Traitement de l’infection par le virus de l’hépatite B Cours d'Hépatologie
Introduction
:
Plus de 300 millions d’individus dans le monde sont porteurs
chroniques du virus de l’hépatite B (VHB).
En Asie et en Afrique,
l’infection est contractée le plus souvent pendant l’enfance par
transmission périnatale ou par contact familial étroit.
Dans les pays
occidentaux, l’infection se propage essentiellement au cours de la
vie adulte, par les rapports sexuels ou l’exposition au sang (piqûre
accidentelle ou toxicomanie intraveineuse).
La cirrhose est une
complication fréquente de l’hépatite B chronique avec risque de
développer une hypertension portale et une insuffisance
hépatocellulaire.
Par ailleurs, l’infection chronique virale B favorise,
via la cirrhose le plus souvent, le développement du cancer primitif
du foie, le carcinome hépatocellulaire (CHC).
Le but du traitement de l’hépatite B est d’intervenir le plus
précocement possible au cours de l’histoire naturelle de la maladie
afin de prévenir cette évolution péjorative.
Nous allons envisager ici
les diverses modalités thérapeutiques disponibles, et leur place dans
la stratégie thérapeutique actuelle.
Histoire naturelle de l’infection
par le virus de l’hépatite B :
De nombreux arguments suggèrent que le VHB n’est pas
directement cytopathogène, et l’atteinte hépatocytaire est probablement induite par la réponse immunitaire à médiation
cellulaire.
Lors de l’infection virale B aiguë, près de 75 % des
patients sont asymptomatiques ou paucisymptomatiques.
Seulement
1 % développent une hépatite fulminante, tandis que 90 à 95 %
guérissent sans séquelles.
Seulement 5 à 10% évoluent vers la
chronicité.
Bien que de nombreux patients restent asymptomatiques,
il existe une grande hétérogénéité clinique et histopathologique témoignant
d’interactions complexes entre le virus, la réponse immunitaire de
l’hôte et différents facteurs associés (co-infection par le virus de
l’immunodéficience humaine, par les virus des hépatites C ou delta,
prise de médicaments cytotoxiques, immunosuppresseurs ou
glucocorticoïdes, consommation d’alcool).
L’infection virale B chronique associée à une atteinte histologique nécrotico-inflammatoire et fibrosante
définit l’hépatite B chronique.
Trois étapes
caractérisent classiquement la progression de la maladie :
– première étape de tolérance immunitaire avec réplication virale
importante et faible agressivité nécrotico-inflammatoire hépatique
(dure de 1 à 15 ans) ;
– deuxième étape (durée très variable) d’élimination des hépatocytes
infectés ou de clairance immune avec agressivité histologique nécrotico-inflammatoire importante, avec décroissance de la
réplication virale, disparition de l’Ag HBe et apparition des
anticorps (Ac) anti-HBe ;
– troisième étape résolutive séquellaire avec réplication virale faible
(virémie détectable uniquement par amplification génique de type
polymerase chain reaction [PCR]), intégration de l’acide
désoxyribonucléique (ADN) viral dans le génome hépatocytaire et
disparition des lésions nécrotico-inflammatoires, alors que
s’observent les lésions hépatiques séquellaires plus ou moins
sévères, et notamment de fibrose et de cirrhose.
Dans une proportion croissante de cas (15 à 80 %) et sous la pression
immunologique anti-HBe, des souches virales B mutées dans le gène du précore/core (mutants pré-C) apparaissent tardivement après la
disparition de l’Ag HBe et la séroconversion anti-HBe.
L’apparition des mutants pré-C est reflétée par l’absence de
production d’Ag HBe et la persistance des Ac anti-HBe malgré une
réplication virale réelle (virémie détectable).
L’hépatopathie est alors
caractérisée par des fluctuations récurrentes de la virémie et du taux
d’alanine aminotransférases (ALAT), et son évolution est souvent
plus sévère.
Au stade de cirrhose, le pronostic reste bon en l’absence de
décompensation : 84 % de survie à 5 ans et 68 % à 10 ans ; risque de
décompensation hépatique de 23 % à 5 ans et 37 % à 10 ans.
L’arrêt
de la réplication virale et/ou la normalisation du taux d’ALAT sont
associés à un meilleur pronostic.
Le pronostic s’aggrave nettement
au stade de cirrhose décompensée : 25 % de survie à 5 ans après le
premier épisode de décompensation.
Le CHC se développe
principalement sur des lésions de cirrhose, bien qu’une simple hépatite chronique non cirrhotique et peu agressive puisse être
suffisante pour en favoriser le développement.
Base physiopathologique
du traitement antiviral
:
Le VHB a un tropisme essentiellement hépatocytaire.
Après
interaction avec son récepteur cellulaire, le virus pénètre dans le
cytoplasme de l’hépatocyte, où il subit un phénomène de déshabillage.
Le génome viral est transporté vers le noyau où
il est transformé en ADN superenroulé.
Cet ADN viral extrachromosomique est la matrice de la transcription des acides
ribonucléiques (ARN) messagers viraux qui sont traduits en
protéines virales.
L’un de ces ARN messagers, l’ARN prégénomique,
est encapsidé dans le cytoplasme avec la polymérase virale.
Il
s’ensuit une étape de transcription inverse de l’ARN en ADN de
polarité négative, puis une activité ADN polymérase ADNdépendante
permet la synthèse de l’ADN de polarité positive.
Les
capsides, une fois arrivées à maturation, peuvent suivre deux voies
différentes :
– recyclage vers le noyau pour amplifier la formation initiale
d’ADN superenroulé ;
– ou enveloppement et sécrétion sous forme de virions infectieux,
qui pourront alors infecter de nouveaux hépatocytes.
Le taux spontané d’erreurs de la transcriptase inverse est à l’origine
de la diversification du génome viral, mécanisme à l’origine de la
sélection de souches virales mutantes, qui diffèrent des souches
sauvages quant à leur niveau de réplication et/ou leur immunogénicité au cours de l’histoire naturelle de l’infection
chronique par le VHB.
La réplication virale n’est pas associée à un effet cytopathogène, et
l’hépatocyte infecté, s’il n’est pas la cible de l’agression des cellules
immunitaires, a une demi-vie physiologique d’environ 100 jours.
La
persistance de l’infection chronique à l’échelon cellulaire est assurée
par l’ADN superenroulé.
Les différents modèles d’études in vitro et
in vivo chez l’animal ont montré que pour obtenir l’élimination
virale, l’action concertée de plusieurs mécanismes était nécessaire :
– la lyse des cellules infectées par les lymphocytes T cytotoxiques ;
– l’activité antivirale des cytokines de type TH1 (interféron gamma, TNF-alpha et interleukine 12) ;
– le renouvellement hépatocytaire, la division des hépatocytes
infectés entraînant probablement la désintégration des
nucléocapsides et de l’ADN superenroulé lors de la mitose.
