Troubles cognitifs aigus Cours de
réanimation - urgences
Introduction
:
Les manifestations les plus habituelles des troubles cognitifs
d’apparition brutale se caractérisent principalement par des troubles
de la mémoire et de langage.
Mais d’autres symptômes
neuropsychologiques sont également fréquents tels que l’apraxie,
l’agnosie, l’héminégligence et les troubles du comportement.
L’objectif de ce chapitre est de rappeler les principales spécificités
sémiologiques des différents troubles cognitifs et de préciser les
pistes étiologiques à évoquer dans le cadre de l’urgence médicale.
Nous débutons notre propos par l’évocation du syndrome
confusionnel, source de trouble global aigu des fonctions cognitives,
puis nous abordons les différentes spécificités cliniques cognitives.
Première et nécessaire étape :
éliminer un syndrome confusionnel
Dans le cadre de l’urgence, et de façon générale, il est impératif de
chercher un syndrome confusionnel avant de proposer un examen
clinique orienté vers l’analyse des fonctions cognitives.
La confusion
mentale résulte d’une souffrance et d’une désorganisation aiguë du
fonctionnement cérébral secondaire à une cause organique et
s’accompagne d’un trouble majeur du contrôle attentionnel.
Elle se
caractérise par :
– une obnubilation de la conscience ou une baisse de la vigilance
avec perturbation du cycle veille-sommeil ;
– une perturbation diffuse des activités intellectuelles prédominant
sur les capacités attentionnelles et s’accompagnant d’une
désorientation temporospatiale ;
– un délire onirique avec hallucinations ;
– une fluctuation des troubles.
L’ensemble survient constamment dans un contexte d’atteinte
somatique qui oriente l’enquête étiologique.
Les mécanismes
étiologiques sont multiples : métaboliques, neurologiques,
épileptiques, infectieux, toxiques, mais ne sont pas détaillés dans ce
chapitre.
Il faut se souvenir que chez le sujet âgé, un syndrome
confusionnel peut cacher une authentique démence (maladie
d’Alzheimer le plus souvent) qu’il faut donc savoir rechercher à
distance de l’épisode aigu.
Le syndrome confusionnel est donc responsable d’un
dysfonctionnement global des fonctions intellectuelles qui se
distingue des troubles cognitifs focaux.
Dans le syndrome
confusionnel, ce sont les troubles attentionnels qui sont au premier
plan.
Ces difficultés d’attention rendent difficile l’examen, le patient
ne pouvant maintenir son attention pendant la réalisation de tâches
même simples, comme compter à l’envers à partir de 20, répéter les
mois de l’année à l’envers, répéter une série de chiffres (l’empan
direct qui correspond à la répétition simple d’une liste de chiffres
est de 7 ± 2 chez le sujet normal).
Le déficit attentionnel contribue
aux troubles intellectuels associés : trouble du langage avec un
discours incohérent, troubles de la mémoire avec un oubli à mesure,
troubles du raisonnement, troubles du comportement.
La fluctuation de la symptomatologie est également typique de la
confusion.
Le pronostic évolutif dépend du mécanisme causal.
Troubles amnésiques d’installation
aiguë ou subaiguë :
A - TERMINOLOGIE
:
Il est maintenant bien reconnu qu’il n’y a pas une mémoire mais des
systèmes de mémoire, correspondant à des unités fonctionnelles et neuroanatomiques déterminées.
La mémoire à court terme désigne
le stockage des informations sur une durée brève et transitoire.
Les
capacités de stockage de mémoire à court terme sont limitées
quantitativement (l’empan endroit qui mesure la capacité à répéter
immédiatement une série de chiffres est de 7 habituellement chez
l’adulte) et temporairement (15 à 20 s).
La mémoire à long terme, au
contraire, correspond au stockage illimité quantitatif et temporel des
informations.
La mémoire à long terme implique un processus de
consolidation mnésique correspondant à la formation d’une trace
mnésique.
Le passage de mémoire à court terme à mémoire à long
terme s’appelle l’encodage.
Une amnésie antérograde se définit par une altération de
mémorisation de nouveaux souvenirs, depuis l’installation de
l’événement causal.
Une amnésie rétrograde se définit par une
incapacité à se souvenir d’éléments anciens, antérieurs à l’événement
causal.
