Traumatismes dentaires et alvéolaires (Suite)
Cours de Médecine Dentaire
3-
Fractures amélodentinaires sans exposition
pulpaire
:
Elles représentent une variété fréquente de traumatismes
et posent des problèmes différents selon
le terrain.
La conduite thérapeutique n’est pas la
même en présence d’une lésion de dent lactéale ou
définitive et, chez l’adulte, les signes cliniques et
les implications sont différents s’il s’agit d’une
dent vivante ou, à l’opposé, mortifiée suite à un
accident ancien.
Enfin, l’irradiation du trait de fracture vers la
racine, synonyme de fracture ouverte, est de plus
mauvais pronostic que l’atteinte coronaire isolée.
Quoi qu’il en soit, devant toute fracture de la
couronne, la première préoccupation du praticien
est d’éliminer une exposition pulpaire, et c’est ce
cas que nous traitons ici.
Les fractures amélodentinaires coronaires des
dents lactéales sont rares et surtout rencontrées
entre 2 et 4 ans car, après cet âge, la rhizalyse et la
structure fragile de l’os alvéolaire favorisent de
loin la survenue des luxations aux dépens des fractures.
Néanmoins, lorsqu’ils surviennent, ces traumatismes
n’entraînent que peu de conséquences à
moyen et long termes, notamment sur l’éruption de
la dent définitive.
L’essentiel est de surveiller la
vitalité pulpaire et, ici encore, la survenue éventuelle
d’une mortification peut engendrer des accidents
infectieux avant la chute de la dent traumatisée.
Les fractures coronoradiculaires de dents lactéales
sont également rares et exposent fréquemment
la pulpe : ce cas sera donc traité plus loin.
Les fractures de dents définitives se rencontrent
couramment et répondent aux mêmes mécanismes
que les éclats de l’émail.
En revanche, la diminution
d’épaisseur de la dentine amène à constater
des signes cliniques sensiblement différents, puisque
la couche de tissu isolant est plus fine.
Le
patient présente des douleurs au chaud et au froid,
réveillées par la palpation à la sonde dentaire qui
recherche une communication vers une corne pulpaire.
Il est souvent préférable d’éviter les tests de
vitalité pulpaire qui déclenchent des douleurs intenses,
et l’examen s’oriente d’emblée vers la
réalisation du cliché rétroalvéolaire qui apprécie
l’épaisseur de tissu dur restant et recherche une
éventuelle fracture radiculaire associée.
Dans ce
cas, la communication avec l’espace desmodontal
transforme cette lésion en fracture ouverte, de
mauvais pronostic car générant des risques infectieux
notables, mais aussi parce que l’interposition
de tissus épithéliaux dans le foyer de fracture constitue
un obstacle à la formation du cal.
La suppression
du petit fragment peut être recommandée,
mais crée des difficultés quant à la restauration
prothétique.
Plusieurs situations semblent favoriser ces fractures amélodentinaires : la mortification secondaire
à un traumatisme antérieur et la dévitalisation
d’une dent cariée avec mise en place d’un
amalgame rendent plus fragiles les tissus durs de la
dent (notamment si « émail non soutenu »).
Il en est
de même de certaines maladies de système telles
que l’hyperparathyroïdie, l’hypothyroïdie ou le diabète,
et on en rapproche les variations hormonales
au cours de la grossesse.
Enfin, les malpositions
dentaires sont également des facteurs décrits.
4- Fractures avec exposition pulpaire :
Quelle que soit la localisation du trait de fracture,
coronaire, radiculaire ou mixte, il existe dans cette
catégorie de traumatismes une ouverture de la
chambre pulpaire qui fait communiquer celle-ci
avec le milieu septique de la cavité buccale.
L’irritation
des éléments nerveux entraîne des douleurs
intenses à type de pulpite, au moindre contact, ou
si le fragment proximal coronaire ou coronoradiculaire
est mobile.
