Traumatismes de la face

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Examen d’un traumatisme de la face :

A – Interrogatoire :

Après avoir éliminé une urgence vitale ou l’avoir traitée (libération des voies aériennes supérieures, maintien de la filière respiratoire et fonctions hémodynamiques restaurées et contrôlées) ; après s’être assuré que le traumatisme de la face est isolé, et non associé notamment à un autre traumatisme du crâne et (ou) du rachis cervical qui reléguerait l’urgence faciale au second plan, l’interrogatoire fait préciser (par l’entourage si le patient n’est pas en mesure de le faire lui-même) :

• Les modalités du traumatisme :

Traumatismes de la face

– circonstances de survenue : agression, accident sur la voie publique, accident du travail, domestique, de sport, morsure…

– point d’impact : latéro- ou centro-facial ;

– direction etintensité du choc ;

• L’existence de signes fonctionnels :

– douleur spontanée ou provoquée ;

– sensation de craquement lors du choc ;

– gênes fonctionnelles : manducatrice (limitation d’ouverture de bouche, déplacement dentaire, perte de dent, mobilités dentaires, désadaptation de prothèses dentaires, difficultés de déglutition…) ; visuelle (modification de l’acuité visuelle, diplopie) ; respiratoire nasale (obstruction nasale uni- ou bilatérale partielle ou complète, épistaxis).

B – Examen clinique :

1- Examen de la face :

• L’inspection (de face, de profil, en vues plongeantes inférieure et supérieure), recherche :

– une lésion du revêtement cutané au point d’impact (plaie, ecchymose, hématome), des corps étrangers (fragments de pare-brise, débris telluriques, graviers, goudrons) ;

– un oedème localisé (paupières, lèvres, nez, pommettes) ou généralisé à toute la face (faciès lunaire) ;

– une hémorragie extériorisée par un orifice (stomatorragie, épistaxis, otorragie), par une plaie en distinguant un saignement artériel d’un saignement veineux : son hémostase sera assurée sans tarder par compression ou clampage du vaisseau ;

– une déformation, un enfoncement du relief, une asymétrie du visage, en faisant la part de ce qui revient à l’oedème et par comparaison avec des photos récentes, si possible.

• La palpation des reliefs osseux (bilatérale et comparative, complète, de haut en bas, en finissant par la zone traumatisée) recherche :

– des signes directs de fracture ; déplacement osseux, mobilité anormale, douleur exquise ;

– parfois, un emphysème sous-cutané ou conjonctival qui signe la fracture d’une paroi d’une cavité aérienne (sinus maxillaire, labyrinthe ethmoïdal, sinus frontal).

2- Examens endocavitaires :

• Les fosses nasales sont examinées par rhinoscopie antérieure après évacuation par mouchage doux des caillots de sang et pour apprécier : la perméabilité des fosses nasales ; l’existence de plaies muqueuses ; les déformations ou déplacements de la cloison avec parfois extériorisation du cartilage septal fracturé ; l’existence d’une rhinorrhée.

• En bouche sont recherchées :

– des lésions muqueuses : ecchymose, hématome, plaie (langue, palais, voile, gencive, vestibule buccal…) ;

– des lésions osseuses par la palpation ; à la mandibule : déformation, mobilité anormale avec plaie ; au maxillaire : perte de l’arrondi harmonieux du cintre maxillo-zygomatique fracturé « en coquille d’oeuf », avec esquilles osseuses mobiles, douleur exquise en regard, maxillaire mobile désolidarisé du reste du massif facial ;

– des lésions dentaires : mobilité, fracture ou perte dentaire ;

– une modification de l’articulé dentaire en se référant aux critères d’arcade, d’alignement et d’engrènements incisif, canin et molaire, et aux éventuelles facettes d’usure dentaire ;

• des écoulements déglutis : épistaxis, stomatorragie, rhinorrhée cérébro-spinale,

• des corps étrangers : dent luxée ou fracturée, fragment de prothèse, projectile (plombs, balle…).

3- Examen des fonctions :

Ces examens seront répétés car l’altération de certaines fonctions peut s’installer d’emblée mais parfois aussi de manière progressive.

Les résultats datés seront consignés dans le dossier.

• Examen de la manducation : il apprécie les mouvements des articulations temporo-mandibulaires et l’occlusion dentaire, la présence d’un trismus, les possibilités de morsure, de mastication et de déglutition.

