Localisation peropératoire et principes du traitement chirurgical des tumeurs endocrines du pancréas Cours d'Hépatologie
Introduction
:
Les tumeurs endocrines pancréatiques (TEP) sont développées à
partir des cellules endocrines situées dans le parenchyme
pancréatique et/ou dans la paroi duodénale.
Elles sont malignes
dans 30 à 50 % des cas, et se caractérisent généralement par une
évolution relativement lente avec des taux de survie spontanée ou
après exérèse largement supérieurs aux adénocarcinomes
pancréatiques ductulaires classiques.
L’exérèse complète de la tumeur primitive et de ses éventuelles
métastases est cependant une condition nécessaire pour obtenir une
guérison définitive de la maladie.
Cet objectif peut être atteint chez
15 à 35 % des patients en cas de gastrinome sporadique et chez
plus de 90 % en cas d’insulinome sporadique, justifiant ainsi
l’indication opératoire dès lors qu’une tumeur sporadique apparaît
résécable.
Le traitement chirurgical des TEP développées dans le
cadre d’une néoplasie endocrinienne multiple (NEM) est plus
controversé du fait de la plus grande fréquence des formes
multifocales et de la plus petite taille des lésions.
Certains
préconisent cependant une exérèse afin de diminuer la sécrétion
hormonale qui peut parfois mettre en jeu le pronostic vital
(insulinome) et pour améliorer la survie en prévenant la survenue
de métastases hépatiques, d’autant qu’il s’agit habituellement de
patients jeunes.
Objectifs de l’exérèse
:
Les TEP sont souvent fonctionnelles et se caractérisent par un
syndrome clinicobiologique d’hypersécrétion hormonale
généralement révélateur de la maladie.
Lorsqu’elles sont non
sécrétantes, les TEP peuvent être découvertes de façon fortuite ou à
l’occasion d’une symptomatologie liée à la progression tumorale.
Les
TEP peuvent être sporadiques ou s’intégrer dans une NEM de type
I qui pose de difficiles problèmes thérapeutiques du fait de la
multiplicité des lésions, et de leur potentiel malin.
Les TEP ont
généralement une évolution locale en refoulant plutôt qu’en
envahissant les organes de voisinage, si bien que la taille importante
d’une tumeur ne compromet pas toujours son exérèse.
Leur
dissémination se fait habituellement par voie lymphatique et/ou
veineuse sous forme de microemboles tumoraux, conduisant
généralement à la survenue de métastases ganglionnaires,
hépatiques et pulmonaires.
Même si des survies prolongées spontanées de l’ordre de 20 à 40 %
à 5 ans ont été rapportées chez des malades ayant des TEP
métastatiques, le risque de complications locales et d’échappement
aux traitements médicaux doit systématiquement faire envisager un
traitement chirurgical.
On peut schématiquement définir trois
objectifs au traitement chirurgical des TEP :
– exérèse à visée curatrice de la tumeur et de ses éventuelles
métastases ;
– exérèse à visée cytoréductrice pour traiter un syndrome sécrétoire
hormonal qui ne peut pas être contrôlé par le traitement médical ;
– exérèse de la tumeur primitive pour prévenir ou traiter
d’éventuelles complications locales.
Les gestes chirurgicaux les plus couramment pratiqués sur les TEP
sont schématiquement les suivants :
– énucléation de la tumeur. Celle-ci est possible pour les tumeurs
bénignes généralement de petite taille (< 2 cm), superficielles et
situées à distance du canal pancréatique principal ;
– exérèses réglées.
Elles sont généralement effectuées pour les
tumeurs malignes (ou suspectes de malignité) et les tumeurs
bénignes situées au contact du canal de Wirsung.
Il s’agit d’une duodénopancréatectomie céphalique pour les tumeurs céphaliques
d’une splénopancréatectomie gauche ou d’une pancréatectomie
gauche ou caudale sans splénectomie pour les tumeurs du corps et
de la queue du pancréas.
Les lésions isthmiques ou médianes
peuvent être enlevées en élargissant une exérèse céphalique ou
caudale ou, de façon plus économe, par une isthmectomie.
