Les agents fibrinolytiques sont des activateurs du plasminogène qui
convertissent le plasminogène en plasmine, enzyme capable de
dégrader la fibrine, composant principal des thrombus.
Ils sont les
seuls agents antithrombotiques capables de lyser un thrombus.
Ils sont utilisés dans différentes pathologies thrombotiques artérielles
et veineuses, mais leur principale indication est l’infarctus du
myocarde dont ils ont considérablement diminué la mortalité.
Bien que la streptokinase soit utilisée depuis les années 1960, ce n’est
qu’en 1985 qu’une méta-analyse a clairement montré la supériorité
de cette approche thérapeutique dans l’infarctus du myocarde par
rapport au traitement par héparine.
Parallèlement, il était
clairement démontré que la précocité du traitement était un facteur
décisif, ce qui a conduit à l’abandon de la voie intracoronaire au
profit de l’injection intraveineuse.
Les grands essais cliniques se
sont ensuite succédé, utilisant des critères d’efficacité et de sécurité
de mieux en mieux définis.
Dans les autres indications artérielles
(accident vasculaire cérébral, ischémie aiguë périphérique) ou
veineuses (thrombose veineuse ou embolie pulmonaire), l’expérience
reste plus limitée.
L’amélioration des traitements fibrinolytiques a suivi plusieurs
voies : la recherche d’agents plus spécifiques de la fibrine (alors que
les premiers agents avaient une efficacité comparable sur le
fibrinogène et la fibrine), et l’obtention d’agents à demi-vie
suffisamment prolongée pour permettre leur utilisation en bolus
plutôt qu’en perfusion continue, ce qui permet de réduire les
contraintes techniques du traitement, et donc le délai de sa mise en
oeuvre.
Une troisième voie de recherche est d’optimiser l’utilisation
de certains antithrombotiques adjuvants.
Caractéristiques des agents
fibrinolytiques
:
Les agents fibrinolytiques sont des activateurs directs ou indirects
du plasminogène, et sont classés en agents fibrinolytiques de
1re génération, non spécifiques de la fibrine (la streptokinase,
l’anistreptase, l’urokinase), de 2e génération, plus spécifiques de la
fibrine (le rt-PA ou altéplase ou duteplase) et de 3e génération qui
sont des variants du rt-PA (le r-PA ou reteplase, le TNK-tPA ou
ténectéplase, et le n-PA ou noteplase).
Plusieurs autres molécules,
mutantes des précédentes, sont en cours d’évaluation : des chimères
de plusieurs molécules, des conjugués avec des anticorps
monoclonaux dirigés contre la fibrine, et des molécules d’origine
animale (salive de la chauve-souris Desmodus).
A - PHYSIOLOGIE DE LA FIBRINOLYSE :
La fibrinolyse correspond à la solubilisation du thrombus fibrineux
par la plasmine, normalement générée à partir du plasminogène lié
et adsorbé sur la fibrine.
Le plasminogène, synthétisé par le
foie, a une forte affinité pour la fibrine, par l’intermédiaire de
boucles, les kringles.
La plasmine est générée par clivage peptidique,
sous l’action d’activateurs du plasminogène.
Le principal activateur
physiologique est le t-PA, synthétisé principalement par les cellules
endothéliales, et qui a aussi une grande affinité pour la fibrine, par
l’intermédiaire de deux kringles.
Le t-PA est sécrété localement sous
l’action de l’histamine, l’adrénaline, la thrombine, le facteur Xa, l’hypoxie.
Le deuxième activateur physiologique du plasminogène
est l’u-PA (urokinase), synthétisé par les fibroblastes, les cellules
épithéliales, le placenta.
La forme native, pro-urokinase,
monocaténaire, est transformée en urokinase bicaténaire par la
plasmine.
Le rôle physiologique de l’urokinase est secondaire par
rapport à celui du t-PA.
Les facteurs contact (facteur XII,
prékallicréine, kininogène de haut poids moléculaire) sont
également capables d’activer la pro-urokinase.
La génération de plasmine sous l’action du t-PA est contrôlée par un
inhibiteur du t-PA, le plasminogen activator inhibitor (PAI), qui existe
sous deux formes.
La plus importante est le PAI 1, synthétisé par la
cellule endothéliale, les hépatocytes et les fibroblastes.
Le PAI 1
existe en excès dans le plasma, et forme un complexe covalent inactif
avec le t-PA et avec l’u-PA.
Le PAI 1 augmente au cours des
syndromes inflammatoires, dans l’insulinorésistance, l’obésité.
Un
deuxième inhibiteur, le PAI 2, est synthétisé par le placenta.
Il existe aussi des inhibiteurs directs de la plasmine générée, qui
neutralisent les traces de plasmine en excès : l’a2-antiplasmine, et
l’a2-macroglobuline.
Enfin, un autre facteur régulant la fibrinolyse a été récemment
décrit : il s’agit du TAFI (thrombin activable fibrinolysis inhibitor), qui
agit en diminuant la fixation du plasminogène à la fibrine.
Le TAFI
est activé par la thrombine en présence de thrombomoduline.
Le
rôle de ce nouvel inhibiteur de la fibrinolyse est encore peu connu
en pathologie.
La plasmine protéolyse le fibrinogène, la fibrine, et aussi les facteurs
V et VIII.
L’effet le plus important est l’effet sur le fibrinogène et sur
la fibrine, qui sont lysés en produits de dégradation du fibrinogène
et de la fibrine (PDF).