On peut aussi distinguer la mémoire, en fonction de son contenu, en
mémoire verbale qui est plutôt sous la dépendance de l’hémisphère
gauche et mémoire non verbale (visuospatiale) qui est plutôt sous la
dépendance de l’hémisphère droit ; ou encore en mémoire
épisodique (mémoire d’événements factuels) et mémoire sémantique
(mémoire des faits généraux).
Enfin on peut distinguer la mémoire
en fonction du traitement de l’information en mémoire explicite
(mémorisation consciente et volontaire) qui est sous-tendue par le
circuit hippocampo-mamillo-thalamo-cortical (circuit de Papez), et
mémoire implicite (mémoire automatique du « savoir-faire »).
Apprécier le niveau du dysfonctionnement mnésique permet de
préciser le site lésionnel et le mécanisme causal.
B - EXAMEN CLINIQUE AUX URGENCES
:
L’examen clinique neuropsychologique aux urgences doit être
réalisable rapidement au lit du patient.
Devant toute difficulté de
mémoire, il est important dans un premier temps d’évaluer l’état
psychique à la recherche d’un syndrome dépressif majeur ou d’une
anxiété pouvant rendre compte de la symptomatologie.
Il est ensuite
possible, au lit du malade, d’analyser le fonctionnement mnésique
sur plusieurs domaines.
La mémoire à court terme peut s’apprécier
par les capacités de répétition immédiate d’une liste de mots, comme
le rappel immédiat des trois mots du Mini Mental Score (MMS) et
par le span endroit (répétition de séries de chiffres).
L’évaluation de
la mémoire autobiographique se fait par des questions simples et
vérifiables.
La mémoire à long terme s’évalue par un entretien au
cours duquel on cherche à mettre en évidence un éventuel gradient
temporel amnésique en proposant des questions portant sur les faits
récents (heures, jours), plus anciens (semaines, mois) et très anciens
(années).
La mémoire épisodique (mémoire à long terme) sera
analysée par un test d’apprentissage de mots comportant un rappel
immédiat et un rappel différé.
La présentation d’un indice
sémantique lors de l’étape de rappel différé (par exemple : « il y
avait un bâtiment …un animal…un fruit ») permet de vérifier si
l’oubli est lié à un déficit de consolidation de la trace mnésique
(absence d’aide par l’indice sémantique) ou à un trouble de la
récupération de l’information (amélioration par l’indiçage).
C’est
dans ce cadre que l’on peut utiliser le test des cinq mots de Dubois.
Enfin, l’examen est complété par un examen
neuropsychologique et neurologique complet.
C - TROUBLES MNÉSIQUES D’INSTALLATION AIGUË
OU SUBAIGUË DE DURÉE TRANSITOIRE
:
Un trouble amnésique d’installation aiguë ou subaiguë transitoire
qui régresse spontanément évoque en premier lieu un ictus
amnésique.
Le tableau clinique de l’ictus amnésique est typique et
caractéristique.
Aux urgences, le patient est vu le plus souvent en
pleine « crise amnésique » (avant la régression).
* Description clinique
:
Il s’agit d’un trouble isolé et global de la mémoire, qui s’installe
soudainement.
Il n’y a aucun autre signe d’accompagnement
neurologique ou physique, ni de prodrome neurologique.
La
présence de signes d’accompagnement doit faire écarter ce
diagnostic.
Il n’y a donc jamais de notion de perte de connaissance.
De la même façon, il n’y a pas de trouble de la vigilance ni de la
conscience.
Au contraire, le patient peut poursuivre des activités
intellectuelles élaborées pendant la durée de l’ictus amnésique.
La
motricité est également conservée.
Cependant, il n’est pas rare
d’observer une légère agitation anxieuse, avec perplexité, ou au
contraire de constater une apathie, avec un aspect figé et prostré du
patient.
L’atteinte de la mémoire est globale et porte avant tout sur la
mémoire antérograde qui est atteinte de façon massive.
Le patient ne peut capter, fixer et mémoriser une information nouvelle.
Ceci se
manifeste par un oubli à mesure, le malade répète sans cesse les
mêmes questions, et oublie les réponses fournies (par exemple, les
patients demandent sans cesse l’heure qu’il est).