Lorsqu’un équilibre se constitue entre la réplication virale,
permettant d’entretenir l’infection de nouvelles cellules, et les
mécanismes immunitaires et cellulaires impliqués dans l’élimination virale, des lésions hépatocytaires chroniques se développent pour
aboutir au développement de l’hépatite chronique.
Ces données
impliquent que les meilleurs candidats à un traitement antiviral sont
les patients présentant une réplication virale de faible intensité et
une réponse immunitaire vigoureuse.
Cependant le traitement
antiviral, qu’il soit inhibiteur de la réplication ou immunomodulateur,
exerce une pression de sélection sur le virus, qui peut
être à l’origine de la sélection de mutants d’échappement au
traitement.
Traitement de l’hépatite B chronique
:
A - INTERFÉRON ALPHA
:
1- Généralités
:
L’interféron alpha (IFN
alphalpha) est une cytokine qui présente plusieurs
types d’activités dans le traitement de l’hépatite B :
– activité antivirale directe ;
– activité immunostimulante (activation des lymphocytes
cytotoxiques et des cellules natural killer (NK), et augmentation de
l’expression des humans leucocytes antigens (HLA) de classe I sur la
membrane des cellules infectées).
Seuls les patients porteurs d’une hépatite B chronique avec des
marqueurs de réplication virale, une augmentation du taux d’ALAT
et des signes histologiques d’agressivité, sont des candidats
potentiels à un traitement antiviral.
L’efficacité thérapeutique de
l’IFN alphalpha est dépendante de la dose administrée.
La posologie
habituellement recommandée d’interféron alpha 2a ou 2b
recombinant est 4,5 à 5 millions d’unités trois fois par semaine
pendant 6 mois, ou 5 millions d’unités quotidiennes à 10 millions
d’unités trois fois par semaine pendant 4 mois.
Les facteurs
prédictifs de réponse thérapeutique sont :
– taux d’ALAT élevé entre deux et quatre fois la valeur limite
supérieure de la normale ;
– virémie basse (< 50 pg/mL) ;
– absence de mutation virale pré-C ;
– absence d’immunosuppression ;
– absence de cirrhose et/ou de décompensation hépatique.
D’autre part, dans une autre étude, il a été montré que les patients
infectés par un génotype A du VHB répondaient mieux au
traitement par IFN alphalpha que les patients infectés par un autre
génotype.
2- Interféron alpha et hépatite B chronique
:
Chez les patients porteurs d’une hépatite B chronique positive pour
l’Ag HBe, plusieurs essais cliniques ont montré que l’IFN alphalpha induit
l’élimination de l’Ag HBe dans 30 à 50 % des cas versus 5 à 10% en
l’absence de traitement.
La perte de l’Ag HBe et l’apparition
des Ac anti-HBe, encore appelée séroconversion anti-HBe, est
souvent accompagnée d’une normalisation du taux d’ALAT et d’une
disparition de l’ADN VHB sérique (par des tests peu sensibles
d’hybridation moléculaire).
À long terme, les études longitudinales
ont montré que la disparition de l’Ag HBe sous IFN alphalpha est souvent
suivie :
– d’une amélioration de l’histologie hépatique ;
– d’un risque peu important de réactivation virale ;
– d’une amélioration clinique avec diminution du risque de CHC et
de la mortalité.
Ultérieurement, les patients peuvent perdre l’Ag HBs circulant, ainsi
que toute trace de virémie (tests sensibles d’amplification génique
de type PCR négatifs).
Cependant, l’IFN
alphalpha peut parfois aggraver brutalement et
transitoirement l’hépatite B chronique au moment de la
séroconversion anti-HBe.
Cet événement est caractérisé par une augmentation du taux d’ALAT alors que la virémie devient
indétectable par des tests d’hybridation moléculaire.
Cette
complication est le résultat d’une activation du système
immunitaire, qui induit la lyse d’un nombre important
d’hépatocytes infectés.
Au cours de cette phase, les patients peuvent
décompenser leur hépatopathie (encéphalopathie hépatique, ascite,
hémorragie digestive…).
3- Interféron alpha et cirrhose virale B
:
Dans la cirrhose virale B compensée positive pour l’Ag HBe,
plusieurs études randomisées ont permis de montrer que l’IFN alphalpha
peut induire l’élimination de l’Ag HBe, bien qu’à une fréquence
moindre par rapport aux patients non cirrhotiques.
Les études
longitudinales ont confirmé que la séroconversion anti-HBe a le
même impact pronostique que chez les patients non cirrhotiques :
– la fréquence des réactivations virales est faible ;
– la clairance de l’Ag HBe est habituellement suivie d’une
normalisation du taux d’ALAT ;
– cet effet est associé à un bénéfice sur les scores histologiques
inflammatoires, une amélioration de l’évolution clinique et une
diminution de la mortalité (43 % versus 2 % après 10 ans de suivi,
p = 0,018).
De façon remarquable, il a été rapporté dans certaines études que
cela pouvait se traduire par une diminution de l’incidence du CHC
(31 % versus 17 % après 10 ans de suivi ; p = 0,0124), bien que
cela reste très controversé à l’heure actuelle.
Jusqu’alors, les schémas thérapeutiques proposés aux patients
porteurs d’une cirrhose virale B compensée et positive pour l’Ag
HBe, ont été basés sur l’administration d’IFN alphalpha en monothérapie.
Cependant, de nombreux effets secondaires volontiers sévères ont
fortement limité cette approche, ce qui a incité certaines équipes à
réduire les doses d’IFN alphalpha.
Ce problème est encore plus marqué chez
les patients porteurs d’une cirrhose virale B décompensée, pour
lesquels l’administration d’IFN alphalpha est difficile et n’est la plupart du
temps pas recommandée, bien que les fonctions hépatiques puissent
s’améliorer lorsque l’inhibition de la réplication virale est obtenue. Par exemple, Nevens et al ont documenté l’impact
thérapeutique de faibles doses d’IFN alphalpha (1 à 2,5 ou plus rarement 5
millions d’unités trois fois par semaine) chez sept patients porteurs
d’une cirrhose virale B décompensée.
Ce traitement a permis la
clairance de l’ADN VHB circulant chez la plupart des patients
(techniques d’hybridation moléculaire), la disparition de l’Ag HBe
chez quatre des sept patients et l’apparition des Ac anti-HBe chez
trois des sept patients, associée à une décroissance marquée du taux
d’ALAT.