• Examen ophtalmologique :

– acuité visuelle ;

– état de la pupille, étude des réflexes photomoteurs direct et consensuel ;

– recherche de diplopie statique (par exophtalmie ou énophtalmie) ou dynamique (d’origine soit mécanique soit neurologique) en s’aidant du test de Lancaster, et au besoin d’un test de duction ;

– fonction palpébrale : dystopie canthale médiale ou externe, ptosis ;

– fonction lacrymale : larmoiement, perméabilité des voies lacrymales…

• Examen neurochirurgical : recherche d’une anosmie, d’une pneumencéphalie, d’une rhinorrhée cérébro-spinale en rapport avec une brèche dure-mérienne.

• Examen des voies respiratoires hautes, pour évaluer une gêne respiratoire par obstruction nasale, rhino- ou oropharyngée (caillots, hématome, chute de la base de la langue vers l’arrière, corps étranger, prothèse dentaire).

• Examen de la sensibilité :

– V1 : sensibilité cornéenne et sensibilité cutanée (nez, front, paupière) ;

– V2 : sensibilité cutanée (nez, joue, lèvre supérieure), muqueuse (gencive maxillaire) et dentaire ;

– V3 : sensibilité cutanée (lèvre inférieure et menton), muqueuse et dentaire mandibulaires.

C – Examen radiographique :

Orienté par les données cliniques, comporte :

1- Incidences standard :

Pratiquées après avoir éliminé une lésion du rachis cervical :

– crâne de face et de profil pour éliminer une fracture associée de la voûte, objectiver une éventuelle pneumo-encéphalie, apprécier sur le profil, l’état des parois des sinus frontaux et les ptérygoïdes ;

– incidences pour explorer le massif facial, de face : Blondeau, Waters, Paoli, Louisette (2 parmi ces incidences sont suffisantes) ;

– incidences pour étudier la mandibule : mandibule défilée, face basse bouche ouverte centrée sur la mandibule, et surtout orthopantomogramme (panoramique), cliché-roi pour la mandibule, mais pas toujours réalisable en urgence (clichés pris en position assise).

Très souvent, ces clichés sont suffisants en cas de fracture simple isolée de la face telle qu’une fracture zygomatomaxillaire, une fracture occluso-faciale de Lefort I, une fracture de mandibule.

2- Incidences spécifiques de complément :

Demandées selon les circonstances :

– os propres du nez de profil ;

– incidence axiale dégageant la ligne du plus grand contour de la face pour apprécier le recul d’un os zygomatique et l’état du processus temporal de l’os zygomatique ;

– clichés stomatologiques :

• occlusal : maxillaire (il renseigne sur l’état de l’os alvéolaire) mandibulaire (pour préciser les corticales interne et externe)

• rétro-alvéolaires pour étudier les dents, préciser l’état des racines et leur rapport avec l’os alvéolaire ;

– clichés à la recherche de corps étranger dans les parties molles superficielles.

– clichés avec opacification des voies lacrymales, du canal parotidien selon les cas.

3- Coupes scanographiques :

Demandées :

– en cas de doute persistant sur une fracture malgré les clichés standard ou pour un fracas complexe ;

– par opportunité lorsqu’un scanner est effectué pour une raison neurochirurgicale en suggérant au radiologue de réaliser quelques coupes sur le massif facial.

Les incidences coronales sont idéales pour étudier les fractures occluso-faciales, les orbites (paroi et contenu), la base du crâne.

Les incidences axiales sont incontournables dans l’analyse du complexe naso-ethmoïdo-maxillo-fronto-orbitaire et particulièrement des labyrinthes ethmoïdaux et du canal optique.

Pour la mandibule, le scanner n’a d’intérêt que pour les fractures du condyle.

Traumatismes des parties molles :

1- Contusions de la face :

• Elles se manifestent par une douleur, un oedème, parfois une ecchymose, au point d’impact du traumatisme : lèvres, nez, paupières, joues.

Ces contusions peuvent entraîner une certaine impotence fonctionnelle avec aspect figé du visage, elles sont généralement sans lendemain.

• Des complications parfois s’observent :

– un trismus antalgique en cas de meurtrissure des muscles masticateurs qui prolonge l’évolution spontanément favorable ;

– un hématome (joue, paupière, lèvre, pavillon d’oreille, intramusculaire) qu’il est parfois nécessaire d’évacuer ;

– une modification de la sensibilité cutanée par contusion du V 1 ou V 2.

