La chirurgie du rachis tumoral est techniquement difficile.
L’exérèse ainsi que la reconstruction des tumeurs du rachis diffèrent
selon leur nature histologique, la localisation dans la vertèbre et l’étage
rachidien (cervical, dorsal, lombaire).
Les tumeurs en général se répartissent en tumeurs bénignes et en
tumeurs malignes elles-mêmes décomposées en primitives et
secondaires (métastases).
Avant d’envisager la chirurgie de ces tumeurs, il est absolument
nécessaire de pratiquer un bilan exhaustif, tant local que général, et
d’avoir une histologie sans aucune équivoque.
C’est grâce à ces bilans
que vont être définies la stratégie mais également la technique
opératoire.
C’est dire l’importance de cette séquence préopératoire.
Bilan préopératoire
:
A - Bilan local
:
Ce bilan comprend de façon systématique une radiographie standard de
l’étage rachidien envahi de face et de profil, des coupes de scanner centrées sur la tumeur (cet examen étant très important pour bien
comprendre l’envahissement osseux) et une imagerie par résonance
magnétique (IRM) qui peut mieux préciser l’envahissement tumoral
locorégional ainsi que celui de vertèbres sus- et sous-jacentes.
Lorsque la tumeur risque d’envahir une artère à destinée médullaire, une
artériographie est indispensable.
Selon la localisation tumorale, l’artère
vertébrale est visualisée au rachis cervical ou l’artère d’Adamkiewicz
en dorsal.
Cette artériographie peut en même temps permettre de réaliser
une embolisation, très utile pour diminuer le saignement
peropératoire.
Elle est pratiquée de façon relativement courante même
si la tumeur n’est pas réputée comme très vascularisée.
Elle est réalisée
par un neuroradiologue qui, par un cathétérisme sélectif, embolise tous
les vaisseaux néotumoraux.
Lorsque cette embolisation par voie
systémique ne peut être faite à cause de la proximité d’une artère à
destinée médullaire, une embolisation par voie percutanée (antéro- ou
postérolatérale) peut être alors pratiquée.
B - Bilan général
:
Ce bilan n’est réservé qu’aux tumeurs malignes primitives ou
secondaires, à la recherche de métastases.
Il est composé :
– d’une radiographie pulmonaire associée à un scanner (plus sensible
pour la détection des métastases) ;
– d’un scanner abdominal et cérébral ;
– d’une scintigraphie osseuse ;
– d’une IRM de toute la colonne vertébrale, allant de l’occiput à S5.
C - Biopsie tumorale
:
Cet acte est essentiel et indispensable avant tout geste thérapeutique
exception faite de certaines tumeurs bénignes pour lesquelles la biopsie
coïncide avec le geste d’exérèse.
Lors de ce temps, un examen bactériologique est demandé à titre
systématique.
1- Biopsie sous scanner
:
Le radiologue doit alors discuter du trajet biopsique avec le chirurgien
qui fera l’exérèse tumorale, pour que le trajet coïncide avec la cicatrice
de résection chirurgicale.
Elle est faite à l’aide d’un trocart qui ramène
une carotte tumorale.
L’avantage de cette technique est d’être simple et
peu invasive.
En revanche, le trocart ne ramène que peu de matériel
tumoral, parfois non suffisant pour typer la tumeur de façon certaine.
L’abord peut être fait par voie latérale ou par voie transpédiculaire.
Cette
dernière est préférée (si cela est possible) en cas de tumeur maligne
primitive, car le trajet biopsique est alors réséqué lors de la chirurgie
d’exérèse tumorale.
Le fait de marquer le point d’entrée du trocart
(comme lors d’une radiothérapie) peut être utile car, si la chirurgie de
résection est faite longtemps après, le trajet de biopsie peut être oublié et
donc non réséqué.
2- Biopsie chirurgicale
:
Elle doit être systématiquement effectuée par le chirurgien qui doit faire
la résection tumorale.
Le trajet biopsique doit tenir compte, en cas de forte suspicion de tumeur
maligne primitive, du temps chirurgical ultérieur d’exérèse qui devra
réséquer cette cicatrice en bloc avec la tumeur.
Le defect osseux laissé
par la biopsie peut être bouché par du ciment pour éviter à la tumeur de
s’écouler dans les parties molles.
Lorsque tout le bilan est pratiqué, l’histologie est sans équivoque, il est
possible d’envisager la stratégie chirurgicale.
En cas de métastase, le
score pronostique préopératoire de Tokuhashi, coté sur 12 points,
peut être évalué, bien que celui-ci ne soit pas adapté à toutes les
situations.
Stratégie opératoire
:
A - Généralités
:
La stratégie dépend de la nature histologique de la tumeur, de la
localisation tumorale sur le rachis, de la localisation sur la vertèbre qui
fera décider alors de la technique chirurgicale.
L’histologie a déjà été discutée lors du temps biopsique.
Deux types de chirurgie peuvent être pratiqués :
– la chirurgie palliative en cas de métastases ou de tumeurs au-delà de
toutes ressources curatives.
Elle a pour but de décomprimer le fourreau
dural et de stabiliser le rachis.
Elle peut se faire par voie postérieure ou
antérieure selon les cas ;
– la chirurgie « carcinologique ou curative » ayant pour but de réséquer
toute la tumeur « en bloc ».
B - Stratégie selon la localisation
:
1- Rachis cervical
:
Cette localisation est surtout marquée par la présence des artères
vertébrales.
En cas de tumeur importante pouvant envahir ces artères,
une artériographie est donc indispensable pour apprécier
l’envahissement de ces dernières et pour alors pratiquer un « test du
ballonnet ».
Il s’agit d’introduire un ballonnet dans l’artère vertébrale au contact de
la tumeur et de le gonfler.
On voit alors l’existence ou non d’une
suppléance artérielle autorisant de pratiquer un clampage de l’artère
vertébrale envahie pour effectuer un pontage artériel.
Ce pontage permet
alors de réséquer le segment artériel envahi avec la tumeur vertébrale.
Si le test du ballonnet est négatif, en aucun cas le pontage ne peut être
effectué et la chirurgie n’est donc pas « carcinologique ».
En cas d’envahissement de l’axe aérodigestif, un transit oeso-gastroduodénal
est nécessaire pour savoir si la tumeur est réséquable et la
coopération avec les oto-rhino-laryngologistes et les chirurgiens
digestifs est indispensable.
2- Rachis dorsal
:
La difficulté technique est la présence de l’artère d’Adamkiewicz
pouvant empêcher une résection tumorale « correcte » lorsque la tumeur
l’envahit.
En effet, il est préférable de la sauvegarder systématiquement.
Comme au rachis cervical, l’aide technique par les potentiels évoqués somesthésiques est parfois requise, préservant de tout risque de déficit
neurologique per- et postopératoire.
