Traitement chirurgical des rectocèles Cours de Chirurgie
Introduction
:
La rectocèle est une manifestation clinique extrêmement fréquente,
définie comme une hernie de la paroi antérieure du rectum à travers la
cloison rectovaginale.
Elle appartient à la fois aux troubles de la statique
rectale dont elle représente une forme clinique particulière, et aux
troubles de la statique pelvipérinéale.
C’est en effet une des composantes
habituelles des prolapsus génitaux, où la rectocèle se rencontre associée
à des anomalies de la statique des étages pelviens antérieur, urinaire, et
moyen, génital.
L’expression clinique des rectocèles est double.
Elles peuvent être
responsables de manifestations digestives et gynécologiques, associées
à des degrés variables.
Cette dualité influe sur les modalités du bilan et de la prise en charge chirurgicale des rectocèles qui peuvent être
différentes selon que l’accent est mis sur le versant digestif ou
gynécologique des troubles.
La meilleure connaissance actuelle des
troubles de la statique pelvipérinéale et leur approche multidisciplinaire
a cependant rendu les pratiques plus homogènes.
Notre travail se limitera au traitement chirurgical de la rectocèle
antérieure de la femme, excluant ainsi les rares rectocèles survenant
chez l’homme (après prostatectomie) ou les rectocèles postérieures de
la femme s’extériorisant à travers la partie postérieure du plancher
pelvien.
Objectifs thérapeutiques
:
Quatre objectifs sont à atteindre lors du traitement chirurgical de la
rectocèle antérieure de la femme :
– l’objectif principal est la correction durable du defect de la cloison
rectovaginale et de la hernie rectale, dans le but de restaurer une fonction
anorectale normale.
Le critère de jugement est ici essentiellement
fonctionnel et non anatomique, c’est la normalisation de la défécation ;
– le traitement doit rechercher la correction concomitante, au cours de
la même intervention, des anomalies associées à la rectocèle et
responsables d’une symptomatologie : incontinence urinaire
éventuellement masquée par la rectocèle, prolapsus utérin associé,
incontinence anale ;
– le traitement doit éviter de démasquer d’autres troubles de la statique pelvipérinéale, élytrocèle par exemple, susceptibles de se décompenser
dans le temps et de nécessiter une nouvelle intervention ;
– enfin, le traitement ne doit pas engendrer de séquelles, qu’elles soient
douloureuses liées aux incisions, anales avec l’apparition d’une
incontinence postopératoire, ou encore sexuelles avec une dyspareunie
secondaire.
Répondre à ce cahier des charges est un programme ambitieux qui
justifie une évaluation clinique et fonctionnelle complète et fait une large
place à une pratique multidisciplinaire, pour assurer un résultat
fonctionnel de qualité.
Prise en charge périopératoire
:
A -
Préparation à la chirurgie
:
La chirurgie des rectocèles ne nécessite qu’une préparation intestinale
limitée.
Un lavement évacuateur de 500 mL d’eau tiède additionnée de
50 mL de Bétadinet la veille et le matin de l’intervention suffit
habituellement.
Un régime pauvre en fibres peut être recommandé
pendant la semaine qui précède l’hospitalisation.
Il n’y a pas
d’indication pour nous à une préparation colique complète, quelle que
soit la voie d’abord utilisée.
La préparation vaginale est en revanche
importante.
Elle est calquée sur les recommandations faites pour la
chirurgie vaginale et a pour but d’améliorer la trophicité vaginale et
limiter le risque infectieux.
Des ovules de Colpotrophine sont
prescrites pour une période de 1 mois avant l’intervention chez les
patientes âgées.
Une douche vaginale abondante à la Bétadinet diluée
est instituée la veille et le matin de l’intervention.
Une préparation
cutanée abdominale soigneuse est réalisée avec douche à la Bétadinet
et rasage abdominal, si la pose d’une prothèse non résorbable par voie
abdominale est envisagée.
Quant au rasage du périnée, il peut se limiter
à la zone opératoire et n’est réalisé qu’après anesthésie et installation en
position opératoire de la patiente.
Une prévention du risque
thromboembolique adaptée au terrain et une antibioprophylaxie sont
recommandées dans cette chirurgie.
