Troubles d’attitudes mandibulaires
Cours de Médecine Dentaire
Introduction
:
La localisation médiane et l’appariement bilatéral des muscles qui
s’y insèrent confèrent à la mandibule un rôle unique dans l’économie
humaine et animale.
Ses attitudes, fruits d’interactions complexes
entre le génome et l’environnement, reflètent le degré de
coordination des différents organes participant à la manducation (du
latin manducare : action de manger).
C’est en évaluant le rôle attribué
à chaque constituant du système manducateur que l’on pourra le
mieux analyser les postures normales et pathologiques de la
mandibule.
Système manducateur
:
Il est fonctionnel et ouvert.
A - ENTITÉS FONCTIONNELLES PASSIVES :
Ce terme inclut les organes du système manducateur qui ne
répondent pas à l’innervation par une réaction motrice.
1- Structures basicrâniennes et faciales
:
C’est essentiellement à deux os d’origine cartilagineuse, le sphénoïde
et le temporal, que nous devons la définition spatiale du maxillaire
et de la mandibule.
Dans l’attente de nouvelles découvertes postgénomiques, on s’accorde à reconnaître diverses tendances
à la croissance faciale, plus antérieure (antéprosopie) ou plus
postérieure (rétroprosopie), plus verticale ou plus horizontale, plus large ou plus étroite.
Chaque orientation favorise
préférentiellement certains troubles de développement de la face, y
compris la mandibule.
Entre le système tensionnel de la dure-mère à l’intérieur de la boîte
crânienne et la musculature faciale existent aussi des relations
pouvant modifier la croissance mandibulaire.
2- Face
:
La présence d’organes sensoriels et cognitifs et son ossification endesmale rendent le splanchnocrâne particulièrement adaptatif et
sensible aux changements de son environnement.
La face est
éminemment individualisée.
3- Maxillaire
:
Bien qu’il paraisse moins apte à se mobiliser que la mandibule, le
maxillaire subit tout autant les contraintes mécaniques des forces
qui s’exercent sur lui.
Sa localisation dans le massif facial dépend
du développement du sphénoïde, et de l’orientation des apophyses
ptérygoïdes.
Ces dernières peuvent orienter sa croissance vers
l’avant ou vers le bas, et accentuer la tendance morphogénétique
antérieure ou postérieure.
Les muscles ptérygoïdiens transmettent
cette influence à la mandibule et l’aident à harmoniser le rapport
intermaxillaire.
4- Mandibule :
Indépendante du crâne, elle reste étroitement liée à lui, par ses
connections vasculaires, nerveuses, musculaires et ligamentaires.
Sa
forme subit au cours de l’ontogenèse des modifications semblables
à celles que l’on attribue à la phylogenèse.
Son ossification
précoce, en présence du cartilage de Meckel, favorise sa
localisation spatiale, et son adaptation au maxillaire et au reste des
structures crâniofaciales.
Bien que limitée par la fusion de ses deux
parties, ses aptitudes à modifier sa position ou sa forme se
conservent tout au long de la vie.
5- Articulations temporomandibulaires :
Les articulations temporomandibulaires (ATM) dépendent du
développement et du vieillissement de la denture.
Elles fonctionnent en couple, ce qui les soumet à une biomécanique
particulière, où déplacement et rotation font l’objet d’un
entraînement bilatéral sévère, qui ne peut être modifié sans
conséquence sur l’attitude mandibulaire et les fonctions manducatrices.
L’occlusion dentaire, de par ses propriétés nociceptives et ses qualités de butée, leur sert de relais et de
référence.
Les thérapeutiques orthodontiques peuvent modifier
l’aspect et le comportement des ATM.
6- Dents et os alvéolaire :
La dent et l’os environnant forment une unité fonctionnelle
indissociable.
Ils contribuent à ancrer la mandibule au maxillaire
dans les trois plans de l’espace.
L’anatomie de leur forme, de leur
position et de leur structure dicte ces conditions d’ancrage.
De l’état
des cuspides au délabrement osseux en passant par les versions ou gressions dentaires, toute condition pathologique ostéodentaire
risque d’influer sur l’occlusion dynamique et d’handicaper le
fonctionnement du système.
