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Hépatologie
Traitement des hépatites fulminantes et subfulminantes
Cours d'Hépatologie
 


 

Introduction :

Par définition, on parle d’insuffisance hépatique aiguë grave lorsque la baisse des facteurs de coagulation (taux de prothrombine et/ou facteur V) au-dessous de 50 % de la normale est associée à une encéphalopathie.

Il s’agit d’une insuffisance hépatique fulminante lorsque l’intervalle de temps séparant l’ictère de l’encéphalopathie est inférieur à 2 semaines.

Il s’agit d’une insuffisance hépatique subfulminante lorsque cet intervalle est supérieur à 2 semaines.

La mortalité des malades atteints d’insuffisance hépatique fulminante ou subfulminante est élevée.

Elle est principalement liée au fait qu’aux stades les plus avancés de l’insuffisance hépatique, il apparaît un oedème cérébral.

L’hypertension intracrânienne dont résulte l’oedème cérébral s’accompagne d’une diminution de la pression de perfusion cérébrale pouvant conduire à une ischémie.

Elle comporte par ailleurs un risque d’engagement cérébral.

Il n’existe pas actuellement de traitement symptomatique efficace de l’oedème cérébral. Le seul traitement consiste donc à corriger en urgence l’insuffisance hépatique.

Chez les malades qui ont une encéphalopathie clinique (confusion ou coma) et un facteur V inférieur à 20 % au-dessous de 30 ans, ou inférieur à 30 % au-dessus de 30 ans, la mortalité est supérieure à 90 %.

À ce stade de gravité, on porte habituellement l’indication d’une transplantation hépatique en urgence, qui reste actuellement le traitement de référence.

Lorsque la transplantation est réalisable, le taux de survie est de l’ordre de 50 à 70 % à 1 an.

On ne dispose pas, jusqu’à présent, de traitement pharmacologique qui permettrait spécifiquement de limiter la nécrose hépatocytaire ou d’accélérer la régénération hépatique.

Le traitement médical de l’insuffisance hépatique aiguë consiste donc essentiellement à éviter les facteurs susceptibles d’aggraver l’évolution de la maladie, à prévenir les complications, et à maintenir ainsi une situation propice à une régénération hépatique rapide, condition essentielle à la guérison.

Lorsque ces mesures ont échoué, une transplantation hépatique doit être envisagée en urgence.

Traitement symptomatique :

Les malades atteints d’insuffisance hépatique fulminante ou subfulminante doivent, dans la mesure du possible, être rapidement dirigés vers un centre spécialisé dans lequel une transplantation hépatique peut être réalisée en urgence si elle est nécessaire.

L’administration systématique de plasma frais congelé pour corriger la baisse des facteurs de coagulation n’est pas justifiée pour deux raisons principales :

– les hémorragies spontanées sont exceptionnelles et résultent habituellement de gestes invasifs (tels que la mise en place de cathéters veineux ou artériels) ;

– la valeur des tests de coagulation est un indice pronostique essentiel pour évaluer le risque d’une évolution défavorable et prendre la décision d’une transplantation.

La correction artificielle des troubles de la coagulation, par la perfusion de plasma frais congelé, ne permet plus d’avoir recours à cet indice pronostique. Bien que le risque d’hémorragie spontanée soit faible, l’administration systématique de protecteurs gastriques tels que le sucralfate est recommandée.

La présence d’une altération profonde de la vigilance ou d’une hypoxémie justifient l’intubation et la ventilation assistée. Le plus souvent, le coma s’accompagne d’une hyperventilation et d’une hypocapnie.

Une hypocapnie très sévère, par la vasoconstriction qu’elle entraîne, risque de compromettre la perfusion cérébrale.

Elle justifie donc elle aussi une sédation, et une ventilation artificielle qui permet de contrôler la capnie.

L’hypercapnie est rare et résulte le plus souvent de la prise de médicaments sédatifs.

Elle impose une ventilation artificielle.

L’intubation orotrachéale doit être préférée à l’intubation nasotrachéale qui, du fait de la baisse des facteurs de coagulation, risque de s’accompagner d’une hémorragie.

Il n’existe pas de traitement spécifique de l’encéphalopathie métabolique et de l’oedème cérébral.

Chez les malades ayant reçu des benzodiazépines, l’administration de flumazénil (antagoniste des récepteurs centraux aux benzodiazépines) peut améliorer transitoirement les troubles de la vigilance.

Lorsqu’il existe une hypertension intracrânienne, les malades doivent être placés en position demi assise, le tronc et la tête à 30° environ au-dessus du plan horizontal, ce qui limite les effets de l’oedème cérébral.

L’aggravation des manifestations en rapport avec l’hypertension intracrânienne impose l’administration de bolus intraveineux de mannitol (0,5 g/kg).

