Tuméfaction parotidienne Cours
d'ORL (Oto-rhino-laryngologie)
Circonstances de découverte
:
Les tuméfactions parotidiennes, uni- ou bilatérales, peuvent
être diagnostiquées schématiquement devant trois
types de tableaux cliniques :
– découverte fortuite par le patient ou le médecin d’une
tuméfaction parotidienne ;
– tuméfaction parotidienne douloureuse déclenchée par
l’alimentation ;
– tuméfaction parotidienne douloureuse dans un tableau
infectieux, parfois au-devant de la scène.
Diagnostic clinique
:
1- L’interrogatoire :
Il doit préciser :
– l’âge du patient ;
– sa profession ;
– ses habitudes alimentaires, la notion d’une intoxication
alcoolique ;
– l’existence d’une pathologie rhumatismale, pulmonaire
ou hématologique connue ;
– la notion d’une radiothérapie cervicale ;
– les antécédents chirurgicaux ;
– la notion d’un traumatisme sur la région parotidienne ;
– la date de début et le mode évolutif de la tuméfaction, les
variations du volume de la tuméfaction avec l’alimentation
;
– l’existence de signes associés : douleur de la région parotidienne
et rapport de la douleur avec l’alimentation, sécheresse
buccale ou oculaire, asymétrie faciale.
2- Examen clinique :
• Inspection : une tuméfaction parotidienne comble le
sillon rétromandibulaire puis soulève en dehors le lobule
de l’oreille.
L’inspection doit préciser l’état de la peau en
regard de la tuméfaction, elle doit aussi rechercher l’existence
d’une paralysie faciale associée.
La réalisation d’une
otoscopie doit être systématique.
De même, l’examen endobuccal
et dentaire est indispensable : aspect de l’ostium du
canal de Sténon et de la salive, abondante ou rare, claire
ou purulente.
• Palpation : elle permet de confirmer le siège parotidien
de la tuméfaction, en précisant sa situation par rapport aux
repères osseux (branche montante et angle de la mandibule,
articulation temporo-mandibulaire, apophyse mastoïde).
Elle doit préciser les caractères de la tuméfaction : volume,
surface lisse ou irrégulière, limites, consistance, sensibilité,
douleur provoquée, mobilité par rapport à la peau et
aux plans profonds.
Elle doit rechercher :
– un écoulement à l’orifice endobuccal du canal de Sténon,
lors de la pression de la glande parotide ;
– une tuméfaction sur le trajet du canal de Sténon (palpation
bimanuelle avec un doigt endobuccal).
Elle s’accompagne de la palpation de toutes les aires cervicales
à la recherche d’adénopathies associées.
Diagnostic différentiel
:
1-
Kystes dermoïdes et kystes sébacés
prétragiens :
Ils sont mobiles sur le plan parotidien profond.
La cytoponction
et l’échographie cervicale aident au diagnostic
différentiel.
Le diagnostic est parfois chirurgical.
2- Adénopathies sous-digastriques :
Une adénopathie sous-digastrique peut parfois être confondue
avec une tumeur du pôle inférieur de la parotide.
L’examen, tête en hyperextension, permet en général de
localiser le siège sous-angulomandibulaire de la tuméfaction.
La découverte d’une tuméfaction parotidienne impose la
réalisation d’un examen ORL.
La localisation superficielle
de la parotide fait que l’examen clinique est souvent suffisant
pour poser le diagnostic.
Dans certains cas, des examens
complémentaires sont nécessaires.
Examens complémentaires
:
1- Ponction cytologique :
C’est un moyen de diagnostic simple, rapide, peu traumatisant,
sensible et peu coûteux, surtout intéressant dans la
pathologie tumorale.
Elle n’a de valeur que si elle est positive
; elle nécessite, dans l’interprétation des résultats, un
cytologiste expérimenté.
Elle n’exclut jamais un contrôle
anatomopathologique, lorsqu’une exérèse est pratiquée.
Elle ne présente aucun risque de dissémination cellulaire
tumorale ou de lésion du nerf facial, contrairement à la
biopsie qui est formellement contre-indiquée.
2- Radiographies standard :
Leur intérêt est limité à la lithiase salivaire, peu fréquente
au niveau de la parotide.
3- Sialographie :
Son principe est l’opacification du système canalaire par
un produit de contraste, injecté par le canal de Sténon.
Son
intérêt est limité dans la pathologie tumorale car elle ne
visualise la tumeur que par des signes indirects de déplacement
des canaux salivaires.
En cas de lithiase parotidienne,
de parotidite infectieuse ou inflammatoire, d’hypertrophie
salivaire, les modifications canalaires ou
parenchymateuses sont suffisamment caractéristiques pour
que le clinicien puisse faire le diagnostic.