Cependant, les auteurs ont souligné la nécessité d’une
surveillance rapprochée en raison du risque de complications
importantes (hémorragie digestive, aggravation de l’ascite ou de
l’encéphalopathie, survenue de pneumopathies ou récidive de
surinfection du liquide d’ascite).
Dans une autre étude, Perrillo et
al ont confirmé ces résultats, en insistant sur la nécessité de ne
réserver l’IFN alphalpha qu’aux patients porteurs d’une décompensation
mineure.
4- Interféron alpha et transplantation hépatique
pour hépatopathie virale B évoluée
:
Les patients porteurs d’une cirrhose virale B décompensée sont des
candidats potentiels à la transplantation hépatique (TH).
La
complication principale est la récidive de l’infection virale B sur le
greffon, qui a une évolution accélérée en raison de
l’immunosuppression, et grève nettement la survie des patients. Bien
que l’immunoprophylaxie passive par de fortes doses
d’immunoglobulines anti-HBs (Ig anti-HBs) administrées en
post-TH diminue le risque de récidive de l’infection virale B sur le
greffon, celle-ci n’est pas suffisante lorsque la TH est réalisée en
phase de réplication virale active (présence de l’Ag HBe et/ou
d’ADN VHB détectable dans le sang par des techniques
d’hybridation moléculaire dont le seuil de détection est
105 copies/mL).
Par conséquent, quelques équipes ont tenté
d’administrer de l’IFN alpha avant la TH, afin de diminuer le niveau de la réplication du VHB, parfois avec succès.
Par exemple, Tchervenkov et al ont montré que de faibles doses d’IFN
alpha (1 à 3
millions d’unités trois fois par semaine) ont réduit la charge virale B
en pré-TH, ce qui, en association avec des Ig anti-HBs en post-TH, a
permis de prévenir la récidive virale en post-TH chez 13 patients.
Afin de bien souligner l’importance de la clairance virale avant la
TH, Marcellin et al ont comparé 22 patients traités par l’IFN alpha
jusqu’à la TH (1,5 à 3 millions d’unités trois fois par semaine) à 26
patients non traités, les deux groupes recevant une immunoprophylaxie par Ig anti-HBs en post-TH.
La réinfection du
greffon en post-TH a été plus fréquente chez les patients virémiques
en pré-TH (tests d’amplification génique de type PCR) par rapport
aux patients non virémiques (78 % versus 17 %, p < 0,05).
5- Problèmes liés à l’infection par un virus
de l’hépatite B mutant pré-C :
Les mutations dans le gène du core du VHB réduisent ou inhibent
la production d’Ag HBe et favorisent la synthèse d’une protéine de
capside virale mutée, qui peut interférer avec l’activité des
lymphocytes T et affecter profondément la réponse thérapeutique à
l’IFN alpha.
Les objectifs principaux du traitement sont d’obtenir un
contrôle de la réplication virale, d’éviter les exacerbations
récurrentes de l’hépatopathie caractéristiques de l’infection à virus
mutant pré-C, d’améliorer l’histologie hépatique et enfin, si possible,
d’éliminer l’Ag HBs.
Le traitement antiviral doit être envisagé de
façon prolongée.
Les essais contrôlés ont montré que, chez les patients porteurs d’une
hépatite B chronique négative pour l’Ag HBe et associée à un virus
mutant pré-C, l’IFN alpha peut induire la normalisation des ALAT et
inhiber la réplication virale.
Cependant, la réactivation de la maladie
est habituellement la règle après l’arrêt du traitement.
Par
exemple, Lampertico et al ont comparé chez 42 patients porteurs
d’une hépatite B chronique négative pour l’Ag HBe l’administration
d’IFN alpha à la posologie de 6 millions d’unités trois fois par semaine
pendant 24 mois, à une abstention thérapeutique.
En fin de
traitement, 38 % des patients traités avaient des ALAT normales et
une virémie indétectable par des techniques d’hybridation
moléculaire, versus 10 % chez les patients non traités (p < 0,05).
Cependant, la rechute a été fréquente à l’arrêt du traitement, et un
suivi prolongé a permis d’objectiver une persistance de la réponse
biochimique et virologique seulement chez 28 % des patients
initialement traités.
Dans une grande étude rétrospective de 404
patients porteurs d’une hépatite B chronique négative pour l’Ag
HBe, Papatheodoridis et al ont objectivé des résultats meilleurs à
long terme.
En effet dans cette étude, l’administration d’IFN
alpha à la
dose de 3 millions d’unités trois fois par semaine pendant 6 à 12
mois, permettait d’induire une normalisation prolongée du taux
d’ALAT, associée à une amélioration de la survie à long terme (suivi
moyen de 6 ans ; extrêmes 1 à 13,5 ans) :
– évolution vers le décès ou la transplantation (3,5 % versus 12,5 %
en l’absence de réponse prolongée, p = 0,027 ; 3,5 % versus 11,8 % en
l’absence de traitement, p = 0,048) ;
– survenue d’une décompensation hépatique et/ou d’un carcinome
hépatocellulaire (5,3 % versus 15,8 % en l’absence de réponse
prolongée, p = 0,019 ; 5,3 % versus 18,5 % en l’absence de traitement,
p = 0,012).
La cirrhose apparaît, dans la grande majorité des études, comme un
facteur de mauvais pronostic sur la survie des patients porteurs d’une hépatopathie B chronique négative pour l’Ag HBe et associée
à un mutant pré-C (p < 0,0001).
D’autres études ont confirmé les
résultats décevants de l’effet thérapeutique de l’IFN alpha chez ces
patients.
B - LAMIVUDINE
:
1- Généralités
:
La lamivudine est un analogue nucléosidique de type cytidine qui
appartient à la famille des L-nucléosides.
Elle inhibe l’activité
transcriptase inverse du VHB, mais aussi l’activité ADN polymérase
ADN-dépendante de la polymérase virale. Cependant, la lamivudine ne permet pas d’empêcher la formation initiale d’ADN
superenroulé, ni d’éradiquer cette forme d’ADN viral dans un
hépatocyte infecté de façon chronique.
Les études de la cinétique
d’élimination virale sous lamivudine indiquent qu’un traitement prolongé d’au
moins 1 an, voire 5 ans, est nécessaire chez la majorité des
patients pour obtenir une éradication virale complète.
2- Lamivudine et hépatite B chronique
:
L’expérience clinique de la lamivudine est déjà considérable pour le
traitement des patients porteurs d’une hépatite B chronique, aussi
bien dans des essais de phase I, II ou III.
La dose habituellement
utilisée est de 100 à 150 mg par jour par voie orale. Dans les essais
cliniques de phase III prenant en compte des patients Ag HBe
positifs, la lamivudine a été administrée pendant au moins 12 mois.