B - ENTITÉS FONCTIONNELLES ACTIVES :
Elles comprennent les organes de gestion (système nerveux central
[SNC]), de réception (microcapteurs), de transmission (nerfs) et
d’exécution (muscles) des activités manducatrices.
Au niveau
périphérique, les diverses terminaisons sensitives captent les signaux
superficiels et profonds, et les transmettent par les voies épicritiques
et protopathiques aux sphères postrolandiques.
La réaction
des aires motrices résulte de l’assimilation du signal et de
l’entraînement de la réponse.
L’intégrité des centres corticobulbaires
et des conduites (afférentes et efférentes) est essentielle au bon
déroulement de l’échange neurosensitivomoteur.
Les bourgeons du
goût contribuent, par leurs influx sensoriels et la réaction salivaire
qui en découle, à la modulation de l’activité musculaire.
1- Innervation orale
:
Les premières acquisitions somesthésiques débutent chez le foetus
vers la fin de la 7e semaine, mais c’est à la 12e semaine que les
terminaisons nerveuses vont devenir effectivement fonctionnelles.
La réponse à la sensation va définir le comportement oral.
La
répétition des sensations conduit à la perception, qui inclut le
traitement cérébral de l’information et conditionne la nature et
l’importance de la réaction.
L’entraînement des échanges
sensations et réponses débute durant la vie intra-utérine par la
recherche de contact réciproque entre la langue et le reste de la
cavité buccale.
Cette réciprocité dans la stimulation est
glossopharyngienne d’abord pour initialiser le réflexe de succiondéglutition.
Elle va progressivement céder la place à un échange
trigéminé linguopalatin antérieur.
Au-delà des perceptions sensitive épicritique et spécifique
sensorielle, c’est aussi la perception protopathique profonde
musculaire (fuseaux neuromusculaires) et parodontale
(mécanorécepteurs) qui va, par le biais des réflexes nociceptifs,
contrôler le dosage de la réponse.
2- Innervation parodontale :
Elle est assurée par les terminaisons pulpaires, parodontales et
osseuses.
La perception orale est influencée par l’âge, l’attitude
céphalique, l’inflammation, les malpositions et l’entraînement cuspidien.
En l’absence des dents, la perception osseuse ou ostéoperception prend le relais des mécanorécepteurs parodontaux
manquants.
Les implants dentaires peuvent transmettre et stimuler
cette réaction sensitive profonde.
3- Muscles
:
* Muscles masticateurs
:
Ils assument la mobilité et l’attitude mandibulaires.
En synergie avec
la musculature craniocervicale et les chaînes sus- et soushyoïdiennes,
ils mobilisent la mandibule dans les trois plans de
l’espace.
La contraction isotonique des diverses unités, qui
travaillent en couple, dicte l’orientation et la rapidité du trajet.
La
vitesse maximale du mouvement mandibulaire est en moyenne de
460 mm/s à l’ouverture et de 370 mm/s à la fermeture.
* Muscles superficiels ou peauciers
:
Ils contribuent à la communication soit verbale, soit par mimique.
Ceux de la musculature périorale sont aussi entraînés à assumer
d’autres activités.
Leur rôle dans la ventilation, l’aspiration et la
déglutition est essentiel. Leurs effets sur les structures alvéolomaxillaires contribuent à l’équilibre manducateur.
4- Langue
:
Sa fonction a longtemps été négligée ou souvent incomprise, mais
son influence sur les attitudes mandibulaires est considérable.
Elle
participe à l’équilibre neuromusculaire orofacial et est au centre
de toute les praxies orales.
La diversité de ses neurorécepteurs et la
complexité de sa musculature lui permettent de faciliter ou de
compenser l’activité des autres effecteurs buccaux.
Elle peut aussi
bien compléter le joint labial et remplacer une perception occlusale
défaillante, que faciliter la prononciation de certains phonèmes ou
la prise alimentaire.
Son volume comme son activité ont une action
morphogénétique sur les arcades dentaires et l’occlusion.
Biomécanique musculaire
mandibulaire :
La biomécanique musculaire peut se définir comme l’ensemble des
grandeurs scalaires ou vectorielles qui permettent de juger l’intensité
et la direction d’action des différentes forces générées par les
muscles, d’apprécier leur travail et d’évaluer leurs effets.
