Traumatismes fermés du foie
(Suite) Cours de Chirurgie
2-
Situation « défavorable »
:
* Triade malheureuse (hypothermie-acidose-coagulopathie) présente
:
La reconnaissance d’un trouble grave de l’hémostase dans les
situations d’hémorragies sévères en traumatologie abdominale a
constitué un progrès thérapeutique considérable.
Un « cercle
vicieux sanglant » est présent dans la majorité des décès par
hémorragie incoercible.
Le diagnostic de cette « hémorragie
biologique » ou « non chirurgicale » est fondamental.
Il peut bien
sûr être fait en peropératoire par la constatation d’une hémorragie
profuse résistant à toute tentative d’hémostase chirurgicale.
Mais il
est des signes cliniques ou biologiques qui permettent de prévoir
cette situation : ce sont les signes proposés pour envisager une
« laparotomie écourtée » ou un damage control (laparotomie de
contrôle des lésions) avant même l’intervention :
– pH< 7,3 ;
– température < 35 °C ;
– transfusion > 10 unités (perte estimée à 4 L).
Ce dernier seuil est à
5 unités pour certains des promoteurs du tamponnement périhépatique.
Certains ont pu déterminer le risque statistique de développer une coagulopathie en traumatologie en ajoutant l’ISS (qui rend compte
du polytraumatisme) aux trois marqueurs ci-dessus : ce risque
atteint 98 % lorsque sont réunis ISS > 25, pH < 7,10 et température
< 34 °C chez des patients ayant reçu plus de 10 culots.
Dans le cadre des traumatismes fermés du foie, les signes qui
doivent faire évoquer la possibilité de mettre en place un
tamponnement périhépatique de façon précoce sont une transfusion
de cinq culots, un pH inférieur à 7,25, une température inférieure à
34 °C, une lésion hépatique grave (haut située sur le dôme en
particulier).
La décision doit être rapide, prise en accord avec l’anesthésiste et le
réanimateur qui vont prendre en charge le blessé « tamponné ».
La mise en place du tamponnement périhépatique répond à une
procédure rigoureuse : des compresses de grande taille de
type mèches à prostate constituent le matériel idéal mais des
champs abdominaux de texture proche des compresses ou de
simples grandes compresses peuvent également convenir.
Le
« matelas compressif », assez épais, doit d’abord être disposé sous
le foie droit, suffisamment en arrière pour que le foie soit projeté
vers le haut et vers l’avant, puis sous le foie gauche en s’appuyant
sur la petite courbure gastrique.
Il ne faut pas mettre trop de
compresses ou de champs au contact direct de la veine cave
inférieure sous-hépatique pour ne pas risquer une compression
cave.
Il faut également éviter de tasser des compresses sur le dôme
du foie pour ne pas « ouvrir » une lésion intéressant la zone de la
veine sus-hépatique droite.
Après réalisation du procédé de fermeture adapté,
plusieurs attitudes sont décrites : certains déclenchent sur table la réanimation maximale avant de décider si une réintervention
précoce est souhaitable (et possible) ou si le patient peut être
transféré en réanimation, mais la plupart des auteurs réservent cette
attitude aux situations catastrophiques où des gestes désespérés
comme des clampages vasculaires abdominaux provisoires ont été
réalisés (« si le patient n’est pas décédé, la réintervention est
envisagée »).
Le plus souvent, le patient est transporté en
réanimation ou bien, si son état le permet, il peut être transféré dans
un centre plus spécialisé.
* Clampage pédiculaire inefficace
:
On recherche d’abord un défaut à cette manoeuvre : serrage
insuffisant du clamp, ou négligence de l’artère hépatique gauche
née de la coronaire stomachique.
En absence d’anomalie de ce
type, on évoque une plaie veineuse sus-hépatique.
Si les
circonstances apparaissent particulièrement simples (plaie de la veine médiane ou gauche qui « saute aux yeux »), ce qui est rare,
l’hémostase directe peut être tentée.