2- Plaies :

• Les plaies muqueuses en bouche s’observent surtout chez l’enfant, parfois isolément (gencive, palais dur), souvent associées à des plaies musculaires : langue, voile du palais, généralement dues à des objets (crayon, sucette…) tenus en bouche. Une sialorrhée réactionnelle est habituelle.

• Les plaies des orifices naturels (lèvres, paupières, narines) : de la plaie superficielle uniquement cutanée ou uniquement muqueuse à la plaie transfixiante imposant un repérage et une réparation particulièrement attentifs de tous les plans (cutané, musculaire, cartilagineux, muqueux), leur gravité tient à leur fâcheuse tendance à cicatriser en entraînant des rétractions orificielles.

• Les plaies cutanées de la joue : tantôt superficielles et franches, tantôt pénétrantes et compliquées, elles imposent de s’assurer de l’intégrité des organes nobles sous-jacents : nerf facial, canal parotidien, vaisseaux faciaux.

3- Complications précoces des plaies :

• Complications liées aux particularités de la plaie ellemême :

– plaie souillée : morsure, corps étranger (débris telluriques, verre…) ;

– plaies de ripage, parfois étendues et tatouées de goudron ;

– plaie dilacérée avec ou sans perte de substance, voire amputation partielle ou totale d’une région (nez, oreille, lèvre, paupière, cuir chevelu) ;

– brûlures : électriques (lèvre, langue) apanage du jeune enfant ou thermiques ; elles sont à l’origine des pires rétractions sur les orifices naturels.

• Plaies associées :

– musculaires : orbiculaires, peaucier de la face ;

– vasculaires : vaisseaux faciaux, temporaux superficiels ; une plaie du voile du palais très latéralisée doit faire redouter une lésion de la carotide interne ;

– nerveuses : paralysie faciale, non tant totale par section du tronc que partielle par section d’une des branches de division ;

– salivaires : du parenchyme parotidien ou du canal parotidien, souvent concomitantes d’une plaie du nerf facial ;

– des voies lacrymales dans les plaies de paupière paranasales et juxtacanthales internes.

Traumatismes dentaires :

1- Contusion dentaire :

Douleurs dentaires post-traumatiques spontanées, provoquées ou exacerbées par la morsure, le froid, pouvant persister plusieurs heures voire plusieurs jours, sans anomalie ni clinique ni radiographique.

La surveillance de la vitalité dentaire (par les tests thermiques) s’impose.

2- Luxation alvéolo-dentaire :

• Complète : la dent complètement expulsée de son alvéole, à condition d’être entière et d’un geste précoce sera réimplantée.

• Incomplète : dent mobile, douloureuse, légèrement sortie de son alvéole avec saignement au collet de la dent ; une radiographie rétro-alvéolaire confirme le diagnostic devant l’absence de fracture dentaire et « l’élargissement du ligament ».

Une contention est habituellement nécessaire.

La surveillance de la vitalité dentaire est de rigueur.

3- Fracture dentaire :

• Fracture de la couronne avec ou sans exposition pulpaire.

La dent est douloureuse surtout quand la pulpe est exposée.

• Fracture radiculaire : elle est suspectée devant une douleur dentaire exagérée par la morsure, une mobilité dentaire.

Un cliché rétro-alvéolaire précise l’emplacement du trait (tiers apical, tiers cervical).

4- Complications précoces :

• L’ingestion accidentelle d’une dent, sans conséquence, ne justifie pas de suivre sa progression dans le tube digestif par des radiographies répétées.

• L’inhalation bronchique (bronche souche droite) d’une dent luxée ou d’un fragment (parfois radiotransparent) de couronne ou de prothèse requiert en revanche une endoscopie bronchique à visée diagnostique et thérapeutique.

• Une prothèse mobile ou un gros fragment de prothèse mobile peut obstruer les voies respiratoires hautes (oropharynx, pharyngo-larynx) et être à l’origine d’une détresse respiratoire.

L’extraction de ce corps étranger, parfois fiché dans la muqueuse oro-pharyngée par un crochet, peut s’avérer périlleuse et imposer une trachéotomie en urgence.