3- Charnière dorsolombaire
:
Cette localisation allie le problème des voies d’abord et le problème
mécanique inhérents à toutes les « charnières », mais aussi le fait que
l’artère d’Adamkiewicz peut être présente.
4- Rachis lombaire
:
La difficulté technique est la profondeur du corps vertébral à ce niveau.
Une chirurgie de résection vertébrale en un temps comme au rachis
dorsal est donc impossible.
La résection en deux temps (voie antérieure
puis postérieure) ou trois (postérieure, antérieure puis postérieure) doit
être choisie.
L’avantage de cet étage rachidien est la possibilité de
récliner le fourreau dural sans trop de risque à partir de L3 en général.
5- Sacrum
:
La chirurgie du sacrum est techniquement plus difficile.
Lors d’une
résection sacrée, la localisation tumorale envahissant S1 ou S2 nécessite
systématiquement un double abord, antérieur pour ligaturer les veines présacrées et libérer si nécessaire les éléments « nobles » situés dans le
pelvis, puis une voie postérieure pour contrôler les racines nerveuses et
effectuer la résection tumorale.
Si la tumeur est située en dessous du
disque S2-S3, une seule voie d’abord postérieure peut être pratiquée si
la tumeur n’est pas trop grosse et n’envahit pas les anses intestinales. Le
problème mécanique, lors de la résection tumorale, n’intervient que si la
tumeur envahit S1.
Pour les tumeurs situées en dessous de S1, aucune
reconstruction n’est nécessaire car l’anneau pelvien est préservé.
Technique chirurgicale
:
Elle comprend l’exérèse chirurgicale ainsi que la reconstruction. Ceci
dépend surtout de la localisation tumorale sur la vertèbre et bien sûr de
l’étage rachidien.
A - Rachis cervical
:
1- Chirurgie d’exérèse tumorale
:
* Tumeurs de l’arc postérieur de C1 (tumeurs exceptionnelles)
:
La difficulté particulière de l’excision de l’arc postérieur de C1 est due,
bien entendu, à ses rapports avec l’artère vertébrale.
Après avoir
installé le malade tête fixée sur la têtière en cyphose maximale, l’abord
est centré sur l’arc postérieur de C1 ; le tubercule postérieur de C2 étant
repéré, le champ opératoire est dégagé de la région sous-occipitale
jusqu’à C2.
L’arc postérieur de C1 est dégagé au bistouri très
prudemment à sa face postérieure, puis une spatule est engagée de haut
en bas entre la membrane occipitoatloïdienne et la face antérieure de
l’arc postérieur de C1.
Le ligament interépineux C1-C2 est ensuite
sectionné et une spatule est encore passée à la face antérieure de l’arc
postérieur de C1, de bas en haut.
Le tubercule de C1 peut être ainsi
réséqué à la pince gouge, puis à partir de cette excision de 0,5 cm de
large environ, l’excision progresse par morcellement latéralement vers
la gauche et vers la droite.
Avant chaque excision à la pince, il faut au
préalable systématiquement passer une spatule au mieux en intrapériosté, pour décoller la dure-mère et l’artère vertébrale de la face
antérieure de l’arc postérieur de l’atlas.
Il est indispensable d’avoir un
champ exsangue, ce qui n’est pas toujours facile en raison de la présence
de plexus veineux péri-dure-mériens.
Parfois, l’artère vertébrale est située dans un véritable canal osseux,
visible radiologiquement, dont l’arc postérieur de C1 forme la limite
postérieure.
Il faut alors enlever l’arc postérieur de C1 par morcellement
très prudent d’arrière en avant, jusqu’au plan de l’artère vertébrale.
* Tumeurs de l’arc postérieur (épineuse ou lame) de C2 à C7
:
L’incision est médiane postérieure, centrée sur l’épineuse atteinte, un
repérage radiologique peut être nécessaire pour mieux diriger la voie
d’abord.
Cet abord est prudent, avec désinsertion au bistouri des muscles paravertébraux de part et d’autre de la ligne médiane.
Il doit être fait pas
à pas, la tumeur pouvant être lytique et l’épineuse, ainsi que les lames
fragiles, ne protégeant plus le fourreau dural.
L’exposition étant faite,
les écarteurs autostatiques sont mis sur les masses musculaires.
L’exérèse peut se faire de deux façons :
– par morcellement, surtout en cas de tumeur bénigne ; à l’aide d’une
pince gouge, on va dans un premier temps enlever l’épineuse jusqu’à la
base.
Le morcellement peut ensuite se poursuivre sur les lames ;
une spatule est tout d’abord glissée entre le ligament jaune et la base de
l’épineuse, puis une pince de Kérisson est engagée en arrière du
ligament jaune et va, de proche en proche, réaliser l’exérèse de la base
de l’épineuse.
Si la tumeur se prolonge sur les lames, le
morcellement se poursuit latéralement de part et d’autre jusqu’au massif
articulaire, en prenant soin de toujours passer au préalable une spatule
pour bien décoller la dure-mère qui peut être adhérente.
L’exérèse est
ainsi facile, menée latéralement jusqu’au massif articulaire.
Si la tumeur
siège sur une seule lame, l’épineuse peut être conservée.
Le
morcellement commence alors au bord externe de l’épineuse pour aller
se poursuivre jusqu’au bord interne du massif articulaire.
Celui-ci est
réséqué si besoin. Toute cette exérèse est assez facile, l’essentiel est de
bien engager la pince pour qu’elle ne morde pas sur le fourreau dural ;
– excision en bloc de l’arc postérieur : lorsqu’on désire enlever en bloc
une tumeur maligne d’un arc postérieur, de façon la plus carcinologiquement satisfaisante, ou lorsque la tumeur siège sur
plusieurs arcs postérieurs, on peut réaliser une excision globale par la
technique dite de la « carapace du homard ».
Le ligament interépineux
sous-jacent à la lésion est sectionné transversalement ainsi que le
ligament jaune correspondant, de part et d’autre de la ligne médiane.
Après préparation avec la rugine à ligament jaune, cette section se fait
avec un bistouri à long manche et, si possible, sous la protection d’une
fine spatule passée entre ligament jaune et dure-mère.
La spatule
est ensuite engagée sous la lame sus-jacente pour décoller la dure-mère,
puis les lames sont sectionnées latéralement au bord interne du massif
articulaire.
Cette section se fait soit à la pince gouge fine de Sicard
, soit au ciseau à frapper de Guillaume.
La libération de l’arc
postérieur le plus bas situé étant obtenue, une pince saisit le bloc
ligament jaune/arc postérieur qui est basculé et relevé vers le haut.
Le ligament jaune sus-jacent est à son tour incisé
longitudinalement, puis les lames sont sectionnées et ainsi de proche en proche, on peut réaliser l’excision de plusieurs arcs postérieurs.
À la
limite supérieure de cette excision, le ligament jaune sus-jacent est à
nouveau incisé transversalement.
