit envisager des
diagnostics spécifiques après biopsie permettant d’affirmer
ou d’éliminer :
– une localisation génitale de maladie bulleuse autoimmune
(pemphigus, pemphigoïde) ;
– une toxidermie à type d’érythème pigmenté fixe ;
– une lésion non spécifique post-traumatique ;
– un carcinome génital (les lésions purement ulcéreuses
sont rares) ;
– une lésion infectieuse atypique en cas d’immunodépression.
Les lésions caustiques après usage d’antiseptiques mal
rincés se reconnaissent après interrogatoire.
B - Lésions érosives ou ulcéreuses buccales
:
La partie vermillon des lèvres constitue la zone de transition
entre le revêtement cutané et la muqueuse.
L’herpès labial récurrent siège plus souvent sur la zone
vermillon et la partie cutanée adjacente que sur la zone
muqueuse.
En revanche, l’herpès de primo-invasion
buccal a un tropisme muqueux important.
Pour les lésions érosives buccales, les causes infectieuses
sont à envisager en priorité chez l’enfant et
l’adolescent ; ce sont les aphtes, les maladies bulleuses,
les causes traumatiques et les cancers chez l’adulte.
1- Lésions ulcéreuses et érosives infectieuses
:
Elles sont à évoquer en priorité chez l’enfant.
La consultation
a lieu dans un contexte d’urgence.
On envisagera :
– la primo-infection herpétique avec un tableau de gingivostomatite douloureuse, fébrile sévère. Le
diagnostic repose sur le prélèvement viral et le sérodiagnostic
;
– le syndrome pieds-mains-bouche, discret avec des
lésions muqueuses érosives pouvant passer inaperçues.
C’est l’éruption vésiculeuse, palmo-plantaire ou
digitale qui est le motif de consultation.
Le diagnostic repose sur la notion de petite épidémie et
sur la sérologie virale (coxsackie A16).
L’herpangine est également très rare avec une atteinte
vésiculeuse postérieure, de nature virale.
Elle se voit
surtout chez le nourrisson et l’enfant avant 3 ans.
Les
localisations muqueuses de la varicelle et du zona sont
facilement reconnues en raison de l’association à des
lésions cutanées et de l’atteinte unilatérale pour le zona
(atteinte du IX).
La primo-infection du virus de l’immunodéficience
humaine (VIH) peut s’accompagner d’un énanthème
érosif, c’est le contexte qui oriente vers le diagnostic
(fièvre, adénopathie, lymphopénie, exanthème).
Des lésions ulcéro-nécrotiques des gencives avec une
atteinte amygdalienne doivent faire évoquer l’angine de
Vincent (association fuso-spirillaire).
Une stomatite ulcéro-nécrotique peut aussi survenir au
cours des agranulocytoses.
L’atteinte des muqueuses buccales et génitales est une
des localisations constantes et sévères de l’érythème
polymorphe, du syndrome de Lyell (épidermolyse
toxique aiguë) ou du syndrome de Stevens-Johnson.
Dans toutes ces circonstances, l’atteinte cutanée est
présente et domine le tableau clinique.
Il s’agit toujours
de stomatites, de vulvites, de balanoposthites érosives
de survenue brutale, douloureuses.
Il est préférable
dans toute la mesure du possible de biopsier une lésion
cutanée.
2- Maladies bulleuses auto-immunes
:
La muqueuse buccale est parfois le siège initial du pemphigus
avec une fragilité muqueuse et des érosions favorisées
par le traumatisme.
La pemphoïde cicatricielle
peut être purement muqueuse à sa phase initiale.
Le diagnostic repose sur la biopsie en donnant peut-être
la priorité à l’examen en immunofluorescence directe et
sur la recherche d’anticorps circulants (anti-membrane
basale de l’épiderme et anti-substance interkératinocytaire).
Les lésions ulcéreuses du lupus érythémateux systémique
surviennent le plus souvent au décours d’une
maladie connue.
Le lichen buccal peut être érosif et s’associe à des
lésions leucokératosiques.
La biopsie est l’examen clé.
Dans la bouche, les lésions traumatiques liées aux morsures
accidentelles, aux appareils dentaires et aux dents
ébréchées sont fréquentes.
La correction de l’anomalie
dentaire doit s’accompagner d’une cicatrisation rapide.
Le risque est en effet de méconnaître un carcinome ulcéreux.
Les carcinomes épidermoïdes de la muqueuse buccale
ou de la langue surviennent sur un terrain d’éthylisme
et de tabagisme.
Les lésions sont rarement purement
ulcéreuses ; elles sont infiltrées et ulcéro-végétantes.
La
biopsie est l’examen clé.
L’aphte buccal isolé est probablement
la cause la plus fréquente de lésions ulcéreuses
buccales.
Il s’agit d’ulcérations à fond beurre frais, douloureuses,
sans adénopathie satellite. Les aphtes sont le
plus souvent localisés sur la muqueuse mobile.
Il
convient de rechercher leur caractère bipolaire et la possibilité
d’une maladie de Behçet.
Au niveau de la
bouche, les ulcérations aphtoïdes
peuvent parfois être provoquées ou favorisées par des
médicaments (méthotrexate, médicaments aplasiants,
nicorandil).
La candidose buccale n’est jamais purement érosive
; elle s’accompagne d’un énanthème et de lésions blanches adhérentes
dont le décollement montre une érosion sous-jacente.
Le diagnostic est en général facile et repose sur
l’examen mycologique.