Les postulats sont les suivants :
– le parcours d’une fibre musculaire est défini par ses deux points
d’ancrage : l’origine dite inamovible et l’insertion dite amovible ;
– toute fibre musculaire qui lie un organe mobile à une structure
stable ou stabilisable possède une direction d’action qui est à
l’opposé de son parcours ;
– la définition, dans l’espace, des points d’origine et d’insertion
permet de connaître la résultante d’action et ses trois composantes
qui se réfèrent aux coordonnées cartésiennes ;
– la direction d’action localisée anatomiquement permet d’apprécier
le vecteur musculaire et sert à définir son support et son orientation.
L’amplitude, ou tension musculaire maximale exercée en force, par
unité de surface, est donnée par Haskell et al avec une valeur de
1 N/cm2 ;
– l’action des faisceaux musculaires sur la mandibule dépend de
leur surface d’insertion et de leur situation par rapport au centre de
rotation mandibulaire ;
– bien que souvent assimilée à un levier intermoteur du troisième
genre, il est cependant plus logique de considérer la mandibule
comme un corps libre dans l’espace ;
– la mandibule possède des centres de gravité et de résistance
séparés.
Le premier est situé au niveau de la deuxième molaire
définitive, le second dans la branche montante. Leur position varie
avec la forme et l’environnement mandibulaires ;
– l’activité musculaire permet l’exercice de couples qui, comme
vecteurs libres, sont indépendants du centre de résistance.
Ils
provoquent des rotations dont le moment peut être parfaitement
défini ;
– le choix des entités musculaires mises en activité dépend de
l’apprentissage et des réactions aux sensations perçues lors de
l’exécution des fonctions cognitives (vue, ouïe, odorat et goût) et
végétatives (respiration, succion, mastication, déglutition).
Coordination posturale mandibulaire
:
La posture mandibulaire est la réaction sensitivomotrice aux lois de
la pesanteur.
Elle exprime une activité gymnique liée aux stimuli
gnosiques et végétatifs.
La volonté et l’acquisition par entraînement de réflexes conditionnés lui permettent de sélectionner le
recrutement musculaire, la chronologie de réaction et la régularité
d’exécution.
L’orientation des fibres et le tonus musculaire
assurent l’attitude mandibulaire habituelle.
Pour le maintien d’une
contraction anisométrique minimale agissant contre la pesanteur, les
muscles font appel à la boucle gamma, qui est autant sensible à
l’attitude céphalorachidienne qu’à la perception périphérique ou
à la mécanique des tissus mous.
La langue, par son volume,
sa disponibilité compensatoire et sa quête active de
postures de référence, entretient une interaction constante avec la
dynamique posturale mandibulaire.
En servant d’ancrage ou de relais aux muscles agissant sur la
mandibule et la langue, l’hyoïde représente un indicateur privilégié
de leur comportement.
Son rôle dans le développement de
l’oropharynx et au-delà, sur les praxies de ventilation, de
déglutition et de phonation, contribue aussi à définir l’attitude
mandibulaire et ses changements.
Fonctions manducatrices normales
:
Elles impliquent :
– une hiérarchie sensorielle d’avant en arrière de la bouche, avec
l’apex lingual et la zone palatine rétro-incisive mieux innervés que
le voile ou le reste de la cavité ;
– une stimulation tactile réciproque des lèvres avec un joint postural
bilabial bien consolidé ;
– une autre recherche de réciprocité tactile entre le palais et la
langue permettant à cette dernière d’initialiser ou de s’associer aux
divers activités orales ;
– une croissance harmonieuse de la face avec des rapports
physiologiques maxillomandibulaires statiques et dynamiques,
incluant le libre jeu articulaire ;
– une denture saine sans mobilité dentaire ou surcharge occlusale ;
– une perception parodontale et occlusale, avant/arrière,
gauche/droite, une non-ingérence (perceptuelle ou motrice) de la
langue lors de l’acquisition de contacts occlusaux à vide ou au cours
des autres fonctions orales ;
– une parfaite perception tactile et gustative de l’aliment introduit
en bouche ;
– un trajet occlusal vers l’intercuspidation maximale limité par
rapport aux trois plans de l’espace (centré et court) ;
– une référence occlusale unique lors des déplacements
mandibulaires orbitaux avec une coordination parfaite des muscles
masticateurs, permettant un équilibre dans le jeu synergiste et
antagoniste des différentes unités recrutées ;
– une mastication bilatérale en image de miroir sans renversement
du sens cyclique ; elle est unilatérale préférentielle, du côté de la
déviation mandibulaire dans les asymétries faciales ;
– une synchronisation parfaite des activités linguomandibulaires
dans :
– la mastication : balayage régulier du bol alimentaire ;
– l’insalivation : stimulation salivaire avant et pendant la
déglutition ;
– la déglutition : centralisation du bol contre le palais ;
– la phonation : évitement de contacts avec l’environnement
dentaire ou labiojugal ;
– la ventilation : dégagement de l’oropharynx.