Ces bolus peuvent être renouvelés toutes les 4 heures, en fonction de la réponse clinique.

Lorsqu’il existe une insuffisance rénale (créatininémie supérieure à 150 μmol/L), l’administration de mannitol risque d’aggraver l’hypertension intracrânienne. Dans cette situation, elle est donc contre-indiquée, et le traitement de l’oedème cérébral repose alors sur l’hémofiltration.

Par rapport à l’hémodialyse, l’hémofiltration a l’avantage de s’accompagner d’une diminution progressive de la volémie et d’avoir une meilleure tolérance hémodynamique.

Elle a l’inconvénient de ne pas corriger les anomalies métaboliques associées à l’insuffisance rénale.

Dans tous les cas, l’hémofiltration ne doit pas s’accompagner d’une hypotension qui compromettrait la perfusion cérébrale.

La pression intracrânienne peut être mesurée par la mise en place de capteurs épiduraux.

L’intérêt de la mesure invasive de la pression intracrânienne chez les malades atteints d’insuffisance hépatique aiguë est controversé pour plusieurs raisons.

En premier lieu, la fiabilité des capteurs, lorsqu’ils sont mis en position épidurale, est incertaine.

La position sous-durale, qui est habituellement recommandée, est contre-indiquée au cours de l’insuffisance hépatique aiguë, en raison de la baisse des facteurs de coagulation et des risques hémorragiques.

En second lieu, bien qu’ils soient mis en position (en principe) épidurale, ces capteurs comportent un risque élevé de complications hémorragiques dont certaines peuvent être fatales ou s’accompagner de séquelles définitives.

Enfin, l’intérêt d’une mesure invasive de la pression intracrânienne est limité par le peu de moyens thérapeutiques dont on dispose pour la faire baisser lorsque l’on constate qu’elle est élevée. L’utilité d’une antibiothérapie prophylactique n’est pas démontrée.

Cependant, les infections bactériennes sont fréquentes et doivent être traitées rapidement.

L’antibiothérapie probabiliste des infections bactériennes repose en premier lieu sur les bêtalactamines et les quinolones.

En raison de leur néphrotoxicité et du risque que constitue l’insuffisance rénale, les aminoglycosides sont contre-indiqués.

Traitements spécifiques de certaines causes d’insuffisance hépatique aiguë :

Certaines causes d’insuffisance hépatique aiguë justifient un traitement spécifique.

Il est donc particulièrement important d’en faire rapidement le diagnostic. Les causes de ces insuffisances hépatiques sont l’infection par le virus de l’herpès, l’intoxication par le paracétamol, les hépatites auto-immunes, la maladie de Wilson et l’obstruction des veines sus-hépatiques (syndrome de Budd-Chiari).

A - HÉPATITE HERPÉTIQUE :

Le diagnostic d’hépatite herpétique doit être systématiquement évoqué lorsqu’il existe une fièvre élevée (39-40 °C), une leucopénie et une élévation des aminotransférases au-delà de 100 fois la limite supérieure de la normale.

Les présences d’un état d’immunodépression (cancer, infection par le virus de l’immunodéficience humaine [VIH], administration récente d’immunosuppresseurs) et/ou d’une éruption herpétique cutanée ou muqueuse (bien qu’inconstante) sont également des arguments en faveur de ce diagnostic.

L’évolution spontanée des insuffisances hépatiques aiguës secondaires à une hépatite herpétique est défavorable dans la quasi-totalité des cas.

Lorsque l’on suspecte une hépatite herpétique, un traitement antiviral en urgence est donc impératif.

Il repose sur l’administration d’aciclovir par voie intraveineuse, à la dose de 5 à 10 mg/kg, trois fois par jour pendant 8 à 10 jours. L’aciclovir a peu d’effets secondaires.

Il est donc préférable de l’administrer dès que le diagnostic est suspecté et, éventuellement, de l’interrompre au bout de quelques heures ou quelques jours si le diagnostic est finalement écarté.

B - HÉPATITE AU PARACÉTAMOL :

La N-acétylcystéine est un précurseur indispensable du glutathion, composé constitué de trois acides aminés qui, à l’état normal, participe à certaines étapes du métabolisme du paracétamol et, au sein des hépatocytes, protège les composants cellulaires des effets délétères des métabolites réactifs du paracétamol. Au cours des hépatites au paracétamol, les réserves hépatiques de glutathion s’épuisent rapidement.

L’administration de N-acétylcystéine, en participant à la reconstitution des réserves de glutathion, favorise les voies métaboliques du paracétamol qui n’aboutissent pas à la constitution de métabolites réactifs. Par ailleurs, elle prévient les lésions cellulaires induites par les métabolites réactifs déjà formés.