Traumatismes de l’articulation temporo-mandibulaire (en dehors des fractures du condyle) :

1- Contusion articulaire :

Elle se manifeste par un gonflement pré-auriculaire, des douleurs spontanées ou aux mouvements de la mandibule, une impotence fonctionnelle avec un trismus antalgique, une difficulté à la propulsion et à la diduction mandibulaires.

La radiographie élimine une lésion osseuse et l’épanchement sanguin intra-articulaire s’y manifeste par un élargissement de l’interligne articulaire, et une propulsion du condyle mandibulaire vers l’avant.

2- Lésion disco-ligamentaire :

Tantôt il s’agit d’une lésion du disque : luxation ou fracture (bruits articulaires avec claquements, craquements, phénomènes de blocage).

Tantôt, il s’agit d’étirement des ligaments comme dans les traumatismes par « coup du lapin ».

Ces lésions s’accompagnent d’une impotence fonctionnelle manducatrice.

Devant la persistance de la symptomatologie, un scanner des articulations temporo-mandibulaires confirmera l’intégrité des pièces osseuses et une IRM précisera la nature de l’atteinte discale.

3- Luxation temporo-mandibulaire :

Uni- ou bilatérale, elle se produit à la suite d’un choc sur la symphyse mentonnière, alors que la bouche était entrouverte ou lors d’une intubation trachéale, de soins dentaires ou d’un mouvement forcé (bâillement).

Elle se manifeste par :

– une impotence fonctionnelle : impossibilité de fermer la bouche (blocage bouche ouverte) ;

– une vacuité de la fosse mandibulaire juste en avant du tragus, déshabitée par le condyle mandibulaire luxé en avant ;

– une absence de contact dentaire ;

– des douleurs intenses de l’articulation en relation avec l’élongation ligamentaire.

Ces douleurs cèdent immédiatement après la manoeuvre de réduction de Nélaton.

Selon le contexte traumatique, un cliché panoramique (à défaut une mandibule défilée) immédiatement suivi d’une manoeuvre de Nélaton se justifierait pour éliminer une fracture condylienne associée.

4- Complications précoces :

La principale complication serait de méconnaître ou de sous-estimer ces lésions, qu’il s’agisse des lésions discoligamentaires à la suite d’un traumatisme ou par « coup du lapin » ou d’une luxation temporo-mandibulaire chez un blessé comateux par exemple : la décompensation d’un équilibre articulaire précaire sous forme d’un syndrome algo-dysfonctionnel de l’appareil manducateur (SADAM) est fréquente.

Fractures du squelette facial

A – Fractures de la mandibule :

1- Fractures du condyle :

• Clinique :

– choc sur le menton bouche entrouverte ;

– plaie sous-mentonnière, très fréquente, occupant parfois le devant de la scène ;

– douleur et tuméfaction pré-auriculaires du côté fracturé ;

– impotence fonctionnelle mandibulaire : ouverture de bouche et propulsion mandibulaire limitées avec déviation du côté fracturé ;

– articulé dentaire perturbé : béance triangulaire par contact molaire prématuré du côté fracturé.

• Radiographie :

– panoramique, à défaut mandibule défilée, et scanner au moindre doute, confirment la fracture et en précisent son siège :

• extra-articulaire : sous-condylienne avec bascule en avant et en dedans du condyle et ascension de la branche montante ;

• articulaire : fracture capitale avec écrasement de la tête exposant l’articulation à l’ankylose, particulièrement redoutable chez l’enfant, car à l’origine de trouble de la croissance mandibulaire.

• Complications précoces : elles tiennent surtout à l’existence de certaines formes cliniques :

– fracture des deux condyles ;

– fracture associée à une luxation antérieure de la tête du condyle passée en avant du tubercule zygomatique antérieur de l’os temporal ;

– fracture du condyle associée à une fracture de l’os tympanal ; le tableau se complète d’une otorragie (qui dans ce cas fait discuter une fracture du rocher, mais il n’y a pas d’hémo-tympan, pas de surdité, pas de paralysie faciale, pas de vertige) et d’une sténose du méat acoustique externe ;

– pénétration intracrânienne du condyle ;

– méconnaissance d’une fracture du condyle surtout chez l’enfant qui est exposé à un arrêt de croissance mandibulaire en cas d’installation d’une ankylose temporo-mandibulaire.