Classification des troubles
:
D’essence fonctionnelle, et sujette aux influences de son
environnement, l’attitude mandibulaire peut être ponctuelle ou
habituelle.
La première répond à un besoin conjoncturel, la seconde
est acquise soit temporairement, soit définitivement.
Toute altération de la posture mandibulaire, résulte d’une
incoordination du système manducateur, et doit s’étudier dans
l’espace et dans le temps.
Les troubles d’attitude mandibulaire sont
donc à différencier selon l’âge du sujet, la localisation et la durée de
leur expression.
Diagnostic
:
Contrairement aux altérations morphologiques qui sont bien
apparentes, les troubles d’attitudes mandibulaires passent souvent
inaperçus s’ils se présentent sporadiquement, sans symptôme
incommodant ou implication structurale.
Donc, pour appréhender
tout dysfonctionnement, il faut pouvoir définir la normalité.
A - ANAMNÈSE :
Elle comprend :
– l’interrogatoire des plaintes, la description des symptômes,
l’investigation des antécédents, ainsi que le rappel du mode
alimentaire et des habitudes acquises.
L’alimentation artificielle, entérale ou parentérale, peut inhiber le réflexe de succiondéglutition.
L’habitude de succion non nutritive (doigt, sucette…),
comme l’utilisation d’une tétine nutritive inadéquate, peuvent
prolonger l’immaturité sensorielle orale et conserver une déglutition
infantile ;
– la recherche d’une respiration buccale anatomique ou
fonctionnelle, diurne et/ou nocturne, comme de toute affection de
la sphère oto-rhino-laryngologique (ORL).
Ces affections qui
influencent la posture linguale ne sont pas étrangères aux troubles
d’attitude mandibulaire ;
– les conclusions de bilans orthophoniques, dentaires et
parodontaux.
B - EXAMENS :
Ils exigent la répétition de l’observation. Un phénomène fonctionnel
aperçu ne peut être considéré comme acquis que s’il se reproduit
dans le temps.
L’évaluation porte sur plusieurs points :
– l’observation exobuccale des postures labiales (le joint des lèvres et
leur tonus) et mandibulaire (la position du menton dans les trois
plans) ;
– l’observation endobuccale de la posture et de la dynamique linguales.
En faisant compter de 1 à 5, l’observateur peut apercevoir et évaluer
l’attitude de la langue.
La posture peut être aussi estimée en
localisant l’os hyoïde, par rapport au bord mandibulaire (norme au
repos, tête droite : largeur de deux doigts du sujet). Une langue
basse peut s’associer à une ventilation orale et à une déglutition
infantile ;
– la perception buccale avec l’évaluation des zones sensorielles et des
capacités d’orientation de la langue dans la bouche (schéma buccal) ;
– l’analyse endobuccale des rapports maxillomandibulaires avec l’étude :
– de l’occlusion : classification d’Angle et recherche de contacts
prématurés ;
– de la posture mandibulaire au repos, en comparant les positions
assise et couchée du sujet.
La coordination posturale est estimée à
partir des rapports interincisifs (coïncidence des milieux et recul
des inférieures de 1-3 mm) et intermolaires (béance de 2-4 mm et
recouvrement de 0-1 mm des cuspides buccales inférieures par les
supérieures) ;
– de la propulsion maximale et spontanée, sans contact dentaire.