Mais il est rare que ce type
de situation se présente sans que le patient n’ait pas déjà
beaucoup saigné et que la triade malheureuse ne soit déjà en
approche : la compression hépatique et le tamponnement périhépatique doivent être utilisés, car ils sont presque toujours
efficaces et peuvent stopper la spirale de l’hémorragie et du
désamorçage, même en cas de plaie veineuse sus-hépatique
droite.
* Tamponnement périhépatique inefficace
:
C’est très grave…
Il faut d’abord refaire le tamponnement périhépatique en comprimant le foie manuellement, en ajoutant des
compresses, en les appuyant plus fermement sur la loge rénale en
arrière, sur l’estomac en dedans.
Si on diminue nettement l’hémorragie en associant au
tamponnement périhépatique un clampage pédiculaire, il est
probable qu’une plaie artérielle est en cause.
On peut alors essayer
de clamper l’artère hépatique et si cela est efficace, on envisage sa
ligature ou la mise en place d’un petit clamp de type bulldog qui est
abandonné jusqu’à la reprise car il faut écourter la laparotomie.
Ce
geste a été considéré comme utile, mais il peut provoquer une
nécrose du foie, ou aggraver le risque d’insuffisance hépatique
postopératoire par hypoxie d’un foie déjà traumatisé par le
collapsus.
Cependant, associé au tamponnement périhépatique,
il pourrait permettre de passer un cap.
En raison de ses risques, il
faut le mettre en balance avec une embolisation artérielle
postopératoire immédiate, plus distale et ainsi plus efficace et moins
ischémiante.
Un tamponnement périhépatique énergique suivi du
transfert immédiat sous réanimation active en radiologie pour
artériographie et embolisation est une option cruciale : cette
procédure a, dans l’expérience d’Asensio, stoppé toutes les
hémorragies non contrôlées par le tamponnement périhépatique.
Le recours à un clampage par lacs sortant par l’incision et
permettant le transfert en artériographie puis l’embolisation grâce à
son desserrage est peut-être une solution efficace.
Si le tamponnement périhépatique est indiscutablement inefficace,
que le clampage artériel n’apporte rien de plus et que le débit
d’hémorragie est considéré comme incompatible avec le passage en
angiographie, alors se pose le choix entre l’association
tamponnement périhépatique + fermeture + réchauffement +
réanimation « maximale » et une attitude chirurgicale agressive et à
très haut risque sur ce terrain.
Si cette deuxième option est choisie,
l’un des chirurgiens reprend la compression, écrase le foie sur luimême
et contre le diaphragme, l’autre installe une large incision et des écarteurs appropriés.
L’équipe chirurgicale et l’équipe
anesthésique appellent du renfort si nécessaire, et du sang est
réclamé.
L’exclusion vasculaire du foie peut, en théorie, trouver sa place
dans ces conditions exceptionnelles.
Dans cette situation, le triple clampage (pédicule + veine cave en sous- et sus-hépatique) est
pratiquement voué au désamorçage cardiaque par l’interruption du
flux cave inférieur qu’il entraîne.
Il doit être associé au clampage
aortique préalable, ce qui correspond au quadruple clampage.
Le clampage aortique permet en effet de diminuer le risque
de désamorçage cardiaque en maintenant une perfusion artérielle
coronaire.
Dans le but de lutter contre ce désamorçage, plusieurs
procédés permettant de respecter le flux de retour cave ont été
décrits : shunts internes réalisés par un tube introduit par l’auricule
et pénétrant dans la veine cave inférieure jusqu’à l’étage soushépatique
, voire circulation extracorporelle de type veineux
exclusif, cavoaxillaire ou cavojugulaire, du type de celles qui sont
utilisées en transplantation hépatique.
Si les shunts sont réputés
surtout pour avoir suscité plus d’articles qu’ils n’avaient permis de
sauver de patients et pour avoir rendu quelques services dans
certaines plaies ouvertes (et qui auraient probablement été mieux
traitées par tamponnement périhépatique), on peut retenir que
shunts et circulation extracorporelle n’ont pas de place en
urgence.