2- Fractures de la portion dentée de la mandibule :

• Clinique :

– choc sur la mandibule ; – douleur, stomatorragie, sialorrhée et impotence fonctionnelle avec trismus antalgique ;

– modification de l’articulé dentaire par chevauchement, angulation ou décalage des fragments dentés dont le déplacement résulte de l’action combinée des muscles abaisseurs et élévateurs de la mandibule ;

– mobilité osseuse anormale avec plaie muqueuse entre les deux dents bordant le foyer de fracture ;

– signe de Vincent (anesthésie dans le territoire labio-mentonnier du V3) pour les fractures très déplacées intéressant le canal mandibulaire.

• Radiographie : panoramique et clichés occlusaux apportent les meilleurs renseignements, à défaut mandibule défilée et face basse bouche ouverte.

Ils confirment la fracture, en précisent son siège (symphyse, corps, angle), les caractéristiques du trait (direction du biseau, fracture en aile de papillon, fracture détachant un troisième fragment), sa situation par rapport au canal mandibulaire et au nerf alvéolaire inférieur (V3).

Ils renseignent sur l’état de la denture où l’on fera soigneusement la part de ce qui revient à l’état antérieur et du traumatisme (incidences thérapeutique et médico-légale pour l’indemnisation du dommage corporel).

• Complications précoces : elles peuvent être :

– liées au terrain : qu’il s’agisse d’un enfant (présence des germes des dents définitives), d’un sujet édenté, ou présentant un mauvais état dentaire et parodontal, un kyste mandibulaire (dans chacune de ces circonstances, le geste thérapeutique est rendu plus délicat) ;

– liées à la fracture : fracture ouverte à la peau, fracture mandibulaire multiple (bi, voire trifocale) parfois comminutive ou avec perte de substance osseuse (traumatisme balistique par arme à feu).

Il s’agit alors de complications hémorragiques : hématome du plancher de bouche ; de complications respiratoires, susceptibles d’entraîner une détresse respiratoire haute par chute de la base de la langue dans l’oro-pharynx (fracture déplacée des deux branches horizontales) ou par volumineux hématome du plancher de la bouche et de langue ; de complications neurologiques : signe de Vincent avec anesthésie labio-mentonnière (section ou compression du V3 dans le canal mandibulaire ou à sa sortie au foramen mentonnier à hauteur de la première prémolaire).

B – Fractures du massif facial :

1- Fractures latéro-faciales (fracture zygomato-maxillaire) :

• Clinique : après un choc sur la pommette, parfois suivi d’une épistaxis unilatérale, sont retrouvés :

– un effacement de la pommette avec élargissement de l’hémiface traumatisée ;

– une hémorragie sous-conjonctivale externe en flammèche.

La palpation perçoit :

– un décalage en marche d’escalier sur le rebord orbitaire inférieur et déclenche une douleur exquise ;

– en bouche, une rupture de l’arrondi harmonieux du cintre zygomato-maxillaire fracturé en « coquille d’oeuf » avec douleur exquise en regard ;

– parfois, une mobilité nette du corps du zygoma, un emphysème sous-cutané de la paupière inférieure.

• Radiographie : deux incidences standard (Blondeau, Paoli ou Louisette), suffisent habituellement à confirmer le diagnostic devant :

– des signes directs de fracture : décalage osseux sur la margelle infra-orbitaire, souvent à hauteur du foramen infra-orbitaire, rupture et irrégularité du cintre zygomatomaxillaire, diastasis de la suture zygomato-frontale trop bien visible voire luxation nette ;

– des signes indirects : asymétrie de forme des contours orbitaires, opacité du sinus maxillaire due à un hémo-sinus.

Le scanner n’est nécessaire qu’en cas de fracture compliquée.

• Complications précoces : l’ouverture à la peau, rare, répond souvent à des circonstances de survenue particulières (corne de vache, sabot de cheval) et sont souvent souillées.

Les complications neuro-sensitives sont à type d’hypo- ou anesthésie dans les territoires cutanés (nez, lèvre supérieure, joue), muqueux (gencive) et dentaire du V2 et traduisent la souffrance du nerf ou de l’une de ses branches par compression, étirement ou section.

Ces complications ophtalmologiques nécessitent un examen par un spécialiste ophtalmologiste, avec un test de Lancaster et des coupes scanographiques.

Ces complications s’observent lors de déplacements importants ou lorsque des traits irradient vers l’apex orbitaire.