Les incisives inférieures se déplacent normalement de 6 à 10mm
en propulsion maximale et de 3 à 5mm en propulsion spontanée
(prononciation des « S » en faisant compter de 60 à 70).
Il n’y a
pas de déviation latérale ;
– la proprioception parodontale, avec la définition du seuil de
stimulation des récepteurs desmodontaux et de leur capacité à
percevoir les contacts occlusaux.
Le sujet doit reconnaître sans et
avec stimulation digitale les points de contacts en occlusion, savoir
mordre à la demande sur les incisives, canines et molaires, et réagir
sans douleur à la percussion verticale et horizontale.
L’observation exobuccale des postures labiales et l’observation
endobuccale de la posture et de la dynamique linguales sont
étudiées par l’imagerie médicale et confirmées par
l’aérophonographie.
La perception buccale est complétée par l’aesthésiométrie et la
stéréognosométrie, l’analyse endobuccale des rapports
maxillomandibulaires par les téléradiographies, l’oscillodontométrie
et l’électrognathographie, et la proprioception parodontale par
l’occlusographie.
C - BILANS COMPLÉMENTAIRES :
1- Approche psychanalytique :
Certaines hyperactivités musculaires sont associées, par le biais de
la boucle gamma, à une situations de stress ou à un trouble de
comportement.
Des bilans psychologiques ou psychiatriques peuvent, dans certains
cas, aider à cerner leur origine.
2- Biométrie fonctionnelle orale :
Elle utilise différents tests pour quantifier l’activité des organes
de la bouche.
Elle se base sur la complémentarité et le recoupement de divers
résultats obtenus pour définir la normalité ou la pathologie
fonctionnelle.
Sa particularité réside en une recherche des perceptions et des
habitudes qui permettent de dissocier un comportement acquis d’une
réaction fugace ou passagère.
*
Tests de perception :
+ Aesthésiométrie
:
Elle utilise la reconnaissance d’une ou de deux pointes pour
apprécier et évaluer la capacité sensitive de la langue et du
palais.
La mesure est le poids appliqué en grammes, nécessaire à la
reconnaissance.
Plus la différence (en grammes) entre la discrimination des pointes
et la première sensation de douleur est importante, plus la
sensibilité est grande.
+ Stéréognosométrie orale
:
La stéréognosie, ou perception tridimensionnelle des formes, est
définie comme la capacité d’un individu à déterminer dans l’espace
le contour d’un objet, à le comparer à une image semblable perçue
précédemment et à l’identifier.
La perception peut être
visuelle, manuelle ou buccale.
Le bol alimentaire obtenu par la
mastication se perçoit par les dents pour la consistance et par la
langue avec les autres organes buccaux pour la température, le goût
et la texture.
Cette reconnaissance par l’apex lingual et la papille
palatine s’effectue le long du plan sagittal médian.
La stéréognosie
palatine est donc essentielle à l’acte de déglutition volontaire.
Elle
est la preuve que le sujet a acquis la maturation nécessaire
trigéminée et a rejeté ses habitudes infantiles.
La stéréognosométrie est la mesure des performances
stéréognosiques en bouche.
Elle peut être orale ou plus
spécifiquement linguopalatine ou parodontale.
Stéréognosométrie spécifique linguopalatine.
Elle évalue la localisation de la langue dans ses fonctions de
déglutition et de phonation.
À partir de dix stimuli soumis à quatre
essais de reconnaissance orale (dont deux avec anesthésie soit de la
papille palatine, soit de l’apex lingual), elle permet de confirmer le
degré d’immaturité linguale.
Stéréognosométrie parodontale.
Elle se base sur la discrimination, par les mécanorécepteurs desmodontaux, de divers matériaux de texture et d’épaisseur
différents intercalés entre les dents.
Elle évalue la performance
des récepteurs dans le contrôle de la force de mastication exercée
sur les dents.
Elle est aussi utilisée pour analyser l’aptitude de
l’implant dentaire à transmettre aux microcapteurs osseux (dans
l’ostéoperception) les pressions occlusales.
+ Odontoscillométrie
:
Elle évalue en priorité la mobilité des dents et l’intégrité des
structures d’ancrage radiculoalvéolaires.