Parmi ces produits, les plus petits sont les
fragments D et E après dégradation du fibrinogène, et les D-dimères,
après dégradation de la fibrine stabilisée.
B - AGENTS FIBRINOLYTIQUES DE 1RE GÉNÉRATION
:
La streptokinase (Streptaset, Kabikinaset) est un agent
fibrinolytique indirect produit par le streptocoque hémolytique du
groupe C, qui se lie au plasminogène et convertit celui-ci en une
molécule proche de la plasmine, capable d’activer le plasminogène
en plasmine.
La streptokinase active à la fois le plasminogène
circulant et le plasminogène lié à la fibrine.
Injecté par voie
intraveineuse, il induit donc une génération systémique de plasmine
qui lyse, outre les caillots de fibrine, le fibrinogène circulant, les
facteurs V et VIII et certaines glycoprotéines plaquettaires (GP),
telles les GPIb et GPIIb-IIIa.
Cet état de fibrinolyse systémique
aggrave probablement le risque hémorragique (qui reste cependant
lié essentiellement à la lyse de caillots de fibrine hémostatique), mais
peut aussi avoir des effets bénéfiques en diminuant les possibilités
de rethrombose.
La demi-vie de la streptokinase est d’environ
20 minutes et son élimination est rénale.
Un des inconvénients lié à
son utilisation est la possibilité de survenue d’anticorps
antistreptococciques, qui peuvent induire une réaction allergique, de
type frisson-hyperthermie, hypotension ou au maximum réaction
anaphylactique.
Il a donc été proposé de ne pas réadministrer de
streptokinase dans les 6 mois ou l’année qui suivent une première
administration, bien qu’une telle réadministration puisse être en fait
bien tolérée dans de nombreux cas.
Malgré cet inconvénient, la streptokinase est longtemps restée l’agent fibrinolytique de référence
dans le traitement de l’infarctus du myocarde : son coût est faible,
sa demi-vie est relativement longue, et son absence de spécificité
pour la fibrine n’est pas obligatoirement un désavantage.
La
posologie utilisée dans l’infarctus du myocarde est de 1,5 million
d’unités par voie intraveineuse en 60 minutes.
L’APSAC (anisoylated streptokinase activator complex) ou anistreptase
(Eminaset) est un complexe de streptokinase et de plasminogène
humain acylé, qui a été développé dans l’espoir d’améliorer la
fibrinospécificité et d’augmenter la demi-vie, qui est de l’ordre de
100 minutes.
Malheureusement, cette molécule présente les mêmes
inconvénients d’antigénicité que la streptokinase, et sa supériorité
n’a pas été démontrée par les essais cliniques.
L’urokinase (u-PA, Urokinaset) est un activateur physiologique du
plasminogène, isolé de l’urine et de cultures cellulaires
embryonnaires humaines.
Elle est synthétisée sous forme d’une
protéine monocaténaire inactive, et la rupture d’une liaison
peptidique permet son activation sous forme bicaténaire.
C’est un
activateur direct du plasminogène, qui active le plasminogène
circulant et le plasminogène lié à la fibrine.
L’urokinase n’est donc
pas spécifique de la fibrine. Sa demi-vie est de 15 minutes.
Son
élimination est urinaire. Un des avantages de l’urokinase est sa faible antigénicité.
Malgré son ancienneté, comparable à celle de la streptokinase, et une efficacité comparable, son coût et des difficultés
liées à sa production ont mis cette molécule au second plan dans les
essais thérapeutiques.
Elle reste utilisée dans le traitement des
occlusions vasculaires périphériques.
C - AGENTS FIBRINOLYTIQUES DE 2E GÉNÉRATION
:
Cette nouvelle classe d’agents fibrinolytiques est essentiellement
représentée par l’activateur tissulaire du plasminogène produit par
recombinaison génétique (rt-PA).
Le clonage du rt-PA en 1983, puis
sa production par techniques de génie génétique, ont permis son
utilisation thérapeutique à partir des années 1990.
Le rt-PA a été
produit d’abord sous forme bicaténaire (duteplase) puis
essentiellement sous forme monocaténaire (altéplase, Actilyset).
L’intérêt de l’altéplase par rapport à la streptokinase est son absence
d’antigénicité.
Son activité est fortement potentialisée par sa liaison
à la fibrine (médiée par les domaines finger et kringle 2), ce qui a
entraîné une fibrinolyse systémique moins importante après
injection intraveineuse, et une efficacité fibrinolytique plus forte que
celle de la streptokinase.
En revanche, le rt-PA induit une activation
de la coagulation qui nécessite l’utilisation d’anticoagulant de type
héparine de façon concomitante. Sa demi-vie est courte (5 minutes)
ce qui implique une utilisation en perfusion continue.
Son
élimination est essentiellement hépatique.
La Scu-PA, single-chain urokinase-type plasminogen activator ou prourokinase
ou saruplase (Rescueplaset) est un autre fibinolytique
relativement spécifique de la fibrine, développé pour diminuer la
déplétion systémique en fibrinogène et améliorer l’efficacité
fibrinolytique.
Cet agent a une fibrinospécificité proche de celle du
t-PA.
Sa demi-vie est courte (9 minutes), ce qui impose a priori une
perfusion continue.
L’expérience clinique de cette molécule est pour
l’instant très limitée.