* Tumeurs du massif articulaire de C1-C2
:
Pour une tumeur de la masse latérale de C1 ou de l’articulaire supérieure
de C2 se prolongeant trop en avant, l’excision est impossible par voie
postérieure.
Il faut alors utiliser une voie rétromastoïdienne.
L’abord réalisé, l’excision se fait par morcellement
progressif en évitant l’artère vertébrale au niveau du trou transversaire
de C2 ; elle est protégée par l’insertion haute des scalènes.
L’excision
doit donc se faire en passant en avant de ce trou transversaire, et après
avoir repéré éventuellement l’artère vertébrale à la sortie du trou
transversaire de C3.
* Tumeur du massif articulaire inférieur de C2 à C7
:
L’abord est médian postérieur centré sur l’épineuse.
En cas de tumeur de l’articulaire inférieure, qu’il s’agisse de la
prolongation d’une excision d’une lame ou de l’exérèse isolée d’une tumeur localisée à l’articulation inférieure, l’excision est simple, à la
pince gouge ou au petit ciseau de Guillaume.
Cette excision doit
commencer au bord latéral de la lame, elle se termine à l’aplomb de
l’articulaire inférieure de la vertèbre sus-jacente.
Elle se fait aussi vers
l’avant jusqu’à l’insertion du pédicule sur le massif articulaire.
L’hémostase des tranches de section peut se faire grâce à l’application
de cire chirurgicale.
Si, en revanche, il s’agit d’une tumeur d’une articulaire supérieure, il
faut au préalable enlever le couvercle que représente l’articulaire
inférieure de la vertèbre sus-jacente.
Le massif atteint apparaît alors
complètement et il peut être excisé en prenant garde de ne pas aller trop
en avant au niveau du trou de conjugaison, sous peine de risquer de
blesser la racine nerveuse correspondante.
* Tumeurs de l’apophyse transverse
:
L’abord doit être antérolatéral classique, pré-sterno-cléido-mastoïdien
(SCM).
Une fois arrivé sur le plan vertébral, il faut se porter latéralement
dans la région des transverses.
Plusieurs gestes sont indispensables :
– repérer le tubercule antérieur de l’apophyse transverse et le réséquer
d’un coup de pince gouge. Le muscle scalène antérieur s’insère sur lui et
va l’attirer vers le bas, permettant de découvrir ainsi l’artère vertébrale
et les racines nerveuses ;
– repérer le muscle long du cou à son bord interne et à son bord externe.
Le désinsérer complètement de la face antérieure des corps vertébraux,
un lacs peut même être passé à sa face postérieure pour le mobiliser vers
la ligne médiane ou bien un écarteur peut le récliner simplement en
permanence en dedans ;
– entre le tubercule antérieur et le muscle long du cou, il va falloir alors
réséquer la partie antérieure de l’apophyse transverse.
On met ainsi
mieux en évidence l’artère vertébrale qui peut être mobilisée et mise sur
un lacs quand la résection de l’apophyse transverse porte sur plusieurs
étages, ce qui est en règle nécessaire pour travailler en sécurité.
On a
ainsi sous les yeux différents éléments : en dehors les racines
nerveuses, au milieu l’artère vertébrale, en dedans le muscle long du cou
mobilisé vers l’intérieur.
On va pouvoir à la demande, en passant de part et d’autre entre ces
différents éléments, réséquer toute l’apophyse transverse, réséquer
éventuellement l’uncus vertébral jusqu’au trou de conjugaison.
* Tumeurs du corps vertébral (arc antérieur)
:
+ Tumeurs de l’arc antérieur de C1
:
C’est une
question de voie d’abord.
Les tumeurs
malignes semblent être une justification de la voie transbuccale.
Cet
abord, peu hémorragique, donne un très bon jour sur l’arc antérieur de
C1 ainsi que de C2 au tiers supérieur de C3.
L’écartement des masses
musculaires peut se faire grâce à des broches de Kirschner de 22/10 de
chaque côté de l’arc antérieur de C1 en faisant attention à ne pas les
mettre trop latéralement pour éviter une lésion de l’artère vertébrale.
Cette voie ne présente pas plus de risque septique, comme on pourrait le
croire de prime abord, il suffit de faire une bonne désinfection pré- et
surtout postopératoire, en pratiquant des bains de bouche quotidiens.
+ Tumeurs des corps vertébraux de C2 à C7
:
L’abord est SCM vertical, du côté prédominant de la lésion.
S’il s’agit
d’une tumeur limitée du corps vertébral, l’abord peut se faire
directement après incision du ligament prévertébral commun antérieur,
et excision de la face antérieure du corps vertébral.
La tumeur sera
enlevée au ciseau à frapper et à la curette, l’excision discale est faite en
vue de la reconstruction.
Si, en revanche, la tumeur est volumineuse, débordant latéralement, il
faut au préalable repérer l’apophyse transverse et l’artère vertébrale,
selon la technique déjà vue.
Ce n’est qu’après contrôle de
l’artère vertébrale que l’excision peut être menée aussi bien à la face
antérieure qu’au bord latéral du corps, en passant de part et d’autre du
muscle long du cou, celui-ci peut être sectionné transversalement.
L’exérèse se fait surtout par morcellement, et elle est obligatoirement
incomplète du côté opposée à la voie d’abord.
C’est pourquoi, lors des
tentatives d’exérèse complète de tout le corps vertébral, il faut réaliser
deux voies d’abord pré-sterno-mastoïdiennes gauche puis droite.
* Tumeurs de l’arc antérieur et postérieur (vertèbre totale)
:
La résection chirurgicale nécessite deux temps distincts.
L’abord
postérieur, de préférence initial, permet, comme nous l’avons vu, les gestes de résection déjà décrits, de contrôler l’axe médullaire,
d’enlever une épidurite et évidemment de lever une compression
postérieure mais, surtout, il permet une fixation solide du rachis par un
matériel, ce qui facilite la reconstruction après l’exérèse.
Le complément
d’exérèse est fait par voie antérolatérale.
En cas
d’exérèse tumorale large, un pontage de l’artère vertébrale peut
être effectué si le « test du ballonnet » est positif.
Parfois, on fait le
sacrifice délibéré de l’artère vertébrale du côté de la tumeur, après
contrôle artériographique de la parfaite suppléance par la vertébrale
controlatérale.
Au rachis cervical haut, il peut être nécessaire pour lier
l’artère distalement de l’aborder dans le triangle de Tillaux entre C1 et
C2, ce qui nécessite d’élargir la voie d’abord antéroexterne vers le haut
en passant en arrière du SCM.
En cas de tumeur du rachis cervical bas,
l’hémostase par clip vasculaire et la section proximale se font avant
l’entrée dans le canal transversaire, l’hémostase et la section distale se
font par ouverture du canal vertébral après résection du tubercule
antérieur de l’apophyse transverse sus-jacente à la tumeur.
Le problème
de l’artère vertébrale ainsi réglé, l’excision du corps vertébral
pathologique mène vers l’arrière jusqu’à la dure-mère.