Selon la hauteur du trait, les
possibilités thérapeutiques sont différentes, mais
le praticien a toujours à l’esprit l’éventuelle
conservation intégrale ou partielle de la pulpe, afin
de tenter de préserver la vitalité de l’organe dentaire.
Quand ce geste est possible initialement, une
surveillance à long terme est de rigueur.
On distingue alors : les fractures coronaires exclusives,
les fractures coronoradiculaires et les
fractures radiculaires pures.
5- Fractures coronaires exclusives :
Elles sont fréquentes dans le secteur antérieur, le
trait est oblique ou bien horizontal et alors situé le
plus souvent au collet de la dent.
Le diagnostic est
évident dès le début de l’examen, que le fragment
proximal soit resté en place ou non.
Dans les lésions
récentes avec amputation du petit fragment, l’examinateur
aperçoit la pulpe centrale et de coloration
rosée, parfois hémorragique.
Les tests
de vitalité sont bien sûr contre-indiqués, et le
cliché rétroalvéolaire recherche une atteinte associée
de la racine.
Lorsque le praticien tente de
conserver la pulpe radiculaire, il protège cette
dernière par un « pansement-bouchon » à l’hydroxyde
de calcium ou à l’eugénol-oxyde de zinc,
en effectuant ce geste dans des conditions d’asepsie
rigoureuses et sous couverture antibiotique de
8 jours environ.
La restauration prothétique est
envisagée dans un deuxième temps.
La surveillance consiste à apprécier la vitalité
pulpaire et comprend des clichés radiographiques
centrés qui éliminent une rhizalyse secondaire.
Lorsque la conservation pulpaire n’est pas envisageable,
la pulpectomie doit être réalisée précocement
et être suivie d’une obturation canalaire
qui permet la pose d’une prothèse ultérieurement.
* Fractures coronoradiculaires :
Elles se rencontrent dans des conditions traumatiques
particulières : dans les secteurs postérieurs,
elles peuvent être secondaires à un choc contre une
dent de l’arcade opposée, mais il est également
classique de les induire par des manoeuvres endodontiques.
Les fractures de la portion dentée de la
mandibule se compliquent fréquemment de fractures coronoradiculaires, et il se pose alors la question
de leur maintien sur l’arcade lors du traitement
chirurgical ou orthopédique.
L’obliquité du
trait de fracture et l’ouverture vers le desmodonte
rendent la conservation pulpaire difficile, et on lui
préfère la dévitalisation avant restauration anatomique.
* Fractures radiculaires pures
:
Horizontales, elles se traitent différemment selon
la hauteur de la lésion, cervicale, du tiers moyen ou
apicale.
Elles sont souvent associées à des fractures
de l’os alvéolaire, surtout si la lésion radiculaire est
proche de l’apex.
Lorsque la dent persiste sur l’arcade, la composante
douloureuse est extrêmement variable car
elle est directement liée à la mobilité du fragment
proximal, d’autant plus importante que la lésion
est proche du collet.
Les tests de vitalité sont
presque toujours négatifs initialement en raison
d’une sidération nerveuse, mais leur évolution peut
se faire favorablement en quelques semaines.
C’est
le cliché rétroalvéolaire qui fait le diagnostic topographique
de la fracture et recherche en outre une
lésion osseuse associée.
Il est parfois nécessaire de
réaliser plusieurs incidences avec des angles différents
afin de mettre en évidence le trait.
La consolidation n’est pas toujours acquise et Bouyssou a décrit quatre modalités d’évolution :
• le cal de type I comble l’espace interfragmentaire
et la chambre pulpaire puis aboutit à une
ankylose entre l’alvéole et la dent (ce tissu
mortifié possédant une solidité quasi définitive)
;
• le cal de type II remplit l’espace fracturaire en
isolant deux demi-pulpes, la partie apicale
pouvant rester vivante ;
• le cal de type III entoure la chambre pulpaire
qu’il laisse en monobloc ;
• dans le quatrième cas, l’absence de cal conduit
à la pseudarthrose et le maintien de la dent sur
l’arcade n’est possible que si le trait de fracture
est proche de l’apex.