Notre protocole antibiotique actuel
comporte une injection unique, à l’induction, d’une association imidazolé-céphalosporine de deuxième génération.
Un sondage
urinaire, réalisé lors de l’installation et maintenu en place 24 heures, est
conseillé, sans que nous le considérions comme indispensable,
notamment chez les patientes jeunes.
En cas de geste urinaire associé, il
s’impose pour 5 jours en moyenne.
B - Anesthésie
:
Différentes modalités anesthésiques peuvent être proposées pour la cure
des rectocèles.
En cas d’abord périnéal isolé, l’anesthésie locorégionale
péridurale ou caudale représente une option intéressante pour cette
chirurgie qui est de courte durée (inférieure à 1 heure en moyenne), peu
invasive et non hémorragique.
L’anesthésie locorégionale est
recommandée lorsque la position ventrale est nécessaire pour
l’intervention (voie transanale), car elle facilite la mobilisation et
l’installation de la patiente.
Cependant, elle n’est pas toujours bien
tolérée et certains lui préfèrent l’anesthésie générale.
Le retournement
en position ventrale de la patiente sous anesthésie générale se fera
prudemment, en présence du chirurgien.
La voie abdominale nécessite
habituellement une anesthésie générale pour un bon confort de la
patiente, notamment lors du refoulement et de la manipulation des anses
intestinales pour exposer le pelvis.
C - Soins postopératoires
:
En cas d’intervention par voie basse, l’hospitalisation est de courte
durée, inférieure à 5 jours et peut, lorsque les conditions s’y prêtent,
s’intégrer dans le cadre d’une prise en charge ambulatoire.
La sonde
urinaire est enlevée dès le lendemain de l’intervention.
Il faut veiller à
une reprise facile du transit et limiter les efforts de poussée à l’aide de
laxatifs doux (huile de paraffine).
Les soins locaux (douche et nettoyage
non stérile) ne justifient pas une prise en charge infirmière à domicile.
Les douleurs postopératoires sont habituellement limitées et nettement
moindres que dans l’hémorroïdectomie.
En cas d’abord abdominal, la
durée de séjour est de l’ordre de 7 jours, l’abord coelioscopique
permettant de réduire le temps d’hospitalisation.
Les suites sont celles
de la chirurgie des prolapsus.
Traitement chirurgical de la rectocèle
antérieure de la femme :
De nombreuses techniques ont été décrites pour la correction
chirurgicale des rectocèles.
Longtemps prises en charge par les
chirurgiens gynécologues, la première approche de cette pathologie a été
vaginale ou périnéale.
Avec le développement d’explorations
fonctionnelles anorectales performantes et la reconnaissance du rôle de
la rectocèle dans les troubles de l’évacuation rectale dans les années
1980, une approche transanale des rectocèles a été développée et
adoptée par les chirurgiens digestifs.
À l’heure actuelle, la prise en
charge multidisciplinaire des troubles de la statique pelvipérinéale est
privilégiée.
Le traitement des rectocèles s’intègre dans une stratégie
globale de correction des différentes anomalies identifiées ou
potentielles.
A - Cure de rectocèle par voie transanale
:
1-
Principe
:
La technique décrite par Khubchandani et Sullivan a pour but de
corriger la déformation rectale antérieure par voie endoluminale, rectale.
L’accès se fait à travers le canal anal pour accéder à la rectocèle par
l’intérieur, sur son versant rectal.
Les principes de l’intervention sont :
– de restaurer une paroi rectale antérieure solide grâce à la remise en
tension de la musculeuse rectale déformée par une série de sutures
internes, et au développement d’une fibrose cicatricielle dans la sousmuqueuse
rectale « avivée » par l’intervention ;
– de supprimer l’excès de muqueuse rectale qui s’est développé dans ce
véritable diverticule de pulsion que représente la rectocèle et dans le
même temps, le prolapsus muqueux antérieur souvent associé.
Cette technique ne s’adresse qu’à la rectocèle et ne peut prétendre traiter
d’autres anomalies de la statique pelvipérinéale.
Elle peut être associée
à d’autres gestes proctologiques, par exemple une hémorroïdectomie.