Dans les différents essais cliniques, la tolérance à la lamivudine a
toujours été excellente.
La lamivudine induit une inhibition de la réplication virale dans 90
à 95 % des cas (virémie indétectable par des tests d’hybridation
moléculaire).
Le taux de séroconversion anti-HBe était de 16 à 18 %
sous lamivudine, identique à celui obtenu sous IFN alpha (19 %), mais
bien supérieur à celui observé chez les patients recevant un placebo
(4 à 6%).
Cependant sous lamivudine, le taux de
séroconversion anti-HBe augmente avec la durée du traitement :
22 % à 1 an, 29 % à 2 ans, 40 % à 3 ans et 47 % à 4 ans.
Le
taux de séroconversion anti-HBe est supérieur chez les patients
ayant un taux d’ALAT supérieur à deux fois la limite supérieure de
la normale en préthérapeutique.
De plus, la lamivudine permet de restaurer les réponses immunitaires
cellulaires CD4 et CD8 en parallèle de la diminution de la charge
virale.
À l’arrêt de la lamivudine, une majorité de patients maintient une
séroconversion anti-HBe prolongée, sans différence significative par
rapport aux patients traités par IFN alpha (83 % versus 87 %).
La décroissance de la virémie est biphasique :
– baisse initiale rapide en dessous du seuil de détection des tests
d’hybridation moléculaire ;
– baisse secondaire plus lente jusqu’à négativation des tests
d’amplification génique de type PCR, et disparition de l’antigène
pré-S1 circulant.
Certains patients peuvent développer une réversion HBe à l’arrêt de
la lamivudine (disparition des Ac anti-HBe et réapparition de l’Ag
HBe), ce qui incite à la plus grande prudence quant à l’arrêt de la
lamivudine, qui ne devra être envisagé qu’aux conditions suivantes :
– séroconversion anti-HBe effective et stable sur un contrôle réalisé
6 mois plus tard ;
– stricte normalité du taux d’ALAT ;
– négativité de la virémie (tests de type PCR) et si possible de
l’antigène pré-S1.
L’inhibition de la réplication virale et la séroconversion anti-HBe
induites par la lamivudine s’accompagnent d’une normalisation du
taux d’ALAT dans 40 à 72 % des cas versus 15 à 17 % avec l’IFN alpha
ou 5 à 24% avec le placebo.
Cette réponse biochimique
est associée à une amélioration histologique, puisque le score total
de Knodell s’améliore chez 38 à 52 % des patients sous lamivudine
administrée pendant 12 mois, versus 23 à 25 % sous placebo
(p < 0,05).
Ce bénéfice histologique porte sur l’activité nécroticoinflammatoire
(50 % versus 25 % sous placebo) et la fibrose, avec
diminution du risque d’évolution vers la cirrhose (1,8 % versus 7,1 %
sous placebo).
Plusieurs essais cliniques évaluant l’efficacité de l’association lamivudine et
IFN alpha n’ont pas permis de démontrer de supériorité
de la bithérapie par rapport à la monothérapie par lamivudine ou
IFN alpha en termes de séroconversion anti-HBe.
Cependant,
d’autres études ont donné des résultats plus encourageants.
Une
étude prospective et randomisée récente portant sur 151 patients a
montré que l’association d’IFN alpha et de lamivudine permettait
d’accroître le taux de séroconversion anti-HBe et la clairance virale
sérique par rapport à la monothérapie par lamivudine (33 % versus
15 % ; p = 0,014), et d’améliorer le score inflammatoire histologique
(46 % versus 27 % ; p = 0,021).
De plus, une étude pilote récente a
montré qu’un traitement séquentiel par lamivudine et IFN alpha
pourrait apporter une réponse virologique et une normalisation des ALAT de façon durable et sans sélection de souches résistantes à la
lamivudine, chez des patients initialement résistants à l’IFN alpha.
D’autres études sont nécessaires pour confirmer la supériorité de la
bithérapie IFN alpha et lamivudine par rapport à la lamivudine utilisée
seule, en termes d’accroissement du taux de séroconversion anti-HBe, de maintien de cette séroconversion dans le temps sans
sélection de souches mutantes pré-C, et dans la prévention de
souches mutantes résistantes à la lamivudine.
3- Formes cliniques particulières
:
* Mutants pré-C
:
Dans un essai multicentrique prenant en compte 125 patients
porteurs d’une hépatite B chronique Ag HBe négative,
l’administration de lamivudine pendant 12 mois a permis d’induire
une normalisation des ALAT et une inhibition de la réplication virale
(tests d’hybridation moléculaire) dans près de deux tiers des cas
versus 5 % dans le groupe témoin (p = 0,001).
Malheureusement,
les réponses à la lamivudine sont transitoires, et une rechute
virologique et biochimique est très fréquente après l’arrêt du
traitement. En effet, le taux de réponse durable après 12 mois de
lamivudine ne dépasse pas 12 à 15 %.
* Cirrhose virale B décompensée
:
La lamivudine a révolutionné le traitement de la cirrhose virale B
décompensée.
Bien que des cas de leucopénie aient été décrits, la lamivudine est mieux tolérée que l’IFN
alpha et sa tolérance est
identique à celle du placebo dans les études prospectives.
L’inhibition de la réplication virale est associée à une amélioration
ou au moins une stabilisation des fonctions hépatiques, avec
bénéfice clinique à long terme pour les patients en attente de TH.
Dans une étude québécoise, près de 80 % de 35 patients porteurs
d’une cirrhose virale B décompensée (10 Child-Pugh de classe B et 25 Child-Pugh de classe C) ont été traités pendant au moins 6 mois
par la lamivudine.
Ce traitement a apporté un bénéfice biochimique
et clinique, avec une amélioration du score de Child-Pugh d’au
moins deux points.
Ces améliorations étaient maximales au bout de
9 à 12 mois de traitement.
Les évolutions terminales et les décès
sont intervenus au cours des 6 premiers mois de traitement,
signifiant que ce délai est critique pour déterminer le pronostic et la
survie des patients.
Ces résultats encourageants ont été confirmés dans d’autres études :
– Yao et al ont étudié 13 cirrhoses B décompensées (neuf Ag HBe
positifs et quatre Ag HBe négatifs) avec une virémie détectable (test
d’hybridation ; seuil de sensibilité 2,5 pg/mL), et ont montré que la
lamivudine était très efficace, en améliorant la décompensation
hépatique sévère avec un recul moyen de 17,5 mois.
