Traumatismes craniofaciaux (Suite)
Cours de Médecine Dentaire
Anatomopathologie
:
Les lésions varient en fonction de l’intensité, de la
localisation et de la direction des forces traumatiques
appliquées à l’ensemble craniofacial.
Le revêtement cutané peut être le siège de
plaies, uniques ou multiples, franches, linéaires ou
contuses, dilacérées, avec ou sans perte de substance.
On peut également observer des signes de
contusion (ecchymose, hématome) sans véritable
plaie ; ceci ne préjuge pas de la gravité des éventuelles lésions sous-jacentes, dont une possible atteinte
des cavités sinusiennes frontales ou ethmoïdales,
le traumatisme étant alors considéré comme
ouvert.
Le scalp, très vascularisé, peut être à l’origine
de pertes sanguines importantes.
L’atteinte osseuse peut se traduire par une embarrure
au niveau de la voûte frontale, par des
traits simples localisés ou irradiés, isolés ou multiples,
par une comminution avec présence de nombreux
fragments, par une véritable dislocation
voire par des disparitions ; on parle alors de fracas
craniofacial.
Les traits de fracture sont ici souvent
complexes et échappent à toute systématisation.
Certains éléments nobles peuvent être intéressés
par les dégâts osseux :
• le globe oculaire et ses annexes peuvent être
directement touchés par l’impact, responsable
de lésions variées pouvant aller jusqu’à la perforation
voire l’éclatement ;
• dans le cône orbitaire, une fracture déplacée,
un hématome, peuvent provoquer une atteinte
du nerf optique par compression, notamment
au niveau de l’apex ;
• au niveau de l’ethmoïde, ce sont les filets du
nerf olfactif qui peuvent être arrachés ;
• dans la partie inféromédiale de l’orbite, le
canal lacrymonasal peut être lésé ;
• au niveau du plancher du sinus frontal, dans sa
partie médiale, c’est le canal nasofrontal qui
peut être fracturé ou occlus.
La dure-mère peut présenter des lésions aux
aspects différents selon leur localisation et la force
du traumatisme : plaie punctiforme en relation
avec un embrochage osseux mais aussi déchirure
par cisaillement.
Dans ce cas, la cicatrisation spontanée
est fortement compromise et les risques
d’écoulement de liquide cérébrospinal sont majeurs,
provoquant une rhinorrhée ou une otorrhée.
La carotide intracrânienne peut être blessée
dans le canal carotidien qui traverse la base du
crâne ou dans le sinus caverneux.
Si la lésion n’entraîne
pas un saignement intarissable rapidement
létal, elle peut être à l’origine d’un pseudoanévrisme
ou d’une fistule carotidocaverneuse.
Cette
dernière survient à la suite d’une plaie de la carotide
ou d’une de ses branches collatérales dans leur
trajet intracaverneux.
Elle est favorisée par les
fractures irradiées à la base du crâne.
L’effraction
de la paroi artérielle dans ce lac veineux est à
l’origine d’une fistule à haut débit correspondant le
plus souvent à un type A selon la classification de
Barrow.
Ce reflux de sang artérialisé dans le
réseau de drainage veineux de la base du crâne
(veines ophtalmiques, sinus sphénopariétal, sinus
pétreux) rend compte de la symptomatologie clinique
exposée plus loin.
Le reflux, qui peut aller
jusqu’aux veines corticales, représente alors un
risque hémorragique non négligeable.
L’encéphale et les espaces méningés peuvent
présenter des lésions en tous points de la boîte
crânienne du fait des mécanismes de coups et de contre-coups qu’ils subissent.
Par ordre de fréquence
dans les traumatismes craniofaciaux, il
peut s’agir :
• de contusions parenchymateuses frontales directement
en arrière du bandeau frontal, faites
de pétéchies et d’oedème cérébral, voire
d’hématomes intraparenchymateux dont la localisation
frontobasale menace l’olfaction.