Il s’agit de :

– trouble de la statique oculaire : énophtalmie plus souvent qu’exophtalmie (par modification du volume orbitaire sous l’effet du déplacement osseux), avec chute de la ligne bipupillaire du côté fracturé ; il se traduit par une diplopie, précisée par le test de Lancaster ;

– trouble de la dynamique oculaire : de nature mécanique, limitation dans l’élévation du globe oculaire (test de duction) par incarcération du muscle droit inférieur dans le foyer de fracture du plancher d’orbite bien mise en évidence sur le scanner ; soit de nature neurologique, s’observe dans les fractures irradiées à l’apex orbitaire : important oedème palpébral avec ophtalmoplégie partielle ou totale par atteinte à la fois des III-IV-VI constituant alors le syndrome de la fissure orbitaire supérieure. Exceptionnel dans ce type de fracture mais toujours à éliminer : un syndrome de section physiologique du nerf optique.

2- Fractures centro-faciales :

• Fractures du nez et de la cloison nasale

– Clinique : après un choc sur le nez avec sensation de craquements, douleur parfois syncopale, épistaxis bilatérale, sont constatées :

• une pyramide nasale déformée avec obstruction nasale objectivée au miroir de Glatzell,

• à la rhinoscopie antérieure, une plaie muqueuse laissant apparaître le cartilage septal fracturé et dévié responsable pour partie de l’obstruction nasale.

– Radiographie : deux incidences orthogonales (os propre de profil et Blondeau ou Paoli) suffisent au diagnostic et à l’analyse du déplacement.

– Complications précoces :

• gêne respiratoire nasale uni- ou bilatérale,

• ouverture de la fracture à la peau avec exposition d’un fragment osseux,

• fracture comminutive,

• hématome de cloison surtout chez l’enfant, progressivement obstructif et dont l’évacuation constitue une urgence pour éviter la lyse septique du cartilage.

• Fractures du complexe naso-ethmoïdo-maxillo-frontoorbitaire (CNEMFO)

– Clinique : après un choc violent appliqué sur la région nasale, sont constatés :

• une épistaxis,

• une obstruction nasale,

• un élargissement avec recul entre les orbites de la pyramide nasale,

• des ecchymoses palpébrales en « lunette » très évocatrices d’une fracture du labyrinthe ethmoïdal,

• un oedème des paup!ères, d’installation précoce qui rend délicate l’appréciation d’un télécanthus parfois associé à une dystopie canthale médiale, une diplopie statique accompagnant une énophtalmie et (ou) dynamique par atteinte de l’oculomotricité, un méplat frontal par embarrure dans les fractures étendues à l’os frontal.

– Radiographie : des radiographies du crâne de face et de profil, une incidence de Blondeau et de Paoli ou Louisette, sont complétées par un scanner du crâne facial en coupes coronales et axiales.

– Complications précoces

• Complications liées à l’atteinte nasale outre les complications précédemment rapportées, une épistaxis abondante voire dramatique, rebelle aux moyens habituels d’hémostase (tamponnement antérieur, tamponnement postérieur) peut imposer le recours au radiologue en urgence pour une artériographie sélective avec embolisation.

• Complications liées à l’atteinte basi-crânienne ethmoïdale : une anosmie très fréquente initialement n’a de valeur que lorsqu’elle perdure, une brèche dure-mérienne suspectée devant : une épistaxis particulièrement claire et fluide (deux auréoles au test du buvard) ou une rhinorrhée claire, eau de roche ; une pneumoencéphalie sur les radiographies du crâne.

Une antibiothérapie précoce est entreprise pour prévenir les redoutables complications infectieuses neurochirurgicales (méningite, abcès du cerveau…).

• Complications liées à l’atteinte orbitaire : ce sont les plus nombreuses ; elles peuvent concerner :

– le globe oculaire : surtout ne pas méconnaître derrière un oedème palpébral, pouvant la masquer, une éventuelle plaie du globe, justifiant le recours en urgence à un ophtalmologiste,

– les voies lacrymales : leur section ou leur compression par une esquille osseuse est à l’origine de larmoiement ; au moindre doute, la perméabilité des voies lacrymales sera testée par cathétérisme ou instillation de liquide coloré,

– l’oculomotricité : ophtalmoplégie (en rapport avec une compression nerveuse) ; elle peut être partielle ou totale avec ptosis paralytique (atteinte des III, IV, V).