Du côté opposé
à l’abord, il convient d’être très prudent pour ne pas courir le risque
d’une blessure de la seule artère vertébrale restante.
Du côté de l’abord,
le plan dure-mérien est suivi vers l’extérieur : il mène sur les racines
nerveuses cervicales qui sont disséquées et protégées sur des lacs pour
compléter l’exérèse de la transverse.
En passant entre les racines, on peut
exciser l’apophyse articulaire et la lame homolatérale, en passant
prudemment en dehors et en arrière de la moelle.
Ce temps d’excision tumorale est suivi d’une reconstruction.
2- Chirurgie de reconstruction
:
Après exérèse d’une tumeur vertébrale, une reconstruction n’est pas
toujours nécessaire.
Cette dernière dépend essentiellement du degré de
l’instabilité préexistante ou iatrogène créée par l’exérèse.
– Tumorectomies ne nécessitant aucune reconstruction :
– laminectomie isolée sur un étage, ou sur plusieurs, préservant les
articulaires ;
– transversectomies isolées, quel que soit l’étage ;
– résection d’un massif articulaire isolé ne compromettant pas la
stabilité.
– Tumorectomies nécessitant une reconstruction :
– laminectomie étendue en hauteur, mordant latéralement sur les
massifs articulaires, surtout si un geste a également été réalisé par une
voie postérieure sur le ligament commun postérieur ;
– arthrectomies bilatérales ou multiples ;
– corporectomie.
* Stabilisation de l’arc postérieur
:
Au rachis cervical supérieur C2 ou C3, des problèmes particuliers se
posent.
La stabilisation, en effet, ne peut s’appuyer vers le haut sur un
nombre suffisant d’étages pour être solide.
Dans ce cas, il faut réaliser
une ostéosynthèse occipitocervicale par plaques vissées prémoulées
se fixant en bas, de la manière habituelle, dans les massifs
articulaires des vertèbres saines sous-jacentes à la lésion, en haut dans
l’écaille de l’occipital de part et d’autre de la ligne médiane.
La prise des
vis est solide à ce niveau, dans les deux tables de la diploé, en veillant à
ne pas dépasser la table interne, en particulier lors du forage des trous
(mèche à butée avec des vis d’environ 13 mm).
Ce temps de la fixation
expose à une brèche dure-mérienne.
D’autres matériels d’ostéosynthèse
peuvent être utilisés bien sûr, selon les tendances et les écoles.
Au rachis cervical inférieur, l’ostéosynthèse peut se faire par différentes
instrumentations, soit plaques vissées dans les articulaires selon la
méthode habituelle, soit par des tiges avec des crochets.
En général, on
fixe deux étages de part et d’autre de la tumeur.
* Reconstruction du corps vertébral
:
Elle se fait à l’aide de greffes s’appuyant sur des vertèbres saines sus- et
sous-jacentes :
– soit des greffes spongieuses, s’il y a une perte de substance minime ne
compromettant pas la stabilité mais réalisant un vide dans le corps
vertébral ;
– soit des greffes corticospongieuses ou corticales qui peuvent être
prises à la crête iliaque antérieure ou postérieure, ou au péroné.
La greffe
doit être taillée en « queue d’aronde », pour permettre un très bon
encastrement.
La mise en place se fait en accentuant la lordose
rachidienne par manoeuvre externe (hyperextension sur table à têtière).
Ces greffes peuvent être maintenues par des agrafes spéciales, des
plaques vissées.
La reconstruction peut faire appel aussi à des cages prothétiques
adaptées à l’étage rachidien, dans lesquelles du spongieux est tassé.
Lors
d’une chirurgie palliative, la reconstruction peut être faite avec du
ciment.
Ces reconstructions pontant une résection corporéale doivent s’appuyer
sur les vertèbres saines sus- et sous-jacentes.
Il est donc nécessaire
d’exciser les disques adjacents.
L’exérèse discale se fait au bistouri, à la
pince à disque et à la curette.
Elle doit être suivie de l’avivement des
plateaux vertébraux adjacents au ciseau à frapper.
La reconstruction doit
prendre appui sur de l’os solide, aussi faut-il respecter si possible l’os
sous-cortical, plus dense, des plateaux vertébraux.
B - Charnière cervicodorsale
:
Les charnières posent toujours un problème de voie d’abord et un
problème mécanique.
En cas de tumeur située dans le corps vertébral,
l’abord antérieur par une voie SCM gauche préservant le nerf récurrent permet
d’atteindre le plateau supérieur de D3.
La
difficulté technique se situe donc pour des tumeurs antérieures
de D2 ou de D3.
Un artifice technique original de sternotomie
partielle permet de bien dégager le corps de D2, D3, à la limite D4.
Cette sternotomie est dans le prolongement de la voieSCMgauche avec
une coupe sternale à la scie oscillante en « T » inversé allant seulement
jusqu’au deuxième espace intercostal, limitant de ce fait le risque de
brèche pleurale lors de la dissection.
L’abord rétrosternal prudent doit
respecter le tronc veineux brachiocéphalique gauche.
Le problème
mécanique réside dans le fait que toute tumeur réséquée nécessite une reconstruction, par voie antérieure ou postérieure selon les cas, pour
éviter une déstabilisation qui peut entraîner un rachis en « col de
cygne ».
C - Rachis dorsal
:
1- Chirurgie d’exérèse tumorale
:
* Tumeurs de l’arc postérieur (épineuse ou lame) et du massif
articulaire :
La technique chirurgicale est identique à celle du rachis cervical de C2 à
C7.
* Tumeurs du pédicule
:
Les pédicules vertébraux unissent les massifs articulaires à la face
postérieure des corps vertébraux.
Ils naissent en arrière, à la jonction des
articulaires inférieure et supérieure.
C’est là qu’il faut les attaquer.
Il faut
d’abord réséquer l’articulaire inférieure de la vertèbre sus-jacente et le
massif articulaire de la vertèbre correspondante.
On peut parfois garder
l’articulaire inférieure solidaire de la lame, mais ceci n’est pas toujours
possible.
L’apophyse transverse correspondante est soit réséquée elle
aussi, soit laissée latéralement.
* Tumeurs de l’apophyse transverse
:
Elles peuvent être enlevées par voie médiane postérieure.
Après avoir
réalisé un abord classique, on se porte très latéralement en dehors du
massif articulaire.
La transverse est alors repérée facilement, oblique en
dehors et en arrière, elle est réséquée après avoir été sectionnée au ras de
son insertion sur le pédicule et le massif articulaire.
Pour
l’enlever, il faut encore la libérer de l’articulation costale à l’aide d’une
rugine de Farabeuf et couper les ligaments costotransversaires.
Elle peut
être ainsi enlevée en un seul bloc, et non par morcellement.
Lorsque la
tumeur de l’apophyse transverse se prolonge plus en avant du pédicule
ou du corps vertébral, elle peut aussi être enlevée par une costotransversectomie ou par une voie antérolatérale rétropleurale.