La N-acétylcystéine est d’autant plus efficace qu’elle est administrée précocement après la prise de paracétamol.

Toutefois, elle reste efficace même lorsqu’elle est débutée à distance de l’ingestion. En effet, l’administration retardée, même au-delà de 12 heures après l’ingestion, semble augmenter la survie des malades.

Des vomissements sont fréquents après l’administration de fortes doses de N-acétylcystéine par voie orale.

La voie intraveineuse doit donc être préférée. La dose recommandée est de 150 mg/kg en 15 minutes, puis de 50 mg/kg en 4 heures, et enfin de 100 mg/kg pendant 16 heures.

C - HÉPATITE AUTO-IMMUNE :

Le diagnostic d’hépatite auto-immune compliquée d’insuffisance hépatique aiguë doit conduire à l’administration de corticoïdes. Dans les formes corticosensibles, on observe une amélioration rapide avec des doses de prednisone de l’ordre de 1 à 2 mg/kg/j.

Cependant, les formes les plus graves d’hépatite auto-immune sont fréquemment corticorésistantes.

D - MALADIE DE WILSON :

Rarement, la maladie de Wilson peut être inaugurée par une insuffisance hépatique fulminante ou subfulminante.

Dans cette situation, il est important de faire précocement le diagnostic car l’administration de D-pénicillamine, médicament chélateur du cuivre, a de fortes chances de s’accompagner d’une amélioration rapide.

La posologie initiale de la D-pénicillamine est de 300 mg/j. Cette posologie doit être augmentée progressivement pour atteindre 1 500 à 2 000 mg/j en 1 semaine environ.

Il est important de noter que toutes les formes de maladie de Wilson inaugurées par une insuffisance hépatique aiguë ne sont pas sensibles à l’administration de D-pénicillamine.

L’absence d’amélioration rapide de l’insuffisance hépatique et/ou l’apparition d’une encéphalopathie doivent conduire à prendre la décision d’une transplantation en urgence.

E - SYNDROME DE BUDD-CHIARI :

Chez un malade ayant une insuffisance hépatique aiguë secondaire à un syndrome de Budd-Chiari, le diagnostic de thrombose des veines sus-hépatiques doit conduire à débuter rapidement un traitement anticoagulant à doses efficaces.

Ce traitement a pour but de prévenir l’extension de la thrombose et de favoriser la résorption spontanée du caillot.

Chez les malades pour qui le diagnostic est fait précocement (quelques heures après la survenue de la thrombose), un traitement fibrinolytique par voie systémique ou locale peut être discuté.

Il a en effet été observé occasionnellement une lyse du thrombus après l’administration de fibrinolytiques.

Toutefois, dans la grande majorité des cas, le diagnostic de syndrome de Budd-Chiari est établi plusieurs jours après le début des premières manifestations et dans ce cas les fibrinolytiques sont inefficaces.

Transplantation hépatique :

La transplantation hépatique en urgence reste actuellement le seul moyen qui permette de corriger efficacement et durablement les formes les plus graves d’insuffisance hépatique aiguë, celles qui risquent de s’accompagner du décès en quelques heures ou quelques jours.

La transplantation ne peut être réalisée que si l’on dispose rapidement d’un greffon hépatique et d’une équipe chirurgicale expérimentée dans ce domaine.

A - INDICATIONS :

Lorsque l’on a pris la décision d’une transplantation hépatique en urgence, le délai d’obtention d’un greffon est imprévisible.

En France, la plupart des malades reçoivent actuellement un greffon dans les 48 premières heures qui suivent l’inscription sur la liste d’attente.

Les trois principaux facteurs qui doivent être pris en compte pour la décision de transplantation sont : le délai d’obtention du greffon, la probabilité d’une guérison spontanée sans transplantation et le risque opératoire (d’autant plus élevé qu’il existe une hypertension intracrânienne majeure et/ou une défaillance multiviscérale au moment de l’intervention).

Si l’on prend la décision de transplantation à un stade précoce de l’insuffisance hépatique, on diminue le risque de décès du malade avant qu’il ait été possible d’obtenir un greffon, et on réduit le risque opératoire ; en contrepartie, on augmente le risque de transplanter par excès un malade qui aurait guéri spontanément, sans transplantation.

Si l’on prend la décision de transplantation à un stade tardif de l’insuffisance hépatique, on diminue le risque de transplanter un malade qui aurait guéri spontanément ; en contrepartie, on diminue les chances d’obtenir un greffon avant le décès, et on augmente le risque opératoire car la probabilité d’une hypertension intracrânienne majeure et/ou d’une défaillance multiviscérale au moment de l’intervention est plus élevée.