• Scintigraphie au technétium 99m : son principe est la
fixation sur les glandes salivaires du 99mTc, après administration
intraveineuse.
Seules les tumeurs dont la taille
est supérieure à 1,5 cm sont visualisées.
Le cystadénolymphome
papillaire est la seule tumeur capable de fixer
le 99mTc de façon précoce, intense et durable.
Cet examen
permet, en outre, d’analyser simultanément et pendant une
période donnée le fonctionnement des différentes glandes
salivaires (intérêt dans le syndrome de Gougerot-Sjögren).
• Échographie : seul le lobe superficiel de la parotide est accessible à l’examen échographique, le lobe profond étant
masqué par les structures osseuses.
Cet examen présente
surtout un intérêt dans la pathologie tumorale.
Elle différencie
les tumeurs intraglandulaires des tumeurs juxtaglandulaires
et permettrait à 80 % de différencier une
tumeur bénigne d’une tumeur maligne.
Lors des lithiases
salivaires, elle peut visualiser des calculs suffisamment
volumineux.
Elle ne présente aucun intérêt dans les pathologies
inflammatoires ou dans les maladies de système intéressant
la parotide.
• Examen tomodensitométrique : il est indiqué dans la
pathologie tumorale, en cas d’incertitude à l’échographie
sur l’extension tumorale.
Il permet l’exploration du lobe
profond de la parotide et l’analyse de l’extension aux structures
avoisinantes, surtout en cas de tumeur développée en
profondeur.
Il présente peu d’intérêt en cas de pathologie
non tumorale.
• Imagerie par résonance magnétique : elle est intéressante
dans la pathologie tumorale, avec une résolution tissulaire
supérieure à celle du scanner.
Orientations diagnostiques devant
une tuméfaction parotidienne
unilatérale :
A - Tumeurs :
1- Classification histologique :
• Elles sont le plus souvent bénignes.
L’adénome pléomorphe
est la plus fréquente (60 à 70 % des tumeurs parotidiennes).
Les autres tumeurs bénignes sont plus rares,
dominées par le cystadénolymphome, ou tumeur de Warthin
(5 à 14 % des tumeurs parotidiennes).
Parmi les autres
tumeurs bénignes, il faut citer :
– les carcinomes muco-épidermoïdes représentent 5 à 20 %
des tumeurs parotidiennes ;
– les carcinomes adénoïdes kystiques représentent 2 à 4 %
des tumeurs parotidiennes ;
– les carcinomes à cellules acineuses (2 à 5 %) ;
– les carcinomes sur adénome pléomorphe peuvent survenir
dans 3 à 4 % des adénomes pléomorphes ;
– les carcinomes divers (épithélio-myoépithélial, à cellules
basales, sébacé, oncocytaire, cystadénocarcinome papillaire,
à petites cellules) ;
– les carcinomes épidermoïdes ;
– les carcinomes indifférenciés ;
– les adénocarcinomes mucineux ;
– les lymphomes malins ;
– les tumeurs non épithéliales malignes : histiocytofibrome
malin, schwannome malin, rhabdomyosarcome ;
– les localisations secondaires intraparotidiennes.
2- Tumeurs bénignes :
Elles sont le plus souvent découvertes devant une tuméfaction
parotidienne unilatérale et isolée, lisse ou parfois
bosselée, ferme ou dure, indolore, mobile par rapport à la
peau et au plan profond, sans paralysie faciale associée.
Il
n’y a pas d’adénopathie cervicale satellite.
Ce tableau clinique
est évocateur d’une tumeur bénigne, cependant,
toutes les tumeurs parotidiennes peuvent revêtir cet aspect.
• Adénomes pléomorphes qui surviennent à tout âge, dans
les deux sexes mais surtout chez la femme, aux alentours
de la 5e décennie.
Les caractères bosselé et dur de la tumeur
sont en faveur du diagnostic.
Sur le plan histologique, on
note la coexistence d’éléments épithéliaux et mésenchymateux.
L’évolution spontanée se fait vers l’augmentation de volume et est grevée du risque de dégénérescence
maligne.
• Cystadénolymphomes qui se rencontrent surtout chez
l’homme, entre 60 et 70 ans.
Il s’agit d’une tumeur bien
limitée, superficielle, postéro-inférieure, d’évolution lente
avec parfois des poussées inflammatoires.
• Adénomes oncocytaires surtout après 50 ans et chez la
femme, ils sont proches cliniquement de l’adénome pléomorphe.
Aucun examen complémentaire ne permet d’affirmer la
bénignité.