D - AGENTS FIBRINOLYTIQUES DE 3E GÉNÉRATION
:
Bien que l’efficacité fibrinolytique des agents de 2e génération se soit
avérée meilleure que celle de la streptokinase, les espoirs quant à la
diminution du risque hémorragique induit ont été déçus,
probablement du fait que les accidents hémorragiques sont liés à la
lyse de caillots de fibrine hémostatiques plus qu’à la lyse du
fibrinogène systémique.
Par ailleurs, il est rapidement apparu que
la précocité du traitement fibrinolytique est un point-clé de son
succès, ce qui a encouragé la recherche d’agents fibrinolytiques à
demi-vie plus longue, maniables en bolus, plus faciles à utiliser
avant l’arrivée à l’hôpital, en pratique des molécules proches du t-PA
ou de l’u-PA, modifiées de façon à augmenter leur demi-vie, en
préservant leur affinité pour la fibrine.
Trois molécules ont été
étudiées en phase clinique : la r-PA (reteplase, BM 06.22, Rapilysint,
Retavaset, Ecokinaset, Boehringer Mannheim), le TNK-tPA
(ténectéplase, Metalyset, EisaiCo), la n-PA (lanoteplase, BMS-200980,
SUN9216, Bristol Myers Squibb).
Trois autres sont en développement préclinique : la monteplase (E6010, Cleactort, Eisai Co), la
pamiteplase (YM866, Solinaset, Yamamouchi Pharmaceutical), la
staphylokinase.
Le r-PA est une forme mutante du t-PA qui aboutit à une molécule
amputée du domaine finger, epidermal growth factor (EGF) et kringle
1, ce qui allonge la demi-vie à 15-18 minutes.
La perte du domaine finger diminue la fibrinospécificité.
L’injection de r-PA induit une
fibrinolyse systémique intermédiaire entre celle de la streptokinase
et celle du rt-PA. Le TNK-PA a une structure proche de celle du t-PA
natif, mais a subi plusieurs substitutions d’acides aminés, ce qui
aboutit au déplacement d’un site de glycosylation et à une
modification du site actif.
Ces modifications entraînent à la fois un
allongement de la demi-vie (18-20 minutes), une augmentation de la fibrinospécificité qui est supérieure à celle de l’altéplase, et une
relative résistance à l’action du PAI 1.
La consommation d’a2- antiplasmine est aussi plus faible qu’avec l’altéplase.
Ces propriétés
en font un fibrinolytique utilisable en bolus, et n’induisant pas de
« vol de plasminogène ».
Le n-PA (lanoteplase) est un autre mutant du t-PA, qui comporte
une délétion des domaines finger et EGF, et une substitution d’acide
aminé sur le kringle 1.
Sa demi-vie est longue (30-45 minutes) et sa
spécificité pour la fibrine est plus faible que celle du t-PA en raison
de la perte du domaine finger.
La monteplase est une molécule dérivée du t-PA par substitution
d’un acide aminé, et se caractérise par une demi-vie prolongée
(23 minutes) et une forte affinité pour la fibrine.
La pamiteplase est
aussi un t-PA modifié par délétion du kringle 1, et une mutation
ponctuelle au site de clivage du t-PA monocaténaire par la plasmine.
Cette molécule a une demi-vie de 30 à 47 minutes chez l’homme, et
une activité thrombolytique supérieure à celle de l’altéplase dans
des modèles animaux.
La staphylokinase est un activateur
indirect du plasminogène, produit par une souche de Staphylococcus
aureus, connu depuis plus de 40 ans.
Elle forme un complexe staphylokinase-plasmine qui active le plasminogène présent dans le
caillot de fibrine, et cette activité dans le caillot n’est pas inhibée par
l’a2-antiplasmine.
La fibrinolyse systémique est limitée.
Cette
molécule est antigénique mais des modifications de structure
pourraient diminuer cette antigénicité.
E - CRITÈRES UTILISÉS
POUR ÉVALUER LES AGENTS FIBRINOLYTIQUES :
La recherche dans le domaine de la fibrinolyse thérapeutique a eu
pour cible essentielle le traitement de l’infarctus du myocarde.
Ainsi,
en même temps que les connaissances concernant les relations structure-fonction progressaient, les essais cliniques ont permis de
comparer les nouvelles molécules aux anciennes.
L’évaluation de la
qualité de la reperfusion repose essentiellement sur l’angiographie
et l’électrocardiogramme. Le rapport bénéfice/risque est établi sur
de grandes études évaluant la mortalité globale.
Les premières
études ont analysé un agent fibrinolytique (la streptokinase) versus
un placebo, puis, une fois la supériorité de la fibrinolyse démontrée,
les nouvelles molécules ont été comparées d’abord à la
streptokinase, puis à l’altéplase, dont les résultats servent
actuellement de référence.
Les études les plus récentes sont des
études d’équivalence, cherchant à démontrer qu’une nouvelle
molécule a au moins les mêmes résultats qu’une plus ancienne en termes de rapport bénéfice/risque, mais a de plus des avantages
pratiques d’utilisation (bolus en pratique préhospitalière).
L’évaluation de l’efficacité thrombolytique repose sur le système
d’évaluation angiographique TIMI (thrombolysis in myocardial
infarction trial).
Les grades TIMI-0 ou -1 indiquent une occlusion complète ou
presque complète, TIMI-2 une perfusion retardée, TIMI 3 une
recanalisation totale.
Une reperfusion complète à 90 minutes (TIMI
grade 3) est associée à une diminution significative de la taille de
l’infarctus du myocarde et de la mortalité.