Le score de Child-Pugh s’est amélioré dans 69 % des cas, la virémie est devenue
indétectable (test d’hybridation ; seuil de sensibilité 2,5 pg/mL) chez
la plupart des patients, et près de la moitié des patients initialement
Ag HBe positifs a perdu l’Ag HBe au cours du suivi bien qu’il n’y
ait pas eu de séroconversion anti-HBe soutenue ;
– Kapoor et al ont étudié 18 cirrhoses B décompensées (10 Ag HBe
positifs et huit Ag HBe négatifs) avec ADN VHB sérique détectable
(test d’hybridation ; seuil de sensibilité 2,5 pg/mL).
Ils ont montré
que la lamivudine induisait une disparition de la virémie (100 %
des patients après 8 semaines de traitement) et une séroconversion
anti-HBe (30 % des patients), améliorant significativement le taux
d’ALAT et l’évolution clinique.
* Récurrence virale après transplantation hépatique
:
Dans le cadre de la TH, des études préliminaires ont suggéré que
l’administration de lamivudine et/ou d’Ig anti-HBs en post-TH
diminuait le risque de réinfection du greffon.
Dans une étude
initiale, Grellier et al ont objectivé le bénéfice de la lamivudine
administrée pendant 4 semaines en pré-TH et poursuivie pendant
18 à 90 semaines en post-TH, chez 12 patients porteurs d’une
cirrhose virale B décompensée.
Dans cette étude, la lamivudine a
permis de négativer la virémie (tests d’hybridation moléculaire) chez
tous les patients en pré-TH.
En post-TH, la virémie et l’Ag HBs sont
restés indétectables chez neuf patients (suivi moyen de 24 semaines
en post-TH).
Ces résultats soulignent l’intérêt potentiel de la lamivudine dans la prévention de la récurrence virale en post-TH,
bien que le devenir de ces patients à long terme doive être évalué
précisément.
De la même façon, Yao et al ont évalué de façon
prospective neuf patients traités par la lamivudine en pré-TH (durée
moyenne de traitement en pré-TH de 8,6 mois). Huit d’entre eux
ont négativé leur virémie au moment de la TH, et ont reçu en
post-TH de la lamivudine et des Ig anti-HBs.
Aucun signe de
récidive virale n’a été détecté après un suivi moyen de 15,6 mois, et
tous les patients avaient un taux protecteur d’Ac anti-HBs.
Des
résultats similaires ont été notés chez des patients porteurs de
cirrhose virale B décompensée liée à un mutant pré-C.
Le traitement par lamivudine a été évalué également chez les
patients ayant développé une réinfection avérée du greffon par le
VHB après la TH.
Dans ce cas de figure, l’IFN
alpha est généralement
contre-indiqué, et Perrillo et al ont évalué l’impact de la lamivudine
administrée pendant 52 semaines chez 52 patients.
En fin de
traitement, 60 % des patients ont négativé leur virémie, 71 % avaient
un taux d’ALAT normal, 31 % des patients initialement Ag HBe
positifs ont perdu l’Ag HBe, et 6 % ont perdu l’Ag HBs.
Le bénéfice
virologique et biochimique était associé à une amélioration
histologique significative.
Cependant, 27 % des patients ont
développé une résistance à la lamivudine, et près de la moitié
d’entre eux (six/14) ont présenté une détérioration clinique.
4- Résistances virales
:
La lamivudine exerce une forte pression de sélection sur la
réplication du VHB.
L’apparition de souches virales résistantes à la lamivudine est caractérisée par une réascension de la virémie, et est
potentiellement associée à un échec thérapeutique.
Dans les essais
cliniques de phase III, la résistance virale commence à apparaître
après 6 mois d’administration de lamivudine, et augmente avec la durée du traitement antiviral : 16 % des patients à 1 an, 42 % à 2 ans
et 53 % à 3 ans.
Malgré la résistance phénotypique, le taux d’ADN
viral et les transaminases restent généralement plus faibles que les
taux préthérapeutiques, et l’aggravation de l’hépatopathie n’est pas
constamment associée.
La résistance virale est associée
à la sélection de mutations dans le gène de la polymérase virale au
niveau du motif YMDD dans le domaine de la transcriptase inverse,
qui représente probablement le site catalytique de l’enzyme virale.
Dans une étude récente, il a été montré que :
– les mutations sont détectables près de 5 mois avant la survenue
de l’échappement viral ;
– la PCR quantitative permet de détecter une réplication virale chez
la majorité des patients présentant une résistance à la lamivudine
avant l’échappement viral ;
– un taux élevé d’ALAT et de la virémie en préthérapeutique est
associé au développement plus rapide d’une résistance à la
lamivudine ;
– la résistance virale pourrait être plus sévère chez les patients
présentant une infection par un mutant pré-C .
D’autres études ont confirmé ces données.
C - ADÉFOVIR DIPIVOXIL
:
Le PMEA [9-(2-phosphonylméthoxyéthyl)adénine] ou adéfovir, et sa
prodrogue l’adéfovir dipivoxil, appartiennent à une nouvelle famille
d’antiviraux : les phosphonates de nucléosides acycliques.
La forme
active diphosphorylée de l’adéfovir, le PMEApp, est un inhibiteur
des virus à ADN (Herpesviridae et Hepadnaviridae), ainsi que des
rétrovirus.
Des études récentes ont montré que l’adéfovir dipivoxil est actif
contre les souches virales B sauvages ou résistantes à la lamivudine.
In vitro, le PMEApp inhibe l’activité enzymatique des mutants de la
polymérase du VHB résistants à la lamivudine.
In vivo,
l’effet antiviral du PMEApp a été démontré expérimentalement dans
le modèle de l’hépatite B du canard.
Chez l’homme, l’adéfovir
dipivoxil a été testé chez plus de 1 000 patients infectés par le virus
de l’immunodéficience huimaine (VIH).
En revanche, il a été peu
évalué chez les patients infectés seulement par le VHB. Les
premières études cliniques préliminaires ont permis d’objectiver que
l’adéfovir dipivoxil est capable d’inhiber in vivo la réplication du
VHB et d’améliorer les paramètres biochimiques des patients
porteurs d’une hépatite B chronique évoluée, et infectés aussi bien
par des souches virales sauvages que des souches mutantes YMDD
résistantes à la lamivudine.
De façon ponctuelle, l’adéfovir dipivoxil s’est avéré efficace et
salvateur dans des cas d’hépatopathies très sévères liées à une
infection par un VHB résistant à la lamivudine : hépatite fulminante
après transplantation rénale ; hépatite cholestatique fibrosante
après transplantation hépatique.
Ces données ont été confirmées dans une étude pilote de petite taille
concernant cinq patients (quatre transplantés hépatiques et une
cirrhose compensée) qui ont développé une résistance à la lamivudine après 9 à 19 mois de traitement.