La ponction à l’aiguille fine avec étude cytologique
est un examen sensible et spécifique pour le diagnostic
des tumeurs parotidiennes mais n’a de valeur que
lorsqu’elle est positive.
L’échographie montre une tumeur
solide, généralement homogène, à contours nets.
Elle permettrait
à 80 % de différencier une tumeur bénigne d’une
tumeur maligne.
Le scanner est indiqué en cas d’incertitude
à l’échographie sur l’extension tumorale ou sur la
dégénérescence.
En cas d’adénome pléomorphe, il met en
évidence une masse limitée, hypodense, se rehaussant après
injection de produit de contraste.
3- Tumeurs malignes :
Elles se présentent en général sous la forme d’une tuméfaction
parotidienne unilatérale d’évolution plus rapide, de
consistance dure, parfois accompagnée de douleur, parfois
adhérente à la peau et au plan profond ou associée à une
paralysie faciale.
L’existence d’une adénopathie cervicale
associée est évocatrice mais inconstante.
En fait, les signes
associés évocateurs de malignité sont souvent absents.
• Carcinomes adénoïdes kystiques surtout chez la femme,
entre 50 et 60 ans.
Ces tumeurs ont tendance à suivre les
nerfs en les infiltrant.
L’existence de douleurs associées à
la tuméfaction est inconstante mais évocatrice.
Typiquement,
il s’agit de douleurs à type de décharge électrique
lors de la palpation tumorale.
L’évolution, lente, peut se
faire vers la récidive locale, ganglionnaire ou la survenue
de métastases, en particulier pulmonaires.
Leur pronostic
est péjoratif (70 % de survie à 5 ans, 20 % à 20 ans).
• Tumeurs muco-épidermoïdes parfois associées à des
douleurs ou une sensation de goût sucré.
Leur risque, surtout
local, est la récidive après exérèse.
Le pronostic dépend
du grade histologique.
• Carcinomes à cellules acineuses qui se voient à tout âge,
surtout chez la femme.
Leur évolution est lente, il n’y a pas
de critère pronostique histologique.
Des récidives locales
ou ganglionnaires peuvent survenir tardivement.
Les métastases
sont rares.
La fréquence de survenue d’un carcinome sur un adénome pléomorphe dépend de la durée d’évolution de l’adénome
pléomorphe (1,5 % s’il évolue depuis moins de 5 ans, 9,5 %
s’il évolue depuis plus de 15 ans).
Le pronostic dépend de
la taille de la tumeur.
4- Conduite à tenir devant une tuméfaction
parotidienne unilatérale
:
Le but est d’obtenir un diagnostic de nature de la tumeur.
Pour cela, l’attitude est univoque : il faut réaliser une parotidectomie
exploratrice sous anesthésie générale, avec examen
anatomopathologique extemporané.
Toute tumeur parotidienne impose soit une parotidectomie
totale, soit une parotidectomie exofaciale.
Il ne faut pas
réaliser de tumorectomie ou d’énucléation, en raison du
risque de récidive.
Dans tous les cas, il est impératif de prévenir le patient des
modalités de l’intervention chirurgicale et des risques de
complications :
– une paralysie ou une parésie faciale sont en général transitoires,
sauf en cas de section du nerf facial accidentelle
ou de nécessité ;
– le syndrome de Frey est représenté par une sudation temporale
lors des repas ou d’une stimulation salivaire.
Il est
de survenue inconstante et imprévisible ;
– la dépression résiduelle de la région parotidienne est quasi
constante ;
– l’insensibilité de la région auriculaire est de récupération
aléatoire et tardive.
B - Parotidites :
1- Parotidites aiguës virales :
Elles sont dominées par la parotidite ourlienne, le plus souvent
chez l’enfant ou l’adulte jeune.
Les signes fonctionnels sont représentés par une douleur
de la région parotidienne irradiée à l’oreille, augmentée par
la mastication associée à une hyperthermie.
À l’examen on note :
– une tuméfaction parotidienne inflammatoire, rénitente,
sensible à la palpation, avec peau en regard luisante. Unilatérale
au début, elle se bilatéralise en 2 à 3 jours ;
– une adénopathie parotidienne ou sous-maxillaire parfois
associée ;
– l’orifice du canal de Sténon rouge avec salive rare mais
claire.
Sur le plan biologique, il existe une lymphocytose avec
mononucléose, l’amylasémie est élevée.
La sérologie retrouve une élévation du taux des anticorps
à deux dosages.
D’autres virus peuvent plus rarement entraîner des parotidites
: coxsackie A, Échovirus, grippe, mononucléose
infectieuse.
2- Parotidites aiguës bactériennes :
Les signes fonctionnels sont représentés par une douleur
vive et un léger trismus.
Les signes généraux sont marqués
avec fièvre et asthénie intense.