D - FERMETURE DE LA PAROI ET DRAINAGES
:
Le choix du type de la fermeture pariétale et l’installation
d’éventuels drainages dépendent directement des conditions dans
lesquelles se passe la fin de l’intervention : selon que l’hémorragie
est maîtrisée ou non, selon que la fermeture est a priori définitive
ou qu’une réintervention est programmée dans le cadre d’une
laparotomie écourtée, selon enfin que la fermeture se fait sans
aucune tension ou que la pression abdominale apparaît importante
ou encore que l’on cherche à prévenir un syndrome du
compartiment abdominal ultérieur.
1- Hémorragie contrôlée et lésions réparées
:
Lorsque l’hémostase est obtenue simplement, et que le patient n’a
pas présenté de collapsus sévère ni nécessité de clampage
pédiculaire prolongé, une fermeture pariétale plan par plan peut être
réalisée.
Il convient de drainer largement la région hépatique afin
d’extérioriser toute fuite biliaire secondaire.
Dans ce type de
situation favorable, la prévention d’une hypertension intraabdominale
peut être motivée par la présence d’autres lésions
susceptibles d’augmenter de volume ou de favoriser l’oedème
(hématome rétropéritonéal, fracture du bassin…).
Au prix d’une
éventration ultérieure, la fermeture cutanée pure est un moyen
simple de prévention (limitée) du syndrome du compartiment
abdominal.
Bien que rare dans ce type de situation, le
syndrome du compartiment abdominal peut avoir des conséquences
lourdes chez un polytraumatisé et notamment si des lésions
crâniennes ou thoraciques accompagnent le tableau abdominal : s’il
n’est pas prévenu par un artifice de fermeture pariétale, il devra être
soigneusement recherché par la prise de pression intravésicale.
2- Problème hémorragique non totalement résolu :
gestion de la paroi en cas de laparotomie écourtée
et de tamponnement périhépatique
Dans les cas où l’option de tamponnement du foie a été choisie,
et/ou s’il est associé à un contrôle sommaire d’autres lésions dans le
cadre d’une laparotomie écourtée, la fermeture de la paroi doit être
rapide afin de lutter contre le refroidissement et de permettre une
réanimation maximale.
Mais elle doit aussi prévenir un syndrome
du compartiment abdominal, et rendre aisée la réintervention.
La
fermeture cutanée pure est la façon la plus simple et la plus rapide
de répondre à ces exigences, mais il faut utiliser un procédé plus compliant lorsque la suture pariétale « tire » exagérément, ou
lorsque des manifestations d’HIA (collapsus, difficultés de
ventilation) se manifestent à la fermeture.
L’utilisation du sac dit
« de Bogota » (feuille découpée dans un sac à grêle suturée aux
berges cutanées ou aux berges aponévrotiques) est la plus classique.
Des procédés plus ou moins sophistiqués permettant un
rapprochement progressif des berges lorsque la tension pariétale
diminue ont été décrits.
Le procédé du “vacuum pack”
permet à la fois une bonne détente pariétale et une relative
contention tout en assurant une aspiration continue des liquides qui suffusent depuis la cavité.
Il est important de souligner
combien la prise en compte du syndrome du compartiment
abdominal a probablement été insuffisante avant la fin des années
1990.
L’option de la laparotomie écourtée en traumatologie
abdominale s’accompagne, dans les séries récentes, d’une prévention
assez systématique du syndrome du compartiment abdominal dès
que les risques de développement de ce syndrome sont présents.
Reconnaissance de la coagulopathie, décision du tamponnement
périhépatique, choix de la laparotomie écourtée et du damage control
pour les lésions associées et enfin prévention par une fermeture
abdominale appropriée du syndrome du compartiment abdominal
s’inscrivent dans une stratégie opératoire moderne.
Le drainage de la cavité abdominale après la mise en place d’un
tamponnement périhépatique n’est pas justifié.
Si une prévention
du syndrome du compartiment abdominal par sac de Bogota ou
autre procédé est utilisée, c’est par cette laparostomie plus ou moins
couverte que se fera le drainage.
3- Drainage des voies biliaires
:
Le drainage de la voie biliaire principale a longtemps été
recommandé.
En absence de lésion des voies biliaires extrahépatiques, il est inutile.
