Traumatismes hépatiques : diagnostic et traitement Cours d'Hépatologie
Introduction
:
La prise en charge des traumatismes du foie a considérablement
évolué ces dernières années. Les progrès de l’imagerie ont permis
une meilleure évaluation des lésions.
L’attitude thérapeutique
actuelle est de privilégier un traitement conservateur non opératoire.
La gestion du traumatisme à ventre ouvert s’est aussi modifiée.
Les
mauvais résultats des résections hépatiques en urgence et la
compréhension des phénomènes de l’hémorragie incoercible ont
conduit au concept du tamponnement périhépatique (packing).
Cette mise au point concerne les méthodes diagnostiques et
thérapeutiques des traumatismes hépatiques essentiellement fermés.
Fréquence et épidémiologie
:
Les traumatismes hépatiques fermés (THF) sont observés dans 33 %
des contusions de l’abdomen.
Dans le rapport de l’AFC, les
accidents de la voie publique (AVP) représentent 72 % des causes
des THF, les chutes 12 % et les traumatismes direct 8 %.
La
proportion des AVP a diminué ces dix dernières années alors que
celle des accidents de sport a augmenté de 2 à 10%.
Aux États-Unis,
les traumatismes fermés ne représentent que 20 % des traumatismes
hépatiques. L’incidence des lésions associées dans les THF est de 4 à
15 %.
Les ruptures diaphragmatiques sont observées dans 3 à 9%
des cas.
L’existence de lésions associées multiplie par cinq la
mortalité.
Les plaies du foie sont observées dans 29 à 39 % des traumatismes
pénétrants de l’abdomen.
Elles sont fréquemment associées à des
lésions gastro-intestinales, jusqu’à 63 % des cas.
Mécanismes lésionnels
:
Les décélérations déchirent ou avulsent la veine sus-hépatique droite
quand le secteur postérieur se détache du ligament triangulaire
droit.
En cas de choc frontal, le foie droit est entraîné vers l’avant.
Il
se produit une rupture entre la capsule de Glisson et le ligament
triangulaire droit.
La déchirure parenchymateuse s’effectue dans le
plan de la scissure portale droite et expose la veine sus-hépatique
droite, parfois jusqu’à son abouchement dans la veine cave
inférieure.
Les chutes verticales entraînent des fractures par cisaillement dans
l’axe des ligaments falciforme et rond, séparant le lobe gauche du
segment 4.
Les chocs directs entraînent des écrasements des segments antérieurs
4, 5 et 8 par compression entre le gril costal et le rachis.
La
compression du foie gauche sur le billot vertébral peut réaliser une
véritable lobectomie gauche.
Les traumatismes pénétrants simples par arme blanche ou par balle
à faible énergie s’accompagnent d’une dévitalisation tissulaire
minime.
Ils entraînent généralement une hémorragie mineure, à
moins qu’un gros vaisseau ne soit touché.
Les plaies par missiles à
haute énergie et les THF entraînent une destruction
parenchymateuse plus extensive et s’accompagnent d’une
hémorragie massive.
Classifications
:
Mirvis en 1989 a établi une classification tomodensitométrique en
cinq grades susceptible de guider un traitement opératoire ou
conservateur.
La classification de Moore (liver injury scale),
révisée en 1994, est la plus utilisée.
Elle est basée sur
des constatations scanographiques, opératoires et autopsiques.
Les
grades 1 à 5 représentent des traumatismes de complexité croissante,
classés selon l’étendue de l’hématome, des fractures
parenchymateuses et l’existence d’une plaie veineuse rétrocave ou
sus-hépatique.
Le grade 6 est une lésion destructrice incompatible
avec la survie.
Intérêts et limites des classifications
:
Les classifications sont utiles pour comparer des séries de patients
et l’efficacité des différents traitements.
Elles ne peuvent, à elles
seules, déterminer l’attitude thérapeutique.
En effet, la tomodensitométrie (TDM) sous-estime l’étendue des
fractures hépatiques et détecte mal les lésions proches du ligament
falciforme.
Croce n’a retrouvé que 16 % de corrélations entre les
grades tomodensitométriques de Moore et les constatations
opératoires.
Cette étude rétrospective n’utilisait pas le scanner
spiralé.
La mortalité augmente avec le grade.
Dans le rapport de
l’Association française de chirurgie (AFC), elle est inférieure à 9 %
pour les grades 1, 2 et 3, de 23 % pour les grades 4 et de 41 % pour
les grades 5.