Exploration peropératoire
:
Le bilan morphologique actuel (i.e. scanographie hélicoïdale,
portoscanner, scintigraphie des récepteurs de la somatostatine,
échoendoscopie et imagerie par résonance magnétique) permet,
dans plus de 85-90 % des cas, de localiser la tumeur primitive et ses
éventuelles métastases ganglionnaires, hépatiques ou thoraciques.
Cependant, la sensibilité de ces examens varie en fonction du type
de la tumeur primitive et le bilan préopératoire doit être
systématiquement complété par une exploration peropératoire
incluant palpation, échographie, duodénoscopie, transillumination,
voire gamma détection afin de localiser les tumeurs de petite taille.
Le premier temps est commun à l’ensemble des TEP.
Il comporte un
décollement coloépiploïque complet et une large mobilisation
duodénopancréatique.
Ce temps permet de visualiser et palper toute
la glande pancréatique et de pratiquer une échographie peropératoire.
On effectue également une exploration de l’ensemble
de la cavité abdominale afin de ne pas méconnaître une
exceptionnelle localisation ectopique sur un pancréas aberrant,
l’intestin grêle, les ovaires, l’estomac ou la rate.
La palpation bimanuelle de la tête, la visualisation des aires ganglionnaires
rétropancréatiques et interaorticocaves permettent de prélever
d’éventuels ganglions suspects.
La sensibilité de la palpation est
supérieure à celle des autres examens peropératoires pour rechercher
un envahissement ganglionnaire dans les aires pré- et
rétroduodénopancréatiques, pédiculaire hépatique, mésentérique
supérieure, latéroaortique et splénique.
En cas de recherche de gastrinome, la palpation doit être complétée
par une échographie (sonde de 7,5 MHz), une duodénoscopie avec
transillumination et une duodénotomie.
Cette exploration peropératoire exhaustive fait passer le taux de détection lésionnelle
à plus de 90 %.
La sensibilité de l’échographie est meilleure dans
l’exploration du pancréas (90 %) que dans l’exploration des
localisations extrapancréatiques (58 %).
La détection isotopique peropératoire des récepteurs de la somatostatine est en cours
d’évaluation.
Réalisé in situ, cet examen ne semble pas améliorer la
localisation des TEP.
Réalisé ex vivo, il permet de confirmer le
caractère fixant des pièces d’exérèse.
Principes de l’exérèse
:
Les TEP pancréatiques peuvent être réséquées par une énucléation
ou par une exérèse pancréatique droite (duodénopancréatectomie
céphalique), centrale (isthmectomie) ou gauche
(splénopancréatectomie gauche ou pancréatectomie gauche).
Le
choix de l’exérèse dépend de la probabilité de malignité
(généralement suspectée si la taille est supérieure à 2 cm), du siège
et des rapports avec le canal pancréatique principal, du caractère
sporadique ou non.
A - ÉNUCLÉATION
:
En règle générale, elle est proposée en première intention pour toute
tumeur sporadique, présumée bénigne et développée à distance du
canal pancréatique principal.
Cette intervention a pour avantage
l’absence de sacrifice parenchymateux pancréatique et évite ainsi la
survenue d’un diabète postopératoire.
Elle comporte en revanche
un risque élevé de fistule pancréatique, classiquement compris entre
20 et 30 %.
Il semble que ce risque puisse être réduit à moins
de 10 % lorsque l’intervention est réalisée sous le contrôle d’une
échographie peropératoire permettant de localiser précisément le
canal pancréatique principal.
B - RÉSECTIONS PANCRÉATIQUES SEGMENTAIRES
GAUCHES OU MÉDIANES :
Elles sont réservées aux tumeurs du corps ou de la queue du
pancréas non accessibles à une énucléation en raison de leur taille,
de leur rapport avec le canal pancréatique principal, ou de leur
malignité potentielle ou affirmée.
Leur morbidité est de 10 à 30 %,
dominée par les fistules pancréatiques.
Les pancréatectomies
gauches exposent, même en l’absence de pancréatopathie sousjacente,
au risque de diabète postopératoire dans près de 10 % des
cas.
Ce risque semble nul après pancréatectomie médiane.
L’influence de la préservation splénique sur la morbidité reste
controversée.