Il a été montré que le drainage de la
voie biliaire principale n’influe pas sur la pression biliaire intrahépatique et, donc, sur le risque de fuite biliaire.
L’intérêt d’une cholangiographie secondaire était l’un de ses avantages.
Le
cathétérisme rétrograde de la papille permet ce type d’exploration
et aurait, par l’intermédiaire du drainage nasobiliaire ou de la
prothèse, la capacité de permettre ou d’accélérer la fermeture des
fuites biliaires.
E - SURVEILLANCE POSTOPÉRATOIRE PRÉCOCE
ET RÉINTERVENTIONS :
L’intensité et les modalités de la surveillance dépendent bien sûr
des gestes pratiqués, du déroulement de l’intervention, et de la
situation au terme de celle-ci.
Dans la plupart des cas actuellement,
la décision de laparotomie correspond à un traumatisme grave ou à
un hémopéritoine important.
Dans les cas où l’intervention a été
décidée pour des lésions associées (spléniques ou intestinales), et
que l’ensemble des problèmes sont résolus, la surveillance sera
classique, à la recherche de complications du même type, en
pratique, que celles qui peuvent être observées dans le cadre du
traitement non opératoire.
Le drainage mis en place simplifie la
détection de la plupart d’entre elles.
Tous les intermédiaires existent
entre cette première situation et la réanimation déclenchée chez le
patient gravement hémorragique traité par laparotomie écourtée et
tamponnement périhépatique.
1- Réanimation du patient porteur de tamponnement périhépatique
:
La réanimation cherche à la fois à maintenir un état hémodynamique
acceptable en cas de poursuite de l’hémorragie, et à stopper
l’hémorragie « biologique » qui a conduit à mettre en place un
tamponnement périhépatique.
On peut discuter à ce stade le
transfert du blessé dans un centre plus spécialisé.
La réanimation
s’appuie avant tout sur le remplissage, la correction de
l’hypothermie et la correction de l’acidose pour interrompre le cercle
vicieux acidose-hypothermie-coagulopathie.
– Le remplissage vasculaire peut être très large : on cherche à
préserver un état hémodynamique acceptable pour ne pas basculer
dans le choc décompensé et ses défaillances multiorganes avant d’avoir réussi à corriger l’hypothermie et la coagulopathie.
De
nombreuses unités de globules rouges, de plasma frais décongelé et
de plaquettes peuvent être nécessaires.
– La correction de l’hypothermie est fondamentale et
rassemble tous les moyens de réchauffement externes et internes :
réchauffement des transfusions et de l’air inspiré, épuration extrarénale à température majorée.
L’acidose et la coagulopathie
ne peuvent être réduites tant que la température est inférieure à
35 °C.
– La correction de l’acidose passe en effet avant tout par celle de
l’hypothermie et du choc cardiovasculaire.
– Les effets sur la coagulopathie ne sont le plus souvent obtenus
qu’au bout de plusieurs heures.
L’importance, dans cette situation,
de l’utilisation de produits sanguins frais a été soulignée.
Les
premières expériences d’utilisation du facteur VII recombinant sont
impressionnantes et demandent à être plus largement validées en
traumatologie.
La confrontation médicochirurgicale s’impose au cours de ces
premières heures et en particulier devant deux tableaux, la poursuite
de l’hémorragie à un débit excessif, et la survenue d’un syndrome
du compartiment abdominal :
– une hémorragie importante persistante, qui nécessite par exemple
au bout de 1 ou 2 heures une transfusion supérieure à 1 unité par
heure, pose le problème de la réintervention précoce.
Elle comporte
un risque majeur en cas d’hypothermie-acidose persistante et
certains patients peuvent être considérés comme « interdits de
réintervention » en raison de leur état.
L’artériographie avec embolisation doit être discutée comme une alternative intéressante :
il faut sûrement intégrer largement l’artériographie et l’embolisation
dans les gestes complémentaires, et même pour certains auteurs
à titre systématique en post-tamponnement périhépatique immédiat.
Elle peut stopper bon nombre de fuites hémorragiques
persistantes, mais aussi guider vers une hémorragie non embolisable, mais « chirurgicale », qui n’aurait pas été décelée à la
laparotomie initiale et qui justifie la reprise.