Les différents essais
cliniques menés jusqu’à la fin des années 1990 ont essentiellement
évalué la qualité de perfusion des vaisseaux épicardiques selon les
critères TIMI.
Dans les essais les plus récents, la qualité de perfusion
myocardique est évaluée au niveau microcirculatoire par
l’électrocardiogramme 12 pistes, qui permet de mesurer la rapidité
et le caractère complet de la résolution de l’élévation du segment
ST.
Ce critère est utilisé depuis l’essai GUSTO. La corrélation
entre évolution clinique (mortalité) et évolution du segment ST a été
démontrée ultérieurement dans plusieurs essais randomisés.
Un autre point critique dans l’évaluation des agents fibrinolytiques
est l’évaluation du risque hémorragique et en particulier de la
mortalité par hémorragie cérébrale, qui est le principal risque lié au
traitement, généralement dans les 24 premières heures.
Le Fibrinolytic Therapy Trialist (FTT) Collaborative Group a revu les
complications hémorragiques de neuf essais ayant randomisé
58 600 patients, et a recensé 3,9 accidents vasculaires supplémentaires
(essentiellement hémorragiques) pour 1 000 patients
traités par fibrinolyse versus placebo.
Ce risque peut dépendre
de la nature et de la dose de l’agent fibrinolytique et des antithrombotiques associés, notamment de la posologie d’héparine
dont la prescription évolue.
Le risque dépend aussi des
caractéristiques du patient.
Ainsi, il a été démontré dans l’essai
GUSTO-1 que le risque d’hémorragie intracrânienne augmentait
avec l’âge (> 65 ans), le faible poids (< 70 kg), l’hypertension
artérielle et les antécédents de pathologie vasculaire cérébrale.
Dans l’étude GUSTO-1, la mortalité de ces saignements intracrâniens
était de presque 60 % à 30 jours.
À côté des hémorragies cérébrales, d’autres hémorragies sévères
peuvent être rencontrées.
Sont classées comme sévères les
hémorragies nécessitant des transfusions ou une intervention
chirurgicale, ou engageant le pronostic fonctionnel.
Dans l’essai
GUSTO–1, le taux d’hémorragie majeure est de 1,1 % avec la
fibrinolyse versus 0,4 % pour le placebo (sept hémorragies
supplémentaires/1 000 patients traités), et celle des saignements
modérés est de 11,3 %, ce qui souligne l’importance du respect de
certaines contre-indications ou restrictions d’utilisation des agents
fibrinolytiques.
Traitement fibrinolytique
de l’infarctus du myocarde :
A - ESSAIS AVEC LA STREPTOKINASE :
Les premiers traitements fibrinolytiques réalisés avec la
streptokinase dans l’infarctus du myocarde ont été comparés au
traitement de référence, c’est-à-dire associant l’héparine à l’aspirine
(depuis l’essai ISIS 2).
Le pourcentage de perméabilité de l’artère
coronaire obstruée sous traitement classique, évalué par
angiographie (TIMI grade 2 ou 3), variait de 9 à 28% (intervalle de
confiance 95 % = 15-24 %) au départ, et de 35 à 78 % entre 3 et
21 jours (intervalle de confiance 95 % = 57-64 %).
Les premiers
essais évaluant l’efficacité de la streptokinase intraveineuse, évalués
en termes de perméabilité, ont montré la supériorité de la fibrinolyse
par rapport au traitement classique, avec des pourcentages de
perméabilité de 43 à 64 % à 90 minutes (intervalle de confiance 95 %
= 48-55 %), et de 57 à 90 % entre 24 heures et 21 jours après le
traitement (intervalle de confiance 95 % = 70-78 %).
La mortalité liée au traitement par la streptokinase injectée à raison
de 1,5 M d’unités en 1 heure, a été évaluée dans quatre essais
contrôlés versus placebo : GISSI-I, ISAM, ISIS-2, EMERAS.
La mortalité entre 21 et 35 jours était réduite de 18 %, 11 %, et 25 %
respectivement dans les trois premiers essais incluant 11 806, 1 741,
et 17 187 patients, mais n’était pas réduite dans l’étude EMERAS
incluant 3 568 patients.
L’étude FTT, combinant plusieurs essais de ce type, indique
également que le bénéfice de mortalité est conservé à 1 an, ce
d’autant que le traitement est commencé plus précocement : pour
les patients traités avant 6 heures, le bénéfice global est de 30 vies
sauvées sur 1 000 patients, pour les patients traités entre 7 et
12 heures, il est de 20/1 000, pour les patients traités entre 13 et
18 heures de 10/1 000.
Ce bénéficie se maintient en dépit d’un
excès de quatre accidents vasculaires cérébraux hémorragiques (dont
deux mortels) pour 1000 patients traités, la plupart d’entre eux dans
les 48 premières heures.
Ces essais fondamentaux ont donc permis
de définir que le bénéfice du traitement fibrinolytique était
indiscutable dans les 12 heures suivant l’instauration des
symptômes.
B - ESSAIS AVEC L’ALTÉPLASE :
Les premiers essais de fibrinolyse utilisant l’altéplase ont été publiés
à partir de 1985 (TIMI-1), et ont comparé l’altéplase à la
streptokinase, associées à héparine et aspirine.
Ils ont permis
d’établir qu’une injection d’altéplase en 3 heures permettait
d’améliorer de 5 à 10% la perméabilité de grade TIMI-3 à
90 minutes, par rapport à la streptokinase et à l’anistreplase.