Les grades sont bien corrélés aux besoins
transfusionnels, aux difficultés opératoires et à la survenue de
complications secondaires.
En revanche, la nécessité d’une
laparotomie est indépendante du grade de Moore.
Clinique
:
La suspicion d’un traumatisme hépatique repose sur le mécanisme
de l’accident (choc direct, chute verticale ou décélération) et la
présentation clinique.
Un syndrome hémorragique n’est pas
constant.
A - TRAUMATISMES PÉNÉTRANTS
:
Toute plaie pénétrante thoracique droite sous-mammelonnaire est
susceptible de léser le foie. Une plaie pénétrante de l’abdomen
impose classiquement une exploration chirurgicale.
B - TRAUMATISMES FERMÉS
:
Le diagnostic d’hémopéritoine traumatique est évident chez le
patient choqué au ventre distendu, mat et augmentant rapidement
de volume.
L’importance du remplissage initial, la persistance d’une
instabilité hémodynamique associée à une anémie témoignent d’une
hémorragie sévère.
L’irritation diaphragmatique entraîne une douleur scapulaire.
L’irritation péritonéale se traduit par une douleur spontanée ou une
défense.
Le toucher rectal est douloureux en cas d’hémopéritoine
pelvien.
L’atteinte hépatique est évoquée devant la présence d’une douleur,
d’une défense de l’hypochondre droit, d’un impact basithoracique
et d’une fracture des dernières côtes droites.
L’empreinte de la
ceinture de sécurité doit alerter sur l’existence d’un traumatisme
abdominal et d’une perforation du grêle associés.
Des signes
cliniques de péritonite orientent vers une perforation d’organe creux.
Examens paracliniques
:
A -
BIOLOGIE
:
L’hématocrite microméthode en quelques minutes et l’hémoglobine
inférieure à 9 g confirment la déglobulisation.
Des transaminases
supérieures à 130 UI/mL requièrent une exploration morphologique
hépatique.
B - RADIOGRAPHIE DE L’ABDOMEN SANS PRÉPARATION
:
La radiographie de l’abdomen sans préparation (ASP) recherche des
fractures des dernières côtes droites et du rachis.
Un
pneumopéritoine témoigne de la perforation d’un organe creux.
L’ASP peut localiser un projectile dans l’aire hépatique.
C - RADIOGRAPHIE DE THORAX
:
Elle recherche un épanchement pleural droit, une ascension de la
coupole droite et des signes de traumatisme thoracique associé.
D - ÉCHOGRAPHIE
:
L’échographie est l’examen à réaliser en salle d’urgence à l’arrivée
d’un traumatisé abdominal instable.
L’échographie diagnostique
l’hémopéritoine avec une sensibilité de 98 %.
L’hémopéritoine
est transsonore avec des zones déclives échogènes de caillotage.
La
nature sanglante de l’épanchement en cas de doute peut être
confirmée par une ponction échoguidée.
L’échographie quantifie
l’hémopéritoine : minime (environ de 500 mL) s’il est périhépatique
ou périsplénique ; modéré (inférieur à 1 L) s’il est localisé en périhépatique, en périsplénique et dans les gouttières
pariétocoliques ; abondant (supérieur à 1 L) s’il est dans le pelvis.
La localisation initiale dans l’espace interhépatorénal de Morrisson
ne présume pas de l’origine hépatique.
L’échographie oriente vers une lésion hépatique.
Elle détecte un
hématome rétropéritonéal, un traumatisme splénique ou rénal
associé.
Elle est utile chez les patients non coopérants ou intoxiqués.
L’échographie est insuffisante pour le suivi évolutif en cas de
traitement conservateur.
E - TOMODENSITOMÉTRIE
:
1- Diagnostic radiologique en urgence
:
La TDM est l’examen actuel de choix pour l’évaluation des THF
hémodynamiquement stables.
Elle permet de classer le
traumatisme hépatique selon la classification de Moore.
Elle
quantifie l’hémopéritoine et détecte des lésions associées spléniques,
duodénopancréatiques, rénales et sous-péritonéales.
Quatre types de
lésions tomodensitométriques sont définies :
– l’hématome sous-capsulaire (HSC) apparaît comme une collection
biconvexe hypodense comprimant le parenchyme.
Cette
compression le différencie d’un épanchement périhépatique.