La réintervention
précoce, lorsque la triade malheureuse n’a pas encore été corrigée,
doit être envisagée malgré ses risques s’il y a un doute sérieux sur
la qualité de la recherche initiale d’une hémorragie chirurgicale, ou
de la réalisation du tamponnement périhépatique ;
– une hyperpression abdominale, qui menace naturellement le
blessé.
Elle est due au volume de l’hémopéritoine et à celui du
tamponnement, et parfois à l’oedème secondaire à l’ischémiereperfusion
de l’intestin (en cas de collapsus prolongé et/ou de clampages prolongés).
Sa fréquence de survenue varie entre 5 et
35 % des traumatismes sévères de l’abdomen, et concerne 15 % des
patients tamponnés.
L’augmentation de la pression abdominale
diminue la perfusion tissulaire et aggrave l’ischémie intestinale,
l’acidose et l’oedème selon un cercle vicieux comparable à celui du
syndrome de Volkman.
Les symptômes d’appel sont la
tension abdominale, l’anurie, la gêne ventilatoire enregistrée par les
pressions de ventilation, l’aggravation du collapsus par gêne au
retour cave inférieur et compression cardiaque.
L’HIA retentit de
plus sur le système nerveux central avec augmentation de la
pression intracrânienne et diminution de la perfusion cérébrale.
Le diagnostic repose sur la prise de pression intravésicale qui reflète
correctement la pression intra-abdominale (elle peut être remplacée
éventuellement par la prise de pression intragastrique).
Cette mesure
permet de décider du traitement selon les signes cliniques et les
chiffres de la pression vésicale.
Ainsi, la décompression abdominale peut s’imposer en urgence et
être faite au lit du patient, mais sa réalisation en salle d’opération
est préférable.
Si la reprise est précoce et que la coagulopathie n’est
pas maîtrisée, on doit se contenter d’une ouverture pariétale large
sans chercher à réaliser une ablation du tamponnement
périhépatique.
Il faut détendre la paroi par un artifice de fermeture
permettant une décompression efficace : la fermeture cutanée
pure suffit rarement, et son assistance par des incisions de relaxation cutanéoaponévrotique (telles qu’elles sont utilisées en chirurgie des
péritonites postopératoires) s’accorde mal avec les troubles de
l’hémostase.
Un simple sac à grêle découpé à la demande et cousu
aux berges aponévrotiques a été le procédé le plus utilisé à ce jour.
Un système plus récent utilise une feuille du même matériel, multiperforée et étalée sur les anses digestives, associée à un matelas
de compresses mis sous aspiration continue par un drain tubulaire.
Ce procédé permettrait à la fois une expansion supplémentaire, une
véritable contention, et des laparotomies itératives aisées.
Le
matériel étranger est enlevé, soit au cours d’une des reprises
opératoires après tamponnement périhépatique, soit au bout de 7 à
12 jours, et selon les conditions locales.
Après disparition des causes
du syndrome du compartiment abdominal, il est souvent possible
de refermer au moins la peau, et parfois la paroi plan par plan.
Dans
le cas contraire, une gestion de laparostomie peut être nécessaire
(granulation, greffe de peau, réparation tardive de l’éventration…),
mais cela est rare.
Dans les cas où une anurie survient sans autre signe d’hyperpression
abdominale, il faut aussi évoquer que le tamponnement périhépatique puisse comprimer excessivement la veine cave
inférieure et doive être modifié.
Il faut aussi garder en mémoire que
si le tamponnement périhépatique permet de sauver certains
patients, sa réalisation trop enthousiaste, trop énergique ou trop
désespérée peut aboutir à une compression trop importante du foie.
Celle-ci est d’autant plus délétère que les conditions de
l’intervention ont été plus dramatiques avec hypoperfusion et choc
sévère prolongé, avec clampage pédiculaire de longue durée (voire
de ligature de l’artère hépatique ou d’une de ses branches), avec
existence de lésions vasculaires abdominales ou rétropéritonéales.