Le
choix entre ces différentes voies d’abord dépend du caractère isolé ou
non de la tumeur et de son extension en arrière (abord postérieur) ou en
avant (abord postérolatéral ou antérolatéral).
Quand l’extension
tumorale se fait à la fois en avant et en arrière, c’est l’indication de la
voie postérieure élargie.
* Tumeurs du corps vertébral (arc antérieur)
:
Indépendamment des lésions des deux ou trois premières vertèbres
dorsales, qui peuvent être abordées par voie cervicale, l’abord du corps
antérieur des vertèbres dorsales peut se faire soit par des voies latérales,
soit par voie postérieure élargie.
Deux voies latérales sont
possibles :
– postérolatérale ou costotransversectomie : elle peut être réalisée sur
plusieurs étages, jusqu’à quatre ou cinq.
Elle donne un jour remarquable
sur la face latérale et antérieure des corps vertébraux, et sur toute la partie
postérieure de l’arc vertébral.
Cet abord permet d’enlever les lésions
tumorales du pédicule, de l’apophyse transverse, de la lame et même de
l’épineuse.
Il permet l’excision complète de plusieurs corps vertébraux.
Il est à noter cependant que lors de lésions très étendues, les pédicules vasculonerveux barrent transversalement la voie d’abord, et doivent
parfois être sectionnés.
L’excision de la face opposée du corps vertébral
se fait quant à elle un peu à bout d’instrument.
En cas de tumeur paravertébrale n’envahissant pas la lame, la préservation de celle-ci est
un bon artifice technique pour préserver le fourreau dural et donc éviter
tout déficit neurologique postopératoire.
En effet, seule la racine passant
sous le pédicule est visualisée et, à aucun moment, le fourreau dural.
Le
temps de résection costale se fait de préférence en bloc avec une rugine
rigide de Farabeuf ;
– antérolatérale, rétropleurale, avec ou sans résection costale en
fonction du nombre de vertèbres à aborder.
Il faut savoir qu’un
tel abord doit toujours se faire par la côte correspondant à la vertèbre la
plus haut située que l’on veut aborder.
Si l’on veut, en cours
d’intervention, agrandir le champ opératoire, il est toujours facile en
sous-cutané d’aborder les côtes sous-jacentes.
Un tel abord antérolatéral
permet d’autre part, sans désinsertion diaphragmatique, d’aller exciser
jusqu’à la première vertèbre lombaire après dissection des piliers.
L’abord antérolatéral des vertèbres dorsales peut se faire aussi par thoracoscopie nécessitant la présence d’un chirurgien orthopédique et
thoracique pour pallier toute complication.
La résection tumorale se fait
par morcellement grâce à un abord moins « invasif » que par chirurgie
« traditionnelle ».
* Tumeurs de l’arc postérieur et antérieur (vertébrectomie totale)
:
La vertébrectomie totale et la reconstruction peuvent être réalisées en
un seul temps par une voie postérieure élargie, comme l’a décrit Roy-Camille.
L’intervention va comporter les temps successifs suivants :
– une laminectomie exposant le fourreau dural et l’origine des racines ;
– une costotransversectomie bilatérale sur trois étages si l’on
veut enlever une seule vertèbre ; l’abord sera bien plus large s’il s’agit
d’enlever plusieurs vertèbres pour une atteinte néoplasique étendue.
Les
pédicules vasculonerveux intercostaux sont repérés, respectés ou liés
selon qu’ils sont envahis ou non ;
– une résection bilatérale des pédicules vertébraux emmenant en même
temps les apophyses articulaires. Il est dès lors possible de décoller à la
spatule mousse la face antérieure du fourreau dure-mérien du ligament
vertébral commun postérieur ou de la tumeur elle-même s’il est envahi ;
– un abord médiastinal postérieur par voies droite et gauche se
rejoignant devant le corps vertébral.
Pour cette chirurgie tumorale, la
dissection, lors de ce temps, se fait dans le plan de clivage qui limite la
zone tumorale ;
– une stabilisation préventive doit être effectuée à ce temps de
l’intervention.
Deux plaques sont vissées dans les pédicules des deux
vertèbres saines sus- et sous-jacentes à la lésion ;
– le ou les corps vertébraux à exciser sont alors isolés du reste du rachis.
Les temps de section haute et basse sont effectués à la scie de Gigli
, qui permet de sectionner le ligament commun antérieur, le mur
vertébral antérieur et la partie antérieure des corps vertébraux, sans
menacer les éléments prévertébraux du médiastin postérieur.
Cette section doit se faire en zone saine, au-delà des disques sus- et sousjacents
à la lésion.
La partie postérieure du trait de section se fait
d’arrière en avant, au ciseau à frapper.
Il est évident qu’au cours de tous
ces gestes et des suivants, il faut en permanence veiller à ne pas
traumatiser l’axe dure-mérien, qui ne doit en aucun cas être récliné :
toutes les manoeuvres opératoires se font en passant de part et d’autre de
la dure-mère, de façon latérale ;
– l’exérèse du bloc uni- ou plurivertébral ainsi isolé peut alors se faire,
soit en un seul bloc que l’on extirpe d’un côté ou de l’autre de l’axe duremérien,
soit après l’avoir fragmenté en deux moitiés d’un coup de ciseau
sagittal : les deux fragments sont alors extirpés à travers le
grillage des pédicules intercostaux ;
– une greffe massive à trois corticales reconstituant le corps vertébral,
prise dans le bloc osseux des épines iliaques postérieures, est encastrée en force entre les deux vertèbres adjacentes.
L’ensemble est
parfaitement maintenu par les deux plaques vissées déjà mises en place,
les vis posées depuis les plaques vont aussi se ficher dans la greffe pour
encore la stabiliser.
Si besoin, deux greffes tibiales vissées dans les
transverses à côté des plaques peuvent renforcer l’apport osseux ;
– si cet apport osseux antérieur paraît insuffisant pour assurer la stabilité
à long terme du rachis, on peut effectuer une greffe postérolatérale
complémentaire.
Cette greffe est formée d’une longue baguette tibiale
qui est vissée au bord externe de l’une des plaques d’ostéosynthèse, dans
la racine des transverses des deux vertèbres sus- et sous-jacentes à la
lésion.
Cette greffe complémentaire peut être décidée de principe dans
le même temps opératoire ou n’être effectuée que secondairement, au
vu de l’aspect radiologique lors de la consolidation de la greffe
antérieure.
Les soins postopératoires comportent le lever de l’opéré dans la semaine
postopératoire, sous couvert d’un corset moulé sur mesure en
polyéthylène qui est, en cas de lésions thoraciques hautes, un corset-minerve.
D - Chirurgie de reconstruction
:
1- Stabilisation de l’arc postérieur
:
La fixation postérieure se fait grâce à des plaques vissées dans les
pédicules selon des techniques déjà vues.