La mémoire
rétrograde est également atteinte mais cette atteinte est au second
plan du tableau clinique.
L’oubli est alors parcellaire concernant les
heures ou jours précédant l’ictus.
Lorsque l’amnésie rétrograde
s’étend sur des événements plus anciens, il persiste un gradient
temporel net, les faits les plus anciens restant les mieux conservés.
Les autres fonctions cognitives sont intactes. Il n’y a pas de trouble
du langage, pas d’élément aphasique, pas d’apraxie, pas de trouble visuoconstructif.
Cette intégrité des fonctions cognitives autres que
mnésiques est indispensable au diagnostic d’ictus amnésique. Pour
une raison inconnue, l’ictus amnésique survient préférentiellement
chez les hommes adultes d’âge mûr.
* Évolution
:
L’ensemble du tableau clinique régresse progressivement en
quelques heures, en moyenne entre 6 et 8 heures.
On observe alors
un retour à la normale du fonctionnement mnésique.
Il n’est pas
rare cependant que le patient se plaigne de discrètes difficultés
pendant les jours qui suivent l’épisode.
Il gardera par ailleurs de
façon quasi constante une amnésie lacunaire de l’épisode sans autre
séquelle neuropsychologique à distance.
Les récidives sont possibles.
Le risque de récidive est évalué à 20 % environ.
* Examens complémentaires
:
Par définition, pour parler d’ictus amnésique, il faut que le bilan
réalisé soit négatif.
L’enquête étiologique a donc pour principaux
objectifs d’éliminer les diagnostics différentiels tels que les accidents
vasculaires cérébraux, les épilepsies, les processus expansifs, les
causes métaboliques, toxiques et infectieuses.
Dans l’ictus amnésique
bénin, l’imagerie cérébrale est normale. L’électroencéphalogramme
(EEG) est normal. La biologie est sans particularité.
L’association à
un syndrome des antiphospholipides est exceptionnelle.
Seules les techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle réalisées
pendant l’ictus amnésique montrent des anomalies cérébrales
totalement réversibles.
La scintigraphie cérébrale (SPECT) met en
évidence un hypodébit transitoire des lobes occipitaux, temporaux
et du thalamus.
La tomographie à émission de positons (PET scan)
montre un hypométabolisme transitoire des lobes temporaux
internes.
* Mécanismes étiologiques
:
Les causes des ictus amnésiques bénins restent encore inconnues.
Des facteurs favorisants sont fréquemment rencontrés, tels que le
stress, la fatigue, les efforts physiques, la prise de certains
psychotropes comme les benzodiazépines et la prise de chloroquine.
Il a été rapporté également la survenue d’ictus amnésique après
injection de produit de contraste.
Les mécanismes responsables de l’ictus amnésique sont discutés et
seraient de nature vasculaire, épileptique, ou encore migraineuse.
Un terrain vasculaire est en effet significativement plus fréquent
chez les sujets ayant fait un ictus amnésique, de même que des
antécédents migraineux.
Le risque d’accident ischémique cérébral
constitué n’est toutefois pas plus élevé que celui observé dans la
population générale, c’est-à-dire inférieur à celui d’un accident
ischémique transitoire (AIT).
L’ictus amnésique ne peut donc pas
être considéré comme un AIT.
Doit faire discuter le diagnostic d’ictus amnésique et faire envisager
un autre diagnostic neurologique tout élément atypique tel que :
– l’existence de signes neurologiques ou physiques associés ;
– une durée brève du déficit mnésique ;
– des ictus se répétant à bref intervalle ;
– une sémiologie évolutive et s’enrichissant ;
– des examens complémentaires anormaux.
2- Autres causes de troubles amnésiques aigus
transitoires :
Les autres causes d’amnésie transitoire aiguë doivent être
systématiquement recherchées.
* Accident vasculaire cérébral
:
Il peut s’agir, soit d’un infarctus dans le territoire de l’artère
cérébrale postérieure uni- ou bilatérale (lésions temporales internes
et/ou thalamiques) ou de l’artère choroïdienne antérieure, soit d’un
infarctus dans le territoire des artères cérébrales antérieures (lésions bicingulaires), soit d’un hématome postérieur (occipital).
