Troubles psychiatriques de la grossesse et du post-partum Cours de psychiatrie
Troubles mentaux de la grossesse
:
A - Diagnostic :
La grossesse amène souvent un sentiment de bien-être et
de complétude, voire la disparition de troubles psychologiques
antérieurs.
Certaines pathologies mentales sévères
peuvent même connaître alors des périodes de rémission.
Lorsqu’ils surviennent, les symptômes sont en général
mineurs et réactionnels aux modifications somatiques de
la gravidité.
Il s’agit principalement d’inquiétude, de labilité
émotionnelle, de difficultés de sommeil (cauchemars)
avec somnolence diurne, d’apathie ou d’irritabilité…
C’est au cours du premier trimestre que peuvent survenir
les vomissements gravidiques dont on connaît la forte participation
psychologique ; les formes graves (type vomissements
incoercibles nécessitant l’isolement) sont actuellement
exceptionnelles dans les pays occidentaux.
On peut
aussi observer des troubles des conduites alimentaires, surtout
à type de boulimie, souvent sous-tendue par les classiques
« envies de femme enceinte ».
Généralement,
l’anxiété et sa traduction somatique (palpitations, vertiges,
dyspnée) s’estompent pendant le deuxième trimestre pour
réapparaître au cours des semaines précédant la naissance.
Elles sont alors en rapport avec la peur que suscite l’accouchement
ou la crainte d’avoir un enfant anormal.
Les troubles thymiques ne concernent qu’une minorité de
parturientes.
Il s’agit le plus souvent de dépression d’allure
« névrotique », mêlant tristesse, anxiété, insomnie et
asthénie ; en revanche les dépressions mélancoliques sont
rares.
Enfin, les épisodes psychotiques délirants sont exceptionnels
pendant la grossesse ; lorsqu’ils surviennent, ils s’inscrivent
généralement dans l’évolution d’une psychose délirante
chronique ou inaugurant un trouble schizophrénique.
B - Traitement
:
Le traitement de ces troubles est délicat du fait des risques
d’embryofoetopathies auxquels expose toute utilisation
médicamenteuse.
L’usage est d’éviter la prescription de
psychotrope pendant les trois premiers mois de la grossesse.
Au-delà de cette limite on peut, si nécessaire, recourir
à un antidépresseur.
On opte généralement pour un tricyclique imipraminique compte tenu du recul dont on
dispose dans l’utilisation de ces produits.
Il conviendra toutefois
de diminuer la posologie voire d’interrompre le traitement,
une ou deux semaines avant la date présumée de
l’accouchement, afin d’éviter le retentissement sur le nouveau-né des effets atropiniques des tricycliques.
Pour les
troubles délirants, la chlorpromazine (Largactil) semble la
mieux indiquée puisqu’aucun effet tératogène ne semble lui avoir jamais été opposé depuis qu’elle est à la disposition
du corps médical (40 ans).
L’effet tératogène des benzodiazépines
ayant été discuté, certains recommandent de
prescrire de petites doses de chlorpromazine à visée anxiolytique
en cas d’absolue nécessité.
Enfin, la sismothérapie peut être envisagée pendant une
grossesse en cas de dépression sévère ou de trouble délirant
grave et en l’absence de contre-indication obstétricale.
Troubles mentaux
de l’accouchement
:
Une importante proportion des accouchées est affectée,
dans la semaine des suites de couche, par un fléchissement
dépressif qui succède généralement à la phase d’élation
accompagnant la délivrance.
Cet incident psychopathologique survient le plus souvent
vers la 72e heure ce qui lui a valu la dénomination de « syndrome
du 3e jour».
Le terme anglo-saxon de baby-blues est
plus souvent utilisé.
Il s’agit d’une phase dépressive, légère et transitoire, surprenant
par son caractère insolite à un moment où la jeune
maman pense qu’elle devrait être la « plus heureuse des
femmes » et donc parfois culpabilisante.
Sa fréquence est
diversement appréciée (1/4 à 3/4 des accouchées selon les
auteurs) ; c’est l’hétérogénéité de son intensité qui rend
probablement compte de cette divergence d’appréciation.
Le post-partum blues se caractérise par une anxiété centrée
sur le nouveau-né, un sentiment d’incapacité (peur de
ne pas savoir s’occuper du bébé), une insomnie, une asthénie
intense, des crises de larmes, des plaintes somatiques,
une irritabilité…
Parfois plus intense, avec obnubilation et
agressivité, il peut être le prodrome d’une psychose puerpérale.
Son déterminisme semble autant biologique (neuro-endocrinien)
que psychologique ; il affecterait plus particulièrement
les primipares et ne dure que quelques heures à
quelques jours.
Il ne nécessite pas de traitement sinon une
attitude de réassurance.
Les formes prolongées sont généralement le point de
départ d’une dépression du post-partum.