2- Technique chirurgicale
:
* Installation
:
La position ventrale (Jackknife position des auteurs anglo-saxons) est
recommandée pour cette intervention.
Les membres inférieurs sont
écartés et le bassin fléchi sur les cuisses pour permettre un bon accès
périnéal, les deux fesses étant tirées vers l’extérieur par des bandes
collantes.
Cette position donne un accès direct sur la face antérieure du
bas rectum, siège de la rectocèle.
Mais elle interdit tout geste périnéal
complémentaire.
C’est en partie pour cette raison que certains optent
pour la position gynécologique qui donne sans doute un jour moins
favorable sur la rectocèle, mais n’impose pas de retourner la patiente et
permet d’associer un geste urologique ou gynécologique.
* Exposition
:
L’intervention qui se déroule à travers le canal anal nécessite une
dilatation anale mesurée.
Elle se fait de manière douce, progressive et
limitée à deux doigts sur un anus bien lubrifié.
Ce geste de départ permet
l’introduction d’un écarteur autostatique à lames, type écarteur de Parks,
que l’on utilise avec ses valves longues. L’écartement de l’appareil doit
se faire progressivement et prudemment.
Il se limite au strict nécessaire,
car cette manoeuvre peut avoir des effets délétères sur la fonction
sphinctérienne.
* Dissection
:
Après repérage de la rectocèle, une incision transversale sur
l’hémicirconférence antérieure ouvre la muqueuse sur la ligne pectinée
ou légèrement au-dessus.
Il est également proposé de débuter cette
incision sur la marge anale en emportant le paquet hémorroïdaire situé à
ce niveau, notamment en cas d’hémorroïdectomie associée.
La dissection se fait aux ciseaux ou au bistouri électrique pour limiter le
saignement.
L’infiltration à la Xylocaïne adrénalinée de la zone
opératoire peut également limiter le saignement et faciliter la dissection
du plan sous-muqueux.
Mais de nombreuses équipes l’ont abandonnée
en raison d’un risque cardiaque potentiel.
À partir de l’incision anale,
un large lambeau de muqueuse rectale est décollé au bistouri électrique
et au tampon, sur 6 à 8 cmde haut, jusqu’au sommet de la rectocèle.
Le
lambeau est progressivement libéré et extériorisé à travers l’anus par
deux incisions longitudinales de part et d’autre de celui-ci.
La couche
musculaire circulaire du rectum est ainsi mise à nu.
L’hémostase des
vaisseaux de la sous-muqueuse, toujours nombreux, doit être
minutieuse.
* Plicature de la musculeuse rectale et résection muqueuse
:
Le temps suivant corrige le defect musculaire responsable de la hernie
rectale par une plicature soigneuse de la musculeuse rectale.
Différentes
techniques ont été décrites.
Elles utilisent un faufilage au fil à résorption
lente de calibre 3/0 ou 4/0, les points devant rester suffisamment
superficiels pour ne pas traverser la paroi vaginale située immédiatement
en avant.
La plicature peut se faire :
– dans un plan transversal par une série de points horizontaux allant
d’un bord à l’autre du rectum, et ce sur toute la hauteur de la zone
disséquée ;
– dans un plan vertical selon des modalités identiques ;
– en associant les deux techniques.
Les prises musculaires latérales, si elles sont suffisamment profondes,
peuvent intéresser les faisceaux les plus internes du muscle puborectal
qui est ainsi retendu.
Un doigt intravaginal retournant la rectocèle et
la faisant apparaître à travers l’anus peut aider à réaliser la plicature et
vérifier que le vagin n’est pas transfixié.
Le serrage des points passés
réduit la rectocèle et fait apparaître un excès de muqueuse.
Elle est
réséquée après la réparation musculaire, et suturée à points séparés de fil
résorbable 3/0 sur la ligne pectinée repérée avec précision.
En cas
d’hémorroïdectomie associée, la muqueuse est fixée sur le sphincter
interne comme dans l’anoplastie muqueuse.
B - Cure de rectocèle par voie transpérinéovaginale
:
1-
Principe
:
À l’inverse de la technique précédente, l’abord se fait sur le versant extraluminal, vaginal et antérieur de la rectocèle.
L’intervention est
similaire dans son principe et ses buts, mais utilise des moyens
différents.