Dans ce
contexte, l’amnésie n’est pas isolée et peut s’accompagner, selon le
territoire atteint, d’une hémianopsie, d’un déficit sensitif
controlatéral, d’une agnosie visuelle et/ou d’une cécité corticale.
Le
syndrome amnésique peut être dissocié : atteinte verbale
prédominante en cas de lésion gauche et atteinte visuospatiale
prédominante en cas de lésion droite.
Les troubles amnésiques par
lésion unilatérale ont en général de bien meilleurs pronostics de
récupération que ceux par lésions bilatérales.
Parmi les autres causes
vasculaires d’amnésie transitoire, on note les thromboses veineuses
cérébrales qui représentent une cause cependant rare, les amnésies
survenues au décours d’un arrêt cardiaque avec nécrose laminaire
corticale et les hémorragies méningées, imposant la réalisation d’un
scanner cérébral et parfois une ponction lombaire.
* Épilepsie
:
Le syndrome confusionnel postcritique avec amnésie lacunaire est
facilement identifiable.
Le diagnostic d’épilepsie partielle temporale
est plus difficile.
Le déficit mnésique est de durée brève,
habituellement de quelques minutes et récurrent.
Ainsi, si l’ictus
amnésique est atypique par sa brièveté et son caractère récidivant, il
est nécessaire de prévoir un enregistrement électroencéphalographique continu des 24 heures.
La présence
d’anomalies paroxystiques normalement absentes dans l’ictus
amnésique classique permet de poser le diagnostic.
On estime
qu’environ 7 % des ictus amnésiques évolueront vers une épilepsie
partielle.
* Traumatismes crâniens
:
Un ictus amnésique peut apparaître au décours d’un traumatisme
crânien même léger.
Le contexte porte le diagnostic.
* Processus expansifs focaux
:
Exceptionnellement un ictus amnésique peut révéler un processus
expansif tumoral ou infectieux des lobes temporaux ou des
thalamus.
Le plus souvent cependant, le tableau clinique est
progressif et n’est pas spontanément régressif.
* Intoxications
:
Une intoxication médicamenteuse aux benzodiazépines ou à l’alcool
peut être responsable de trouble amnésique d’apparition subaiguë.
* Amnésie psychogène hystérique
:
L’amnésie est souvent atypique car touchant l’ensemble de la sphère
biographique du sujet et son identité, ce qui ne se voit pas dans
l’ictus amnésique bénin.
L’ensemble de ces diagnostics différentiels de l’ictus amnésique
impose en pratique de faire un scanner cérébral (associé ou non à
une ponction lombaire) en urgence, pour éliminer une autre cause.
D - TROUBLES AMNÉSIQUES D’INSTALLATION AIGUË
OU SUBAIGUË NON RÉGRESSIFS :
1- Syndrome de Korsakoff
:
Le syndrome de Korsakoff, complication d’une encéphalopathie de Gayet-Wernicke, se caractérise par une amnésie antérograde isolée
et massive se manifestant par un oubli à mesure touchant la
mémoire explicite.
La mémoire rétrograde des faits anciens est, en
règle générale, bien préservée.
Lorsqu’elle est atteinte, le gradient
temporel est net.
Le tableau clinique associe une anosognosie, une
désorientation temporospatiale, des fausses reconnaissances et une
tendance à des confabulations (fabulations compensatrices et non
critiquées en réponse aux questions posées).
Le syndrome de
Korsakoff est précédé par un tableau d’encéphalopathie de Gayet-Wernicke qui se manifeste par une atteinte neuropsychologique dans
environ 80 % des cas avec désorientation, indifférence, inattention,
agitation, stupeur ou coma, associés à des signes neurologiques :
ataxie (23 %), anomalies oculomotrices (29 %), polyneuropathies
(11 %).
L’encéphalopathie de Gayet-Wernicke, qui survient le plus
souvent chez un sujet alcoolique et dénutri, est liée à une carence
subaiguë en vitamine B1.
Le traitement repose sur des perfusions de
thiamine et la réhydratation.
On associe toujours de la vitamine PP
(pseudopellagreuse), la composante hypertonique oppositionnelle
souvent associée au tableau clinique étant une manifestation d’une
carence en vitamine PP.
Le syndrome de Korsakoff une fois installé
est malheureusement définitif.