Quand elle s’associe à un oedème palpébral majeur (par compression de la veine ophtalmique) gênant très souvent l’étude de l’oculomotricité et à un trouble de la sensibilité frontale, palpébrale, nasale et cornéenne (V 1) est constitué un syndrome de la fissure orbitaire supérieure,

– l’acuité visuelle : urgence fonctionnelle, prioritaire parmi toutes, le syndrome de section physiologique du nerf optique (qui traduit la compression du II dans le canal optique par l’oedème, un hématome ou une esquille osseuse) s’exprime chez le sujet conscient par la disparition de toute perception lumineuse par un oeil dont la pupille est en mydriase ; le réflexe photomoteur direct est aboli et le réflexe photomoteur consensuel conservé.

De pronostic très réservé, d’évolution souvent irréversible, cette urgence ne souffre aucun retard dans la prise en charge thérapeutique.

Un syndrome de section physiologique du nerf optique associé à un syndrome de la fissure orbitaire supérieure constitue le syndrome de l’apex orbitaire.

• Complications liées à l’atteinte frontale : elles peuvent concerner l’une ou plusieurs des structures suivantes : paroi antérieure du sinus frontal et rebord orbitaire supérieur : lésion du V 1 (anesthésie cutanée du front, du nez), embarrure et ouverture à la peau, parfois exposition de matière cérébrale dans certains gros traumatismes ; paroi postérieure du sinus frontal, comportant le risque de brèche dure-mérienne avec ses complications neurochirurgicales ; canal naso-frontal : l’imperméabilité du canal doit être diagnostiquée et traitée de première intention, faute de quoi, le blessé est exposé aux complications tardives (douleurs, sinusites, mucocèles).

3- Fractures horizontales ou fractures occluso-faciales :

Ces fractures ont en commun de traverser horizontalement à une hauteur variable le massif facial et de mobiliser l’arcade maxillaire créant ainsi un trouble occlusal.

• Fracture de Lefort I : elle détache le plateau palato-dentaire du reste du massif facial, en brisant le septum nasal et des deux côtés, la paroi latérale de la fosse nasale, les parois antérieure et postérieure du sinus maxillaire et le processus ptérygoïdien.

– Clinique :

Après un choc sous-nasal, ayant entraîné une impotence fonctionnelle (aspect figé, bouche entrouverte), une douleur faciale basse s’exagérant à la morsure, sont retrouvés :

• en bouche, une mobilité de l’ensemble du maxillaire déclenchant une douleur exquise, parfois, au fond du vestibule, une ecchymose en fer à cheval,

• un trouble de l’articulé dentaire avec béance antérieure et contacts molaires prématurés par bascule en bas et en arrière du maxillaire.

Le reste de la face est normal.

– Radiographie :

• sur le Blondeau, Paoli, ou Louisette, une rupture de l’arrondi harmonieux du cintre maxillo-zygomatique,

• sur le profil, un trait sur le processus ptérygoïde confirment le diagnostic.

• Fracture de Lefort II : elle détache, solidaires, le plateau palato-dentaire et la pyramide nasale du reste du massif facial en brisant de part et d’autre l’os nasal, le processus frontal du maxillaire, la paroi médiale de l’orbite, le plancher d’orbite, les parois antérieure et postérieure du sinus maxillaire, et le processus ptérygoïde en arrière.

– Clinique :

• la région nasale est enfoncée dans la partie moyenne de la face entre les orbites.

Elle est parfois mobile avec les mouvements de déglutition ou lorsque le blessé parle,

• une ecchymose palpébrale en lunette est habituelle, évocatrice d’une atteinte des labyrinthes ethmoïdaux,

• la racine du nez, le rebord infra-orbitaire, le vestibule sont douloureux à la palpation qui retrouve une mobilité, dans leur ensemble, du maxillaire et de la pyramide nasale désolidarisés du reste du massif facial,

• trouble de l’articulé dentaire avec béance incisive par contacts molaires prématurés.

– Radiographie : outre les incidences standard demandées précédemment, un scanner complète les investigations radiographiques.

Il permet de préciser la situation des traits de fracture notamment par rapport aux structures ethmoïdales (labyrinthes, lame criblée).

• Fracture de Lefort III : isolée, elle est exceptionnelle.