L’image
de l’HSC disparaît en 6 à 8 semaines ;
– la contusion apparaît comme une zone hétérogène mal définie de
faible densité après injection.
Elle peut comporter des hyperdensités
correspondant à du sang coagulé.
Elle évolue vers une collection
liquidienne à bord lisse pouvant augmenter de volume ;
– la fracture apparaît comme une ligne hypodense irrégulière, voire
ramifiée.
Elle peut simuler des structures vasculaires ou biliaires
dilatées.
L’atteinte de la bifurcation portale fait craindre un
traumatisme biliaire.
L’activité fibrinolytique de la bile, en retardant
de plusieurs mois la cicatrisation des fractures, retarde la disparition
des images radiologiques ;
– les lésions vasculaires de la veine cave rétrohépatique sont suspectées
quand la fracture atteint le confluent cavo-sus-hépatique ou la veine
cave, et qu’il existe une hémorragie abondante derrière le lobe droit
ou l’arrière-cavité des épiploons.
Les lésions vasculaires périhilaires
entraînent une dévascularisation hépatique partielle.
Les
hypodensités périportales traduisent une dissection hémorragique
périglissonnienne ou une hyperpression veineuse centrale liée à un
remplissage abondant.
L’hémorragie active donne une
extravasation irrégulière de produit de contraste de densité
supérieure à celle du sang coagulé.
2- Diagnostic radiologique
des complications secondaires
:
L’abcès hépatique et la surinfection d’un HSC sont diagnostiqués
sur une collection pouvant contenir de l’air.
La nécrose
parenchymateuse stérile peut s’accompagner d’air intrahépatique.
Le traitement repose sur la ponction-aspiration associée au drainage
percutané.
Le syndrome de Budd-Chiari post-traumatique est dû à la
compression d’un hématome expansif.
La TDM retrouve une ascite,
l’absence de visualisation d’une ou plusieurs veines sus-hépatiques
et/ou la compression de la veine cave inférieure rétrohépatique.
Le bilome apparaît comme une collection aspécifique.
La ponction
percutanée, voire la scintigraphie biliaire, confirment le diagnostic
chez les patients symptomatiques.
Le cholépéritoine se traduit par un épanchement liquidien
hypodense qui augmente rapidement de volume, avec rehaussement
du péritoine épaissi.
La ponction confirme le diagnostic.
3- Intérêts et limites de la tomodensitométrie
:
L’intérêt du scanner pour guider l’option thérapeutique est
controversé.
Le choix du traitement conservateur ne repose pas sur la quantité de l’hémopéritoine ou le grade du traumatisme
hépatique, mais plutôt sur la stabilité hémodynamique du
patient.
Cependant, 67 % des échecs du traitement conservateur
des 404 patients d’une étude multicentrique étaient des grades 4
et 5 de la classification de Moore.
La TDM sélectionne donc les
patients dont la gravité des lésions impose une surveillance en unité
de soins intensifs.
Certains auteurs considèrent comme inutile de surveiller par TDM
les traumatismes hépatiques de grade inférieur ou égal à 3 de la
classification de Moore.
Le suivi radiologique systématique retarde probablement la reprise
des activités.
En effet, la disparition des lésions
tomodensitométriques s’observe habituellement après 3-4 mois.
Or, une étude expérimentale sur modèle animal a montré que
la cicatrice hépatique après 6 semaines était de solidité équivalente
au parenchyme non traumatique.
La TDM est indiquée en cas d’hémorragie secondaire pour
rechercher une aggravation lésionnelle.
F - ARTÉRIOGRAPHIE
:
L’avènement du scanner spiralé a diminué les indications
diagnostiques de cet examen invasif.
L’artériographie est souvent
demandée avec l’arrière-pensée d’un geste de radiologie interventionnelle.
G - PONCTION-LAVAGE DU PÉRITOINE
:
La TDM et l’échographie ont supplanté la ponction-lavage du
péritoine (PLP) dans l’évaluation des traumatismes abdominaux.
Dans le rapport de l’AFC , les patients admis rapidement au bloc
opératoire après l’arrivée aux urgences ont eu une PLP dans un tiers
des cas.
La PLP reste utile pour le diagnostic urgent d’hémopéritoine
si ces deux examens sont indisponibles. Son intérêt spécifique est de
caractériser l’épanchement en cas de suspicion de lésion intestinale.