Lorsque couronne et partie proximale de la racine
ont disparu suite au traumatisme, le diagnostic
de luxation dentaire complète peut être porté à
tort, et c’est la radiographie qui rétablit la vérité.
Le traitement est alors guidé par l’état buccodentaire
du patient, les lésions associées de l’os alvéolaire
et la longueur de racine restante.
C - Lésions osseuses associées :
L’os alvéolaire serait lésé six fois sur dix d’après Pasturel, l’atteinte de l’os basilaire est en revanche
beaucoup moins fréquente.
Il n’y a que peu
d’éléments communs à ces deux entités dont les
mécanismes lésionnels et les signes cliniques révélateurs
sont très différents.
1- Fractures alvéolaires périradiculaires :
Elles semblent être les plus fréquentes et sont
essentiellement le fait des luxations incomplètes
des organes dentaires lorsque ceux-ci pivotent
autour d’un point fixe, généralement situé à la
hauteur des tiers moyen et cervical de la racine.
Il
s’agit le plus souvent d’une fracture-tassement
d’un des deux murs alvéolaires avec prédominance
sur le versant vestibulaire lorsque la luxation est
une version palatine ou linguale.
L’inspection retrouve une tuméfaction et des
ecchymoses de la muqueuse gingivale et, à un stade
plus avancé, l’adhérence de celle-ci à l’os alvéolaire
conduit à sa déchirure si le déplacement est
important.
La mobilisation douce retrouve une mobilité
associée de la (ou des) dent(s) et de l’os
alvéolaire. Les tests de vitalité pulpaire sont le plus
souvent perturbés.
C’est le cliché rétroalvéolaire
qui fait le diagnostic de la fracture osseuse tout en
appréciant l’intégrité ou non de la racine dentaire.
Dans ces cas fréquents mais souvent méconnus
de fracture osseuse limitée, il convient de repositionner
au mieux les petits fragments avant d’assurer
la contention de la dent traumatisée.
Ce geste
est le plus souvent réalisable sous anesthésie locale
lorsque le traumatisme est peu important, et on en
profite pour réaliser la suture de la muqueuse gingivale
si celle-ci est nécessaire.
Une couverture antibiotique de 8 à 10 jours est
généralement instaurée, associée à la prescription
de bains de bouche.
Grâce à toutes ces précautions, les accidents
infectieux immédiats sont rares et les complications
à distance restent le fait de mortifications
dentaires passées inaperçues.
2- Fractures alvéolaires sus-apicales :
Elles sont la conséquence d’un traumatisme plus
important et dont l’agent vulnérant s’est réparti
sur un groupe de dents.
De ce fait, les organes
dentaires sont restés solidaires de l’alvéole et c’est
une véritable ostéotomie qui s’est réalisée.
Le diagnostic
est fréquemment posé devant la mobilité
de plusieurs dents en monobloc, associée à une
dilacération des tissus muqueux en regard.
Il n’est pas rare d’assister à une épistaxis par atteinte
de la muqueuse des fosses nasales quand cet
arrachement global touche le bloc incisif supérieur.
Les tests de vitalité sont presque constamment
perturbés et le bilan exact des lésions osseuses et
dentaires est radiographique.
3- Traumatismes de l’os basilaire :
Ils répondent à des mécanismes lésionnels différents
et plutôt à des chocs directs.
Leur traitement
fait appel à des techniques orthopédiques ou sanglantes
dont il n’est pas question ici, mais se pose
parfois le problème de la luxation ou de la fracture
radiculaire de la dent à cheval sur les deux fragments
mandibulaires.
Il est traditionnel de dire que
le maintien sur l’arcade de cette dent permet une
meilleure coaptation des deux berges du foyer,
d’autant plus que son avulsion, relativement difficile,
peut aggraver le déplacement des fragments
et occasionner des lésions du pédicule dentaire
inférieur.
En revanche, l’éventuelle mortification
de cette dent peut entraîner des complications
infectieuses, retardant ou empêchant la consolidation
osseuse, lorsqu’on décide de laisser la dent en
place.