L’adéfovir dipivoxil
(5 à 30 mg/j) s’est avéré très efficace, en réduisant de façon
importante et prolongée (11 à 15 mois) la virémie.
Le bénéfice
virologique était associé à une stabilisation ou une amélioration du
taux d’ALAT.
Une autre étude pilote de phase I/II a étudié l’effet
thérapeutique de l’adéfovir dipivoxil administré pendant 4 semaines
chez 20 patients porteurs d’une hépatite B chronique Ag HBe positif
(dont 13 co-infections par le VIH).
Le traitement a réduit la virémie
dans tous les cas.
L’Ag HBe a disparu chez un patient en cours de
traitement, et une séroconversion anti-HBe est survenue chez un
autre patient 12 semaines après l’arrêt du traitement.
Les principaux
effets secondaires retenus ont été l’exacerbation du taux d’ALAT,
ainsi que des troubles intestinaux.
Une autre étude de phase II a testé l’administration d’adéfovir
dipivoxil pendant une durée plus longue : 12 semaines.
Un premier
groupe de patients ayant un taux d’ALAT normal a reçu 30 mg/j (n
= 11) ; trois autres groupes ayant un taux d’ALAT élevé ont reçu
respectivement 5 mg (n = 9), 30 mg (n = 15) ou 60 mg (n = 15) ; un dernier groupe a reçu du placebo (n = 17). L’adéfovir dipivoxil a
réduit significativement la virémie, de façon maximale à 30 ou
60 mg/j.
Un taux d’ALAT élevé en préthérapeutique était un
marqueur prédictif de séroconversion anti-HBe (20 % versus 0 % en
cas d’ALAT normales).
Récemment, un essai ouvert a étudié
l’efficacité et la tolérance de l’adéfovir dipivoxil administré pendant
48 semaines à la dose de 10 mg/j chez 31 patients co-infectés par le
VHB et le VIH.
Dans tous les cas, le VHB était phénotypiquement
résistant à la lamivudine.
Bien que le médicament ait été
généralement bien toléré, son administration a été associée dans près
de 50 % des cas à une élévation des ALAT.
Le traitement a réduit de
façon importante la charge virale B, alors que seulement trois
patients ont développé une séroconversion anti-HBe.
L’adéfovir dipivoxil a démontré une efficacité à la dose quotidienne
de 10 mg pour inhiber la réplication des souches virales B résistantes
à la lamivudine, et en première intention peu de résistances ont été
observées.
Des études récentes de phase III, réalisées chez des patients positifs
pour l’Ag HBe, ont montré que l’adéfovir dipivoxil inhibe de façon
puissante la réplication virale (baisse de la virémie d’environ 4 logs),
diminue significativement les transaminases, améliore l’histologie
hépatique et permet d’obtenir une séroconversion HBe chez 11% des
patients après 1 an de traitement (Marcellin et al, 2003, soumis).
De même, chez les patients infectés par un mutant précore du VHB,
l’administration d’adéfovir dipivoxil permet de contrôler la
réplication virale, d’introduire une rémission biochimique chez trois
quarts des patients et d’améliorer l’histologie hépatique après
12 mois d’administration (Hadziyannis et al, 2003, soumis).
De façon intéressante, il n’a pas été observé de sélection de souches
mutantes résistantes après 2 ans de traitement.
En parallèle, une
diminution de l’ADN viral superenroulé intrahépatique a été
observée. (Werle et al, 2003, soumis).
Ceci a abouti à l’obtention
d’une autorisation de mise sur le marche (AMM) aux États-Unis à la
fin de l’année 2002 et d’une AMM européenne dans le courant de
l’année 2003.
D - AUTRES INHIBITEURS
DE TRANSCRIPTASE INVERSE :
1- Ganciclovir
:
Le ganciclovir a un effet antiviral potentiel sur le VHB.
Il a été testé
notamment en post-TH après réinfection du greffon par le VHB.
Dans une étude pilote, l’administration intraveineuse de ganciclovir
pendant 3 à 10 mois a permis de diminuer la virémie du VHB dans
90 % des cas et le taux d’ALAT dans 83 % des cas, avec une
stabilisation ou une amélioration de l’activité histologique dans
100 % des cas.
Cependant, ce
traitement est d’usage complexe, avec des difficultés à prolonger
les administrations intraveineuses quotidiennes, les risques de
développer des complications liées à l’administration intraveineuse,
et le coût élevé de l’administration parentérale prolongée.
2- Famciclovir
:
Le famciclovir, analogue de guanosine, a été étudié extensivement
dans les modèles expérimentaux.
Son activité inhibitrice de la
transcriptase inverse observée in vitro et in vivo a conduit à son
évaluation clinique.
Dans les essais de phase II, l’administration de
famciclovir a permis d’obtenir une inhibition significative de la
réplication virale, et des taux de séroconversions anti-HBe
supérieurs à ceux observés chez les patients recevant le placebo.
Des résultats favorables ont été obtenus également chez des mutants pré-C.
La sélection de mutants de la transcriptase inverse résistants
au famciclovir a aussi été observée.
Ces mutants sont initialement
sensibles à la lamivudine, mais la sélection de souches
multirésistantes est rapidement observée.
Les essais de phase III
n’ont malheureusement pas confirmé à large échelle les résultats
prometteurs initialement observés.
3- Lobucavir
:
Le lobucavir, analogue de guanosine, présente aussi une activité
inhibitrice de la transcriptase inverse in vitro et en culture cellulaire. Les essais cliniques de phase II sont prometteurs.
Cependant, le développement de la molécule a dû être arrêté en
raison de l’apparition de cancers chez le rat traité de façon continue.
4- Autres antiviraux
:
L’entécavir présente une activité inhibitrice très puissante in vitro et
en culture cellulaire de la transcriptase inverse du VHB.
Celle-ci a
été confirmée in vivo dans le modèle de l’hépatite chronique de la
marmotte, avec une inhibition spectaculaire de la réplication virale
et de l’ADN superenroulé intrahépatique. Des essais cliniques de
phase II/III sont en cours.
D’autres molécules qui inhibent de façon significative la
transcriptase inverse des hepadnavirus dans les modèles
expérimentaux (Ldt, Ldc, FTC, L-FMAU, L-FD4C) sont actuellement
en évaluation dans des essais cliniques de phase I ou II.
Tous ces
inhibiteurs seront potentiellement importants dans l’optique de
thérapies combinées visant à inhiber de façon synergique la
réplication du VHB pour prévenir ou retarder la sélection de
souches résistantes.
E - AUTRES STRATÉGIES ANTIVIRALES
:
D’autre stratégies visant à inhiber d’autres cibles virales doivent être
évaluées.