Il signe la destruction du circuit de Papez.
Les corps mamillaires sont atrophiés. On observe sur
l’imagerie par résonance magnétique (IRM), en séquence pondérée
en T2, un hypersignal des corps mamillaires.
2- Accident vasculaire cérébral
: Cf. supra.
3- Encéphalite infectieuse
:
* Tableau clinique
:
Le tableau clinique associe un syndrome fébrile, des céphalées, des
troubles de la conscience (confusion, somnolence, torpeur) et des
troubles neuropsychologiques : trouble du langage, amnésie
(antérograde) et troubles du comportement.
Le tableau clinique
dépend du siège du processus lésionnel et peut s’accompagner de
signes neurologiques focaux.
Les crises comitiales partielles ou
généralisées sont fréquentes.
* Méningoencéphalite herpétique
:
La méningoencéphalite herpétique est la seule encéphalite virale
pour laquelle un traitement est disponible.
De la rapidité
d’introduction du traitement dépend le pronostic évolutif qui est
dramatique sans traitement (décès ou séquelles majeures).
Le tableau
clinique typique associe des céphalées, de la fièvre et des signes
neurologiques de localisation temporale : confusion/désorientation,
troubles du langage et de la mémoire, troubles du comportement et
convulsions.
Ces signes peuvent apparaître à des degrés variables.
Le tableau peut évoluer vers un coma.
Certaines présentations
cliniques sont trompeuses, en particulier lors d’une présentation
purement neuropsychologique avec trouble de la mémoire et du
langage ou d’allure psychiatrique sans fièvre.
Le patient peut en effet
être totalement apyrétique (8 % des cas) et sans signe
neurologique.
Il n’est pas rare que les patients soient alors adressés
à tort en psychiatrie.
Aucun tableau n’est pathognomonique de méningoencéphalite herpétique.
Seuls les examens complémentaires
apportent la preuve diagnostique.
Ils reposent avant tout sur l’étude
du liquide céphalorachidien (LCR) qui montre un liquide clair,
hypertendu, avec pléiocytose à prédominance lymphocytaire,
hyperprotéinorachie modérée, glycorachie normale.
Une imagerie
cérébrale doit être réalisée en urgence mais ne doit pas retarder le
début du traitement.
Elle montre un hypersignal en T2 dans les
régions temporales bilatérales respectant la région insulaire et
souvent déjà un effet de masse lié à l’ischémie.
La polymerase chain
reaction (PCR) met en évidence l’acide désoxyribonucléique (ADN)
du virus dans le LCR et affirme le diagnostic.
C’est le premier test à
se positiver.
Une recherche des anticorps anti-herpes simplex virus
(HSV) dans le LCR peut être intéressante si la PCR n’a pas été
réalisée initialement.
L’augmentation d’interféron dans le LCR
évoque une atteinte virale mais n’est pas spécifique du virus
herpétique. Une imagerie normale n’élimine pas le diagnostic.
Les
encéphalites virales et bactériennes s’accompagnent d’anomalies
électriques en EEG à la phase aiguë.
Au cours de l’encéphalite
herpétique, il apparaît précocement des complexes périodiques (à
périodicité courte variant entre 2 et 4 s), localisés à l’une des régions
temporales ou les deux avec une dégradation du tracé de fond.
Ces
anomalies sont mêlées à des ondes delta.
L’encéphalite herpétique
représente 10 % des encéphalites virales.
Trouble du langage d’apparition aiguë
E - EXAMEN CLINIQUE AUX URGENCES
:
L’examen clinique au lit du malade permet l’analyse et la
classification sémiologique qui orientera vers le mécanisme
étiologique.
1- Examen des troubles de la parole
:
Le discours spontané et la répétition de phrases phonétiquement
difficiles (« spectacle exceptionnel - j’habite 33 rue Ledru-Rollin »)
comportent des paraphasies phonétiques et une dysarthrie.
L’apraxie bucco-linguo-faciale est évaluée par la réalisation d’ordres
simples tels que tirer la langue, gonfler les joues, siffler, ou d’ordres
séquentiels (tirer puis claquer la langue puis gonfler les joues).
On
recherche également des troubles de la coordination pneumoarticulatoire et une dysprosodie (trouble du timbre de la
voix).