Les indications de transplantation doivent constituer un compromis optimal entre ces deux extrêmes.

Les critères retenus pour porter l’indication de transplantation ont été établis par l’analyse rétrospective de malades atteints d’insuffisance hépatique aiguë.

On sait en particulier que l’existence d’une encéphalopathie se manifestant par une confusion ou un coma, associée à une diminution du facteur V au-dessous de 20 % chez des sujets de moins de 30 ans, et au-dessous de 30 % chez des sujets de plus de 30 ans, prédit le décès en l’absence de transplantation dans 90 % des cas environ.

Ces critères sont habituellement retenus pour porter l’indication de transplantation.

À partir du moment où ils sont présents, le risque de transplanter par excès des malades qui auraient guéri spontanément est de l’ordre de 10 %.

Occasionnellement, les critères de transplantation peuvent être modulés en fonction de la cause de l’insuffisance hépatique.

Ainsi, on peut être amené à prendre la décision un peu plus tôt pour des causes dont le pronostic est particulièrement défavorable (telles que les hépatites médicamenteuses immunoallergiques). Inversement, on peut être amené à prendre la décision un peu plus tard pour des causes dont le pronostic est le plus souvent favorable (telles que les hépatites A).

B - TECHNIQUES :

La transplantation peut être réalisée selon deux techniques différentes : la transplantation orthotopique totale, au cours de laquelle l’exérèse du foie natif est réalisée dans sa totalité ; la transplantation orthotopique auxiliaire, au cours de laquelle une partie du foie natif est laissée en place.

Le plus souvent, on choisit un greffon compatible dans les groupes sanguins ABO.

Cependant, chez les malades dont l’état neurologique est particulièrement grave, l’urgence peut conduire à utiliser un greffon incompatible dans les groupes sanguins ABO.

Dans ce cas, il existe un risque (de l’ordre de 25 %) de rejet hyperaigu très précoce, pouvant entraîner rapidement la perte fonctionnelle du greffon. Plus à distance de la transplantation, il existe un risque élevé de rejet chronique (de l’ordre de 50 %).

1- Transplantation orthotopique totale :

Cette technique est celle qui est le plus souvent utilisée.

Le premier temps consiste à réaliser l’exérèse complète du foie natif (hépatectomie totale).

L’hépatectomie peut emporter le segment de veine cave rétrohépatique dans son ensemble (ce qui impose le clampage total de la veine cave jusqu’à l’implantation du greffon), ou au contraire préserver ce segment de veine cave en n’emportant que l’abouchement des veines sus-hépatiques.

Le clampage total de la veine cave s’accompagne le plus souvent d’une diminution du débit cardiaque et d’une hypotension, ce qui, chez un malade atteint d’hypertension intracrânienne, risque de compromettre la perfusion cérébrale.

La conservation de la veine cave, qui permet d’éviter le clampage total de la veine cave, est donc mieux adaptée au cas particulier des insuffisances hépatiques aiguës.

Le second temps de l’intervention consiste à mettre en place le greffon à la place du foie natif et à réaliser une anastomose entre l’abouchement des veines sus-hépatiques ou la veine cave du greffon avec la veine cave inférieure native.

Le troisième temps de l’intervention consiste à anastomoser les éléments anatomiques situés à la face inférieure du greffon : veine porte, artère hépatique et voie biliaire.

2- Transplantation auxiliaire :

Cette technique consiste à transplanter un greffon hépatique entier ou (plus souvent) partiel, tout en laissant en place une partie du foie natif.

Le principe de cette technique repose sur le fait suivant : après que l’insuffisance hépatique ait été corrigée par le greffon, la partie restante du foie natif peut régénérer.

Si la régénération du foie natif est suffisante, le traitement immunosuppresseur nécessaire à la tolérance immunitaire de greffon peut être interrompu.

Le premier temps de la transplantation auxiliaire consiste à réaliser une hépatectomie partielle du foie natif.

Le second temps consiste à implanter la partie complémentaire du greffon en position orthotopique.

Si l’exérèse a emporté la partie gauche du foie natif (lobectomie gauche), on implante la partie gauche du greffon (foie gauche).

Si l’exérèse a emporté la partie droite du foie natif (hépatectomie droite), on implante la partie droite du greffon (lobe droit).

Comme pour la transplantation orthotopique totale, le troisième temps de l’intervention consiste à anastomoser les éléments anatomiques situés à la face inférieure du greffon : veine porte, artère hépatique et voie biliaire.

La branche portale correspondant au greffon (droite ou gauche) est anastomosée au tronc porte natif.

La continuité biliaire est habituellement assurée par une anastomose biliodigestive.

Une autre technique de transplantation auxiliaire consiste à implanter le greffon non pas en position orthotopique mais en position hétérotopique, le plus souvent dans la région soushépatique.