Leur volume, avec l’effet de masse généré sur
l’encéphale, peut être à l’origine d’un engagement
cérébral létal ;
• des épanchements aériques intracrâniens, ou
pneumocéphalies, alimentés par les brèches ostéoméningées et pouvant devenir compressifs
pour l’encéphale ;
• des hémorragies méningées post-traumatiques
qui n’ont pas le caractère de gravité des hémorragies
par rupture anévrismale, sauf
lorsqu’elles entraînent une inondation ventriculaire
avec l’hydrocéphalie menaçante qui en
découle par trouble de la circulation du liquide
cérébrospinal (LCS) ;
• des hématomes intracrâniens, tels les hématomes
extraduraux, dont l’effet de
masse menace rapidement le pronostic vital.
Les hématomes sous-duraux aigus sont souvent
liés à d’importantes contusions parenchymateuses
oedématohémorragiques extrêmement
graves ;
• des lésions axonales diffuses, liées à un effet
d’accélération et de décélération, atteignant
surtout le corps calleux et compromettant le
réveil et la rééducation neurologique des patients.
Elles sont accusées d’être responsables
des comas d’emblée ;
• enfin, des plaies craniocérébrales avec extériorisation
à la peau de matière cérébrale. Leur
risque septique est majoré quand il s’agit
d’une lésion d’origine balistique avec pénétration
intracrânienne de l’agent vulnérant.
Classification des lésions
:
Divers auteurs ont proposé depuis plusieurs années
différentes classifications des TCF.
Ceci rend bien
compte de la difficulté de schématiser ces atteintes
qui peuvent toucher un nombre variable d’éléments
anatomiques avec des répercussions vitales,
fonctionnelles et esthétiques distinctes.
A - Classification de Fain et Péri
:
Elle reste d’actualité, mais son intérêt pratique
n’est pas toujours facile à déterminer ; elle comprend
cinq types associant de façon variable, d’une
part, la face au niveau de ses étages supérieur et
moyen et, d’autre part, la base du crâne au niveau
de la fosse crânienne antérieure :
• type I : fracture de la paroi antérieure du sinus
frontal ; il peut exister de façon exceptionnelle
des fractures de la paroi postérieure ;
• type II : enfoncement médiofacial ; c’est la
dislocation naso-orbito-ethmoïdo-frontale ou
DONEF de la classification de Paul Tessier.
Une
disjonction craniofaciale de type II ou III peut y
être associée ;
• type III : fractures de la voûte irradiées à la
base avec trait simple ou embarrure ; en cas
d’embarrure, les lésions de la base sont plus
fréquentes de même que les atteintes de la
dure-mère ;
• type IV : association des types II et III ;
• type V : lésions exceptionnelles isolées de
l’étage antérieur.
B - Classification de Sturla :
Elle est basée sur une étude expérimentale réalisée
à partir de têtes de sujets anatomiques :
• fractures centrales : atteinte du pilier superficiel
et de l’ethmoïde.
Atteinte isolée ou associée
avec une fracture transversale de type
Le
Fort et/ou avec une fracture du crâne.
Il existe
une communication entre le toit des cavités
nasales et la fosse cérébrale antérieure ;
• fractures latérales : atteinte du pilier latéral
superficiel et de la grande aile du sphénoïde.
Atteinte isolée ou associée avec une fracture
transversale de type
Le Fort et/ou une fracture
du crâne.
Il existe une communication entre l’orbite et la
fosse cérébrale antérieure et/ou moyenne.
C - Classification proposée au XXXIIe congrès
de stomatologie et chirurgie maxillofaciale :
Plus récente, elle se rapporte à la biomécanique du
traumatisme :
• fractures médiobasicrâniennes :
+ fractures du sinus frontal ;
+ fractures du CNEMFO ;
• fractures latérobasicrâniennes :
+ fractures fronto-orbitaires latérales ;
+ fractures fronto-sphéno-temporales ;
+ fractures irradiées de la voûte à la base ;
+ fractures par contrecoup.
Comme toute classification, celle-ci reste schématique,
mais semble plus pratique pour élaborer
une stratégie thérapeutique et poser les indications
opératoires.
C’est celle que nous préconisons.
Conduite à tenir et bilan lésionnel
:
La conduite à tenir débute sur le lieu de l’accident
par le sauvetage du blessé et la mise en oeuvre des
mesures de réanimation qui seront poursuivies lors
de la prise en charge à l’hôpital, l’évaluation de
l’état neurologique, des fonctions cardiocirculatoires
et respiratoires pouvant imposer une ventilation
assistée par intubation orotrachéale, voire trachéotomie.