Devant l’existence d’avantages et d’inconvénients
à ces deux attitudes, il paraît une fois de
plus nécessaire d’entreprendre une surveillance régulière.
Dierks propose cinq indications à l’avulsion immédiate
de la dent dans le foyer fracturaire :
• importante mobilité de la dent sans mobilité
osseuse ;
• lésion apicale préexistante ;
• fracture radiculaire ;
• lésions carieuses non restaurables par les techniques
usuelles ;
• gêne à la réduction du foyer.
Quoi qu’il en soit, dans les fracas osseux importants,
la conservation des multiples fragments semble
la règle admise, à condition de recouvrir ceux-ci
d’une unité gingivopériostée qui assure la persistance
de leur vitalité.
4- Fractures associées du vestibule nasal :
Lors des dégâts étendus du bloc incisif supérieur, il
est possible de constater un traumatisme associé du
plancher des fosses nasales, des orifices piriformes
et de l’épine nasale antérieure.
La
dislocation de ces différents fragments entraîne
une déchirure de la muqueuse nasale, responsable
d’épistaxis dont le tarissement n’est pas toujours spontané, ainsi qu’une luxation du pied de la cloison
nasale, qui se trouve déviée latéralement.
Dans
les cas les plus sévères, il peut apparaître de véritables
fractures du cartilage de la cloison ou hématomes,
dont le diagnostic doit être posé rapidement
sous peine d’évoluer vers l’infection puis la
nécrose du cartilage.
Le traitement du traumatisme dentaire doit impérativement
être accompagné du drainage d’une
éventuelle collection, du repositionnement du pied
de la cloison et d’un tamponnement antérieur des
fosses nasales sous couvert d’une antibiothérapie.
D - Lésions des tissus mous
:
Ce sont des atteintes fréquentes lors des traumatismes
du tiers inférieur de la face, mais elles passent
trop souvent au second plan derrière les traumatismes alvéolodentaires, tant sur le plan
thérapeutique que dans leur description dans le
certificat médical initial.
1- Plaies gingivales :
Elles sont fréquentes lorsqu’il existe une atteinte
de l’os sous-jacent ou une fracture déplacée des
bases osseuses.
Elles sont dues à l’adhérence de la fibromuqueuse sur la corticale osseuse.
Leur diagnostic
est fait dès l’inspection, et c’est la présence
de ces dilacérations qui doit faire rechercher
l’atteinte osseuse en profondeur.
Trop souvent, leur suture est difficile voire impossible
du fait de la contusion des tissus ou des
pertes de substance.
Dans ce cas, un bourgeonnement
par cicatrisation spontanée reste la seule
évolution possible sous couverture antibiotique associée
à une antisepsie buccale.
Lorsque les plaies sont nettes et que les berges
sont vivantes, une suture est réalisée sous anesthésie
locale, à l’aide de fil résorbable monté sur une
aiguille à pointe ronde qui respecte mieux ces tissus
fragiles.
2- Plaies de la langue :
Elles sont induites par l’interposition de celle-ci
entre les deux arcades dentaires lors de l’accident.
Leur exploration doit être systématique.
On y retrouve
parfois des fragments dentaires de couronnes
lésées de manière concomitante.
Devant une plaie superficielle, il n’est pas impératif
de suturer.
Il n’en est pas de même lorsque la
lésion touche le muscle en profondeur ou lorsque la
plaie est transfixiante.
Il faut d’abord rassurer le
patient et son entourage devant une hémorragie
qui semble abondante.
Chez l’enfant, le recours à l’anesthésie générale
pour l’exploration des plaies et leur traitement
chirurgical est presque toujours nécessaire.
3- Plaies des lèvres :
Elles peuvent être causées par l’impaction directe
des dents opposées ou bien par l’agent vulnérant
lui-même, et il s’agit alors plutôt de traumatismes
par éclatement occasionnés par l’interposition de
la lèvre entre l’objet contondant et le plan dur que
représentent les dents et l’os en arrière.