C - DUODÉNOPANCRÉATECTOMIE CÉPHALIQUE
:
Elle est indiquée en cas de tumeur céphalique volumineuse,
profonde, généralement maligne, développée au contact du canal
pancréatique principal ou de la voie biliaire principale.
Elle est
associée à un taux de mortalité périopératoire d’environ 5 % et à un
taux de fistules de l’anastomose pancréatique compris entre 10 et
20 %. Ce risque est d’autant plus élevé que le parenchyme
pancréatique est mou.
Tumeurs endocrines sécrétantes
:
A - INSULINOMES
:
Leur incidence annuelle est estimée de 0,1 à 2 pour 100 000
habitants.
L’âge de survenue est variable, avec un pic de fréquence
entre 40 et 60 ans ; ils sont exceptionnels avant l’âge de 15 ans.
Dans près de 98 % des cas, ils siègent dans le pancréas, les autres
localisations étant exceptionnelles (pancréas aberrant, duodénum,
antre, hile de la rate). Dans la majorité des cas, il s’agit d’une tumeur
unique.
Leur distribution pancréatique est assez homogène avec une
localisation pour près d’un tiers des cas dans la tête, pour un tiers
dans la queue, et pour un tiers dans le corps et l’isthme.
Il s’agit
d’une tumeur inférieure à 1 cm dans 40 % des cas, de 1 à 3 cm dans
50 % des cas, supérieure à 3 cm dans 10 % des cas. Ils sont malins
dans 10-12 % des cas.
Les métastases hépatiques et/ou
ganglionnaires sont présentes dans près de 5 % de cas.
Dans 5 à
10 % des cas, ils font partie d’une NEM 1 et sont alors le plus
souvent multiples.
Certaines tumeurs peuvent être millimétriques,
ce qui rend leur localisation difficile. Dans la grande majorité des
cas, l’insulinome est donc de petite taille (0,5 à 2 cm), unique et
bénin.
C’est dans cette indication qu’une énucléation est la plus
justifiée. Les insulinomes malins, affirmés par la présence de
métastases ganglionnaires ou viscérales, sont rares (10 % des cas) et ont une
taille généralement supérieure à 2 cm.
1- Insulinomes sporadiques
:
Au terme de l’exploration peropératoire (palpation et échographie
peropératoire), l’insulinome sporadique est localisé dans plus de
90 % des cas.
La surveillance peropératoire de la glycémie
(toutes les 10 minutes) permet d’éviter la survenue d’une
hypoglycémie, qui n’a pas de traduction clinique, mais peut
entraîner des lésions neurologiques irréversibles.
Afin de s’assurer
que l’exérèse est complète, certains ont proposé de doser
l’insulinémie (dont la demi-vie est de 5 minutes) avant et 20 minutes
après l’exérèse tumorale.
2- Insulinomes et néoplasie endocrinienne multiple
de type 1
:
La stratégie chirurgicale des insulinomes développés dans le cadre
d’une NEM 1 est modifiée par leur caractère souvent multiple (70 %
des cas) et la petite taille des tumeurs, dont certaines peuvent être
des microadénomes échappant à la palpation et à l’échographie
peropératoire.
L’indication opératoire reste justifiée par le risque
vital de l’hypersécrétion insulinique.
L’énucléation réalisant l’exérèse
des seules tumeurs détectées en peropératoire, est associée à une
incidence élevée de récidives (40 %).
La pancréatectomie subtotale
(isthmo-corporéo-caudale), associée à l’énucléation des lésions
céphaliques, permet de réduire à moins de 10 % le taux de récidives
à 5 ans et semble représenter l’intervention à préconiser dans cette
situation.
B - GASTRINOMES
:
L’incidence annuelle est d’environ 0,5 à 3 cas par million d’habitants.
L’âge moyen de découverte est situé entre 45 et 50 ans (extrêmes
9-90).
Contrairement aux insulinomes, les gastrinomes sont des
tumeurs essentiellement extrapancréatiques et sont malins dans près
de 60 % des cas.
Ils siègent dans plus de 80 % des cas dans une
région appelée « triangle du gastrinome », limitée par le
pédicule hépatique, l’isthme pancréatique et le troisième duodénum
et englobant la région rétroduodénopancréatique.
Le duodénum
est la localisation préférentielle, avec une fréquence décroissante du
premier au quatrième duodénum.