Cette dernière est préconisée lorsque la
ventilation artificielle doit être prolongée, compte
tenu des risques infectieux de l’intubation orotrachéale
au long cours, la mise en place des voies
veineuses se faisant de manière concomitante.
Une
antibiothérapie de principe est préconisée, elle
doit être réévaluée secondairement.
Un premier bilan lésionnel initial doit être rapidement
fait pour évaluer les modalités de la prise
en charge prévisible.
D’abord global, il sera complété
à l’hôpital, après contrôle ou stabilisation des
grandes fonctions, par un examen clinique méticuleux
et par les données de l’imagerie médicale.
A - Bilan clinique
:
Selon les conditions du traumatisme et l’état du
blessé, priorité doit être donnée à la recherche de
lésions susceptibles d’engager le pronostic vital.
Un
examen complet est donc souvent nécessaire, faisant
appel à différents spécialistes, au premier plan
desquels se trouvent les neurochirurgiens, les chirurgiens viscéralistes et les chirurgiens orthopédistes.
Tout traumatisé crânien ou craniofacial est,
jusqu’à preuve du contraire, un traumatisé du rachis
cervical.
Ainsi, le maintien d’une minerve
jusqu’à l’élimination d’une lésion ostéo-discoligamentaire
cervicale est impératif, a fortiori si le
patient est comateux.
Le chirurgien maxillofacial
peut également être sollicité en cas de détresse
respiratoire ou d’hémorragie faciale particulièrement
abondante.
Les urgences étant maîtrisées, le bilan général
des lésions effectué, l’examen clinique du traumatisé craniofacial peut être complété.
Il débute par l’interrogatoire du patient si son
état le permet, ou par celui de son entourage ou
d’éventuels témoins.
Il s’attache à reconstituer les
circonstances de l’accident, la nature du vecteur
du traumatisme, l’existence d’une perte de
connaissance initiale, le terrain médical et chirurgical
du patient.
L’obtention de photographies antérieures à l’accident
élimine une éventuelle déformation préexistante
et aidera à établir le schéma thérapeutique.
1- Examen neurologique
:
* Score de Glasgow et déficits moteurs :
L’examen neurologique évalue d’emblée l’état de
conscience par le score de Glasgow.
Celui-ci cote
trois fonctions d’intérêt majeur, notant la
meilleure réponse possible à la stimulation pour
chacune d’elles, la meilleure note obtenue étant
15 sur 15.
Ces trois fonctions sont :
• l’ouverture des yeux, cotée de 1 à 4 ;
• la réponse verbale, cotée de 1 à 5 ;
• la réponse motrice, cotée de 1 à 6.
Il faut tenir compte de l’état du patient lors de sa
relève sur le terrain et de son arrivée à l’hôpital.
Certains patients ont pu être intubés et sédatés du
fait d’une agitation, d’une confusion ou de délabrements
de la face rendant difficile leur prise en
charge.
Cette sédation gêne alors toute cotation
fiable selon le score de Glasgow.
Il est donc important
de savoir si des troubles de conscience ou un
déficit touchant les membres existaient auparavant,
pour pouvoir suspecter à bon escient un hématome
intracrânien menaçant ou un traumatisme vertébromédullaire.
Outre la réalisation du testing musculaire et
sensitif, même de façon sommaire, il est important
de rechercher un syndrome pyramidal qui est caractérisé
par des réflexes ostéotendineux vifs, diffusés,
polycinétiques et associés à un signe de
Babinski homolatéral.
Ce syndrome pyramidal témoigne
de la souffrance des voies chargées de la
motilité volontaire, notamment au niveau cérébral.
* Analyse des nerfs crâniens et des pupilles :
Face à un patient comateux, si l’oedème palpébral
et le chémosis le permettent, on s’attache à retrouver
une mydriase qui, dans un contexte traumatique,
peut avoir plusieurs significations.
Le plus
souvent, elle est due à une souffrance du nerf
moteur oculaire commun (III) par engagement du
lobe temporal homolatéral venant menacer le tronc
cérébral.