Il a
ensuite été démontré en 1989 qu’une injection dite « accélérée »
d’altéplase apportait un bénéfice supplémentaire chez les patients
traités avant 6 heures.
L’étude GUSTO-1 (41 021 patients) a
confirmé en 1993 le bénéfice en termes de mortalité à 30 jours de
l’altéplase en régime accéléré (15 mg en bolus, 0,75 mg/kg sur
30 minutes, 0,50 mg/kg sur 60 minutes, dose totale maximum
100 mg) (mortalité = 6,63 %) par rapport à la streptokinase (7,4 %) et
à l’association streptokinase-altéplase (7 %).
Ce discret bénéfice est
contrebalancé par une augmentation discrète des hémorragies
intracrâniennes (0,7 % pour l’altéplase versus 0,5 % pour la
streptokinase), mais le bénéficie net de l’altéplase reste significatif.
Les éléments prédictifs de mortalité dans cet essai sont l’âge,
l’hypertension artérielle et la classe de Killip essentiellement.
Enfin,
l’essai GUSTO-1 a permis de valider l’utilisation simultanée
d’héparine intraveineuse à la dose de 5 000 UI en bolus puis
1 000 UI/h ajustée sur le TCA (60-85 secondes) plutôt que par voie
sous-cutanée.
En effet, deux autres essais (GISSI-2 et ISIS-3) n’avaient
pas montré de bénéfice en termes de mortalité, mais avaient utilisé
de l’héparine sous-cutanée injectée de façon retardée par rapport à
l’injection d’altéplase ou de duteplase (elle-même utilisée en
perfusion sur 3 heures).
Enfin une sous-étude angiographique
de GUSTO-1 a permis de confirmer que le bénéfice en termes de
mortalité était bien lié à une plus grande fréquence des
reperfusions : 54 % de grade TIMI-3 à 90 minutes contre 34%, en
association à une diminution de la mortalité.
C - ESSAIS DU r-PA :
Le r-PA est un des premiers mutants du t-PA qui ait été testé de
façon approfondie. Quatre essais ont été réalisés : RAPID-1,
RAPID-2, INJECT et GUSTO-3.
Les deux premiers essais
ont comparé d’abord trois posologies de r-PA (en deux injections à
30 minutes d’intervalle) à l’altéplase (100 mg en 3 heures) (RAPID-
1), puis la meilleure posologie de r-PA versus l’altéplase selon un
schéma accéléré (RAPID-2).
Dans les deux essais, le r-PA était
supérieur à l’altéplase (TIMI-3 à 90 minutes = 61 % pour r-PA versus
45 % pour altéplase).
De plus, la mortalité était plus faible dans les
groupes r-PA que dans les groupes altéplase.
L’étude INJECT a
montré que le r-PA (double bolus) était au moins équivalent à la
streptokinase pour réduire la mortalité à 35 jours. Ces résultats ont
permis la mise sur le marché du r-PA.
Cependant, l’étude ultérieure
GUSTO-3 (double bolus de r-PA versus altéplase accéléré), qui a
inclus 15 059 patients, n’a pas montré de supériorité du r-PA en
termes de mortalité à 30 jours, mettant en évidence les problèmes méthodologiques d’extrapolation des résultats des études de
perméabilité aux études de mortalité.
L’analyse détaillée de cet essai
n’a pas montré de différence en termes d’accidents hémorragiques.
D - ESSAIS DE LA TÉNECTÉPLASE (TNK-tPA)
:
Les premières études de recherche de dose pour la ténectéplase ont
été publiées en 1997 (TIMI 10A et TIMI 10 B) aboutissant au
choix d’une posologie de 40 mg équivalente à l’altéplase en termes
de perméabilité TIMI-3 à 90 minutes.
L’importance de l’adaptation
de la posologie au poids dans les études d’efficacité a été suspectée
dans l’étude TIMI-10B, puis dans l’étude suivante ASSENT 1
(assessment of the safety and efficacy of a new thrombolytic agent,
3 235 patients).
En termes de sécurité, les études TIMI-10 B et
ASSENT-1 ont aussi permis de constater que la posologie d’héparine
associée à la ténectéplase jouait un rôle important dans la survenue
d’hémorragie intracrânienne.
Ainsi, une réduction modérée de la
dose d’héparine pour les poids < 67 kg a été proposée en cours
d’étude, permettant une réduction significative des accidents
hémorragiques majeurs, quelle que soit la posologie de ténectéplase
et également dans le bras altéplase.
Ces constatations ont conduit
à proposer des posologies d’héparine plus faibles pour l’étude
ASSENT-2.
Une réduction des hémorragies sévères (nécessitant une
transfusion, à l’exclusions des hémorragies cérébrales) a été
constatée aussi dans les essais TIMI-10B et ASSENT-1.
L’étude ASSENT-2 (16 950 patients) a été conçue comme un essai
d’équivalence en termes de mortalité chez des patients avec infarctus
du myocarde (avec élévation du segment ST), inclus moins de
6 heures après le début de la douleur.
La posologie était un seul bolus adapté au poids (0,53 mg/kg).
Cette étude a démontré
l’équivalence de la ténectéplase et de l’altéplase, avec un bénéfice
pour l’altéplase chez les patients traités entre 4 heures et 6 heures
après le début des symptômes.
Ceci est probablement dû à la plus
grande fibrinospécificité de la ténectéplase, qui est peut-être plus
active sur les caillots un peu plus anciens que les agents moins
fibrinospécifiques.