L’espace y étant limité, il est le plus souvent nécessaire de réduire la taille du greffon.

La veine porte du greffon est anastomosée à la veine porte du receveur de façon terminolatérale. Dans ce cas, l’ensemble du foie natif est laissé en place.

La transplantation hétérotopique auxiliaire a été presque totalement abandonnée du fait du manque d’espace disponible pour le greffon (source de compressions) et de la complexité des anastomoses vasculaires.

L’avantage majeur de la transplantation auxiliaire par rapport à la transplantation totale est de conserver la possibilité de régénération du foie natif.

Cette technique comporte cependant plusieurs inconvénients :

– la durée de l’intervention est allongée par le temps nécessaire à l’hépatectomie partielle et à la réduction de la taille du greffon ; la réduction de la taille du greffon prolonge la durée de l’ischémie froide et diminue la masse de parenchyme hépatique fonctionnel ; elle peut donc en théorie compromettre le fonctionnement du greffon ;

– le risque chirurgical est accru par la présence de deux tranches de section (qui sont une source potentielle d’hémorragies) et d’anastomoses vasculaires complexes (qui sont une source potentielle de thromboses) ;

– le flux sanguin portal est partagé entre le foie natif et le greffon, ce qui peut limiter à la fois la rapidité avec laquelle le greffon devient fonctionnel et la régénération du foie natif ; la nature des phénomènes de compétition entre le foie natif et le greffon n’est pas connue avec précision.

L’immunosuppression nécessaire à la tolérance du greffon est identique, qu’il s’agisse d’une transplantation auxiliaire ou d’une transplantation totale.

À distance de la transplantation, la présence concomitante du greffon et du foie natif rend difficile l’interprétation des tests hépatiques dont les anomalies peuvent être liées à un dysfonctionnement de l’un ou de l’autre.

De ce fait, on a plus fréquemment recours à une biopsie du greffon au cours de la transplantation auxiliaire qu’au cours de la transplantation totale.

Outre la réalisation de biopsies, on peut estimer le fonctionnement respectif du greffon et du foie natif par deux examens non invasifs : la scintigraphie hépatique et la volumétrie (estimation du volume à partir de coupes tomodensitométriques).

La régénération du foie natif est marquée par une augmentation progressive de la captation et de l’excrétion biliaire du traceur radioactif en scintigraphie, ainsi qu’une augmentation du volume en tomodensitométrie.

Le rejet du greffon est marqué par une diminution de la captation et de l’excrétion biliaire.

Si l’on estime que la régénération du foie natif est suffisante et que le greffon n’est plus indispensable, on peut arrêter progressivement le traitement immunosuppresseur.

Des lésions de rejet chronique se développent alors sur le greffon et ont pour conséquence l’atrophie progressive de ce dernier.

On peut aussi procéder à l’interruption brutale du traitement immunosuppresseur et à l’exérèse chirurgicale du greffon.

Si l’on estime que la régénération est insuffisante, il est nécessaire de maintenir le traitement immunosuppresseur, comme pour une transplantation classique.

Les éléments de gravité qui conduisent à décider la transplantation au cours d’une insuffisance hépatique aiguë (encéphalopathie et baisse des facteurs de coagulation) sont identiques, qu’il s’agisse d’une transplantation totale ou d’une transplantation auxiliaire.

Les critères qui conduisent à choisir la transplantation auxiliaire plutôt que la transplantation totale sont : l’âge du malade (inférieur à 50 ans), l’absence de défaillance autre que l’insuffisance hépatique (en particulier l’absence d’insuffisance rénale sévère ou de défaillance circulatoire), l’absence de maladie chronique du foie sous-jacente et la disponibilité d’un greffon de bonne qualité.

En plus de ces critères, on tend à favoriser la transplantation auxiliaire pour certaines causes d’insuffisance hépatique ayant un potentiel de régénération élevé (hépatites au paracétamol et hépatites virales A ou B).

Au contraire, on tend à favoriser la transplantation totale pour certaines causes d’insuffisance hépatique ayant un faible potentiel de régénération (hépatites médicamenteuses immunoallergiques).

C - RÉSULTATS :

L’espérance de vie 1 an après une transplantation totale pour insuffisance hépatique fulminante ou subfulminante varie selon les séries de 50 à 70 %. La mortalité s’observe principalement dans le premier mois qui suit la transplantation.

Elle est essentiellement liée à des complications neurologiques résultant de l’hypertension intracrânienne (celle-ci peut en effet persister dans les 24 à 48 heures qui suivent la transplantation, même si le greffon est fonctionnel) et à des infections bactériennes graves.