Elle résulte d’un processus expansif hémorragique
ou oedémateux qui se produit en général
du même côté.
Le réflexe photomoteur, recherché à l’aide d’un
faisceau lumineux dirigé sur la pupille, entraîne normalement un myosis.
Le réflexe consensuel,
caractérisé par l’apparition d’un myosis controlatéral,
témoigne de la bonne transmission du message
lumineux par le nerf optique de l’oeil étudié.
Une mydriase qui ne diminue plus à l’illumination
est dite aréactive.
Elle indique un accroissement de
la souffrance du III avec des risques majeurs de
lésions cérébrales gravissimes et irréversibles mettant
en jeu le pronostic vital.
Lorsque la mydriase
devient bilatérale, on doit suspecter un engagement
cérébral central signant une souffrance généralisée
de l’encéphale ; la mortalité est alors très
élevée (85 % de décès si la mydriase dure plus d’une
demi-heure).
Lorsque le réflexe consensuel est absent face à
une mydriase, on doit évoquer une lésion du nerf
optique de l’oeil examiné.
Enfin, l’analyse des autres nerfs crâniens ne peut
être réalisée de manière fiable chez les patients
comateux ou sédatés.
Dans ce contexte, la moindre
anomalie clinique impose la réalisation d’un examen
tomodensitométrique cérébral en urgence.
Face à un déficit hémicorporel, on recherche une
paralysie faciale dont on détermine le caractère
central (déficit moteur de la partie inférieure de la
face) ou périphérique (déficit moteur de l’ensemble
de la face).
Pour cela, on réalise la manoeuvre
de Pierre Marie et Foix, qui consiste à agripper par
l’arrière les branches montantes de la mandibule,
ce qui déclenche une grimace du côté sain mais pas
du côté atteint.
Si l’état du patient le permet, on recherche
l’atteinte d’autres nerfs crâniens :
• des troubles de l’odorat doivent faire suspecter
une lésion des nerfs olfactifs (I), en sachant
que des réactions inflammatoires posttraumatiques
peuvent altérer fortement l’odorat
sans que ses récepteurs ne soient atteints ;
• les nerfs III, IV et VI sont étudiés plus loin ;
• le nerf trijumeau (V) est testé par l’analyse de
la sensibilité de la face dans les trois territoires
correspondant à ses trois branches sensitives,
sa branche motrice innervant quant à elle les
muscles de la manducation ;
• le nerf facial, qui peut être lésé en cas d’atteinte
du rocher, est évalué par l’examen de la
motricité de la face ;
• l’ensemble cochléovestibulaire (VIII) est sommairement
testé par le contrôle de l’audition
et l’absence de syndrome vestibulaire (nystagmus,
troubles de la marche et de la statique) ;
• le nerf glossopharyngien (IX), exceptionnellement
atteint, est évalué par l’analyse de la
déglutition, du réflexe nauséeux et de la motricité
du pharynx.
* Recherche d’une rhinorrhée cérébrospinale, à
la phase clinique
:
À la suite d’un traumatisme craniofacial, la recherche
d’une rhinorrhée cérébrospinale doit être systématique
lors de la phase aiguë et des visites de
contrôle.
Elle est due le plus souvent à une brèche
ostéoméningée provoquée par une fracture de la
paroi postérieure du sinus frontal.
Elle s’écoule
alors par le canal nasofrontal.
Son risque principal
est représenté par la survenue d’une méningite à
pneumocoque, diversement estimée selon les études.
Globalement, entre 7 et 30 % de tous les
patients présentant une rhinorrhée posttraumatique
constitueront une méningite.
La rhinorrhée peut être variable dans son expression.
Elle est difficile à mettre en évidence chez un
patient intubé ; elle peut être déglutie sans que le
patient ne le signale.
Il faut penser à la rechercher
le matin sous la forme d’une tache claire sur
l’oreiller.
Dans sa forme typique, de diagnostic aisé, elle
est décrite comme un écoulement par le nez de
liquide clair, intermittent, souvent favorisé par la
position tête penchée en avant.
La recherche de
glucose dans cet écoulement par bandelette est
définitivement obsolète, du fait de la présence de
celui-ci dans les sécrétions nasales.