Troubles mentaux du post-partum
:
A - Psychoses puerpérales
:
1- Diagnostic
:
Les psychoses précoces du post-partum débutent entre le
5e et le 30e jour suivant l’accouchement.
Elles sont beaucoup
plus rares qu’à l’époque où Marce en fit la description
(XIXe siècle), dans son Traité de la folie des femmes
enceintes, des nouvelles accouchées et des nourrices.
En
effet, leur fréquence a diminué depuis l’amélioration des
conditions obstétricales.
Elles réalisent, à la phase d’état, un état confuso-délirant,
type bouffée délirante, avec obnubilation voire désorientation
temporo-spatiale, délire oniroïde dont les thèmes
portent préférentiellement sur l’enfant ou les liens de filiation ; l’humeur est en général triste ou fluctuante.
Elles
exposent au risque suicidaire et (ou) d’infanticide…
Dans ses thèmes, le délire peut comporter la négation de
la maternité, le sentiment de non-appartenance ou de nonexistence
de l’enfant qui coexiste parfois avec la crainte
ambivalente de sa mort ou la conviction persécutive qu’il a été changé ou
substitué.
L’évolution sous
traitement est favorable dans la majorité des cas ; elle peut
toutefois se faire d’un seul tenant ou sous forme d’une rechute à
court terme vers un état mixte, un accès mélancolique ou un trouble
schizophrénique.
On considère
actuellement que les psychoses puerpérales sont dans la majorité des
cas des formes délirantes inaugurales d’un trouble bipolaire.
Elles peuvent
être sans lendemain, les récidives lors des grossesses ultérieures
n’étant pas systématiques (environ 1 cas sur 5).
2- Traitement
:
Les psychoses puerpérales imposent le plus souvent une
hospitalisation psychiatrique, compte tenu de la dangerosité
de ces patientes pour elle-même et leur bébé.
La symptomatologie délirante et l’agitation souvent associées,
nécessitent l’utilisation de neuroleptiques.
Toutefois,
la sismothérapie demeure le traitement le plus efficace des
psychoses puerpérales.
Ultérieurement, se pose la question
du traitement préventif des rechutes maniaco-dépressives
(lithium ou carbamazépine) lorsque la psychose puerpérale
s’avère être le premier épisode d’une psychose
maniaco-dépressive bipolaire.
B - Dépressions du post-partum
:
1- Diagnostic
:
Elles surviennent dans les mois qui suivent l’accouchement,
soit après une période normothymique soit en faisant
suite à un baby-blues qui se prolonge anormalement.
Elles sont d’intensité variable ; les formes les plus graves,
d’allure mélancolique, sont généralement précoces et ont
une thématique de culpabilité centrée sur l’enfant.
Elles
peuvent se manifester par une symptomatologie aiguë d’allure
stuporeuse ou mixte intriquant éléments maniaques et
dépressifs.
Le plus souvent, la symptomatologie dépressive
s’installe de manière insidieuse, tardive et paucisymptomatique
; elle est alors d’évolution traînante masquée
par la fatigue qui résulte des soins apportés à l’enfant.
L’évolution ultérieure des dépressions du post-partum peut
se faire vers un trouble dépressif récurrent.
D’ailleurs,
l’étude de l’histoire de la maladie de femmes maniacodépressives
révèle que plus d’un tiers d’entre elles ont souffert
d’un trouble thymique en période post-partale et que
pour un quart de ces patientes ce fut leur premier épisode
dépressif.
Cette éventualité fait d’ailleurs partie d’une des
spécifications de l’épisode dépressif dans la classification
américaine des troubles mentaux, le DSM IV.
2- Traitement
:
Les états dépressifs du post-partum nécessitent un traitement
antidépresseur et une prise en charge psychologique
pour en prévenir les conséquences préjudiciables pour la mère mais aussi pour l’enfant.
La perception du moindre
risque suicidaire impose une hospitalisation.
Elle peut
d’ailleurs se faire dans une unité mère-enfant afin de ne pas
aggraver, par une séparation, la culpabilité de la mère
dépressive et de préserver les relations précoces mèreenfant
dont les pédo-psychiatres ont souligné l’importance.
La prescription médicamenteuse répond aux règles habituelles
mais imposent néanmoins d’interrompre l’allaitement
puisque la plupart des psychotropes passent dans le
lait maternel.
Le traitement des dépressions du post-partum devrait être
préventif ; en effet une importante amélioration du dépistage
est nécessaire, la plupart des jeunes mères souffrant
de dépression ne consultent pas spontanément pour des
symptômes qu’elles considèrent souvent comme normaux
(réveils nocturnes, asthénie…).
Cette reconnaissance du
caractère morbide de l’affect dépressif lors du post-partum
est d’autant plus importante que son pronostic est meilleur
en cas de prise en charge thérapeutique précoce.
De surcroît,
les répercussions sur l’enfant en seraient alors d’autant
plus atténuées.