Au-delà du premier mois qui suit la transplantation, la courbe de survie a tendance à s’horizontaliser et à devenir parallèle à celle des malades transplantés pour une affection chronique.

Ces résultats suggèrent les remarques suivantes :

– bien que le greffon auxiliaire apporte au malade une quantité de parenchyme fonctionnel inférieure à celle d’une transplantation totale, cette quantité est habituellement suffisante pour corriger rapidement l’insuffisance hépatique ;

– les complications chirurgicales semblent un peu plus fréquentes qu’au cours des transplantations totales ; les principales complications chirurgicales sont les thromboses portales et artérielles ;

– la régénération du foie natif n’est pas toujours suffisante pour qu’il soit à nouveau autonome ; une régénération suffisante du foie natif semble plus fréquente lorsque la maladie causale s’est développée dans un intervalle de temps court ; ainsi, elle est plus fréquente en cas d’hépatite fulminante qu’en cas d’hépatite subfulminante ;

– la régénération peut demander plusieurs mois, voire plusieurs années.

Au total, du fait de la possibilité fréquente d’un arrêt complet et définitif du traitement immunosuppresseur, la transplantation auxiliaire, lorsqu’elle est réalisable, devrait être préférée à la transplantation totale.

Foie bioartificiel :

A - PRINCIPES :

Il est techniquement plus difficile de remplacer artificiellement les multiples fonctions de synthèse, de transformation métabolique et d’excrétion du foie que de remplacer artificiellement les fonctions du rein.

Les premiers essais ont consisté à utiliser des systèmes de filtration du plasma comparables à ceux qui sont employés en hémodialyse.

Ces systèmes ont été essayés au cours de l’insuffisance hépatique, en raison du principe selon lequel l’encéphalopathie et l’oedème cérébral sont liés, au moins en partie, à la présence dans le sang de substances toxiques, normalement éliminées par le foie.

Dans le but d’éliminer artificiellement ces substances, on a donc réalisé une épuration plasmatique extracorporelle, soit avec des membranes semi-perméables (polyacrylonitrile), soit sur des colonnes de charbon (qui ont la propriété d’adsorber certaines des molécules hypothétiquement impliquées dans l’encéphalopathie).

Une amélioration transitoire de l’encéphalopathie a été observée dans quelques cas, mais sans amélioration de la survie.

Ces techniques d’épuration plasmatique extracorporelle ont été presque totalement abandonnées.

L’épuration plasmatique isolée ne semblant pas à elle seule capable d’améliorer la survie des malades atteints d’insuffisance hépatique aiguë, on a cherché à lui associer des fonctions de synthèse et de transformation métabolique proches de celles des hépatocytes normaux.

Selon ce principe, il a été élaboré, au cours des dernières années, des « foies bioartificiels hybrides », associant un dispositif d’épuration à un dispositif assurant la synthèse et le métabolisme.

B - FOIE BIOARTIFICIEL HYBRIDE :

Le moyen le plus simple de remplacer artificiellement la fonction de synthèse et de transformation métabolique du foie est d’utiliser des hépatocytes fonctionnels en culture.

Il peut s’agir d’hépatocytes soit humains, soit animaux.

Le principal obstacle à l’utilisation d’hépatocytes en culture est qu’ils se dédifférencient rapidement (en quelques jours) et perdent alors leurs fonctions spécifiques.

Pour prolonger la durée de la différenciation, on peut avoir recours à l’adjonction, dans le milieu de culture, de facteurs de croissance, de composants de la matrice extracellulaire, ou d’une matrice artificielle.

On peut également avoir recours à des hépatocytes humains immortalisés (hépatocytes d’hépatoblastome bien différencié).

Les hépatocytes humains transformés ont l’avantage de ne pas induire de rejet xénogénique (rejet dirigé contre molécules provenant d’espèces différentes), d’avoir des propriétés métaboliques proches de celles des hépatocytes humains normaux, et de pouvoir être cultivés avec des densités élevées (du fait de l’absence d’inhibition de contact).

Ils ont l’inconvénient de pouvoir induire un cancer chez le malade perfusé en cas de passage accidentel dans la circulation sanguine, et d’avoir, in vitro, des capacités métaboliques plus faibles que celles des hépatocytes de porc.

En pratique, les hépatocytes sont disposés à la surface de microsphères enrobées de collagène et éventuellement inclus dans un gel biologique.

L’ensemble peut être conservé par cryopréservation jusqu’à l’utilisation du foie bioartificiel.

Les échanges entre le sang ou le plasma et les hépatocytes peuvent se faire au moyen de cartouches de fibres creuses, disposées en faisceaux parallèles.

Leurs parois, constituées par une membrane semi-perméable, délimitent un compartiment interne et un compartiment externe.