2- Examen des troubles du langage
:
L’examen des troubles du langage est stéréotypé et peut se faire
rapidement et efficacement au lit du patient.
Il comporte plusieurs
étapes :
– étude du langage spontané et en réponse à quelques questions
simples ;
– étude de la dénomination d’objets ou d’images et de la production
du langage complexe par la construction de phrases à partir de deux
ou trois mots imposés ;
– étude de la répétition de mots et de phrases ;
– étude de la compréhension sur consignes orales simples
(« montrez-moi la fenêtre ; levez la main gauche ») et sur consignes
complexes (« fermez les yeux et tirez la langue ; mettez la main
gauche sur votre épaule droite ») ;
– étude de la fluence verbale (« citez le maximum de mots
d’animaux en 1 minute »).
L’analyse du langage oral doit
systématiquement être complétée par une étude du langage écrit
(lecture et écriture sur le même modèle que pour le langage oral).
Il est important de noter précisément les réponses du patient,
comme référence évolutive.
F - ÉTIOLOGIES DES APHASIES D’INSTALLATION AIGUË
:
1- Accidents vasculaires cérébraux
:
Ils représentent la cause la plus fréquente des aphasies brutales chez
les adultes de plus de 45 ans.
Le tableau le plus typique est celui
de l’aphasie de Broca secondaire à un accident ischémique sylvien
gauche (artère cérébrale moyenne).
Les accidents hémorragiques
sont responsables de tableau clinique souvent plus atypique en
raison de leur siège sous-corticaux et d’un possible effet de masse
initial.
* Aphasie de Broca par infarctus de l’artère cérébrale moyenne
:
Elle se caractérise avant tout par une réduction de la production
quantitative et qualitative du langage, s’accompagnant d’une
apraxie bucco-linguo-faciale et d’un déficit moteur brachiofacial
droit.
Au stade initial aigu, le patient peut être mutique ou n’être
capable de fournir que des stéréotypies verbales (« nan-nan »).
Le
patient est conscient de ses difficultés.
Dans les formes moins
sévères, un manque de mot et une anomie prédominent le tableau
clinique dans le langage spontané et dans les épreuves de
dénomination.
On note également un agrammatisme avec un
appauvrissement des éléments syntaxiques. Le langage reste
cependant informatif.
Les paraphasies phonémiques, verbales et
sémantiques sont nombreuses.
Une dissociation automaticovolontaire est classique, le patient étant capable de
s’exprimer dans un contexte automatique (réponses stéréotypées,
contexte émotionnel) alors que, sur commande, sa production
verbale devient impossible ou est très limitée.
La compréhension,
bien que nettement moins perturbée, n’est toutefois que rarement
totalement intègre.
On peut ainsi constater des troubles de
compréhension pour les phrases complexes.
Les troubles de la
lecture et de l’écriture sont congruents à ceux du langage oral.
La région infarcie se situe typiquement dans la région de Broca :
opercule frontal, partie postérieure de F2 (seconde circonvolution
frontale) et de F3 (troisième circonvolution frontale).
* Autres tableaux cliniques
:
Les autres tableaux cliniques de troubles du langage d’apparition
aiguë secondaires à un accident vasculaire cérébral.
2- Autres causes
:
Les traumatismes crâniens sont facilement évoqués par le contexte
de survenue.
Les étiologies infectieuses entraînent des troubles du
langage rarement isolés s’intégrant à un tableau d’encéphalite
infectieuse avec épilepsie.
Le raisonnement est le même que pour
celui décrit dans le paragraphe relatif aux troubles de la mémoire.
L’examen des praxies gestuelles se fait par la réalisation de gestes uni- et bimanuels : imitation de gestes sans signification (faire un anneau avec le pouce et l’index, poser le dos de la main sur la joue
controlatérale par exemple), mime de gestes symboliques (salut
militaire, signe de croix), mime de l’utilisation d’objet (mimer
l’utilisation d’un marteau), utilisation d’objet (comme des ciseaux).
L’apraxie constructive se met en évidence par la réalisation de
dessins en trois dimensions (comme un cube ; une maison) sur
demande verbale et éventuellement sur copie.
L’examen des gnosies visuelles se fait après vérification de l’acuité
visuelle.