Celles-ci ont pour but de :
– bloquer l’expression des gènes viraux (molécules antisens ou
ribozymes) ;
– interférer avec l’assemblage des nucléocapsides virales (peptides
ou mutants dominants négatifs) ; inhiber la maturation des
particules virales (régulateurs de la glycosylation) ;
– éradiquer les hépatocytes infectés (immunothérapie par
vaccinothérapie peptidique ou ADN).
Indications thérapeutiques
particulières :
A - HÉPATITE B AIGUË
:
La prise en charge thérapeutique de l’hépatite B aiguë est
essentiellement symptomatique puisque 90 à 95 % des patients
guérissent spontanément et sans séquelles.
Cependant, 5 à 10% des
patients évoluent vers la chronicité.
Bien qu’il n’y ait pas de facteurs
prédictifs bien établis de passage à la chronicité, les patients porteurs
d’une hépatite B prolongée (taux d’ALAT élevé et réplication virale
B persistante 6 semaines après le début de la maladie) semblent être
les plus exposés, avec une probabilité infime d’éradication virale
spontanée.
Dans ces conditions, un traitement précoce par l’IFN
alpha
peut empêcher le passage à la chronicité et induire une éradication
virale dans 30 à 75 % des cas.
Dans les cas d’hépatites B aiguës sévères, l’IFN
alpha est contre-indiqué
en raison du risque majeur d’aggraver l’hépatopathie par
destruction massive des hépatocytes infectés.
Dans les formes
fulminantes, la transplantation hépatique est souvent le seul recours
thérapeutique.
Aucune étude n’a évalué de façon précise l’impact
thérapeutique de la lamivudine.
Cependant, quelques cas cliniques
d’hépatites B aiguës sévères et traitées avec succès par lamivudine
ont été rapportés :
– après transplantation hépatique ;
– après transplantation cardiaque
;
– hépatite aiguë
sévère et prolongée ;
– hépatite B aiguë associée à une périartérite noueuse.
B - MANIFESTATIONS EXTRAHÉPATIQUES
ET PÉRIARTÉRITE NOUEUSE
:
Plusieurs pathologies extrahépatiques ont été rapportées chez les
patients porteurs d’une hépatite B chronique, dont les plus
fréquentes sont certaines formes de glomérulopathies, et surtout la
périartérite noueuse (PAN).
Une réplication virale B forte et prolongée peut favoriser la formation de complexes immuns
solubles Ag HBs/anti-HBs en excès d’Ag HBs, qui ont la
particularité de se déposer dans l’endothélium des artères de petit
et moyen calibre, à l’origine d’une vascularite nécrosante
multisystémique.
Initialement, les patients porteurs d’une PAN associée à l’infection
chronique par le VHB ont été traités par glucocortocoïdes, parfois
en association avec le cyclophosphamide.
Les résultats étaient
satisfaisants à court terme, mais plutôt défavorables à plus long
terme, avec aggravation de l’hépatopathie virale B.
Un analogue
de nucléosides de première génération comme la vidarabine, en
association avec une corticothérapie et des échanges plasmatiques, a
laissé entrevoir un potentiel thérapeutique intéressant.
Dans une
étude portant sur 33 patients, 1 semaine de corticoïdes (1 mg/kg/j)
suivie par 3 semaines de vidarabine et d’échanges plasmatiques, a
permis une rémission clinique de la PAN chez trois quarts des
patients, une séroconversion anti-HBe chez la moitié et une
séroconversion anti-HBs chez près de 18 %.
Par la suite, l’administration d’IFN
alpha pendant 6 mois a remplacé la vidarabine.
À partir de petits effectifs, il a été démontré une efficacité
sur la symptomatologie liée à la PAN, et des taux de séroconversion
anti-HBe et anti-HBs respectivement de 67 % et 50 %.
L’effet était
durable et les rechutes rares (6 %). L’association IFN alpha,
corticoïdes et échanges plasmatiques s’est même révélée efficace sur
les lésions de vascularite liées à l’infection chronique par un virus B
mutant pré-C.
Par la suite, de nouveaux analogues de nucléosides ont été associés
à l’IFN alpha.
Le famciclovir s’est avéré efficace dans un cas de PAN
associée à une souche virale B sauvage résistante à l’IFN alpha.
La lamivudine a suggéré une efficacité intéressante dans quelques cas
de PAN associée à une infection par une souche virale B sauvage.
C - PATIENTS CO-INFECTÉS PAR LE VIRUS
DE L’IMMUNODÉFICIENCE HUMAINE :
Chez les patients co-infectés par les virus de l’immunodéficience
humaine et de l’hépatite B (VIH/VHB) recevant de la lamivudine à
la dose de 300 mg par jour pour leur infection VIH, l’activité
antivirale de la lamivudine sur la réplication du VHB a été
démontrée.
Ainsi, après 52 semaines de traitement, 45 % des patients
ont négativé l’ADN viral par les techniques de PCR quantitatives,
dont le seuil de détection est à 400 copies/mL, contre seulement
12 % des patients ayant reçu du placebo.
En parallèle, 55 % des
patients traités par lamivudine avaient normalisé leurs ALAT après
52 semaines de traitement, contre 17 % des patients ayant reçu le
placebo.
Dans cette cohorte, 12 % des patients traités par lamivudine
avaient négativé l’antigène HBs, et 22 % avaient négativé l’antigène
HBe, contre 0 % des patients ayant reçu le placebo, mais cette
différence n’était pas significative.
Dans une autre étude, il était
démontré qu’après une réponse virologique initiale chez 86 % des
patients, après 2 mois de traitement, un échappement viral
progressif était observé, avec un taux régulier de 20 % par an.
Ces
données sont donc importantes à prendre en considération avant de
choisir la multithérapie de l’infection à VIH.
D - PATIENTS CO-INFECTÉS
PAR LE VIRUS DE L’HÉPATITE DELTA
:
Au cours de la surinfection aiguë par le virus de l’hépatite delta
(VHD), aucun traitement n’est recommandé de façon systématique.
Dans les cas d’hépatites graves, le phosphonoformate trisodique
(foscarnet) a semblé apporter un bénéfice virologique, permettant
une amélioration significative des patients.
Cependant, les séries de
patients sont de très petite taille et il est très difficile de démontrer
un bénéfice significatif.
Au cours de la co-infection chronique VHB/VHD, les traitements
ne sont que peu efficaces. L’IFN alpha a été jusqu’à présent le traitement
de choix, mais les résultats sont globalement décevants.
L’IFN alpha
semble d’autant plus efficace qu’il est utilisé à forte dose (9 à 10 MU
trois fois par semaine), de façon prolongée (au moins 12 mois), et
que la surinfection est récente (moins de 1 an).