Lorsque le recueil de l’écoulement est possible,
c’est le dosage de la bêta2-transferrine, protéine hautement
spécifique du LCS, absente des autres fluides
de l’organisme, qui confirme la rhinorrhée.
Il
faut prendre soin de réaliser une électrophorèse
des protéines sanguines pour éliminer la présence
de bêta2-transferrine pathologique dans l’organisme
(cirrhose hépatique...).
Lorsque l’écoulement est
trop intermittent ou trop modeste, et que le dosage
ne peut être réalisé, c’est le bilan endoscopique et
d’imagerie qui aide à en déterminer l’origine par la
localisation de la brèche.
2- Examen maxillofacial :
Sur le plan maxillofacial, l’examen doit être débuté
au plus tôt, l’extension rapide des oedèmes et des
hématomes au niveau des tissus mous masquant
une partie des signes.
Ceci peut avoir une répercussion
néfaste sur la conduite du traitement.
Il faudrait
alors attendre la résorption de ceux-ci pour
réaliser un examen fiable, ce qui n’est pas compatible
avec les modalités modernes de prise en
charge thérapeutique.
L’inspection, réalisée de face et de profil, sous
bon éclairage, menée de façon bilatérale et symétrique,
peut retrouver une atteinte des téguments
sous la forme de plaies plus ou moins hémorragiques
et dilacérées, avec ou sans pertes de substance,
laissant parfois entrevoir le plan osseux
sous-jacent avec des traits de fracture.
La présence d’ecchymoses ou d’hématomes périorbitaires,
dits « en lunettes », peut
suggérer une atteinte de la base du crâne même si
ce signe n’est pas formellement pathognomonique
d’une telle lésion.
L’existence d’une épistaxis est notée de même
que son caractère uni- ou bilatéral et son abondance
qui peut nécessiter un tamponnement nasal.
L’état du système lacrymal doit être également
évalué, surtout en cas d’atteinte de la partie inférieure
et médiale de l’orbite.
Des déformations peuvent apparaître :
• rétrusion ou déviation de la pyramide nasale ;
• recul du massif facial ;
• élargissement de la distance intercanthale réalisant
un télécanthus traumatique qui doit être
mesuré ;
• énophtalmie par élargissement du contenant
orbitaire dû aux fractures des parois ;
• exophtalmie par fistule carotidocaverneuse ou
mouvement de la grande aile du sphénoïde
pouvant par ailleurs être associée à une fracture
en « blow-in » du toit orbitaire, piégeant
les éléments sous-jacents à celui-ci (tendons
des muscles droit et oblique supérieurs, graisse
orbitaire) ;
• aplatissement de la zone orbitozygomatique
qui forme le relief de la pommette ;
• enfoncement du bandeau frontal, notamment
dans sa portion centrale.
La palpation doit être douce, méthodique, pratiquée
de manière aussi aseptique que possible.
Elle peut retrouver une crépitation « neigeuse » de
la peau (témoignant de la présence anormale d’air
au niveau du tissu sous-cutané), des points douloureux
électifs, des déformations osseuses à type
d’enfoncement ou de déviation, une mobilité anormale
de segments osseux évocatrice d’une disjonction craniofaciale fréquemment associée.
L’examen doit comporter l’exploration non seulement
des zones médianes et latérales de la région craniofaciale, mais aussi l’ensemble de la voûte
crânienne, les différents étages de la face y compris
l’étage mandibulaire et la région rétroauriculaire.
La présence à ce niveau d’un hématome peut
révéler une fracture du rocher.
3- Examen ophtalmologique
:
Il fait appel de manière systématique à un ophtalmologiste.
Il est souvent gêné par l’oedème posttraumatique,
qui rend parfois très difficile l’analyse
de l’oeil sous-jacent.
Il évalue l’acuité visuelle
et explore le globe oculaire qui peut être le siège
d’une plaie, d’une hémorragie ou d’un hématome.
Il teste sa mobilité intrinsèque et extrinsèque,
cette dernière au besoin par une épreuve de duction
forcée à la recherche d’une incarcération musculaire,
et recherche un éventuel ptosis.
Ainsi pourront être retrouvés :
• un syndrome de la fissure orbitaire supérieure
comportant l’atteinte motrice des IIIe, IVe et
VIe nerfs crâniens constituant une ophtalmoplégie
avec ptosis.