Réalisée avec le Periotestt,
elle sert aussi à repérer par la percussion, une gêne ou une douleur
parodontale comme à paramétrer les contacts prématurés et les
surcharges occlusales.
L’appareil provoque, par une percussion
itérative, une oscillation de la dent qui est enregistrée
immédiatement par un capteur de pression.
La norme pour la
mobilité est de : 0,8–0,9 (hommes) et de 0,9–1 (femmes) et, pour la
charge occlusale, supérieure à 0,4 de différence entre la posture de
repos et l’intercuspidation maximale.
*
Tests de motricité mandibulaire :
+ Axiographie
:
Elle a longtemps été considérée comme essentielle pour
différencier les trois positions mandibulaires : habituelle, en
intercuspidation maximale, et en relation centrée.
L’axiogramme
des sujets sans troubles posturaux montre une superposition quasi
parfaite (environ 0,5 mm2) des points correspondant à la recherche
spontanée ou induite de la relation centrée.
Cette dernière, toutefois, souffre actuellement de fortes critiques
concernant le bien-fondé de son choix en tant que posture de
référence mandibulaire dans l’étude de l’occlusion.
+ Occlusographie
:
Elle analyse le trajet occlusal (tracé mandibulaire exécuté lors de
l’engrènement dentaire depuis le premier contact intercuspidien
jusqu’à l’intercuspidation maximale), qui est le complément de tout
déplacement mandibulaire vers l’occlusion.
Le T-Scan utilise des
capteurs de pression tactile, intégrés dans deux feuillets de 1 mm
d’épaisseur intercalés entre les arcades dentaires.
L’activité électrique
développée est calculée électriquement.
Elle reproduit la force de
l’occlusion appliquée sur environ 1 mm2.
Le cumul des forces ou
centre des forces occlusales (COF) doit se situer sur l’ellipse centrale
du schéma de l’arcade dentaire. Plus le tracé vers le COF est court,
plus l’occlusion se dit fonctionnelle.
L’occlusogramme
est sensible au schéma buccal et à la statique céphalique.
+ Électrognathographie ou kinésiographie
:
Elle mesure la trajectoire mandibulaire lors des déplacements
orbitaux et praxiques.
L’électrognathographe utilise un aimant collé
sur la gencive au niveau des deux incisives centrales inférieures.
Les perturbations de son champ magnétique dues au mouvement
mandibulaire sont enregistrées par des solénoïdes qui transforment
ces signaux en activités électriques.
Les trajets mandibulaires dans
les trois plans de l’espace sont soit digitalisés, soit reproduits sur
une table traçante.
La comparaison de ces tracés lors de
déplacements dictés ou habituels permet d’indiquer le degré
d’entraînement des muscles, et la récupération possible de ceux qui
montrent une certaine défaillance.
En complétant ces résultats avec
ceux de l’odontoscillométrie et de l’occlusographie, on peut analyser
entièrement le déplacement mandibulaire jusqu’à l’intercuspidation
maximale.
Les conclusions de la stéréognosométrie
permettent, de plus, d’apprécier l’effet de la langue ou de
l’occlusion sur la dynamique mandibulaire.
+
Électromyographie :
Elle sert à tester l’activité conjoncturelle et habituelle des
muscles masticateurs. L’électromyographie de surface, par électrodes
ventouses ou griffes, est plus simple d’utilisation, mais pose des
problèmes de reproductibilité.
Les électrodes aiguilles permettent des enregistrements unitaires ou
de petits groupes d’unités motrices.
Elles sont surtout utilisées pour les muscles profonds ptérygoïdiens
médians et latéraux.
L’activité électrique, développée durant des tâches précises
effectuées en contraction isométrique, est analysée dans le dessein
d’évaluer le nombre et l’orientation des muscles ou faisceaux
musculaires qui participent à un certain déplacement.
L’étiologie fonctionnelle est fondée sur un déséquilibre dans le
nombre des faisceaux antagonistes relevé (incoordination
conjoncturelle) ou dans l’amplitude de l’activité électrique
déployée (incoordination habituelle).