Un cathéter est introduit par voie sous-ombilicale sous anesthésie
locale.
Un litre de sérum physiologique à 37 °C est instillé lentement.
L’examen est positif si plus de 10 mL de sang sont aspirés
spontanément avant tout lavage ou si plus de 100 000 globules
rouges/mm3 sont recueillis.
La présence de bactéries, de fibres
végétales ou de bile témoigne d’une rupture digestive.
La PLP n’a aucun intérêt dans le diagnostic des traumatismes du
foie.
Elle ne peut pas diagnostiquer un hématome rétropéritonéal.
Plus de la moitié des traumatismes hépatiques ne saigne plus lors
de la laparotomie. Sa positivité conduit à un taux
d’interventions inutiles de 3 à 25%.
H - IMAGERIE PAR RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
:
La place de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) dans le
diagnostic des traumatismes hépatiques en urgence est très limitée.
Elle améliore la définition lésionnelle, sauf pour les hématomes souscapsulaires. Elle pourrait différencier un bilome d’un hématome
parenchymateux subaigu.
I - SCINTIGRAPHIE BILIAIRE
:
La scintigraphie biliaire n’a de place que pour le diagnostic des
complications secondaires.
Elle met en évidence une fuite biliaire.
Elle diagnostique un bilome en cas de collection parenchymateuse
hypodense persistante ou majorée au scanner, un cholépéritoine en
cas d’épanchement secondaire.
J - LAPAROSCOPIE
:
La laparoscopie peut affirmer le caractère pénétrant d’une plaie de
l’abdomen.
Dans les THF, elle est controversée et peu utilisée.
Elle est limitée par son manque de bénéfice thérapeutique.
Le risque d’embolie gazeuse, bien que jamais rapporté dans les traumatismes hépatiques, est réel.
Il existe un risque de
pneumothorax suffocant lors d’une rupture diaphragmatique
associée.
Le pneumopéritoine augmente la pression intracrânienne
chez le traumatisé crânien sévère.
L’intégrité du grêle ne peut être
affirmée de manière exhaustive.
Cependant, la laparoscopie, pour
certains, évalue mieux que la TDM les solutions de continuité
parenchymateuses et le débit de l’hémorragie.
Elle
diagnostique les ruptures diaphragmatiques lors de plaies thoracoabdominales.
Pour Chen, elle diminue de moitié le taux de
laparotomies inutiles en cas d’échec du traitement conservateur.
L’application de colle biologique sur les surfaces hémorragiques
évite certaines laparotomies d’hémostase.
Le sang aspiré peut être autotransfusé.
L’évacuation de
l’ascite hémorragique et la levée du doute diagnostique diminuent la
durée de séjour en unité de soins intensifs.
La laparoscopie
ne doit pas dispenser d’une surveillance attentive.
Traitement :
A - PRISE
EN CHARGE INITIALE ET RÉANIMATION :
Dès la réception dans un centre hospitalier, la prise en charge débute
par le monitorage hémodynamique, un sondage urinaire et la mise
en place de voies veineuses pour commencer ou continuer le
remplissage.
Le réchauffage des liquides de perfusion est nécessaire pour
prévenir l’hypothermie du patient secondaire au remplissage massif
et au choc.
Une fois la réanimation commencée, on peut différencier deux types
de malades : ceux dont l’hémodynamique se stabilise ce qui permet
l’utilisation de méthodes de diagnostic pour préciser la gravité des
lésions (scanner, laparoscopie), et ceux dont le saignement en cours
ne permet pas une compensation hémodynamique malgré le
remplissage ce qui impose une laparotomie dans un court délai.
En
cas de lésions thoraciques associées, le drainage du thorax doit
précéder la laparotomie.
L’utilité de la thoracotomie de sauvetage au service d’urgences pour
effectuer un clampage de l’aorte thoracique avant d’amener le malade au bloc
opératoire reste encore très discutée.
B -
TRAITEMENT CONSERVATEUR :
Un nombre non
négligeable de laparotomies non thérapeutiques (plus de 60 % dans
plusieurs séries) par arrêt spontané du saignement au moment de
l’exploration, justifie l’utilisation du traitement conservateur
dans un groupe de malades sélectionnés.
Ce type de prise en charge comporte une surveillance stricte dans
une unité de soins intensifs, surtout en cas de traumatismes de
grades 4 et 5.