Bien sûr, d’autres
instrumentations peuvent être utilisées telles que les tiges associées à des
crochets.
2- Reconstruction du corps vertébral
:
Elle fait appel aux mêmes techniques que pour le rachis cervical.
E - Charnière dorsolombaire
:
Il s’agit d’un problème de voie d’abord.
Pour les tumeurs situées au
corps vertébral, la voie antérolatérale est conseillée.
L’abord se fait par
la 11e côte, et tout en restant en rétropleural, le diaphragme est désinséré
petit à petit, de sa périphérie jusqu’aux piliers.
Ceux-ci sont bien vus à la
face antérieure des premières vertèbres lombaires et sont désinsérés
facilement.
L’arcade du psoas apparaît au niveau de L1 et la poursuite
de l’exérèse vertébrale au niveau lombaire se fait en passant au bord
interne de ce psoas en rétropéritonéal.
Dans tous les cas, l’excision
tumorale se fait par morcellement après ligature des pédicules
vasculaires.
Il importe également de bien ruginer le ligament commun
vertébral antérieur et la face controlatérale à l’abord.
Ceci permet de
protéger au mieux le médiastin et les vaisseaux.
Ce geste est plus aisé
que par costotransversectomie.
F - Rachis lombaire
:
1- Chirurgie d’exérèse tumorale
:
* Tumeurs de l’arc postérieur (épineuse et lame)
:
La technique est identique aux tumeurs du rachis cervical.
* Tumeurs du massif articulaire
:
L’excision est aussi simple, qu’il s’agisse d’une articulaire inférieure ou
d’une articulaire supérieure, puisque l’interligne est sagittal.
L’articulaire apparaît sur sa tranche dans un axe antéropostérieur et elle
peut être enlevée le plus souvent en bloc, en sectionnant son attache à
l’isthme après avoir sectionné la capsule articulaire attenante, ainsi que
le ligament jaune en dedans pour une articulaire inférieure.
* Tumeurs du pédicule
:
L’interligne des articulaires est sagittal, il suffit de réséquer d’abord le
massif articulaire en arrière du pédicule, respectant là aussi si possible
l’articulaire inférieure solidarisée de la lame.
On arrive ainsi sur
l’extrémité postérieure du pédicule qui part sagittalement « droit
devant ».
C’est la direction de la pince gouge qui progressivement va
réséquer tout le pédicule, après avoir éventuellement à l’aide de spatules,
refoulé les racines sus- et sous-jacentes dans les trous de conjugaison.
* Tumeurs de l’apophyse transverse
:
L’excision se fait par voie postérieure après dégagement très latéral du
massif articulaire.
Les muscles lombaires paravertébraux sont
désinsérés latéralement jusqu’à repérer l’extrémité de l’apophyse
transverse.
Il y a latéralement de nombreuses hémostases à faire.
L’apophyse est toujours beaucoup plus antérieure et plus profonde que
l’on peut l’imaginer et son excision est souvent difficile à réaliser.
Aussi est-il parfois nécessaire d’utiliser plutôt une voie postérolatérale passant à travers ou en dehors des muscles
paravertébraux.
L’excision se fait par morcellement progressif ou par
résection en bloc.
* Tumeurs du corps vertébral (arc antérieur)
:
+ Lésions de L1 à L4
:
L’excision se fait très simplement par abord antérolatéral rétropéritonéal
passant au besoin par la 11e ou 12e côte, en cas de lésions de la première
vertèbre lombaire.
Le rachis est abordé, le ligament vertébral commun antérieur est désinséré longitudinalement, permettant de mettre en place un écarteur
ou une lame malléable entre la face profonde de ce dernier et la face
opposée du corps vertébral, pour refouler les vaisseaux et le péritoine.
Le corps vertébral est enlevé au ciseau à frapper, ou à la pince gouge, et
à la curette.
Mais là encore, une excision autre que par morcellement est
quasi impossible à réaliser, si une seule voie d’abord est pratiquée.
Le
mur postérieur du corps vertébral peut être repéré d’emblée assez
facilement pour connaître la profondeur de la vertèbre à l’aide d’un
écarteur contre-coudé type Hohman qui est posé juste à l’origine de la
transverse, ou même mis en place après repérage préalable, au bord
antérieur du trou de conjugaison.
La profondeur de la vertèbre étant ainsi
précisée, on peut enlever facilement tout le corps vertébral sans risque
de léser l’axe dure-mérien.
L’abord ne permet que difficilement un
contrôle endorachidien pour enlever une épidurite ou une prolifération
tumorale comprimant l’axe dure-mérien.
Si un abord antérolatéral
bilatéral est effectué, une résection monobloc est faisable mais
techniquement très difficile.
+ Lésions de L5
:
Une telle voie d’abord antérolatérale permet d’aborder jusqu’à la
cinquième vertèbre lombaire.
Cet abord est surtout indiqué lors de
lésions associées de la quatrième et de la cinquième vertèbre lombaire.
Il faut pour cela descendre progressivement au bord antéro-interne du
psoas jusqu’à la veine iliolombaire qui apparaît alors volumineuse
transversalement.
Il faut lier cette dernière et la sectionner : c’est cette
ligature qui permet l’abord de la face antérolatérale de L5 dont l’excision
peut être menée facilement jusqu’au disque L5-S1 à la curette et à la
pince gouge.
+ Tumeurs isolées de la cinquième vertèbre lombaire
:
La voie de prédilection est un abord sous-ombilical transpéritonéal.
En cas de lésion tumorale, il est bon de repérer les éléments
du carrefour vasculaire.
Cet abord peut être parfois gêné par des
anomalies de bifurcation des gros vaisseaux veineux et artériels.
Une
phlébographie peut être éventuellement nécessaire en préopératoire
pour reconnaître les connexions vasculaires avec la tumeur à réséquer.
Le ligament commun antérieur est alors incisé longitudinalement, et
dégagé latéralement, assez loin jusqu’au bord latéral de la cinquième
vertèbre lombaire.
Après avoir pris soin de disséquer et de repérer au
maximum les plexus présacrés, l’excision peut se faire facilement au
ciseau à frapper en partant au besoin des disques L4-L5 et L5-S1.
* Tumeurs de l’arc antérieur et postérieur (vertèbre totale)
:
Cette chirurgie doit se faire en deux temps car le corps vertébral est trop
profond :
– le premier temps postérieur comporte la résection de l’arc postérieur,
la libération latérale du corps vertébral aussi loin que possible et
l’ostéosynthèse ;
– le deuxième temps, au cours de la même séance en retournant l’opéré,
ou 8 jours après, se fait par voie latérale sous-péritonéale et permet
l’exérèse complète en monobloc du corps vertébral suivie de la
reconstruction de ce dernier.
Parfois, une chirurgie en trois temps est nécessaire : abord postérieur
pour la synthèse, puis antérieur pour le contrôle des vaisseaux et de la
tumeur, puis postérieur pour effectuer la résection tumorale, ceci
pouvant se passer durant le même temps opératoire ou non.