En ce qui concerne la sécurité de la ténectéplase, le taux
d’hémorragies cérébrales dans ASSENT-2 était le même dans le bras
ténectéplase que dans le bras altéplase.
Cependant, chez les patients
âgés (> 75 ans), la ténectéplase semblait mieux tolérée que l’altéplase.
Les hémorragies majeures ou non (sauf intracrâniennes) étaient plus
rares avec ténectéplase qu’avec altéplase.
Au total, les résultats
obtenus avec la ténectéplase sont positifs et ont justifié sa mise à
disposition en France.
E - AUTRES AGENTS FIBRINOLYTIQUES :
La saruplase (scu-PA), précurseur physiologique de l’urokinase, est
produite par génie génétique.
Sa structure et sa fibrinospécificité
sont assez proches de celles du t-PA.
Son développement a été
jusqu’ici limité, les essais d’équivalence n’ayant pas été concluants.
La lanoteplase (nPA) est un agent utilisé en un seul bolus, qui a fait
l’objet d’un grand essai d’équivalence vis-à-vis de l’altéplase en
régime accéléré.
L’essai s’est révélé concluant à la dose de 120 UI/kg
sur le plan de l’efficacité, mais le taux d’hémorragie intracrânienne
était supérieur et le développement commercial a été arrêté.
La staphylokinase, malgré sa grande fibrinospécificité, n’a pas
permis d’obtenir des résultats satisfaisants dans les essais
angiographiques de recherche de dose.
F - RÔLE DES TRAITEMENTS ADJUVANTS :
1- Agents antithrombine :
La thrombine est la plaque tournante de la thrombogenèse, car elle
active les plaquettes, transforme le fibrinogène en fibrine et active le
facteur XIII qui stabilise le caillot.
Elle est incorporée dans le caillot
de fibrine à mesure qu’il se forme.
Les agents antithrombine
disponibles sont l’héparine, l’hirudine et le pentasaccharide.
De
nouvelles molécules ne sont pas encore évaluées : argatroban,
efegatran, inogatran.
Le seul agent dont l’utilisation est validée est l’héparine.
Les
essais TIMI-9, TIMI-10 B, GUSTO-2 et ASSENT-2 ont aussi démontré
que des doses excessives d’héparine majoraient le risque
hémorragique. Les doses actuellement recommandées sont
de 60 UI/kg (dose maximale 4 000 UI) et une perfusion initiale de
12 UI/kg (dose maximale 1 000 UI/h).
Un point important est que
l’adaptation de l’héparine non fractionnée au TCA doit se faire en
fonction de la zone thérapeutique du réactif utilisé, et non pas être
systématique.
La recommandation d’un TCA « double du témoin »
n’est qu’une approximation qui doit être modulée en fonction de
chaque équipe.
L’hirudine est un agent antithrombine direct (ne nécessitant pas
d’antithrombine comme cofacteur) et irréversible, elle est capable
d’inhiber la thrombine à l’intérieur du caillot (contrairement à
l’héparine non fractionnée).
Les essais TIMI-5, TIMI-9 et GUSTO-2
ont montré dans l’ensemble que l’utilisation de l’hirudine comme
traitement adjuvant diminuait le nombre de réinfarctus durant
l’hospitalisation, mais ne modifiait pas de façon significative la
mortalité ni l’évolution à 30 jours.
Les autres avantages
sont un TCA plus stable et l’absence de thrombopénie à l’héparine.
Cependant, la plupart des essais ont montré un surcroît
d’hémorragies, probablement lié à des doses excessives.
L’essai
HIT-4 a en effet montré l’absence d’augmentation du risque
hémorragique avec des doses plus faibles.
Un autre essai récent,
HERO-2 (17 073 patients), qui a comparé l’association de streptokinase et d’un autre dérivé de l’hirudine, l’hirulog, à
l’association streptokinase et héparine, a montré une diminution des
récidives d’infarctus à 30 jours, sans effet sur le saignement, mais
sans effet non plus sur la mortalité.
Enfin, la récente publication de l’étude ASSENT-3 (6 095 patients),
qui comporte un bras associant la ténectéplase à une héparine de
bas poids moléculaire (Lovenoxt), montre des résultats très
encourageants pour cette association, comparée à l’association
ténectéplase et héparine non fractionnée, et à l’association
ténectéplase et abciximab (ASSENT-3).
2- Agents antiagrégants plaquettaires inhibant
les glycoprotéines IIb-IIIa :
Les inhibiteurs des glycoprotéines plaquettaires IIb-IIIa ont une
efficacité bien démontrée dans l’angioplastie.
Des essais de
combinaison d’agents fibrinolytiques avec ce type de traitement (et
avec héparine) se sont révélés encourageants en termes d’efficacité,
mais au prix d’une tendance à l’augmentation du risque
hémorragique (TIMI-14, PARADIGM).
L’essai GUSTO-V
(16 223 patients) a ensuite été mené, montrant que des doses réduites
de moitié pour le r-PA et héparine, associées à l’abciximab, étaient
équivalentes en termes d’efficacité et de risque à la stratégie
classique r-PA + héparine.
Une diminution des récidives
d’infarctus à 30 jours et des angioplasties urgentes a même été
constatée dans le bras abciximab, sans se traduire par une
diminution de mortalité à 1 an.
L’association est franchement
défavorable chez le sujet âgé.