Certains tableaux d’insuffisance hépatique postopératoire sont alors
décrits, qui s’accompagnent le plus souvent d’une cytolyse majeure.
La suspicion d’une complication hépatique mécanique doit pousser
à la réexploration, mais certains « foies de choc » sont dus à une ischémie
grave précédente par collapsus majeur et prolongé.
2- Réintervention programmée après tamponnement
périhépatique :
Si une réintervention précoce n’est pas nécessaire, et que la
réanimation aboutit à ses fins, il est important de reprendre le bilan
du patient s’il est polytraumatisé.
En dehors de l’examen clinique,
qui peut à lui seul conduire à une laparotomie exploratrice,
la TDM corps entier est indispensable, surtout si le patient est
inconscient.
Elle permet un bilan complet, tant osseux que cérébral,
thoracique et abdominal.
Le scanner avec injection est extrêmement
utile, en particulier au niveau abdominal et hépatique.
Au
niveau du foie, l’interprétation de la TDM doit être précise.
L’absence d’une partie de l’arbre vasculaire hépatique doit bien sûr
faire évoquer une ischémie secondaire à la lésion d’un pédicule
volumineux.
L’image d’un hématome progressif alimenté par une
hémorragie doit faire déclencher une artériographie avec embolisation.
Là, comme dans le traitement non opératoire, la TDM
renseigne sur l’état des autres organes, notamment du pancréas.
La date de la laparotomie secondaire élective après tamponnement périhépatique a été largement discutée dans la littérature.
Selon
les auteurs, elle prend place entre la 12e heure et le 7e jour.
L’heure
de la reprise dépend, bien sûr, des conditions de la décision de
laparotomie écourtée : si le geste a comporté l’agrafage simple ou la
ligature sommaire de plaies du tube digestif, la réintervention doit
prendre place avant le 2e jour.
Mais l’existence de lésions
neurochirurgicales sévères ou une atteinte pulmonaire grave
peuvent au contraire faire retarder le geste de 1 jour ou 2.
Un délai
prolongé jusqu’au 6e jour n’aboutit pas, paradoxalement, à une
multiplication des cas de suppuration ultérieure.
La décision de réintervention doit également faire envisager le transfert pour cette
dernière dans un centre spécialisé.
Cette intervention doit être soigneusement préparée, et cela d’autant
plus que les lésions semblent sévères, aussi bien en peropératoire
que sur les TDM.
Toutes les possibilités techniques et les
compétences doivent être disponibles : on peut s’attendre à un geste
simple, mais on doit pouvoir réaliser une exclusion vasculaire du
foie (triple et surtout quadruple clampage), et même une
circulation extracorporelle veinoveineuse.
La voie d’abord doit être suffisante.
Si les lésions sont connues pour
être très importantes, il peut être judicieux de « contourner » le foie
tamponné pour mettre en place les lacs de contrôle vasculaire sur le
pédicule hépatique mais aussi sur la veine cave et en particulier la
cave suprahépatique que l’on aborde par son bord gauche, voire en
intrapéricardique, à travers le diaphragme.
Le plus souvent, cette réintervention est d’une grande simplicité,
bien différente de la laparotomie initiale.
Après évacuation de
l’hémopéritoine et exploration de la cavité abdominale, on enlève
doucement les mèches ou les champs, sous irrigation de sérum
chaud. De petites hémorragies de surface sont coagulées, au mieux
avec un bistouri électrique à argon.
Parfois, une fuite biliaire est
évidente, qui s’échappe d’une zone de fracture ou de contusion plus
ou moins profonde : il convient seulement de drainer largement à
son contact pour organiser une fistule biliaire.
Si une hémorragie
conséquente survient, il faut clamper le pédicule pour en
rechercher l’origine et, le plus souvent, aiguiller le petit pédicule qui
saigne sur les tranches d’une fracture hépatique qu’on ouvre
prudemment.
Dans le cas où l’hémorragie persiste sous clampage
pédiculaire correct, ce qui signe son origine veineuse sus-hépatique,
il faut reprendre le tamponnement périhépatique, et si les conditions
apparaissent favorables, améliorer l’exposition pour chercher à
comprendre mieux les lésions.