2- Chirurgie de reconstruction
:
La technique a déjà été vue lors du rachis cervical et dorsal.
G - Carrefour lombo-sacro-iliaque
:
L’exérèse des tumeurs à ce niveau pose des problèmes de voies d’abord.
Ceci à déjà
été discuté.
Une approche originale
consiste en une double voie d’abord postérieure classique et
antérolatérale sous-péritonéale, en passant en transiliaque (le patient
étant en décubitus latéroventral à 45° sur le côté opposé à la tumeur).
On commence par l’abord postérieur centré sur L5, de L3 à S2.
On
dégage les deux gouttières paravertébrales en poussant le plus loin
possible la dissection du côté de la tumeur.
Le contrôle de la dure-mère
s’effectue par une laminectomie dont l’étendue dépend de l’importance
de la lésion.
On s’étend latéralement au-delà des facettes articulaires de
façon à dégager les foramens.
On expose ainsi les racines avec la tumeur
dès leur origine.
Le temps postérieur étant achevé, on peut alors commencer le temps
antérieur.
En faisant rouler la table vers l’arrière, on peut pratiquer
l’incision antérieure.
Il s’agit d’une voie antérolatérale classique rétropéritonéale permettant le contrôle des vaisseaux iliaques et la face
antérieure du rachis.
Plus en arrière, un abord latéral des vertèbres et de
la tumeur est possible.
Le contrôle du pôle supérieur de la tumeur est simple.
En revanche, le
contrôle du pôle inférieur est plus difficile surtout si la tumeur descend
bas vers le corps de S1.
Il faut alors dégager les fosses iliaques externe et
interne et sectionner la partie haute convexe de l’aile iliaque jusqu’à
l’articulation sacro-iliaque plus ou moins bas en fonction de la tumeur.
La tumeur étant parfaitement contournée, on peut effectuer la tumorectomie en monobloc, par ostéotomie rachidienne dans un plan
sagittal et dans un plan transversal.
Dans un plan sagittal sur plusieurs étages, l’ostéotomie se fait d’arrière
en avant, la dure-mère est refoulée et protégée, un ciseau à frapper est
placé sagittalement dans le canal rachidien entre les racines.
H - Conditions pour réaliser une chirurgie réséquant
« en bloc » la tumeur :
Au rachis, il n’est pas possible d’envisager une résection qui réponde
aux critères habituels de la carcinologie.
Les rapports de voisinage sont
trop étroits pour autoriser des gestes larges et forcément délabrants.
Respecter le caractère purement extratumoral est, en revanche,
parfaitement réalisable grâce à des gestes adaptés à chaque siège tumoral
sur la vertèbre.
Chaque fois que possible, le geste chirurgical doit
emporter la tumeur dans son ensemble sans ouvrir celle-ci et en passant
à distance de ses limites. Une telle résection ne peut
qu’exceptionnellement s’étendre très loin de la coque tumorale.
Dans
quelques cas, une résection associée de la dure-mère, de la plèvre, voire
du parenchyme pulmonaire est réalisable.
Dans d’autres cas, il faut
accepter le sacrifice d’un élément noble tel que racine nerveuse ou artère
vertébrale.
L’ensemble de ces facteurs explique la terminologie de vertébrectomie totale plutôt que « carcinologique ».
Les possibilités de résection sont fonction du siège de la tumeur sur l’arc
vertébral, mais aussi fonction du niveau rachidien et de la localisation
de l’artère nourricière de la moelle.
Les indications et les limites de la vertébrectomie ont été bien décrites par Roy-Camille.
1- Au rachis cervical supérieur (C1-C2)
:
Aucun geste monobloc extratumoral n’est techniquement réalisable, en
dehors de quelques exceptionnelles lésions localisées dans la partie toute
antérieure du corps de C2.
2- Au rachis inférieur (C3-C7)
:
Une lésion isolée du corps vertébral est accessible à une vertébrectomie
subtotale réalisée par un abord antérieur pré-SCM.
Ses limites sont, de
chaque côté, les foramens et le canal vertébral qui ne doivent pas être
envahis. Elle peut nécessiter le contrôle uni- ou bilatéral des artères
vertébrales. Elle passe dans les disques sains adjacents.
Dès qu’il existe une atteinte du pédicule et du canal vertébral, le geste de
résection nécessite une résection de l’artère vertébrale et de la racine
nerveuse correspondante.
La section radiculaire est décidée
bien sûr en préopératoire.
Le chirurgien doit expliquer auparavant, au
patient, les conséquences fonctionnelles que cela entraîne ainsi que les
possibilités ultérieures de chirurgie palliative des paralysies du membre
supérieur.
Cette explication de la chirurgie au patient est primordiale,
permettant d’instaurer une confiance du patient vis-à-vis de son
chirurgien et aussi dans un but médicolégal.
La limite d’extension postérieure permettant de réaliser de façon
satisfaisante une telle résection dans une lésion unilatérale est le massif
articulaire.
À ce stade, un contrôle simultané antérieur et postérieur est
indispensable.
L’abord est donc fait en décubitus latéral, autorisant les
deux incisions et le passage rapide de l’une à l’autre.
Dès que la lame est
atteinte, il faut morceler tout ou une partie de l’arc postérieur perdant
ainsi le bénéfice d’une exérèse extratumorale.
En cas d’atteinte
bilatérale sans lésion de l’arc postérieur, la vertébrectomie totale
extratumorale est encore concevable, mais avec une résection bilatérale
des artères vertébrales qui doivent être préalablement dérivées.
3- Au rachis dorsal
:
La vertébrectomie totale par voie postérieure permettant un abord
bilatéral élargi est préférée à un abord antérieur ou antérolatéral isolé qui
ne permet pas le contrôle de la face du corps vertébral controlatéral à
l’abord, ni l’exérèse du pédicule de ce même côté.
Au contraire, l’abord
postérieur autorise une résection complète du corps vertébral après résection de l’arc postérieur.
Il permet également une résection
monobloc en cas d’atteinte unilatérale d’un pédicule, voire d’une côte
adjacente ou, au maximum, d’un massif articulaire.
L’atteinte de deux pédicules et/ou des lames est, comme à l’étage
cervical, la limite puisque celle-ci impose le morcellement tumoral.
La présence de l’artère d’Adamkiewicz à un trou de
conjugaison correspondant à la lésion tumorale contre-indique toute
résection complète de la tumeur, surtout par voie postérieure élargie.
4- Au rachis lombaire
:
Les possibilités de chirurgie extratumorale sont plus limitées qu’aux
niveaux cervical et dorsal.
Une lésion isolée du corps vertébral reste accessible à une spondylectomie totale par voie antérolatérale.
L’atteinte de l’un des
deux pédicules interdit malheureusement toute résection extratumorale.