Dans l’essai ASSENT-3, l’association ténectéplase (mi-dose) et abciximab a donné d’aussi bons résultats
en termes d’efficacité et de sécurité que l’association ténectéplase et
Lovenoxt, mais elle est un peu moins facile d’utilisation
(ASSENT-3).
Actuellement, de nouveaux essais évaluent l’intérêt de stratégies
combinant l’angioplastie et les fibrinolytiques.
L’étude CAPTIM,
manquant malheureusement de puissance statistique, a comparé la
lyse préhospitalière à l’angioplastie primaire, avec 33 % de recours à
l’angioplastie dite de sauvetage dans le groupe thrombolyse ;
l’étude DANAMI-2 a comparé la lyse sur place à l’angioplastie
primaire, généralement après transfert, sans recours à l’angioplastie
de sauvetage.
Ces nouveaux essais ont pour but de préciser les
arbres décisionnels qui tiennent obligatoirement compte non
seulement de l’efficacité intrinsèque d’agents thérapeutiques
administrables en préhospitalier, mais aussi de la disponibilité plus
ou moins immédiate du plateau technique d’angioplastie.
De même,
l’association lyse et antiglycoprotéines suivie d’angioplastie est à
l’étude.
Utilisation des agents fibrinolytiques
en dehors de l’infarctus du myocarde :
A - ACCIDENTS VASCULAIRES CÉRÉBRAUX
:
La première tentative d’utilisation des fibrinolytiques dans le
traitement des accidents ischémiques cérébraux date de 1958.
Les
drogues les plus étudiées dans les accidents ischémiques cérébraux
sont la streptokinase et l’altéplase.
L’urokinase et la pro-urokinase
ont également été utilisées.
Les essais les plus récents ont un certain
nombre de points communs : scanner avant le début du traitement
pour exclure un accident hémorragique primitif, intervalle de temps
limité entre le début des symptômes et le début du traitement (de 3
à 6 heures selon les essais).
L’évaluation s’est faite sur des critères
combinés : décès et handicap étaient considérés comme
défavorables, et la récupération d’une indépendance fonctionnelle
comme favorable, bien que la définition de l’indépendance variait
selon les études.
Le résultat a été évalué 3 à 6 mois après le
traitement.
Les essais avec l’urokinase ont été réalisés dans les années 1980.
Ces essais comportaient des effectifs limités et des intervalles de
confiance larges.
Trois grandes études ont été menées avec la streptokinase (MAST-I, ASK, MAST-E).
Dans l’étude
européenne (MAST-E), les patients étaient randomisés contre
placebo, et recevaient 1,5 million d’unités moins de 6 heures après
le début des symptômes.
L’étude australienne (ASK) utilisait la
même posologie, moins de 4 heures après le début des symptômes.
Ces trois études ont été interrompues prématurément du fait d’une
augmentation du nombre de décès par hémorragies cérébrales dans
les groupes traités par streptokinase.
La méta-analyse de ces trois
études montre une augmentation précoce du risque de décès et
d’hémorragie cérébrale, sans bénéfice à la fin du suivi.
L’analyse
en sous-groupe n’a pas permis d’identifier de sous-groupe où le
rapport bénéfice/risque soit plus favorable.
Les essais réalisés avec l’altéplase par voie intraveineuse ont été plus
concluants.
L’étude NINDS (624 patients) a montré un bénéfice
global à 3 mois, chez les patients traités dans les 90 minutes suivant
l’installation des symptômes et recevant 0,9 mg/kg d’altéplase
versus placebo, au prix d’une augmentation modérée mais réelle des
accidents hémorragiques (6,4 % versus 0,6 %).
Trois études
ultérieures (ECASS, ECASS-II, ATLANTIS) (620, 800 et 124 patients
respectivement), recrutant des patients traités dans les 6 heures
après le début des symptômes, n’ont pas confirmé ce bénéfice.
Cependant, l’étude ATLANTIS-B (613 patients) a ensuite
suggéré que les patients traités dans les 3 heures suivant le début
des symptômes tiraient un bénéfice significatif du traitement
fibrinolytique, aboutissant à l’approbation par la Food and Drug
Administration de l’altéplase dans cette indication.
Ces résultats
posent le problème de l’organisation de la prise en charge en
extrême urgence des accidents vasculaires cérébraux, dans des
structures capables de réaliser le bilan nécessaire au diagnostic et au
respect des contre-indications.
B - MALADIE THROMBOEMBOLIQUE VEINEUSE :
Le recours au traitement fibrinolytique dans la maladie
thromboembolique veineuse ne fait pas l’objet d’un consensus et
reste une décision au cas par cas.
En effet, il n’y a pas d’effet prouvé
sur la mortalité, et la dissolution complète du thrombus est
exceptionnelle dans cette pathologie, les caillots étant plus
volumineux que dans l’infarctus du myocarde, et plus organisés.
Les études dans cette indication ont été très limitées, et
ne concernent que la streptokinase, l’urokinase, le t-PA et le r-PA.
Dans l’embolie pulmonaire, il est clair que la fibrinolyse diminue
plus rapidement les anomalies au scanner et à l’angiographie
pulmonaire que l’héparine, et restaure plus vite les performances
hémodynamiques.
Cependant, il n’y a pas d’effet majeur sur la
mortalité à court terme.
De plus, la mortalité à 3 mois après
embolie pulmonaire est inférieure à 10 % (et même de l’ordre de
2 % lorsque le diagnostic est fait correctement), et il faudrait donc
un nombre considérable de patients pour montrer un bénéfice du
traitement fibrinolytique.