Les gastrinomes duodénaux
siègent dans la sous-muqueuse, sont volontiers de petite taille (1 à
10 mm) et sont multiples dans 10 à 20 % des cas.
Leur localisation
est précisée par une duodénoscopie peropératoire, complétée par
une transillumination dont la sensibilité (65 à 83 %) est supérieure à
celle de l’échographie peropératoire (25 %) et à celle de la palpation
(40 à 60%).
Cependant, plus d’un tiers des gastrinomes
duodénaux échappent à l’endoscopie, justifiant ainsi de compléter
l’exploration duodénale par une duodénotomie systématique.
Cette
large duodénotomie (du pylore au genus inferius) permet de
visualiser les gastrinomes situés contre la jante duodénale, de palper
la paroi duodénale entre le pouce et l’index et de repérer un
gastrinome sous-muqueux, caché par l’hypertrophie brunnerienne
réactionnelle à l’hypergastrinémie.
Cette exploration a permis de
diminuer de 32 à 4 % le nombre des laparotomies où aucun gastrinome n’était localisé.
Les gastrinomes pancréatiques sont
plus rares et préférentiellement céphaliques.
Enfin, des gastrinomes
ganglionnaires isolés ont été décrits à l’intérieur du triangle, mais
leur caractère primitif ou secondaire reste discuté. Les gastrinomes s’intègrent dans le cadre d’une NEM 1 chez 25 % des
patients.
Ils se présentent alors sous forme de lésions essentiellement
duodénales, particulières par leur multifocalité quasi constante, leur petite
taille et leur association à d’autres TEP sécrétant divers peptides.
1- Gastrinomes sporadiques
:
Les gastrinomes duodénaux sont traités par simple résection
muqueuse et sous-muqueuse en cas de lésion inférieure à 4 mm et
par une résection cunéiforme de la totalité de la paroi en cas de
tumeur plus volumineuse.
Les gastrinomes pancréatiques peuvent,
comme les insulinomes, être traités en première intention par une
énucléation si celle-ci est possible.
Quel que soit le geste d’exérèse,
la fréquence élevée des métastases ganglionnaires (30 % des gastrinomes) justifie la réalisation systématique d’un curage du
« triangle du gastrinome » (pédicule hépatique, aire rétroduodénopancréatique).
Certains
considèrent actuellement que la réduction du risque opératoire
incite à réaliser d’emblée des pancréatectomies réglées afin de
pratiquer une exérèse plus carcinologique.
2- Gastrinomes et néoplasie endocrinienne
multiple de type 1
:
La place de la chirurgie est très controversée.
En pratique, trois
attitudes sont possibles. La première consiste à ne proposer aucun
geste d’exérèse en raison de la difficulté à obtenir une exérèse
tumorale complète ; elle est justifiée par la forte incidence de nonguérisons
ou de récidives de la maladie, et par l’efficacité du
traitement médical sur la sécrétion tumorale.
La seconde, à
l’inverse, est beaucoup plus agressive et associe une pancréatectomie
gauche de principe (exérèse des tumeurs pancréatiques associées),
une énucléation des tumeurs pancréatiques céphaliques, une duodénotomie complétée par une jéjunotomie proximale (excision
des multiples microgastrinomes duodénaux) et un curage ganglionnaire du « triangle du gastrinome ».
Cette attitude a conduit
à la normogastrinémie chez 91 % des patients avec un recul de 1 à
13 ans.
Enfin, la troisième attitude consiste à ne réaliser une
exérèse qu’en cas de tumeur supérieure à 3 cm, afin de diminuer
l’incidence des métastases hépatiques et d’améliorer la survie.
L’indication chirurgicale pour contrôler l’hypersécrétion gastrique
acide (vagotomie supra-sélective, voire gastrectomie totale) est
devenue exceptionnelle.
Il faut également retenir que 30 à 63 % des gastrinomes sont métastatiques au moment du diagnostic (25 % de
métastases hépatiques).
Dans 12 à 17 % des cas, aucune tumeur n’est
trouvée. Dans 18 à 48 % des cas, la tumeur n’est pas métastatique
mais multiple.
De ce fait, l’exérèse à visée curative n’est finalement
effectuée que dans un tiers des cas.