La réparation
est indispensable.
Si la plaie est transfixiante, on commence par
assurer la suture du plan musculaire, et la
deuxième préoccupation est d’aligner la ligne de
jonction entre la lèvre blanche et le vermillon.
Le choix de l’anesthésie, locale ou générale, est
guidé par l’âge du patient et les dégâts alvéolodentaires
associés.
4- Lésions des joues :
Elles sont rares et correspondent à des morsures
dans les régions molaires lorsque le traumatisme
survient bouche ouverte.
On y rencontre essentiellement
des contusions ou ecchymoses, plus fréquentes
que les plaies véritables.
Séquelles
:
On entend par « séquelle » une forme d’évolution
défavorable survenant à distance du traumatisme,
le plus souvent prévisible, et correspondant à un
état de stabilisation des lésions que seule l’intervention
du praticien peut modifier.
Il faut les distinguer
des « complications » qui surviennent dans
un délai variable et de manière inopinée, et qui
sont parfois révélatrices du traumatisme ancien
passé inaperçu : c’est le cas de l’épisode infectieux
(cellulite ou fistule) par réchauffement d’une lésion
apicale secondaire à la mortification à bas
bruit d’une dent lésée.
Elles sont à la fois fonctionnelles et esthétiques.
Citons :
• la perte d’une dent définitive par absence de
consolidation ligamentaire, qui pose le problème
de son remplacement, tant sur le plan
technique que pécuniaire ;
• le déplacement, souvent latéral, des dents
bordant l’espace édenté et pour lequel la prévention
consiste à placer une prothèse provisoire
qui vise à maintenir l’espace en attendant
la réhabilitation définitive.
Lorsque la
dysharmonie est avérée, il importe
d’entreprendre un traitement orthodontique
de réalignement ;
• la résorption d’os alvéolaire en secteur édenté
impose de réaliser une greffe osseuse avant
réhabilitation prothétique, surtout si on a recours
à l’implantologie ;
• la mortification d’une dent est la séquelle la
plus fréquente : elle nécessite la pulpectomie
avec obturation canalaire pour éviter la survenue
des complications infectieuses.
Elles peuvent également concerner la dent définitive
traumatisée à l’état de germe par l’apex ingressé de la dent lactéale :
• dyschromie coronaire avec éventuelle hypoplasie
de l’émail ;
• dilacérations coronaires ;
• anomalies radiculaires à type d’angulation ou
arrêt de la maturation ;
• anomalies de l’éruption : absence, retard ou
ectopie.
Principes du traitement et cas
particuliers :
A - Généralités :
Ce n’est qu’après avoir établi un diagnostic précis
et exhaustif des lésions, directement lié à la qualité
de l’examen clinique et des radiographies, que l’on
peut prétendre dispenser un traitement approprié.
Le résultat est d’autant meilleur que le traitement
est débuté rapidement.
La mise en place dans
l’alvéole d’une dent luxée sur les lieux mêmes de
l’accident en est probablement le meilleur exemple.
De même, lorsque plusieurs dents sont traumatisées
ou lorsqu’il existe des lésions associées, il est
nécessaire d’entreprendre les différents traitements
simultanément.
Seules quelques lésions échappent à la notion
d’urgence thérapeutique mais ne dispensent pas,
malgré tout, de l’avis d’un spécialiste : il s’agit
entre autres de l’éclat de l’émail dont l’égalisation
ou la réparation peut se faire à distance ; l’ingression
d’une incisive maxillaire lactéale nécessite
une surveillance qu’il faut assurer jusqu’à l’éruption
de la dent permanente.
En pratique, plusieurs cas de figures se présentent.
La contusion simple, qui associe une dent
stable, non déplacée et sans exposition de la pulpe,
est probablement le cas le plus favorable puisqu’il
ne requiert pas de soins d’urgence même si la
vitalité pulpaire est douteuse ou nulle, car nous
avons vu que seule la persistance du déficit sensitif
pendant plusieurs semaines devait conduire à la pulpectomie avec obturation canalaire.