De nombreux petits
essais non contrôlés et quelques essais contrôlés et randomisés ont suggéré que l’administration d’IFN
alpha était plus efficace à forte dose
(9 MU trois fois par semaine versus 3 millions) sur la normalisation
des ALAT (71 % versus 28 %) et la négativation de la virémie en
tests d’hybridation moléculaire (71 % versus 36 %).
Cependant, la
rechute biochimique est très fréquente après l’arrêt de l’IFN alpha utilisé
aux doses unitaires de 9 ou 3 MU (64 % versus 100 %), et la rechute
virologique est habituelle.
À la dose unitaire de 9 MU d’IFN
alpha, la
normalisation des ALAT est souvent associée à une amélioration
histologique.
Les résultats virologiques obtenus in vitro et in vivo sur la
réplication du VHB en font une cible potentielle dans la prise en
charge thérapeutique du VHD.
En cas de co-infection VHB-VHD, la
disparition de l’ADN VHB sérique et la séroconversion anti-HBe ont
peu d’impact sur les ALAT et les lésions histologiques.
Cependant,
un tel événement est bénéfique à long terme puisqu’une réplication
virale B active aggrave le pronostic.
De plus, l’administration
prolongée d’IFN alpha peut engendrer la clairance de l’Ag HBs et
l’apparition des Ac anti-HBs, permettant alors l’annulation de la
réplication du VHD.
Chez d’autres patients, l’IFN
alpha permet
d’induire une phase prolongée de normalisation des ALAT,
d’inhibition de la réplication du VHB et de stabilité histologique,
malgré la persistance de la réplication du VHD.
L’IFN alpha ne semble
agir que sur la réplication du VHB et non du VHD qui, lorsqu’elle
reste isolée, ne semble pas générer de lésions hépatiques majeures.
La disparition de l’ARN VHD et de l’Ag HD circulants ne reflète
pas toujours la clairance du VHD, et la rechute est fréquente après
l’arrêt du traitement.
Le traitement peut être interrompu en cas de
clairance de l’Ag HBs.
Cependant, la prudence imposerait de réaliser
une biopsie hépatique et de n’arrêter l’IFN alpha que si le VHD n’est
plus détectable dans le foie.
Lau et al ont évalué la lamivudine en monothérapie pendant
12 mois, chez cinq patients porteurs d’une co-infection VHB-VHD
chronique. Bien que la virémie VHB ait chuté rapidement sous
traitement, tous les patients ont gardé l’Ag HBs et l’ARN VHD, avec
une absence d’amélioration des ALAT et de l’histologie. Wolters et al ont évalué l’association de lamivudine et d’IFN
alpha chez
huit patients porteurs d’une co-infection VHB-VHD.
Bien que deux
patients aient présenté une décroissance du titre en Ag HBs en cours
de traitement, trois patients une baisse de la virémie delta, et quatre
patients une amélioration des ALAT, ces bénéfices ne sont pas
apparus comme significatifs.
Bien que l’activité histologique ait
semblé s’améliorer sous traitement, le score de fibrose avait tendance
à s’aggraver.
Indications thérapeutiques actuelles
dans l’hépatite B chronique :
La prise en charge actuelle des patients infectés chroniquement par
le VHB doit associer la détermination de paramètres biochimiques,
virologiques et éventuellement histologiques, pour déterminer la
phase évolutive de l’infection : le portage chronique et la
tolérance immunitaire ne nécessitent qu’une simple surveillance ;
l’hépatite chronique avec agressivité histologique impose
d’envisager un traitement antiviral.
À l’heure actuelle, il n’existe pas de consensus sur les indications de
traitement des patients porteurs d’une hépatite B chronique.
Lorsque
le taux d’ALAT est élevé et la virémie faible, l’IFN alpha représente une
très bonne option thérapeutique.
Dans tous les autres cas (taux
d’ALAT faible, virémie élevée, contre-indications à l’interféron ou
non-réponse à l’interféron), la lamivudine représente la meilleure
option thérapeutique.
Chez les patients cirrhotiques, l’inhibition de la réplication virale est
fréquemment associée à une amélioration des fonctions hépatiques.
Le traitement antiviral est largement dépendant de la sévérité de
l’hépatopathie.
Les stratégies thérapeutiques évoluent
rapidement.
L’administration d’IFN
alpha est difficile et nécessite, le plus
souvent, de réduire les doses.
Bien que l’IFN
alpha puisse apporter un
bénéfice aux patients porteurs d’une cirrhose compensée, il doit être
proscrit en cas de cirrhose décompensée, en raison du risque
d’aggravation de l’hépatopathie et de la survenue de complications
infectieuses.
Chez les patients présentant une cirrhose décompensée et chez les
patients greffés, la lamivudine est la seule possibilité thérapeutique
actuelle.
L’adéfovir dipivoxil pourra aussi être prescrit dans un
avenir proche.
L’indication du traitement chez les patients en attente
de greffe doit être posée en parfaite coordination avec l’équipe de
transplantation, pour réduire au maximum le risque de résistance
virale avant la greffe.
Chez les patients infectés par un mutant pré-C,
il n’existe clairement pas assez de données, et des essais sont encore
nécessaires pour préciser les indications de la lamivudine et de
l’interféron ainsi que la durée des traitements.
Conclusion
:
L’infection chronique par le VHB est un problème majeur de santé
publique à l’échelon mondial.
L’IFN alpha a été pendant longtemps la seule
option thérapeutique.
Malheureusement, l’IFN
alphalpha ne peut pas être
administré ou s’avère inefficace chez de nombreux patients.
La lamivudine a révolutionné le traitement de l’hépatite B.
Malheureusement, la variabilité génomique du VHB lui permet de
s’adapter grâce à des mutations spécifiques au niveau de la polymérase,
conférant une résistance fréquente.
De nouvelles stratégies
thérapeutiques, notamment avec d’autres analogues nucléosidiques
comme l’adéfovir dipivoxil, sont en cours de développement pour
améliorer le traitement de l’hépatite B chronique et prévenir les
résistances virales.
À l’avenir, les associations d’antiviraux et
l’immunothérapie devraient permettre d’inhiber la réplication virale et
d’éliminer les hépatocytes chroniquement infectés.
De telles stratégies
thérapeutiques suscitent de grands espoirs pour la guérison de
l’infection chronique par le VHB.
Enfin, il ne faut pas oublier que la prévention de l’infection par le VHB
par une politique de vaccination systématique contre le VHB reste la
meilleure option pour réduire la morbidité et la mortalité par
insuffisance hépatique et cancer primitif du foie.