L’atteinte concomitante de
la 1re branche du nerf trijumeau se traduit par
une altération de la sensibilité du front, des
paupières et du nez ainsi que de la cornée.
Cette symptomatologie résulte d’un trait de
fracture irradié à la fissure orbitaire supérieure
;
• un syndrome de l’apex orbitaire associant à
cette ophtalmoplégie une atteinte du nerf optique
avec amblyopie sévère, voire cécité du
côté atteint.
La recherche d’une fistule carotidocaverneuse
(FCC) doit être systématique et répétée durant les
jours qui suivent le traumatisme craniofacial.
En
effet, si seulement 0,2 % des traumatisés crâniens
développent une FCC, l’apparition de ses signes
spécifiques n’est pas toujours brutale et peut se
faire de manière différée, avec les risques de cécité
que cela implique.
Les patients conscients se
plaignent d’une diplopie avec exophtalmie pulsatile
et douloureuse du fait de la distension veineuse périoculaire.
Malgré un chémosis bien banal chez un traumatisé
craniofacial, on recherche :
• une dilatation des vaisseaux conjonctivaux et
scléraux ;
• une paralysie oculomotrice touchant, de façon
globale ou isolée, les IIIe, IVe ou VIe nerfs
crâniens ;
• une atteinte de l’acuité visuelle pouvant être
d’origine multiple et notamment traumatique
au niveau du globe oculaire ou du nerf optique
;
• un souffle systolodiastolique perçu par le patient
et par l’auscultation des régions temporales
et périorbitaires.
L’exophtalmie peut très vite occasionner des
lésions cornéennes qu’il faut s’attacher à prévenir
d’emblée.
De même, une altération de l’acuité
visuelle constitue une urgence thérapeutique.
À ce
stade, devant toute suspicion de FCC, un examen
doppler des vaisseaux du cou, réalisé au lit du
patient, confirme l’accélération et l’augmentation
du débit sanguin de la carotide primitive.
Elles se
traduisent par une baisse de l’index de résistance
due à la fuite par la fistule.
B - Bilan paraclinique :
Il repose actuellement sur les données de l’imagerie
médicale, majoritairement représentée ici par
la tomodensitométrie.
1- Radiographies standards :
Les radiographies standards ne sont plus d’actualité
dans le bilan lésionnel initial.
Elles peuvent cependant
se révéler utiles dans des centres non équipés
d’appareils de tomodensitométrie, en permettant
un diagnostic de qualité moindre.
Elles
seront par ailleurs réservées éventuellement au
suivi opératoire de certains patients pour des problèmes
ponctuels au niveau facial.
Les clichés standards classiques sont les suivants
:
• le crâne de face et de profil ;
• l’incidence de Blondeau ;
• si l’état du rachis cervical du patient le permet
: l’incidence nez-front-plaque et l’incidence
de Hirtz.
2- Examen tomodensitométrique craniofacial :
Il est réalisé de façon systématique, les patients
étant habituellement évacués dans des centres de
traumatologie qui disposent de ce moyen d’investigation
moderne.
Les appareils tomodensitométriques de dernière
génération, dits multibarettes, permettent en
quelques secondes l’acquisition de nombreuses
coupes dans un plan axial.
Dans l’exploration du
complexe craniofacial, on peut ainsi réaliser plus
de 200 coupes, d’une épaisseur de 1,25 mm et
espacées par un intervalle de 0,7 mm.
Ces coupes
natives, qui se chevauchent, permettent d’obtenir
des reconstructions bidimensionnelles selon, le plus
souvent, un plan coronal ou sagittal mais aussi selon
tout autre plan désiré (axe du cône orbitaire par
exemple).
Les reconstructions tridimensionnelles,
obtenues également à partir des coupes natives,
permettent de disposer d’une reconstitution des
parties molles (dont le plan cutané) et des plans
osseux avec des images globales.
Si elles restent
accessoires, ces reconstructions permettent néanmoins
d’avoir une vue générale des lésions tant
faciales que crâniennes, et apportent une aide à la
stratégie opératoire.