Toutes les autres situations nécessitent de réaliser
un geste d’emblée :
• le déplacement d’une dent doit faire poser
l’indication de sa réduction dans les meilleurs
délais suivie de la pose d’une contention efficace
;
• l’ouverture pulpaire fait discuter la pulpectomie
immédiate ou la conservation partielle
avec coiffage ;
• enfin, la luxation complète d’une dent définitive
peut être considérée comme une urgence
fonctionnelle : pour la majorité des praticiens,
la réimplantation doit être tentée quel que soit
le délai qui sépare le traumatisme de la possibilité
thérapeutique.
L’attitude quant à la
conservation pulpaire est sujette à variations
selon le temps écoulé et l’intégrité desmodontale.
Cinq types de gestes peuvent être proposés, à
réaliser le jour du traumatisme ou à distance.
B - Traitement des fractures selon leur siège
:
1- Atteinte isolée de l’émail
:
Les lésions superficielles qui ne touchent que
l’émail des couronnes, fêlures et éclats, ne nécessitent
que des gestes simples et sans urgence.
Après
s’être assuré de la persistance de la vitalité pulpaire, le praticien effectue un simple polissage ou
égalisation du bord occlusal, ou bien fait l’adjonction
d’un petit fragment de composite pour restaurer
l’anatomie coronaire.
2- Mise à nu de la dentine sans exposition pulpaire
:
La préoccupation est la protection de la dentine
des agressions bactériologiques et chimiques, car
elle y est beaucoup plus sensible que l’émail.
L’application
d’hydroxyde de calcium est indispensable
pour obturer les tubuli dentinaires avant d’envisager
toute réparation prothétique définitive.
Bien
entendu, une surveillance prolongée de la vitalité
de la dent est une fois de plus nécessaire.
3- Exposition pulpaire des fractures coronaires :
L’irritation pulpaire est constante lorsque le fragment
proximal de la couronne persiste et qu’il est
mobile : la solution consiste en la suppression de
celui-ci associée à une pulpectomie partielle si
possible, sinon totale.
Le coiffage pulpaire direct est réservé aux lésions
pulpaires limitées et prises en charge dans des
délais ne dépassant pas 6 heures, quel que soit le
degré de maturation dentaire.
On lui préfère la pulpotomie cervicale en cas de nécrose pulpaire
superficielle.
La pulpotomie partielle, ou technique
de Cvek, est indiquée pour les dents immatures
ou matures jeunes, prises en charge tardivement
(15 à 18 heures), suivie d’un coiffage à
l’hydroxyde de zinc ou au Mineral Trioxide Aggregate
(MTA).
Certains auteurs préconisent une pulpectomie
d’emblée en cas de dent mature.
4- Fractures radiculaires
:
L’atteinte pulpaire est évidente mais le traitement
est différent selon la hauteur du trait lésionnel :
• au tiers cervical, la mobilité de la couronne
rend la consolidation difficile, mais la racine
restante est suffisamment longue pour supporter
une reconstruction fixe, après traitement endocanalaire ;
• devant les fractures du tiers moyen, on tente
un maintien sur l’arcade du fragment proximal
à l’aide d’une contention rigide maintenue en
place pendant 3 à 6 mois, et le traitement
endodontique est réalisé à distance si la pulpe
s’est mortifiée dans l’intervalle de temps ;
• enfin, dans les fractures du tiers apical, l’absence
de mobilité incite souvent à laisser la
dent sur l’arcade et à réaliser une résection
apicale du petit fragment, après pulpectomie
et obturation canalaire du fragment cervical.
5- Fractures coronoradiculaires :
Elles associent les inconvénients des lésions coronaires
et radiculaires, et le trait vertical ne permet
pas souvent le maintien de la dent sur l’arcade.
La
sanction la plus fréquente est donc représentée par
l’avulsion de la dent traumatisée, surtout si la
fracture concerne plus de 3 à 4 mm de racine.