Il faut rappeler que la vertébrectomie totale lombaire passe
par un double abord qui ne peut être simultané.
L’arc postérieur est
réséqué dans un premier temps jusqu’à la partie postérieure du corps
vertébral, ce qui implique le morcellement des pédicules.
Le corps
vertébral est ensuite retiré en monobloc par l’abord antérolatéral.
I - Sacrum
:
Les tumeurs du sacrum posent des problèmes techniques différents.
La
chirurgie de résection carcinologique n’est proposée que pour les
tumeurs malignes primitives et pour les chordomes (tumeur bénigne à
potentiel malin) considérés comme malins à part entière.
La chirurgie
des tumeurs bénignes consiste le plus souvent en un curetage.
1- Chirurgie d’exérèse
:
* Tumeurs de S1 et/ou S2
:
Cette chirurgie comprend une double voie d’abord, antérieure dans un
premier temps puis postérieure.
+ Abord antérieur
:
Il est nécessaire pour contrôler les veines présacrées qui, si elles ne sont
pas ligaturées, peuvent entraîner une hémorragie cataclysmique lors de
la résection.
Il est recommandé de faire appel à un chirurgien digestif ou
vasculaire pour effectuer ce temps de contrôle vasculaire et parfois de
libération des anses coliques gauches en cas de tumeur de gros volume.
On peut opter pour une voie médiane sous-ombilicale transpéritonéale
ou une voie pararectale rétropéritonéale droite et/ou gauche selon la
position de la tumeur, ou une voie transversale par hémipfannenstiel
droit et/ou gauche.
Quoi qu’il en soit, à chaque fois que cela est possible,
il faut opter pour une voie rétropéritonéale, moins douloureuse pour le
patient.
Les voies latérales permettent de bien contrôler l’extension
tumorale à l’aile iliaque et à l’articulation sacro-iliaque.
Par cet abord
antérieur, on peut marquer les limites de section osseuse par un coup de
ciseau à frapper et ce plan de section est retrouvé lors du temps
postérieur de résection tumorale.
Pour préserver les vaisseaux et/ou les
anses intestinales, un champ en tissu « marqué », s’interposant entre les
corps sacrés et la cavité pelvienne, peut être laissé et est récupéré par
voie postérieure après la résection tumorale.
En cas d’adhérence de la
paroi rectale à la tumeur (ce qui est rare), le rectum doit être réséqué en
bloc avec la tumeur et une colostomie d’amont doit être pratiquée.
Ce
premier temps est souvent peu hémorragique car tous les vaisseaux sont
contrôlés.
Ensuite, le malade est retourné pour pratiquer l’abord
postérieur.
+ Abord postérieur
:
On peut faire une voie médiane postérieure centrée sur les épineuses, ou
une voie en « étoile » permettant d’avoir un meilleur contrôle
sur les faces latérales du sacrum et les articulations sacro-iliaques, ainsi
que sur les ailes iliaques.
Si la tumeur ne se situe que d’un seul côté, une hémivoie en « étoile » est effectuée.
Lors de l’atteinte de S1, la
charnière lombosacrée doit être bien individualisée, pour bien contrôler
le disque L5-S1, limite supérieure du plan de section de la tumorectomie.
En cas de tumeur de S2, c’est le disque S1-S2 qui représente ce plan de
section.
Une laminectomie lombosacrée ou sacrée est ensuite
effectuée selon la localisation tumorale à la pince de Kérisson en faisant
attention à ne pas faire de brèche durale car, à ce niveau, la dure-mère a
tendance à s’horizontaliser selon la configuration du sacrum.
La
laminectomie pratiquée, il faut lier par un point de Meunier les racines
englobées par la tumeur, pour pouvoir pratiquer la résection monobloc
de la tumeur.
La ligature se fait à partir des racines L5 en cas de tumeur
S1 (car la fossette de Cunéo et Marcille est le plus souvent envahie) et à
partir de S1 en cas de tumeur de S2.
La résection tumorale se fait au ciseau de Pauwels après avoir délimité
la limite supérieure de la tumeur en faisant les sections latérales au
niveau des ailerons sacrés, au large de la tumeur.
Cette résection sacrée
est souvent assez hémorragique et doit se faire rapidement.
Lorsque le
sacrum est réséqué, le champ en tissu laissé lors de l’abord antérieur
apparaît, celui-ci est donc retiré.
Les tranches osseuses sont cirées pour
effectuer une hémostase soigneuse.
En cas d’hémorragie incoercible,
l’utilisation de colle biologique est souvent efficace pour tarir le
saignement.
* Tumeurs sacrées de S3 à S5
:
Cette localisation permet de simplifier la chirurgie car le temps de
résection peut être pratiqué seulement par voie postérieure uniquement.
La voie d’abord peut être médiane ou en « étoile ».
On pratique une
laminectomie pour contrôler les racines sacrées. Une foraminectomie de
la racine sus-jacente à la tumeur est faite (S2 pour une tumeur S3 ou S3
pour une tumeur S4).
On lie par un point de Meunier le fourreau dural, juste au-dessus de
l’envahissement tumoral.
On repère le coccyx puis progressivement on libère les faces latérales
du sacrum avec section des muscles pyramidaux et du ligament sacroiliaque
droit et gauche.
On palpe alors facilement la tumeur présacrée.
La libération du rectum peut être faite par un chirurgien digestif si le
rectum colle trop à la tumeur.
Pour bien repérer le rectum, une bougie de Hegar peut être introduite en préopératoire dans l’anus.
Lorsque le
rectum est totalement libéré, on effectue la résection tumorale en bloc à
l’aide de ciseaux de Pauwels, en faisant attention aux racines susjacentes
à la tumeur.
2- Chirurgie de reconstruction
:
Cette chirurgie n’est pratiquée qu’en cas de résection totale du sacrum,
c’est-à-dire en cas de tumeur de S1.
Deux attitudes thérapeutiques sont
alors possibles :
– aucune reconstruction : le rachis est alors maintenu par une sorte de
« hamac fibreux », le patient pouvant se mettre debout et marcher, avec
bien sûr une diminution de la taille ;
– reconstruction par une instrumentation en triangulation, associée à
des autogreffes : l’instrumentation relie les ailes iliaques restantes entre
elles, et chaque aile iliaque au rachis lombaire.
L’autogreffe est
composée de morceaux de péroné et de baguettes tibiales s’appuyant sur
les ailes iliaques restantes et les faces latérales ou les faces transverses des vertèbres L4 ou L5.
Ces autogreffes sont encastrées et vissées le plus
souvent.
Le patient doit observer un décubitus d’au moins
3 mois.
En cas de résection tumorale de S1 ou S2, apparaît un grand vide laissé
en place pouvant s’infecter facilement.
On préconise alors, durant le
temps antérieur, de faire un lambeau épiploïque qui est mis à la place de
la pièce réséquée.
Ceci constitue un bon moyen de lutte contre une
éventuelle infection.