Elles peuvent aussi fournir
des renseignements sur le canal nasofrontal et ses
rapports avec les traits de fracture.
Par
soustraction numérique, on peut également aboutir
à la représentation tridimensionnelle des différents
plans anatomiques.
Ainsi la tomodensitométrie craniofaciale, incluse
dans un examen « corps entier », présente de
multiples intérêts :
• elle facilite un diagnostic précis des fractures
et de leurs déplacements ;
• elle permet d’obtenir en une seule séance des
images nettes à la fois du crâne et de la face ;
• elle détecte des lésions qui peuvent rester
méconnues lors de l’examen clinique ;
• elle diminue fortement l’irradiation liée à la
réalisation de radiographies multiples.
Les fenêtres osseuses permettent de distinguer
les fractures et les déformations osseuses, notamment
les embarrures, tandis que les fenêtres « parties
molles » analysent l’état de l’encéphale et des
annexes de l’oeil.
Ainsi, on visualise un hématome
intracrânien, une contusion hémorragique,
une pneumocéphalie, éléments
menaçants, relevant au besoin d’un geste de décompression
encéphalique en urgence.
Si le sinus frontal est parfaitement analysable
quant à l’atteinte de ses parois antérieure et postérieure,
les éventuelles lésions du canal nasofrontal
restent malgré tout difficilement identifiables.
Au niveau de la face, un tel examen permet une
exploration particulièrement fiable des orbites et
de leur contenu : rebords orbitaires, parois latérales
et médiales, plancher, toit, apex orbitaire et
nerf optique.
Celui-ci peut être lésé par une esquille
osseuse ou par un hématome
compressif qui sera identifié par la tomodensitométrie
(TDM).
Face à une suspicion de fistule carotidocaverneuse,
devant une exophtalmie pulsatile, l’examen
TDM montre l’oedème des muscles orbitaires et la
dilatation des veines ophtalmiques.
L’injection de
produit de contraste, dans ce cas, visualise le shunt artérioveineux et les veines de drainage, imposant
la réalisation d’une angiographie carotidienne pour
préciser les lésions et éventuellement traiter la
fistule.
3- Place de l’imagerie par résonance magnétique :
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) n’a pas
d’intérêt en urgence dans l’exploration de ce type
de traumatisme, d’autant plus que les appareils de TDM de dernière génération visualisent très bien les
parties molles.
En revanche, elle est d’un grand
intérêt dans la prise en charge de la rhinorrhée et
de la localisation des brèches ostéoméningées.
4- Angiographie cérébrale :
L’angiographie cérébrale est demandée de manière
exceptionnelle dans deux situations :
• devant un déficit hémicorporel où l’examen
doppler des vaisseaux du cou fait redouter une
dissection post-traumatique de la carotide interne
;
• lorsqu’une fistule carotidocaverneuse est suspectée
par la clinique ou l’examen TDM ; elle
permet de confirmer le shunt artérioveineux et
d’analyser le drainage vers les veines habituellement
affluentes du sinus caverneux.
L’opacification
des veines du cortex cérébral par le
shunt témoigne d’un risque hémorragique majoré
du fait de l’artérialisation de ces veines.
Dans le même temps, l’angiographie doit permettre
un traitement endovasculaire en urgence
par ballonnet largable respectant le flux
carotidien et occluant la fistule.
C - Certificat médical :
Ce bilan lésionnel permet la rédaction précise d’un
certificat descriptif, éventuellement associé à des
photographies des lésions, à des fins médicolégales.
Traitement
:
Après stabilisation des fonctions vitales, le traitement
des lésions traumatiques peut être effectué.
En dehors du cadre de l’urgence, il est préférable
de temporiser quelques heures voire quelques jours
selon les cas, afin d’affiner le bilan lésionnel et de
s’accorder avec les autres spécialistes concernés
sur la stratégie thérapeutique à adopter.
A - Objectifs du traitement :
Les objectifs du traitement sont multiples :
• protéger l’encéphale sur les plans mécanique
et infectieux ;
• restaurer les différentes fonctions ;
• reconstituer l’anatomie initiale et son corollaire
esthétique avec, en particulier dans cette
région, le retour à la projection, la dimension
verticale et la dimension transversale telles
qu’elles étaient avant le traumatisme.