La libération du foie se fait en
comprimant les lésions et non pas en les aggravant.
L’exclusion
vasculaire du foie peut être nécessaire.
Si elle n’est pas supportée
malgré un bon remplissage, on peut avoir à mettre en oeuvre une
circulation extracorporelle … mais un tamponnement périhépatique
itératif peut, si l’on n’est pas encore « allé trop loin », permettre une
hémostase et le transfert du patient dans un centre spécialisé.
Lorsqu’il existe une nécrose parenchymateuse, faite d’un tissu pâle
et bien limité, une hépatectomie de régularisation peut s’avérer
nécessaire, qu’il faut limiter à la zone détruite, sans chercher
à faire une hépatectomie anatomique, et largement drainer.
3- Gestion des complications,
en dehors du tamponnement périhépatique :
Un bon nombre des complications postopératoires sont tout à fait
comparables à celles décrites en cas de traitement non opératoire et
leur gestion en est peu différente.
– La reprise ou la poursuite de l’hémorragie, ici souvent extériorisée
par le drainage, pose la question du choix entre la réintervention et
l’artériographie pour embolisation artérielle en cas de source artérielle.
Dans tous les cas où cette dernière est possible, il faut la
privilégier, car elle constitue réellement une chance pour le patient,
en regard des difficultés que rencontre fréquemment l’opérateur en
cas de réintervention en urgence.
– Le bilome, l’hémobilie, la bilhémie et les anévrismes posttraumatiques
sont à confier en premier recours à la radiographie
interventionnelle comme dans le traitement non opératoire.
– La nécrose parenchymateuse hépatique, en revanche, peut
constituer une complication beaucoup plus grave après laparotomie.
La nécrose peut être limitée en volume, parfois favorisée par de
larges points aveugles d’hémostase, et parfois délibérément
abandonnée au cours de l’intervention.
Elle est en général bien
visible en TDM et se délimite en quelques jours.
Elle peut évoluer
aseptiquement vers l’atrophie progressive mais elle est menacée
d’infection avec fonte purulente et conduit alors à la nécrosectomie
secondaire.
Lorsque la nécrose est massive, elle se manifeste très
précocement et très bruyamment par l’installation postopératoire
d’une insuffisance hépatocellulaire grave, bientôt accompagnée
d’ictère, d’anurie et de signes d’infection diffuse ; on retrouve
souvent dans les événements opératoires une ligature de l’artère
hépatique, un collapsus sévère et durable, des clampages prolongés.
Un tel tableau est souvent mortel et peut (très rarement en pratique)
constituer une des exceptionnelles indications traumatiques de
transplantation hépatique en urgence.
Conclusion
:
Le pronostic des traumatismes fermés du foie tient moins à la gravité
anatomique des lésions hépatiques qu’à leur caractère hémorragique qui
conditionne l’exigence d’une laparotomie d’urgence (qui ne doit souffrir
aucun retard) ou la possibilité de réanimer le blessé et de le faire
bénéficier d’un traitement non opératoire.
Cette tendance conservatrice
chirurgicale est favorisée dans l’option non opératoire par une
agressivité nouvelle de la réanimation avec la lutte contre l’hypothermie, de la radiologie avec l’usage généreux de l’embolisation
artérielle.
Elle se manifeste aussi dans l’option opératoire par une
réserve vis-à-vis de gestes classiques en chirurgie hépatique à froid
comme les clampages vasculaires et les résections hépatiques, et par un
choix qui doit être précoce de procédés de sécurité tels que le
tamponnement périhépatique et la laparotomie écourtée.
Là encore,
l’association à cette option d’une réanimation très active dirigée contre
l’hémorragie « biologique » et de l’utilisation large et précoce de
l’embolisation artérielle ouvre des possibilités supplémentaires de
réduire le nombre des décès précoces par hémorragie incoercible.
Ce
progrès passe par une concertation réelle entre le chirurgien,
l’anesthésiste-réanimateur et le radiologue interventionnel afin que le
blessé qui a pu être sauvé dans un premier temps puisse échapper aux
complications des premières heures, et guérir à terme.