Le patient doit dénommer des images ou objets qui lui sont
présentés visuellement, les décrire, préciser leur usage, les classer
(par exemple un stylo, un trombone, le capuchon du stylo).
L’objet
est ensuite présenté dans une autre modalité, par exemple par entrée
tactile (par la saisie), ce qui permet, en cas d’agnosie visuelle et en
l’absence de trouble sensitif, une reconnaissance correcte.
La simultagnosie est recherchée en présentant au patient un dessin de
trois figures superposées (par exemple une banane, une pomme et
une poire).
L’héminégligence spatiale est recherchée facilement et rapidement
par la réalisation de dessins (la partie gauche de la figure n’est pas
dessinée), par le barrage de lignes (des lignes horizontales sont
dessinées sur une feuille de longueur différente, on demande au
patient de barrer le milieu de chaque trait) et le barrage de signes
(des ronds et carrés de petites tailles sont répartis sur une feuille, on
demande au patient de barrer les ronds) qui montreront un « oubli »
de l’hémiespace gauche de la feuille.
On peut aussi demander au
patient de se représenter mentalement une place connue de la ville
et de la décrire en s’imaginant en face d’un monument précis (il ne
décrit que l’hémiespace droit).
Enfin, l’inspection simple du patient
montre un regard tourné vers la droite, une tendance spontanée à
ne s’adresser que vers son côté droit.
On peut d’emblée noter que
pour favoriser une rééducation précoce, il vaut mieux se placer sur
la gauche du patient et, dans les chambres à deux lits, placer le
voisin de chambre sur la gauche du lit du patient.
B - CAUSES
:
Les accidents vasculaires cérébraux sont responsables des déficits
les plus nets et les plus purs.
Les traumatismes crâniens peuvent entraîner un déficit dans les
domaines évoqués mais rarement isolé.
Tout processus expansif tumoral ou infectieux (abcès) peut
occasionner un syndrome focal cérébral avec déficit
neuropsychologique dépendant de sa localisation, mais le mode
d’installation est progressif.
Les encéphalites infectieuses ou métaboliques sont rarement
responsables de ce type de déficit neuropsychologique.
Troubles du comportement et troubles
émotionnels d’origine neurologique
d’apparition aiguë :
A - TERMINOLOGIE
:
Nous n’abordons ici que les principaux tableaux cliniques
neurologiques se manifestant par un trouble du comportement et
de la personnalité d’installation aiguë ou subaiguë.
Ils peuvent être
le reflet d’une lésion directe des lobes frontaux, d’un
dysfonctionnement des circuits fronto-sous-corticaux (circuits
striato-thalamo-corticaux) par atteinte des noyaux gris centraux,
d’un processus lésionnel affectant le système limbique (plus
précisément le système limbique basolatéral axé sur les noyaux
amygdaliens, qui implique également les structures
hippocampiques, le cortex préfrontal orbitofrontal, le gyrus
cingulaire antérieur, les noyaux thalamiques antérieurs), d’une lésion
de l’hypothalamus et des connexions hypothalamoamygdaliennes.
Enfin, il semble que l’hémisphère droit joue un
rôle plus marqué que le gauche dans la compréhension et
l’expression des émotions.
B - EXAMEN CLINIQUE
:
L’examen clinique repose sur l’entretien du patient et de son
entourage.
On recherche une modification récente du comportement
et des réactions émotionnelles, comme une apathie, une inertie, une désinhibition, des réactions sociales inappropriées, un émoussement
affectif avec indifférence ou une hyperémotivité et impulsivité.
Les
propos doivent être notés dans l’observation.
Enfin, on évalue
systématiquement dans ce cadre les fonctions exécutives (ou
fonctions frontales) par une série de tests simples et rapides :
– fluence verbale catégorielle : dénommer le maximum de mots
d’animaux en 1 minute (évalue la flexibilité mentale) ;
– test des similitudes : « qu’y a-t-il de commun entre une tulipe et
une marguerite, entre une cravate et une chemise, entre une banane
et une orange » (conceptualisation) ;
– séquences gestuelles de Luria : répétition d’une séquence gestuelle
(paume sur la table puis poing sur la table puis tranche de la main
posée sur la table) réalisée par l’examinateur ;
– dessin d’une frise graphique consistant en un triangle et un carré
dessinés alternativement, et que le patient doit poursuivre sur la
largeur de la page.