Dans un des compartiments on dispose les hépatocytes en culture, et dans l’autre on fait circuler le sang ou le plasma. Pour disposer d’une capacité fonctionnelle suffisante chez l’homme, on a estimé qu’il était nécessaire d’introduire 200 à 400 g d’hépatocytes dans chaque dispositif.

C - RÉSULTATS :

Les meilleures preuves de l’intérêt potentiel du foie bioartificiel hybride proviennent actuellement d’études réalisées à partir de modèles expérimentaux d’insuffisance hépatique chez l’animal.

Il a en effet été montré par une étude contrôlée que l’utilisation d’un foie bioartificiel contenant des hépatocytes de porc, chez des porcs ayant une insuffisance hépatique aiguë, permettait d’obtenir une amélioration neurologique et un allongement de la survie.

Cet effet n’était pas retrouvé lorsqu’un système identique en tous points, mais ne comportant pas d’hépatocytes, était utilisé, démontrant ainsi que la présence de ces cellules dans le circuit est indispensable.

Jusqu’à présent, deux principaux modèles de foie bioartificiel hybride ont été évalués chez l’homme : le premier modèle comporte des hépatocytes de porc (bioartificial liver [BAL]), le second modèle comporte des hépatocytes humains transformés (extracorporeal liver assist device [ELAD]).

Les principaux effets biologiques de ces deux modèles sont une diminution de la concentration plasmatique des acides biliaires circulants et une augmentation de la concentration de certains acides aminés.

Il n’a pas été observé de modifications de la concentration de certaines cytokines (interféron c, interleukine 6, interleukine 2, tumor necrosis factor [TNF] alpha).

L’influence respective de ces modifications biologiques sur les effets cliniques du foie bioartificiel n’est pas connue.

Ces résultats appellent plusieurs remarques :

– le foie bioartificiel a été le plus souvent utilisé pendant la période d’attente d’une transplantation en urgence ;

– il a souvent été observé une amélioration transitoire de l’état neurologique au décours de l’utilisation du foie bioartificiel ;

– il a parfois été observé une diminution transitoire de la pression intracrânienne ;

– la plupart des malades ont dû être transplantés après l’utilisation du foie bioartificiel.

Au total, il est impossible de déterminer clairement les effets du foie bioartificiel chez l’homme.

Les résultats préliminaires de la seule étude contrôlée réalisée à ce jour suggèrent que son utilisation n’augmente pas le pourcentage de guérison spontanée et n’améliore pas la survie chez des malades atteints d’hépatite fulminante ou subfulminante et ayant les critères habituels de la transplantation (33 % chez les malades traités versus 25 % chez les malades non traités).

Même si des résultats attractifs ont été obtenus avec des modèles animaux, il reste donc à déterminer si un foie bioartificiel permet, chez l’homme, de diminuer le risque de décès en attendant une transplantation en urgence et s’il permet d’augmenter les chances de guérison spontanée en l’absence de transplantation.

Enfin, il persiste des incertitudes sur la possibilité de transmettre des maladies infectieuses (en particulier virales) d’origine animale (zoonoses) à l’homme, par l’intermédiaire d’hépatocytes porcins.

Perspectives thérapeutiques :

Outre la transplantation auxiliaire et le foie bioartificiel, certaines techniques pourraient à l’avenir contribuer au traitement des malades atteints d’hépatite fulminante ou subfulminante.

Il s’agit de l’hypothermie, de la xénoperfusion et de l’utilisation d’agents antiapoptotiques.

A - HYPOTHERMIE :

Des essais réalisés avec des modèles animaux d’insuffisance hépatique aiguë ont montré qu’une hypothermie modérée permet de réduire l’hypertension intracrânienne liée à l’oedème cérébral.

Une étude pilote consistant à induire une hypothermie modérée (32-33 °C) chez des sujets atteints d’insuffisance hépatique aiguë et ayant une hypertension intracrânienne résistante aux traitements habituels a été réalisée récemment.

L’hypothermie obtenue au moyen de couvertures refroidissantes s’est accompagnée d’une diminution significative de la pression intracrânienne (de 45 à 16 mmHg en moyenne), ainsi que d’une augmentation de la pression de perfusion cérébrale, d’une diminution du débit sanguin cérébral et d’une diminution du débit cardiaque.

Chez les malades qui n’ont pas été transplantés, cet effet a disparu lorsque le refroidissement a été interrompu.

Les mécanismes par lesquels l’hypothermie s’accompagne d’une diminution de la pression intracrânienne sont incertains.

Un des mécanismes pourrait être un ralentissement du métabolisme conduisant à la production d’ammoniaque, composé dont la concentration sanguine est élevée au cours de l’insuffisance hépatique et qui semble jouer un rôle important dans l’oedème cérébral.