Classiquement, elle disjoint dans son ensemble le massif facial (maxillaire, os zygomatiques, région nasale) de la base du crâne, en brisant de part et d’autre l’os nasal à la jonction fronto-nasale, le processus frontal du maxillaire, les parois médiale et latérale de l’orbite, le processus temporal de l’os zygomatique, le processus ptérygoïde.

En pratique, ce type de fracture résulte de la combinaison de plusieurs fractures : latéro-faciale bilatérale, centro-faciale, occluso-faciale de type Lefort I ou II).

– Clinique :

• enfoncement de la face avec faciès lunaire,

• effondrement de la pyramide nasale,

• mobilité du massif facial entier (os zygomatiques compris) par rapport au crâne,

• en bouche, mobilisation difficile du maxillaire entraînant l’ensemble du squelette facial sus-jacent, désolidarisé de la base du crâne,

• trouble de l’articulé dentaire avec béance incisive et contacts molaires prématurés, l’ensemble du massif facial ayant glissé sous la base du crâne.

– Radiographie : outre les incidences standard, déjà vues, un scanner en coupes axiales et frontales précisera le diagnostic en objectivant les traits de fracture sur la pyramide nasale, le processus frontal du maxillaire, la paroi médiale (ethmoïde) et la paroi latérale de l’orbite, le processus temporal de l’os zygomatique et les ptérygoïdes à leur partie supérieure.

• Complications précoces des fractures occluso-faciales : elles concernent principalement les fractures de Lefort II et Lefort III qui partagent avec les fractures du CNEMFO, les complications liées :

– à l’atteinte nasale (QS) ; – à l’attteinte basi-crânienne ethmoïdale (QS) ;

– à l’atteinte orbitaire (QS) et étudiées précédemment.

Traumatismes combinés et complexes :

1- Association de lésions des parties molles et de fractures :

Cette association est habituelle ; certaines sont classiques comme la plaie du menton associée à une fracture du condyle mandibulaire.

2- Association de lésions dentaires et osseuses :

Les fractures osseuses occupent souvent le devant de la scène, les dégâts dentaires ont tendance à passer au second plan et parfois à être oubliés, ce qui est préjudiciable pour le blessé quand sera envisagée sur le plan médico-légal l’indemnisation du dommage corporel.

3- Fractures multiples :

Les associations fracturaires sont très fréquentes et peuvent recouvrir tous les aspects :

– fracture plurifocale de mandibule : des associations sont classiques : fracture bicondylienne, fracture du condyle et de la branche horizontale, fracture parasymphysaire et de l’angle, fracture des deux branches horizontales, fracture bicondylienne et symphysaire ;

– fracture de mandibule et fracture occluso-faciale dans lesquelles il peut être difficile de retrouver l’articulé dentaire originel ;

– fracture de mandibule et fracture profonde du CNEMFO.

Cette association délicate peut être à l’origine de difficultés respiratoires.

4- Fractures panfaciales ou fracas de la face :

Ils résultent de la combinaison de fractures occluso-faciale, latéro-faciale et du CNEMFO, associées ou non à une ou plusieurs fractures mandibulaires.

Les patients sont habituellement hospitalisés en réanimation parfois dans le coma et la recherche des complications fonctionnelles dans ce cas s’avère délicate.

Des lésions dentaires sont habituelles et doivent ne pas être oubliées dans l’inventaire et mentionnées sur le certificat médical descriptif des lésions (valeur médicolégale).

Les complications fonctionnelles y sont fréquentes.

Le traitement est délicat.

5- Traumatisme balistique de la face (suicidés de la face) :

Habituellement par arme à feu il entraîne d’importantes pertes de substance des parties molles et osseuses.

Les fractures sont pluri-focales et souvent multiesquilleuses rendant très difficiles la contention de ces fractures et la réhabilitation, d’autant plus que ces fractures s’accompagnent de complications fonctionnelles graves touchant la vue, la respiration, la phonation, la déglutition.

6- Traumatisme de la face associé à un traumatisme du rachis cervical et (ou) à un traumatisme crânien :

Cette association est fréquente.

Les lésions rachidiennes sont généralement des contusions peu graves (port d’une minerve ou d’un collier) mais parfois il s’agit de fracture ou de luxation aux conséquences redoutables qui doivent inciter à observer une grande prudence dans le déroulement de l’examen clinique et radiographique de la face.

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