C - Traitement des luxations :
Le déplacement dentaire, partiel ou complet, définit
le principe de la luxation et se traduit par la
lésion plus ou moins étendue des tissus desmodontaux.
Le traitement obéit à la séquence « réduction-
contention-surveillance ».
Un cas particulier est celui de l’avulsion dentaire
: le temps écoulé hors alvéole et le milieu de conservation de la dent pendant le délai extraoral
sont des facteurs influençant la réussite thérapeutique.
1- Réduction du déplacement
:
Ce geste doit être réalisé le plus précocement
possible, et il faut privilégier l’anesthésie locale
chez un patient adulte calme ; il est important de
contrôler la qualité de la réduction, ainsi que l’état
de l’os alvéolaire après le geste, par un cliché
radiographique centré.
Les autres situations nécessitent
le recours à l’anesthésie générale, surtout si
la bascule est fixée.
Il est également nécessaire de rétablir l’articulé
dentaire préexistant et non un « articulé idéal ».
Le mouvement de réduction est réalisé prudemment
entre pouce et index, pour contrôler l’amplitude
du geste et éviter l’avulsion dentaire, et non à
l’aide de daviers.
La réinsertion dans son alvéole d’une dent avulsée
répond à des critères stricts, surtout si on veut
tenter de retrouver une vitalité ou à défaut une
stabilité par ankylose aux dépens de la régénération
du ligament desmodontal.
De nombreuses études
récentes ont démontré l’importance du délai extraoral le plus bref possible, de l’utilisation
de milieux de conservation et topiques locaux avant
réimplantation, ainsi que le lien entre l’évolution
et le degré de maturation dentaire.
La conduite à
tenir que nous proposons est inspirée
de Nivet.
La revascularisation pulpaire est favorisée
par la largeur du canal radiculaire des dents
immatures à apex ouvert, surtout si on prend le
soin d’immerger celles-ci au préalable dans une
solution antibiotique pour éviter la nécrose pulpaire
d’origine septique (la pénicilline jadis utilisée
est maintenant remplacée par les tétracyclines
auxquelles on peut associer des dérivés fluorés dans
le but de diminuer les phénomènes de rhizalyse).
En attendant la mise en place dans
l’alvéole, la conservation en milieu liquide doit
débuter le plus précocement possible : les milieux
« usuels » disponibles à domicile tels que lait ou
sérum physiologique (pour la désinfection nasale
des enfants) semblent donner de moins bons résultats
que les milieux de conservation ou de culture
cellulaire utilisés en activité hospitalière (milieu de Hanks utilisé par les anatomopathologistes et milieu
de Viaspan pour les transplantations d’organes).
Enfin Duggal et Matson trouvent en
l’acide citrique, qui décape la dentine radiculaire,
une indication de stimuler l’ankylose des dents
réimplantées tardivement.
2- Contention
:
Devant le large éventail de techniques d’immobilisation,
le praticien se pose la question du choix de
la plus adaptée au cas particulier à prendre en
charge.
*
Ligatures exclusives sans pose d’arc métallique
:
Elles dérivent toutes de la classique ligature en
échelle.
Elles ont l’avantage d’être rapidement
réalisées et ne nécessitent que peu de
matériel.
On utilise des fils d’acier 3/10 et 4/10.
Ces techniques semblent un peu délaissées en raison
de leurs multiples inconvénients : desserrage
spontané, lésions iatrogènes de la gencive et tendance
à l’égression des dents réimplantées.
On
peut citer la ligature de Wilde qui nécessite
l’adjonction d’une résine polymérisable à la
face palatine ou linguale des dents, la ligature de Stout dont les boucles vestibulaires permettent
également d’assurer un blocage maxillomandibulaire
associé et la ligature en échelle qui permet de choisir exactement la
longueur totale de la contention mais trouve ses
limites en cas d’édentement partiel.
*
Ligatures sur arc métallique :
Celui-ci peut être lisse ou muni de porte-manteaux
ou crochets et fixé autour du collet de chaque dent
saine par une ligature.