Un contrôle par scanner doit être fait entre le septième
et le dixième jour, puis entre la troisième et la sixième semaine.
Le malade doit garder pendant toute son évolution les critères
d’inclusion pour bénéficier de cette prise en charge.
Le taux de succès du traitement conservateur dans une série de
404 malades a été de 98,5 %.
Les complications les plus fréquentes
ont été une récidive de l’hémorragie (3,5 %), des lésions intestinales
et pancréatiques inaperçues (1 %), des abcès périhépatiques et un
bilome.
L’utilisation de la laparoscopie pour complèter ce type de prise en
charge, permettrait de faire le diagnostic des plaies inaperçues des
organes creux (notamment dans les traumatismes pénétrants),
corrigerait le grade des lésions hépatiques (sous-estimé dans 25 %
des cas) et augmenterait le taux de succès de la prise en charge non
chirurgicale.
C - LAPAROTOMIE
:
Le badigeonnage doit être large et les champs installés de façon à
permettre un accès au thorax et aux deux triangles de Scarpa à tout
moment.
La voie d’abord choisie devant un traumatisme abdominal est le
plus souvent une laparotomie médiane, car elle permet d’être élargie
vers le thorax (sternotomie) ou vers l’hypochondre droit
(transverse).
Si la suspicion préopératoire de traumatisme hépatique
isolé est forte, une incision sous-costale droite plus ou moins élargie
vers la gauche ou vers la xiphoïde pourrait être réalisée d’emblée.
Le système d’autotransfusion (cell saver) peut être utilisé si le liquide
aspiré correspond exclusivement à du sang.
Le premier geste à faire, une fois la plaie hépatique constatée, est la
compression bimanuelle du foie ou la compression de l’organe contre le
diaphragme avec des champs abdominaux.
Ceci permet
d’une part la restauration de l’hémodynamique du malade, d’autre
part la réalisation d’un bilan des lésions.
Si cela est
nécessaire, la mobilisation du foie en sectionnant ses ligaments est
effectuée.
1- Clampages vasculaires
:
L’interruption du flux sanguin afférent au foie permet le contrôle
transitoire de l’hémorragie.
– Le clampage du pédicule hépatique, manoeuvre décrite par Pringle
en 1908, est souvent nécessaire et suffisant pour obtenir une
hémostase temporaire.
Le clampage a aussi une valeur diagnostique
puisqu’il permet de différencier une hémorragie des pédicules
portaux (arrêt du saignement avec le clampage) d’une hémorragie
veineuse sus-hépatique (clampage inefficace).
Classiquement, le temps de clampage ne doit pas dépasser
20 minutes.
Cependant, plusieurs auteurs ont prolongé sa durée
avec une bonne tolérance hépatique.
Le clampage intermittent
du pédicule (clampage de 10 minutes suivi de déclampage de
5 minutes) permettrait d’augmenter plusieurs fois la durée totale du
geste.
– Le triple clampage (pédicule hépatique, veine cave sus- et soushépatique)
doit être proposé en cas d’échec de la manoeuvre de
Pringle et d’inefficacité de l’hémostase des branches sus-hépatiques
au fond de la brèche hépatique.
Cela traduit souvent une plaie du
carrefour cavo-sus-hépatique, associée fréquemment aux lésions des
segments postérieurs. Le risque majeur du triple clampage est le
désamorçage cardiaque par absence de retour veineux cave.
Deux techniques ont été proposées pour éviter cette complication :
la mise en place d’un shunt veinoveineux (cavocave, atriocave)
nécessitant parfois une courte sternophrénotomie pour aborder la
veine cave intrapéricardique, ou la mise en place d’un shunt
fémoroaxillaire.
Cette situation comporte une très haute mortalité
(plus de 80 %), sauf en cas de lésion isolée de la veine sus-hépatique
gauche.
– Le quadruple clampage (triple clampage associé au clampage
aortique) nécessite une dissection de l’aorte sus-coeliaque qui s’avère
souvent difficile en présence d’une hémorragie active.
2- Hémostase des plaies du foie
:
Deux types de geste hémostatique sur le foie peuvent être
envisagés : les gestes d’hémostase définitive et les gestes
d’hémostase transitoire.
– Les gestes hémostatiques définitifs peuvent être utilisés le plus
souvent (70-85 %).
L’hémostase des décapsulations peut être faite au bistouri électrique
ou avec des compresses hémostatiques résorbables.