À l’examen on retrouve :
– une tuméfaction parotidienne inflammatoire ;
– une douleur provoquée intense ;
– un oedème prenant le godet ;
– l’orifice du canal de Sténon turgescent avec issue de salive
purulente.
Sur le plan biologique, il existe une hyperleucocytose avec polynucléose.
Le traitement antibiotique doit rapidement être instauré.
Ces formes, lorsqu’elles surviennent chez le sujet âgé,
déshydraté, en mauvais état général, sont de mauvais pronostic.
3- Parotidites bactériennes chroniques non
spécifiques :
Elles sont plus fréquentes chez l’enfant (elles peuvent survenir
chez l’adulte mais sont alors en général bilatérales).
Elles se manifestent sous la forme de poussées de parotidites
aiguës récidivantes.
La sialographie est évocatrice et
retrouve des images arrondies, en « plomb de chasse », qui
persistent aux clichés en évacuation, les canaux salivaires
sont normaux.
4- Parotidites chroniques spécifiques :
La parotidite tuberculeuse se présente sous la forme d’un
nodule froid intraparotidien, parfois sensible, avec ramollissement
en son centre et adhérence à la peau.
L’intradermoréaction,
la radiographie pulmonaire, la ponction pour
culture sur milieu spécifique aident au diagnostic, qui n’est
parfois posé que sur l’examen anatomopathologique.
5- Lithiases de la parotide :
La lithiase est moins fréquente au niveau de la glande parotide
que de la glande sous-mandibulaire.
Ses manifestations
sont plus souvent infectieuses que mécaniques.
Au point de vue fonctionnel, les manifestations mécaniques
sont de deux ordres :
– la hernie parotidienne : c’est la survenue brutale, lors d’un
repas, d’une tuméfaction parotidienne qui disparaît rapidement
après un bref écoulement de salive ;
– la colique salivaire : c’est le même tableau clinique avec
l’association à la tuméfaction parotidienne d’une douleur
intense.
Les manifestations infectieuses sont représentées par la
parotidite suppurée ou non, parfois récidivante.
À l’examen, la glande parotide est parfois encore tuméfiée.
La palpation du canal de Sténon recherche la présence d’un
calcul.
L’ostium du canal de Sténon est rouge, tuméfié, non
purulent.
Les radiographies sans préparation recherchent le calcul.
La sialographie retrouve parfois la lacune due au calcul, et
surtout une dilatation du canal en amont de l’obstacle.
Sur
les clichés en évacuation, l’arrêt du produit de contraste
avec rétention en amont est évocateur.
Orientations diagnostiques devant
une tuméfaction parotidienne
bilatérale :
A - Tuméfactions parotidiennes au cours des
maladies de système :
1- Sarcoïdose :
La tuméfaction parotidienne est indolore, bilatérale, d’installation
rapide et de régression spontanée.
L’association
parotidite, paralysie faciale et uvéite réalise le classique
syndrome de Heerfordt.
L’association d’une atteinte parotidienne, sous-mandibulaire et lacrymale réalise le syndrome
de Mikulicz.
2- Syndrome de Gougerot-Sjögren :
La tuméfaction parotidienne est indolore, d’installation
lente, en général inhomogène et indurée au stade de sclérose
glandulaire.
Elle doit faire rechercher une sécheresse
buccale et oculaire.
3- Leucémies :
Au cours des leucémies lymphoïdes chroniques, une tuméfaction
parotidienne indolore et bilatérale peut être isolée
ou s’intégrer dans le cadre d’un syndrome de Mikulicz.
Au cours des leucémies aiguës, une tuméfaction parotidienne
peut être en rapport avec une infiltration leucémique
ou une infection virale dans le cadre d’une immunodépression.
B - Parotidomégalies nutritionnelles
:
1- Par excès :
Excès de consommation d’hydrates de carbone, diabète,
obésité, éthylisme chronique.
2- Par carence :
Grandes malnutritions, anorexie mentale.
C - Parotidites chroniques d’origine toxique :
Certaines intoxications chroniques sont responsables d’une
tuméfaction parotidienne sensible : plomb, pesticides,
insecticides, iodures.
D - Calcinose salivaire
:
Elle se présente sous la forme d’une parotidite chronique
bilatérale ou à bascule, avec tuméfaction parotidienne douloureuse
intermittente, salive séropurulente.
Elle survient
préférentiellement chez les femmes de la cinquantaine, et
se caractérise par la présence de multiples calcifications intracanalaires.
Les radiographies sans préparation visualisent
les calcifications au niveau des deux parotides.
La sialographie met en évidence des images arrondies, lipiodolées
dans le parenchyme et des canaux légèrement dilatés.