3- Autres tumeurs endocrines sécrétantes
:
Les autres tumeurs endocrines sécrétantes (glucagonome, vipome,
somatostatinome, tumeurs à growth releasing factor [GRF], tumeurs
à parathormone [PTH-rp]) sont beaucoup plus rares.
Elles sont en
général volumineuses et malignes, mais ont une extension
essentiellement locorégionale. Leur exérèse nécessite des
pancréatectomies réglées, droites ou gauches, parfois élargies aux
organes adjacents.
Traitement des tumeurs endocrines
non sécrétantes :
Ces tumeurs sont souvent découvertes à un stade tardif en raison
de l’absence d’hypersécrétion hormonale.
Leur caractère hypervasculaire fait suspecter leur nature endocrine, confirmée par
la scintigraphie des récepteurs de la somatostatine. Ces tumeurs ont
volontiers une extension endoveineuse qui ne représente pas une
contre-indication à l’exérèse.
Le type d’intervention
(duodénopancréatectomie céphalique, splénopancréatectomie
gauche) est dicté par la localisation de la tumeur et complété par un
curage ganglionnaire.
Traitement chirurgical
des métastases hépatiques
:
Les métastases hépatiques des TEP posent des problèmes
particuliers en raison de leur potentiel sécrétoire et des possibilités
thérapeutiques multidisciplinaires.
Elles sont synchrones de la
tumeur primitive, ou métachrones.
Il n’est pas rare que les
métastases hépatiques soient au premier plan alors que la tumeur
primitive n’est pas encore reconnue, essentiellement du fait de sa
petite taille.
Elles sont le principal facteur pronostique défavorable
des TEP.
A - HÉPATECTOMIES
:
Il n’y a pas de consensus en ce qui concerne les modalités
thérapeutiques des métastases hépatiques des TEP. L’exérèse est
indiquée pour diminuer le syndrome sécrétoire et/ou à visée
oncologique pour améliorer la survie.
Bien que des survies très
prolongées soient possibles en l’absence de traitement ou sous
traitement médical (chimioembolisation intra-artérielle ou
chimiothérapie systémique), la tendance actuelle est de proposer un
geste d’exérèse, en particulier lorsque :
– la métastase est résécable sans localisation extra-abdominale
;
– le syndrome
d’hypersécrétion hormonale n’est pas ou mal contrôlé par le
traitement médical ;
– il existe une
gêne fonctionnelle liée à la taille des métastases.
L’exérèse pour
suppression du syndrome d’hypersécrétion hormonale n’est vraiment
efficace que lorsqu’elle permet l’ablation d’au moins 90 % de la
masse tumorale.
En l’absence
d’études contrôlées, il est probable que l’exérèse améliore la
survie, en particulier lorsqu’elle est réalisée à visée curative. La
survie après une exérèse curative est comprise entre 80 et 90 % à 5
ans et entre 50 et 60 % à 10 ans.
Lorsque
l’exérèse est palliative, la survie à 4 ans est d’environ 60 % alors
qu’elle n’est que de 35 % en l’absence de résection.
Chez les patients asymptomatiques
dont les métastases sont stables, l’indication opératoire est plus
controversée et l’abstention peut être, au moins initialement, justifiée
afin d’apprécier l’évolutivité des lésions.
En pratique cependant, un geste d’exérèse est rarement possible et
l’on estime à 10 % le pourcentage de patients candidats à une
exérèse hépatique curative.
En effet, 30 à 40 % des patients ayant
des métastases hépatiques ont également des métastases extrahépatiques (poumons, os), habituellement inextirpables.
Chez
50 à 60 % des patients ayant des métastases exclusivement
hépatiques, la diffusion des lésions rend impossible tout geste
d’exérèse ; enfin, 10 % des patients présentent une contre-indication
médicale à une chirurgie majeure.