Ainsi stabilisé, l’arc réalise
un point fixe qui sert d’attelle à la dent traumatisée,
elle-même fixée par une ligature métallique
qui assure une excellente contention y compris
dans le sens vertical.
Citons la ligature en berceau
et la ligature en sautoir qui sont les plus
utilisées.
*
Gouttières de contention :
Elles sont les moyens les moins agressifs pour le
patient, aux dépens d’un léger préjudice esthétique
pendant leur port.
La prise d’empreintes qu’elles nécessitent représente
un traumatisme supplémentaire pour la
dent fracturée ou luxée qui vient d’être repositionnée.
La gouttière de Grazide en résine autopolymérisable
et de réalisation simple a progressivement
cédé la place à la gouttière en résine molle ou à la
gouttière thermoformée rigide, plus esthétiques
car transparentes.
Ces gouttières doivent être portées, comme les
ligatures et les arcs, 6 à 8 semaines pour les luxations
dentaires, et de manière plus prolongée encore
pour certains cas de fractures.
L’immobilisation
moins stricte qu’elles assurent devrait les faire
réserver à certaines formes de luxations où la stabilité
dentaire est obtenue sitôt la réduction effectuée.
*
Immobilisation par boîtiers d’orthodontie :
Le principe, récemment rappelé par Gigon, représente
une technique peu invasive pour le patient
: après un mordançage de l’émail, on fixe les
boîtiers à la face vestibulaire des couronnes par un
mélange de colle et d’activateur.
La solution de
facilité consiste ensuite à les réunir par une ligature
métallique en « huit de chiffre » serrée à l’une des extrémités.
Lorsque plusieurs
dents doivent être immobilisées, le serrage de la
ligature a tendance à entraîner une version postérieure
des dents, et on lui préfère alors une fixation
par arc métallique dans la rainure des boîtiers.
Cette technique de contention semi-rigide respecte
la mobilité physiologique des dents et semble diminuer
le risque d’ankylose.
*
Procédés d’ancrage endodontique :
Ils sont bien utiles dans les cas d’édentation en
bordure de la région traumatisée.
Ils représentent
des moyens solides de stabilisation à la face postérieure
des dents, au moyen de fils de métal précieux
insérés dans les tissus durs de la dent (inlay)
ou fixés par de la résine (attelle de Berliner).
D - Surveillance :
À l’issue du premier geste, une surveillance rapprochée
doit être instaurée.
Le rythme peut varier
selon les praticiens et la nature des traumatismes.
Il est important de ne prendre aucune décision
quant à la vitalité pulpaire avant la 6e semaine,
voire plus.
Après réduction d’une luxation, qu’elle
soit totale ou non, la contention est maintenue
6 semaines minimum, parfois 8 semaines en cas de
mobilité résiduelle.
Passé ce délai, il ne semble pas
exister de bénéfice à laisser le matériel en place.
En cas de fracture radiculaire, ce traitement peut
s’étendre sur 4, voire 6 mois.
Lorsque le traitement dure environ 2 mois, le
patient consulte chaque semaine au début, puis
toutes les 2 semaines, jusqu’à l’ablation du système
de contention.
La réhabilitation prothétique
peut alors être envisagée sur une dent solide.
Dans
tous les cas, un contrôle de la vitalité pulpaire à
moyen puis à long terme est recommandé, en revoyant
le patient tous les 6 mois.
Au début du traitement et à chaque consultation,
le praticien vérifie la solidité du montage et la
stabilité des dents traumatisées.
Des clichés centrés
sur les dents sont réalisés à chaque consultation
et classés dans l’ordre chronologique, afin de
dépister une complication osseuse ou une rhizalyse
à distance.
Enfin, l’évolution de la vitalité pulpaire
est notée.
Il est également important de profiter de ces
consultations pour prodiguer les conseils hygiénodiététiques
au patient ou à sa famille, en rappelant
l’importance de l’alimentation molle initialement,
puis de la remise en charge progressive des dents,
ou en précisant la date de reprise du brossage.