Ces résultats suggèrent fortement que l’induction d’une hypothermie modérée pendant la période d’attente d’un greffon devrait diminuer le risque de décès avant la transplantation.

Chez les malades pour lesquels il n’existe pas de perspective de transplantation, on ne sait pas si l’induction d’une hypothermie plus prolongée pourrait améliorer la survie.

B - XÉNOPERFUSION EXTRACORPORELLE :

Plutôt que d’utiliser des circuits de perfusion extracorporelle complexes comportant des hépatocytes en culture, certaines équipes ont proposé de réaliser directement une perfusion extracorporelle avec un foie entier d’animal prélevé et conservé dans les conditions d’un prélèvement d’organe chez l’homme.

Cette technique consiste à réaliser un circuit extracorporel avec un foie d’animal (porcin le plus souvent), perfusé avec un débit, une pression et une température proches de la normale.

Une étude contrôlée chez des animaux atteints d’insuffisance hépatique aiguë expérimentale a montré récemment qu’une telle perfusion permettait d’améliorer significativement la survie.

Il faut toutefois noter que dans ce modèle, la perfusion extracorporelle du foie était précédée de la transplantation d’un rein provenant de la même espèce que celle du foie afin d’épurer les anticorps antiespèces préformés et de limiter ainsi la réaction immunitaire du rejet xénogénique.

Une technique comparable a été utilisée à titre expérimental chez l’homme dans l’attente d’une transplantation allogénique.

Il s’agissait dans ce cas d’un foie de porc. Dans cette série, quatre malades ont été traités dont un a été transplanté en urgence et a survécu, les trois autres sont décédés.

Chez les quatre malades, la perfusion extracorporelle du foie de porc a été suivie d’une amélioration neurologique transitoire et modeste.

Cette technique est en théorie plus simple à utiliser que le foie bioartificiel et pourrait avoir une efficacité comparable.

Elle est toutefois limitée par la réaction immunitaire du malade vis-à-vis du foie xénogénique qui peut conduire en quelques heures à la destruction de foie perfusé, ainsi que par un risque de transmission des maladies infectieuses de l’animal à l’homme.

C - INHIBITEURS DE L’APOPTOSE :

La destruction massive des hépatocytes qui conduit à l’insuffisance hépatique aiguë semble être fréquemment liée, au moins en partie, à des phénomènes d’apoptose. L’apoptose est une mort cellulaire programmée.

Au cours des hépatites virales et médicamenteuses en particulier, l’apoptose peut être induite par différents types de signaux cellulaires (par l’intermédiaire des lymphocytes T cytotoxiques) ou humoraux (par l’intermédiaire de médiateurs tels que le TNF-alpha.

Un des moyens de prévenir l’apparition ou l’aggravation de l’insuffisance hépatique au cours d’une hépatite aiguë pourrait être d’inhiber l’apoptose.

L’inhibition de l’apoptose pourrait être obtenue soit par l’utilisation d’agents antiapoptotiques, soit par le transfert de gènes conférant une résistance à l’apoptose (tels que le gène bcl-2) dans les hépatocytes encore intacts.

À ce jour, un tel traitement n’a jamais été essayé chez l’homme.

Conclusion :

Il n’existe pas de traitement médical efficace de l’insuffisance hépatique (en dehors de quelques causes rares), ni de l’oedème cérébral qui l’accompagne.

Dans la plupart des cas, la prise en charge médicale consiste donc à prévenir les complications et à maintenir une situation favorable à une régénération hépatique rapide, condition essentielle à la guérison.

Lorsque ces objectifs ne peuvent pas être atteints, la transplantation hépatique en urgence reste le traitement de référence.

Bien qu’elle améliore notablement la survie, la transplantation totale a l’inconvénient de supprimer toute possibilité de régénération ultérieure, et par conséquent, de conduire à un traitement immunosuppresseur au long cours.

La transplantation auxiliaire qui, dans une population sélectionnée de malades, permet de pallier ces inconvénients, devrait toujours être envisagée lorsqu’elle est réalisable.

Il n’existe pas actuellement de support artificiel des fonctions hépatiques dont l’efficacité et l’innocuité soient reconnues.

Le foie bioartificiel constitue la perspective la plus attractive. Il pourrait permettre d’allonger le délai d’attente d’un greffon et, plus hypothétiquement, d’attendre une régénération spontanée.

Des modèles animaux suggèrent fortement que le foie bioartificiel pourrait répondre, au moins en partie, à ces objectifs. Toutefois, l’efficacité du foie bioartificiel n’est pas démontrée chez l’homme.

Enfin, la possibilité de transmission de zoonoses par les cellules animales utilisées dans ces systèmes nécessite des investigations plus poussées.

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