L’exérèse des métastases hépatiques, lorsqu’elle est possible,
comporte trois contraintes techniques :
– les lésions sont le plus souvent multiples, et plus de 80 % des
patients ont une atteinte bilobaire. Elles nécessitent donc
habituellement des exérèses majeures et/ou des énucléations
multiples ;
– les tumeurs sont souvent de petite taille, ce qui explique que, par
le passé, seules 30 à 50 % des exérèses à visée curative se soient
effectivement avérées curatives ; il existe donc une justification à
multiplier les examens morphologiques si un geste d’exérèse est
envisagé ; le portoscanner (complété par une échographie ciblée)
semble actuellement l’examen le plus performant ;
– les métastases hépatiques sont habituellement synchrones et il faut
alors associer l’exérèse de la tumeur primitive au geste d’exérèse
hépatique.
Ces constatations nous ont conduit à développer une stratégie
opératoire en deux temps dont l’objectif est de simplifier le geste
opératoire et de rendre résécables des métastases multiples
apparemment non résécables.
Le premier temps consiste en une
exérèse de la tumeur primitive et des métastases situées dans le lobe
gauche et en une ligature de la branche droite de la veine porte.
Cette ligature induit une atrophie du foie droit et une hypertrophie
du foie gauche après quelques semaines permettant de programmer
une lobectomie droite enlevant les métastases résiduelles, 4 à
8 semaines plus tard.
Douze patients ayant plus de dix métastases
hépatiques diffuses ont été traités selon ce protocole avec un recul
de plus de 2 ans. Tous sont vivants dont plus de la moitié sans
récidive.
En cas de métastases hépatiques bilobaires
métachrones, avec un petit lobe gauche hépatique, on peut pratiquer
une embolisation portale droite transcutanée (afin de provoquer une
hypertrophie du foie gauche) et réaliser dans le même temps opératoire, après4-6 semaines, une hépatectomie droite et une
énucléation de lésions gauches en laissant plus de parenchyme
fonctionnel hépatique après résection.
B - TRANSPLANTATION POUR MÉTASTASES HÉPATIQUES
DES TUMEURS ENDOCRINES DIGESTIVES :
Les métastases hépatiques d’origine non endocrine sont une contreindication
à la transplantation, car la récidive est constante et les
taux de survie à 3 ans sont inférieurs à 10 %.
En revanche, la
transplantation reste une option thérapeutique possible chez certains
malades ayant des métastases hépatiques des tumeurs endocrines
car les taux de survie à 1, 3 et 5 ans sont respectivement de 67, 55 et
50 %.
Il faut cependant savoir que le risque
opératoire des transplantations est élevé dans cette indication
(jusqu’à 20 % de mortalité hospitalière) car elles sont habituellement
réalisées chez des patients en mauvais état général et multiopérés.
La mortalité hospitalière peut même atteindre 50 % lorsque s’y
associe l’exérèse en bloc de la tumeur primitive (cluster
transplantations).
La présence de métastases extrahépatiques est une
contre-indication à la transplantation.
En revanche, la présence
d’adénopathies tumorales locorégionales, si elles sont réséquées, ne
semble pas aggraver le pronostic.
Environ deux tiers des
transplantés vivants à 5 ans ont une récidive.
Le pourcentage de
patients guéris par une transplantation est donc très faible.
L’apparition d’une récidive après transplantation est compatible
avec une survie prolongée.
Les malades ayant des métastases
hépatiques de tumeurs non carcinoïdes ont, après résection
hépatique partielle curative, une survie de plus de 75 % à 5 ans.
Cette survie pour toutes tumeurs confondues (carcinoïde et non
carcinoïde) est de près de 50 % à 5 ans après transplantation pour
métastases hépatiques diffuses non résécables.
On peut retenir que
près de 50 % de malades décédés après transplantation hépatique
meurent directement des conséquences d’une récidive et que près
de 50 % de ces récidives sont extrahépatiques.
La transplantation hépatique cadavérique ou à donneur vivant doit
donc être réservée aux patients jeunes ayant des métastases
hépatiques non résécables, chez lesquels la tumeur primitive a été
enlevée, sans localisation extrahépatique, à l’exception des
adénopathies locorégionales qui peuvent être enlevées lors de
l’intervention.
En l’absence de preuve formelle d’une amélioration
du pronostic à long terme, il est difficile d’en préciser les indications
exactes (évolutivité lente ou rapide, sensibilité ou résistance aux
traitements médicaux).
Dans ce contexte, une chimiothérapie
adjuvante est logique mais s’avère en pratique d’organisation
difficile.