S’il s’agit d’une
plaie qui ne saigne pas, il faut s’abstenir d’écarter les berges pour
l’explorer.
Cependant, devant une plaie profonde qui saigne, il est nécessaire
(une fois le clampage pédiculaire réalisé) d’écarter les berges pour
débrider digitalement ou par écrasement à la pince de Kelly, et
repérer individuellement les différents éléments vasculaires et
biliaires qui ont besoin d’être liés ou clippés.
La brèche peut être
suturée ensuite au fil résorbable et, si elle est très large, l’épiploon
peut être pédiculisé pour combler la cavité.
Devant une rupture stellaire, un éclatement lobaire ou un hématome centrohépatique, la lésion des vaisseaux peut créer des zones
d’ischémie qui obligent à faire une résection (mineure) du
parenchyme non vascularisé.
La résection hépatique majeure en urgence est un geste à haute
mortalité (supérieure à 50 %) ; son indication est de plus en plus
discutée.
La ligature de l’artère hépatique, autre possibilité en cas de plaies
complexes, n’est pas un geste sans risque, car elle pourrait ne pas
être aussi bien tolérée par un foie dont le débit portal est réduit par
l’hypovolémie comme elle peut l’être par un foie normal. Son
indication pourrait être posée en cas de plaie profonde dont
l’hémostase directe est difficile et si l’hémorragie s’est arrêtée grâce
au clampage du pédicule.
Elle doit être faite si possible de façon
sélective (ligature des artères hépatiques ou segmentaires) pour
minimiser le risque de nécrose.
L’hépatectomie totale suivie de transplantation en super-urgence
avec pontage portocave transitoire a été proposée comme un geste
exceptionnel de sauvetage ; elle s’accompagne d’une mortalité
élevée.
Quel que soit le degré des lésions hépatiques, si le patient a reçu
plus de dix culots de sang, il est préférable de renoncer à une
hémostase définitive et de s’orienter vers un geste transitoire pour
reprogrammer une laparotomie quelques jours plus tard, car la
prévention des complications de la transfusion massive est
beaucoup plus efficace que son traitement.
– Les gestes hémostatiques transitoires permettent parfois le sauvetage
d’un malade qui a des plaies complexes et chez qui l’hémostase est
difficile à obtenir, notamment dans les lésions du carrefour sushépaticocave.
Le tamponnement périhépatique (packing) avec des
champs abdominaux est la méthode classique pour obtenir
l’hémostase temporaire pendant 18 à 72 heures avant de réopérer le
malade.
Une technique nouvelle, la compression hémostatique par
enveloppement hépatique avec un treillis résorbable (polyglactine)
a été décrite récemment.
Elle aurait plusieurs avantages par
rapport à la méthode conventionnelle : éviter la compression des
organes périhépatiques (diaphragme, rein, viscères creux),
supprimer la nécessité d’une réintervention pour enlever les
champs, et ne pas interférer avec les éventuels contrôles d’imagerie.
Dans les plaies complexes du foie, l’expérience du chirurgien
devient très importante car un débridement trop agressif peut
conduire à une résection majeure à haut risque.
Si les lésions sont
complexes et que l’équipe chirurgicale n’a pas d’expérience
suffisante, il vaut mieux avoir recours à l’hémostase transitoire avant
que le malade n’ait des troubles majeurs de la coagulation par polytransfusion.
Cela permet de
réopérer le malade dans de meilleures conditions en milieu
spécialisé.
3- Cholangiographie peropératoire
:
En cas de brèche profonde, il est préférable de faire
systématiquement une cholangiographie peropératoire par ponction
de la vésicule.
Cet examen permet de dépister des lésions des
canaux biliaires hépatiques ou segmentaires pour prévenir la bilirragie postopératoire.
La réparation d’une plaie de l’arbre biliaire
doit être suivie d’un drainage cholédocien ou transcystique.
4- Radiologie interventionnelle
:
Les méthodes d’hémostase endovasculaire sont rarement utiles de
façon isolée, mais plutôt dans le contexte d’un traitement combiné
(tamponnement périhépatique avec un stent cave, par exemple).