La restauration de conditions anatomiques normales au
niveau du rectum et du périnée est obtenue par :
– l’enfouissement de la hernie rectale ;
– la réparation du fascia rectal rompu ;
– la remise en tension de la sangle des muscles élévateurs de l’anus et la
réparation du centre tendineux du périnée.
Cette réparation peut être faite de manière isolée ou en association à la
cure d’un prolapsus des étages antérieur ou moyen.
2- Technique chirurgicale
:
* Position opératoire
:
L’installation est la position gynécologique en décubitus dorsal, le
périnée étant bien extériorisé grâce à une flexion importante des cuisses
sur le bassin.
Une petite table placée sous le périnée, permet à l’opérateur
une installation confortable de son matériel.
* Abord et dissection de la rectocèle
:
Une incision horizontale de 4-5 cm est réalisée sur la fourchette
vulvaire, à égale distance entre la vulve et l’anus. Un décollement rectovaginal complet est créé à partir de cette incision.
La partie basse
de la dissection, souvent hémorragique, est la plus difficile à mener.
Pour
venir à bout de cette difficulté, on laisse en arrière de la dissection le
sphincter externe de l’anus et l’on progresse aux ciseaux et au tampon
dans une zone souvent cicatricielle.
Des touchers rectaux (protégés) et
vaginaux aident à repérer le plan de dissection qui sépare les fibres
musculaires longitudinales du rectum de la paroi blanc nacré du vagin.
Vers le haut, le clivage entre vagin et rectum est plus facile.
Il est mené
jusqu’au cul-de-sac de Douglas toujours largement enfoui dans la
graisse sous-péritonéale.
En fin de dissection, la face antérieure du
rectum soufflée par la rectocèle se trouve bien individualisée et,
latéralement, apparaissent des structures fibreuses correspondant pour
certains aux reliquats du fascia rectal rompu et les bords médiaux des
muscles élévateurs de l’anus, dont la tonicité est variable en fonction de
l’état du plancher pelvien.
L’hémostase du champ opératoire n’est pas
toujours facile à obtenir : le saignement est surtout gênant lors de la
dissection et a tendance à s’arrêter spontanément lors du temps de
reconstruction.
C’est pourquoi nous recommandons l’aspiration et le
tamponnement, ne réservant la ligature appuyée qu’aux plus grosses
veines de la cloison rectovaginale s’il n’a pas été possible d’éviter de les
léser.
L’ouverture volontaire ou involontaire du vagin n’est pas un problème.
En cas de difficulté d’exposition, une colpotomie longitudinale peut
faciliter le clivage rectovaginal et la réalisation de gestes associés
(spinofixation du vagin selon Richter, par exemple).
Après avivement
des berges et sans colpectomie marquée, le vagin sera refermé à points
en X de fils à résorption lente.
L’ouverture du rectum est plus
dangereuse : elle peut être évitée dans la majorité des cas (un tel incident
n’est survenu qu’une fois dans notre expérience de près de 100 plicatures
rectales par voie périnéale).
Il importe avant tout d’identifier l’effraction
rectale lorsqu’elle survient.
Les berges de la perforation accidentelle
sont repérées par deux fils et la paroi rectale est libérée pour la refermer
immédiatement en deux plans (l’un muqueux et l’autre musculaire).
L’enfouissement ultérieur de la rectocèle complétera la réparation.
* Correction de la rectocèle et réparation du plancher pelvien
:
L’exposition est obtenue avec une valve à lame étroite, réclinant vers le
haut le vagin.
La face antérieure du rectum est saisie par une pince à
disséquer à l’endroit où elle est la plus dilatée et proéminente, et deux à
quatre bourses concentriques de fil à résorption lente 2/0 sont
successivement faufilées et nouées, enfouissant progressivement la
rectocèle.
On prendra garde à ne pas transfixier la paroi rectale au cours
de cette manoeuvre.
Ensuite, la remise en tension du fascia rectal est
assurée par trois ou quatre points faufilés d’un bord à l’autre de la
dissection, en partant du point le plus haut de la dissection.
Cette
réparation conduit sur les muscles élévateurs de l’anus qui sont alors
saisis par deux pinces d’Ombrédanne, placées immédiatement en avant
du canal anal.