On peut observer une réduction de la fluence verbale, un défaut de
conceptualisation avec définition par la forme ou par l’usage des
mots proposés dans le test des similitudes, des persévérations
gestuelles ou graphiques dans les tests gestuelles et graphiques
séquentiels.
C - CAUSES
:
1- Troubles du comportement associés
ou non à des signes neurologiques
:
Les méningoencéphalites virales ou métaboliques, les accidents
vasculaires cérébraux sous-corticaux (thalamus, noyau caudé) ou
hémisphériques droits et les traumatismes crâniens représentent les
causes les plus fréquentes.
L’imagerie cérébrale et l’étude du LCR
apportent la confirmation diagnostique.
Les intoxications (médicamenteuse, drogues, alcool) doivent être
recherchées au moindre doute, surtout quand un syndrome
confusionnel est associé.
Une hémorragie méningée doit être évoquée, surtout lorsque le
tableau clinique associe des céphalées et impose la réalisation d’un
scanner cérébral parfois accompagné d’une ponction lombaire.
Une encéphalopathie, quelle que soit sa nature, peut entraîner des
troubles du comportement, mais le plus souvent associés à un
syndrome confusionnel.
Si l’état de mal épileptique généralisé ne pose pas de problème
diagnostique, les états de mal partiel non convulsifs peuvent être
trompeurs.
Ils se présentent le plus souvent comme des syndromes
confusionnels avec troubles du comportement et fluctuation de l’état
de vigilance.
La présence d’automatismes ou de signes moteurs
(clonies des extrémités, du menton ou de la commissure labiale ;
déviation de la tête et des yeux) est évocatrice mais inconstante.
Parfois, le tableau clinique se résume aux troubles du comportement,
surtout chez les personnes âgées.
L’EEG est indispensable au
diagnostic.
2- Troubles du comportement isolés
:
Les causes les plus fréquentes sont psychiatriques : état maniaque,
attaques de panique, bouffée délirante, psychoses chroniques,
toxicomanie ou syndrome de sevrage.
Ce sont aussi les désordres
métaboliques : hypoglycémie, troubles endocriniens (dysthyroïdie,
hypercorticisme, phéochromocytome) ; une encéphalite infectieuse.
3- Troubles du comportement dans le cadre d’une
démence :
Le syndrome démentiel associe une amnésie à au moins un des
signes suivants : aphasie, apraxie, agnosie, troubles des fonctions
exécutives, et entraînant un retentissement sur la vie quotidienne.
Les troubles psychologiques et/ou du comportement sont fréquents
dans la maladie d’Alzheimer, survenant chez 70 % des patients au
cours de l’évolution de l’affection.
Il peut s’agir de troubles
productifs du comportement : désinhibition comportementale,
agressivité verbale ou physique, agitation motrice, impulsivité,
errance ; ou au contraire l’apparition d’une indifférence, d’une
apathie, d’un retrait social.
Ce sont le plus souvent les
comportements perturbateurs qui peuvent motiver des
hospitalisations dans les services d’urgence.
Il est important de façon
systématique de rechercher un facteur déclenchant somatique ou
iatrogène.
4- Syndrome de Klüver-Bucy
:
Le syndrome de Klüver-Bucy associe des troubles du comportement
alimentaire (hyperphagie, gloutonnerie, hyperoralité), une
désinhibition sexuelle et une indifférence affective qui
s’accompagnent de troubles cognitifs : amnésie et agnosie visuelle.
Il est la conséquence de lésions bitemporales mésiales bilatérales le
plus souvent : traumatisme crânien, chirurgie, encéphalite
herpétique, certaines démences.
Conclusion
:
Les manifestations les plus habituelles des troubles cognitifs
d’apparition brutale se caractérisent principalement par des troubles de
la mémoire et de langage.
Un scanner cérébral doit être réalisé en
urgence, parfois suivi d’une ponction lombaire.
Les mécanismes
étiologiques sont nombreux. Les causes les plus fréquentes de déficit
cognitif sont représentées par les accidents vasculaires cérébraux.
La méningoencéphalite herpétique impose la mise en route d’un traitement
en urgence.