Les résistances pulmonaires sont réduites
de 35 % avec les fibrinolytiques et seulement de 4 % avec l’héparine,
mais l’évolution scintigraphique est la même à terme après
traitement fibrinolytique qu’après héparine.
L’évaluation est encore
compliquée par l’absence d’évaluation à long terme de la prévalence
de l’hypertension artérielle pulmonaire chez les patients
correctement anticoagulés.
La limitation principale est le risque hémorragique.
Bien que celui-ci
soit beaucoup plus limité que dans les premiers essais grâce au
respect strict des contre-indications, il reste de 1 à 2% d’hémorragies
intracrâniennes.
Ce type de traitement est donc réservé aux embolies
pulmonaires massives, avec instabilité hémodynamique et en
particulier dysfonction ventriculaire droite, et sans contre-indication
liée au risque hémorragique.
L’instabilité hémodynamique est
retenue comme une indication par toutes les recommandations, et
supportée par une courte étude randomisée.
L’utilisation dans
l’embolie pulmonaire stable mais avec dysfonction ventriculaire
droite a fait l’objet d’un essai récent chez 256 patients, avec une
nette diminution de l’escalade thérapeutique vers les inotropes ou
la lyse de seconde intention, mais sans différence de mortalité dans
cette population d’effectif relativement faible.
Les posologies utilisées avec streptokinase et urokinase entraînent
une fibrinolyse systémique chez 90 % des patients.
Le t-PA et le r-PA,
plus fibrinospécifiques, entraînent un degré moindre de fibrinolyse,
mais le risque hémorragique reste présent.
Les posologies
recommandées, dans l’embolie pulmonaire sont :
– pour la streptokinase : 250 000 UI puis 100 000 UI/h pendant
24 heures ;
– pour l’urokinase : 4 400 UI/kg/h puis 2 200 UI/kg/h pendant
12 heures ;
– pour le t-PA : 100 mg en 2 heures ;
– pour le r-PA : deux bolus de 10 unités, séparés de 30 minutes.
Dans tous les cas, l’héparine est utilisée en relais, quand le TCA ou
le temps de thrombine est inférieur à 2 fois le temps témoin.
Pour le t-PA et le r-PA, l’héparine est parfois utilisée en même temps que le
fibrinolytique.
Le bénéfice des injections in situ n’est pas démontré
par rapport à l’injection systémique.
La question de la durée de la
fibrinolyse dans l’embolie pulmonaire doit être résolue par des
essais contrôlés.
Dans la thrombose veineuse profonde, le traitement fibrinolytique
diminue rapidement la douleur, l’oedème, et permet théoriquement
une meilleure conservation des valvules veineuses que le traitement
anticoagulant simple.
En effet, certaines études ont suggéré une
diminution du syndrome post-phlébitique.
Cependant, ces
résultats sont anciens et n’ont pas été vérifiés dans des études
contrôlées à long terme.
Il semble y avoir un bénéfice chez les
patients jeunes avec thrombose massive iliofémorale.
Dans la thrombose veineuse profonde, l’urokinase et la streptokinase
sont approuvées pour 48 heures à 72 heures de traitement.
En
pratique, les protocoles varient largement. Les schémas dans la
thrombose veineuse profonde s’inspirent des protocoles utilisés dans
l’embolie pulmonaire.
Les agents thrombolytiques sont parfois
injectés in situ dans le cathéter en radiologie interventionnelle.
C - ISCHÉMIE AIGUË PÉRIPHÉRIQUE :
La place de la thrombolyse dans l’ischémie aiguë périphérique (en
général des membres inférieurs) reste controversée.
Dans ce
domaine, il n’y a pas d’études extensives contrôlées.
En particulier,
la place de la fibrinolyse par rapport à la chirurgie n’est pas établie.
Les tableaux cliniques et étiologiques de ces accidents aigus
périphériques sont variables (emboles généralement d’origine
cardiaque, thromboses sur athérosclérose ou sur anévrismes),
traumatismes (cathétérisme intra-artériel, fracture).
Le traitement
consiste à rétablir le flux sanguin dans les plus brefs délais, le pronostic vital et celui du membre étant en jeu.
La fibrinolyse doit
être discutée par rapport à l’embolectomie par sonde de Fogarty ou
par thromboaspiration endovasculaire, pontage périphérique.
La thrombolyse doit être complétée par un traitement antithrombotique, afin de limiter la propagation du thrombus et de
diminuer les risques de récidive thromboembolique.
La fibrinolyse
était réalisée initialement par voie systémique, avec des
complications hémorragiques fréquentes (un tiers des cas).
La
fibrinolyse in situ a permis d’abaisser le taux de complications
hémorragiques à 6-20 %, tout en améliorant le taux de succès des reperfusions. Les seules études dans la littérature concernent la
streptokinase, l’urokinase, et le rt-PA.
Une étude multicentrique
utilisant l’urokinase (4 000 unités/min pendant 4 heures, puis
2 000 unités/min pendant au maximum 48 heures) a montré un
bénéfice de cette option par rapport à la chirurgie d’emblée.
La
fibrinolyse est surtout capable de reperméabiliser des occlusions
récentes (< 2 semaines), en permettant un geste chirurgical
complémentaire différé dans de meilleures conditions, notamment
en cas de thrombose d’un pontage, où le traitement est aussi
particulièrement actif.
Le bénéfice de cette attitude est, comme pour
d’autres indications, grevé par un risque hémorragique à prendre
en considération dans les indications.