+ Aérophonographie
:
Elle mesure la ventilation nasale et orale spontanée ou dictée lors de
la respiration (habituelle ou forcée), la phonation, le chant ou la
déglutition.
L’aérophonoscope utilise des capteurs à fils chauds et
leur degré de refroidissement, pour mesurer la quantité d’air expirée
ou inspirée par les voies nasales et buccales.
Les pics inspiratoires et
expiratoires qui se différencient grâce à l’enregistrement couplé de
la voix, permettent d’identifier le degré de perméabilité nasale et
l’importance de l’échange buccal dans diverses activités phonatoires.
On étudie aussi les troubles linguovélaires et leurs effets
sur l’attitude mandibulaire et l’occlusion dentaire.
Ces résultats sont
à recouper avec les constatations cliniques et radiographiques sur la
posture linguale.
+ Autres examens
:
Analyses dynamiques linguales et périorales.
Elles peuvent apporter un complément d’information sur le rôle de
la langue ou des lèvres.
On citera la palatographie et
l’électropalatographie pour l’analyse des appuis linguaux lors de la
phonation, l’articulographie électromagnétique pour l’étude des effets
thérapeutiques sur la posture linguale et les jauges d’extensiométrie
qui servent à l’évaluation des pressions labiales, jugales ou linguales.
Polysomnographie.
Elle est surtout indiquée lorsque le trouble d’attitude mandibulaire
semble se répercuter sur la ventilation nocturne et le sommeil.
3- Imagerie médicale :
* Photographies et enregistrements par caméscope
:
Ils permettent une analyse posturale ou dynamique de l’attitude
mandibulaire.
Ils ont l’avantage de permettre la documentation et la
répétition de l’observation.
* Imagerie par résonance magnétique
:
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) offre de très bonnes
images tridimensionnelles et objective bien le volume et la posture
linguale.
Elle ne s’impose pas dans l’étude des attitudes
mandibulaires.
* Téléradiographies
:
Elles sont surtout utiles pour différencier les troubles d’attitude
isolés des anomalies combinées morphofonctionnelles.
Le cliché de
profil permet, de plus, l’analyse de la lumière pharyngée et des
rapports entre la langue, l’hyoïde et la mandibule.
Les analyses
céphalométriques, bi- et tridimensionnelles complètent l’évaluation
de la situation et de la forme mandibulaires.
Diagnostic différentiel
:
Les troubles d’attitude mandibulaire doivent être différenciés des
pathologies occlusales ou de structure affectant les rapports des
maxillaires avec le reste du crâne.
Les dystrophies et les troubles
d’origine centrale sont à dissocier des attitudes dysfonctionnelles
acquises.
Ils peuvent, cependant, bénéficier des mêmes moyens
thérapeutiques.
Pronostic
:
Il est excellent si l’incoordination manducatrice est traitée
préventivement ou s’exprime soit d’une manière ponctuelle, soit
sans complication structurale.
Il est plus réservé chez l’adulte que
chez l’enfant ou l’adolescent.
Les rechutes sont possibles si les
nouvelles références de perception orale ne sont pas consolidées,
naturellement, par entraînement ou artificiellement, par des ajouts
techniques.
Traitement
:
Les traitements des pathologies d’attitude, comme toute éducation
ou rééducation fonctionnelle, nécessitent un moniteur et une
participation volontaire du patient ou de son entourage.
A - PRÉVENTION (ÉDUCATION DES POSTURES
MANDIBULAIRES)
:
1- Du nourrisson
:
Elle réclame un bon apprentissage des fonctions buccales lié à :
– la stimulation des lèvres et de la zone palatine antérieure pour
acquérir une bonne fermeture buccale sans interposition de la
langue ;
– une prolongation de l’alimentation (maternelle) ou liquide,
associée à un bon réflexe de succion jusqu’à la première occlusion
molaire (environ 18 mois) ;
– une souplesse suffisante des tétines (nutritives et non nutritives)
et une réduction progressive de leur longueur, de leur port journalier
et de leur utilisation ensuite, jusqu’à l’arrêt total vers 3 ans ;
– la conservation du joint labial et l’intégration du réflexe de
préhension des lèvres dans celui de morsure (utilisation d’anneaux
en caoutchouc) ;
– un soulagement de toute douleur d’éruption dentaire susceptible
d’accentuer la salivation-réflexe et d’augmenter la sialorrhée
(massage des gencives avec ou sans médication antalgique) ;
– l’entraînement de la proprioception parodontale et occlusale, par
la stimulation digitale, dès la mise en place des différentes unités
dentaires ;
– une surveillance attentive de l’éruption des incisives ou des
canines lactéales, pour éviter qu’une dent inférieure ne provoque un proglissement ou une latérodéviation fonctionnelle ;
– la maturation fonctionnelle des habitudes alimentaires par un
passage graduel de l’alimentation liquide vers les semi-solides et
solides ;
– l’intégration du réflexe de succion-déglutition dans la praxie de
déglutition somatique dès la mise en place d’une denture
fonctionnelle, par une activation des perceptions occlusale et
linguopalatine antérieure ;
– une articulation correcte des phonèmes par un bon entraînement
parental ou orthophonique.