B - Stratégie thérapeutique :
Auparavant, il était d’usage de traiter ce type de
traumatisme en deux étapes :
• neurochirurgicale d’abord, dans l’urgence,
pour réparer les lésions endocrâniennes (atteintes
du parenchyme cérébral, lésions de la
dure-mère) et ophtalmologiques (atteinte du
globe oculaire ou du nerf optique) ;
• faciale ensuite, lors d’une seconde intervention
réalisée plusieurs jours après.
En l’absence de lésions neurochirurgicales urgentes,
le principe était de traiter les atteintes
faciales après stabilisation médicale de l’état neurologique
avec diminution de l’oedème cérébral
fréquemment présent. Les pertes de substance osseuse
étaient réparées de façon secondaire voire
même tertiaire.
Actuellement, la plupart des auteurs
recommande un traitement précoce, en un seul
temps opératoire, même si cela nécessite une prolongation
de la durée initiale de l’anesthésie.
Cette
stratégie thérapeutique moderne, aidée par l’imagerie
médicale, présente plusieurs avantages :
• traitement de l’ensemble des lésions, qu’elles
soient craniofaciales, maxillofaciales ou ophtalmologiques,
dans le même temps que l’exploration
neurochirurgicale ;
• diminution des interventions itératives et donc
des épisodes d’hospitalisation et d’anesthésie ;
• réduction du nombre de séquelles fonctionnelles
et cosmétiques parfois liées à un traitement
trop tardif et particulièrement difficiles à corriger
(par exemple rétraction des parties molles).
Selon la prépondérance des dégâts d’une région
par rapport à une autre, priorité sera donnée à la
face ou au crâne :
• lorsque l’atteinte crânienne est minime et le
traumatisme facial important, le squelette facial
est reconstruit sur le crâne qui constitue la
zone d’appui ;
• lorsque les lésions osseuses crâniennes sont
importantes, la face est d’abord traitée de
façon « isolée » puis solidarisée aux éléments
restés stables du crâne.
Ce dernier est ensuite
reconstruit, le massif facial constituant alors la
zone d’appui.
C - Moyens de réparation
:
1- Voies d’abord :
Pour les lésions craniofaciales proprement dites :
• voie coronale linéaire stricte ou suivant
la ligne sinusoïdale d’implantation des
cheveux : elle donne accès à la
partie supérieure des orbites, au front, au
complexe nasoethmoïdal au centre, au complexe
zygomatomalaire latéralement.
Elle permet
d’aborder, par l’intermédiaire d’un volet
osseux, le sinus frontal et la fosse crânienne
antérieure ;
• voie transethmoïdale classique : l’abord endonasal
se fait par endoscopie ; il est limité à la
lame criblée et au toit de l’ethmoïde ainsi qu’à
la région de la selle turcique.
Elle est insuffisante
en cas de lésions étendues de la base du
crâne et d’atteintes multiples de la dure-mère.
• voie transethmoïdale élargie par association
avec une voie sourcilière : elle donne accès
à la fosse crânienne antérieure dont la région
de la selle turcique, en évitant l’atteinte des
filets olfactifs et la rétraction des lobes frontaux
;
• voie sourcilière : elle permet un
abord du sinus frontal uni- ou bilatéral en se
réunissant au niveau de la racine du nez.
Elle
expose au risque d’anesthésie cutanée frontale
par atteinte du nerf supraorbitaire et de séquelles
esthétiques cicatricielles.
Pour les lésions associées :
• voies transconjonctivale, sous-ciliaire ou palpébrale
inférieure : elles permettent
l’accès au plancher orbitaire ;
• voie vestibulaire : elle est indiquée
pour l’étage moyen du massif facial et en particulier
l’os zygomatique ; elle peut être complétée par un décollement de la muqueuse au
niveau de l’épine nasale et des orifices piriformes
si nécessaire ;
• voie canthale interne : elle permet
l’accès à la paroi médiale de l’orbite.
La paroi
latérale peut être abordée par une voie prolongeant
la queue du sourcil.
Par ailleurs, selon leur emplacement et leur importance,
les plaies cutanées peuvent être utilisées
pour l’exploration voire le traitement des fractures.