L’artériographie avec embolisation éventuelle reste indiquée :
– lors d’une hémorragie persistante retardée ou récidivante
objectivée par la majoration de l’hémopéritoine ou de l’hématome
intrahépatique à la TDM ;
– lors d’une extravasation artérielle à la TDM dans les traumatismes
de grades 3, 4 ou 5 de la classification de Mirvis. Cette indication
est controversée si l’état hémodynamique est stable ;
– après packing, en cas de persistance hémorragique malgré la
correction des troubles de l’hémostase, de l’hypothermie et de
l’acidose.
Le temps veineux peut diagnostiquer une plaie cavo-sus-hépatique ;
– lors d’une hémobilie pour rechercher un pseudoanévrisme
artériel ;
– le clampage percutané de l’aorte à l’aide d’un cathéter à ballonnet
a été proposé pour améliorer la réanimation préopératoire d’un
malade choqué, et éviter ainsi le désamorçage hémodynamique au
moment de la laparotomie.
D - RÉSULTATS
:
1- Morbidité
:
La morbidité du traitement chirurgical ou conservateur des
traumatismes du foie est importante et proportionnelle à la sévérité
des lésions.
– L’hémorragie postopératoire est la complication la plus fréquente
(2-7 %).
Elle est favorisée par les troubles de la coagulation mais
elle peut être due à des lésions inaperçues ou à une hémostase
chirurgicale imparfaite.
– Les fistules biliaires et les bilomes surviennent chez 1 à 5% des
malades. Ils sont la conséquence d’une plaie inaperçue de l’arbre
biliaire.
Le cholépéritoine impose un drainage par laparotomie ou
coelioscopie.
Les collections sont le plus souvent accessibles à un
drainage radiologique percutané.
Une fistule biliaire qui ne se ferme
pas doit faire rechercher un obstacle sur la voie biliaire ou une
production de bile par un secteur de foie exclu.
– Les complications infectieuses intrahépatiques (séquestre, abcès
hépatique), ou péritonéales (abcès périhépatique) restent graves.
Cependant, une partie d’entre elles peut bénéficier du traitement
non chirurgical (drainage percutané, antibiotiques).
– D’autres complications moins fréquentes peuvent être citées : hémobilie, nécrose du foie, fistules artérioportales.
2- Mortalité
:
Le pronostic des THF reste grave.
La mortalité était de 25 % dans le
précédent rapport de l’AFC en 1969.
Elle est actuellement de 14 %
selon le dernier rapport de 1996.
L’hémorragie per- ou postopératoire représente la principale cause
de décès.
La mortalité globale est statistiquement liée à l’existence
de lésions cavo-sus-hépatiques, à la nécessité d’une intervention
d’emblée, à une transfusion durant toute l’hospitalisation de plus
de 20 culots globulaires, à l’existence d’un polytraumatisme et à
l’âge supérieur à 65 ans.
Il faut distinguer la gravité des traumatismes hépatiques opérés
d’emblée associés à un taux de mortalité de 23 %, au bon pronostic
du trairement conservateur initial dont la mortalité est de 0,8 %.
La
mortalité du traitement des patients opérés d’emblée est corrélée
avec la gravité des dégâts anatomiques.
Elle est nulle pour les hématomes sous-capsulaires et les plaies linéaires.
Elle est de 16 %
pour les fractures profondes et de 41 % pour les lésions cavo-sus-hépatiques.
Le pronostic des THF reste grave. La mortalité était de 25 % dans le
précédent rapport de l’AFC, en 1969.
Elle est actuellement de
14 % selon le dernier rapport de 1996.
L’hémorragie per- ou
postopératoire représente la principale cause de décès.
Il faut
distinguer la gravité des traumatismes hépatiques opérés d’emblée
associés à un taux de mortalité de 23 %, au bon pronostic du
traitement conservateur initial dont la mortalité est de 0,8 %.
La
mortalité du traitement des patients opérés d’emblée est corrélée
avec la gravité des dégâts anatomiques.
Elle est nulle pour les
hématomes sous-capsulaires et les plaies linéaires.
Elle est de 16 %
pour les fractures profondes et de 41 % pour les lésions cavo-sushépatiques.
La mortalité globale est statistiquement liée à l’existence
de lésions cavo-sus-hépatiques, à la nécessité d’une intervention
d’emblée, à une transfusion durant toute l’hospitalisation de plus
de 20 culots globulaires, à l’existence d’un polytraumatisme et à
l’âge supérieur à 65 ans.
Les THF ont un pronostic plus sévère que les plaies par balle et par
arme blanche, avec des mortalités respectives de 15, 10 et 2 %.