2- De l’enfant et de l’adulte
:
L’approche s’oriente surtout vers la quête et la mise en place d’une
bonne référence occlusale grâce à :
– un contrôle régulier de l’état de la denture et de la fonction occlusale ;
– la recherche et l’élimination de perturbations passagères labiales
et/ou linguales ;
– la correction des habitudes de succion ou de morsure
(onychophagie).
B - INTERCEPTION (RÉÉDUCATION DES POSTURES
MANDIBULAIRES PONCTUELLES)
:
Elle s’occupe à tout âge des troubles passagers de l’occlusion par
une approche provisoire, temporaire, ou définitive.
Elle utilise :
– la rééducation fonctionnelle de l’attitude par la myothérapie,
l’orthophonie ou/et l’orthopédie dentofaciale ;
– la mise en place de plans occlusaux provisoires (POP) fixes ou
amovibles pour guider la mandibule vers le maxillaire et ses
nouveaux contacts cuspidiens de référence.
C - COMPENSATION (CORRECTION DES POSTURES
MANDIBULAIRES ACQUISES)
:
Elle est en rapport avec l’âge du sujet et le degré comme la durée de
l’habitude. Elle réclame une approche plus multidisciplinaire que
les traitements précédents. Elle devrait comprendre :
– une aide psychologique ou psychiatrique, si un trouble
comportemental sous-tend l’habitude ;
– l’élimination de tout foyer ou épine irritative capable de favoriser
le maintien du trouble ;
– le choix d’une occlusion de référence qui, grâce à des retouches
successives, doit être celle de confort et devenir habituelle ;
– le traitement provisoire du déséquilibre occlusal par des moyens
amovibles simples de port nocturne d’abord (appareils bimaxillaires)
pour recréer l’équilibre musculaire, et combinés amovo-inamovibles
de port continu ensuite (bimaxillaire + POP) pour contrôler
l’ensemble des activités manducatoires ;
– le traitement temporaire occlusal par des coronoplasties
d’addition en composite ou de soustraction (sans mutilation
excessive ou irréversible) pour consolider la nouvelle référence
occlusale ;
– le traitement définitif par une correction orthopédique, orthodontique, ou prothétique, avec ou sans complément parodontal
ou chirurgical ;
– un suivi régulier des modifications obtenues dans l’acquisition de
nouvelles références perceptuelles, et le travail musculaire.
D - CRITÈRES DE L’APPAREIL RÉÉDUCATEUR ORAL
:
– Stimuler la maturation orale par la hiérarchisation de la perception
d’avant en arrière.
– Recréer les contacts tactiles réciproques susceptibles de rééduquer
les lèvres, la langue et l’occlusion.
– Générer et entraîner une activité musculaire équilibrée entre
muscles agonistes et antagonistes.
– Orienter la mandibule vers une posture de confort pouvant
devenir habituelle.
– Maintenir un contrôle sur les postures statiques et dynamiques
des lèvres et de la langue.
– Faciliter l’instauration de contacts occlusaux guidant les dents vers
une intercuspidation équilibrée et stabilisée.
– E´ viter les surcharges dentaires et articulaires au cours du
traitement et après.
– Être aussi restreint dans son volume que versatile dans ses
possibilités pour faciliter le déroulement des praxies et les
ajustements techniques.