La plicature au Prolène 2/0 (deux à trois points en X
modérément serrés) rapproche les deux bords de l’hiatus lévatorien.
Il
est capital de placer ces points de sorte que la vulve et le vagin ne soient
pas rétrécis, évitant ainsi le risque de dyspareunie.
Un toucher vaginal à
deux doigts vérifie l’absence de rétrécissement excessif.
Les plans souscutanés
sont ensuite nettoyés à la Bétadinet diluée et refermés
lâchement au fil à résorption lente sans drainage.
La fermeture cutanée
se fait à points séparés et espacés.
* Interposition d’une prothèse non résorbable
:
L’interposition d’une prothèse non résorbable dans la zone de dissection rectovaginale a été rapportée dans une courte série.
Si le contrôle
anatomique de la rectocèle s’en trouve sans doute renforcé, le risque
infectieux doit être apprécié sur un plus grand nombre de cas, et le
bénéfice réel de cette modification technique rigoureusement évalué.
C - Cure de rectocèle par voie abdominale
:
Il est possible d’aborder une rectocèle par voie abdominale.
L’intervention réalisable à ventre ouvert ou par coelioscopie consiste à
soutenir sans tension la face antérieure du rectum disséquée par une
prothèse non résorbable fixée au promontoire lombosacré.
Il est à bien
noter qu’il ne s’agit pas d’une rectopexie « classique » : elle n’est en effet
pas nécessaire en l’absence de prolapsus rectal complet, et la
mobilisation complète du rectum pourrait faire apparaître ou aggraver
une constipation.
L’incision du péritoine pelvien débute sur le bord droit du rectum, très
superficiellement pour repérer et éviter les nerfs à destinée pelvienne.
Elle rejoint le cul-de-sac de Douglas éventuellement retourné avec une
pince de Babcock lorsqu’il est très profond.
Une traction forte sur
l’utérus, un col restant ou le dôme vaginal repéré éventuellement à l’aide
d’une bougie de Hegar endovaginale permettent de trouver le plan de
dissection entre vagin et rectum.
Le clivage rectovaginal et la dissection
de la rectocèle doivent être le plus complets possible.
Seule, la face
antérieure du rectum est disséquée pour éviter toute dénervation de
l’ampoule rectale, source de constipation postopératoire.
La réparation
repose ensuite sur l’interposition, entre vagin et rectum, d’une prothèse
non résorbable fixée sans tension sur le promontoire.
La prothèse
(4-5 cm de large et 10-12 cm de long) est tout d’abord fixée sur la face
antérieure du rectum par six points de fil non résorbable (Prolène 2/0),
puis contourne par la droite le rectum pour être fixée par deux points de
même fil sur le ligament vertébral antérieur, à hauteur du promontoire,
en prenant garde ici également à ne pas léser les nerfs présacrés.
Le
vagin est ensuite appliqué et fixé sans tension à son sommet sur la
prothèse à l’aide de trois points de même fil.
Après contrôle de
l’hémostase, le péritoine est refermé, habituellement sans drainage.
D - Gestes associés à la cure de rectocèle
:
1- Par voie basse (transpérinéovaginale ou transanale)
:
Un certain nombre de gestes peuvent venir compléter la cure d’une
rectocèle par voie basse et améliorer ainsi le résultat opératoire en
corrigeant une pathologie anorectale ou un trouble de la statique
pelvipérinéale associé.
Il est possible d’associer à la cure de rectocèle :
– une hémorroïdectomie, soit uniquement sur le paquet antérieur, soit
sur les trois paquets classiques.
Dans ce dernier cas, il faudra être
prudent dans la conservation des ponts muqueux compte tenu de
l’importance de la résection muqueuse antérieure nécessitée par la cure
de rectocèle ;
– la cure d’un prolapsus muqueux antérieur : la voie endoanale le
supprime automatiquement ; en cas de procidence interne associée, la
plicature musculaire doit s’élargir sur le boudin d’invagination.
La cure endorectale de la rectocèle s’associe ainsi à une opération de Delorme
interne, la plicature musculaire restant habituellement beaucoup plus
importante sur le versant antérieur que postérieur du rectum ;
– en cas d’incontinence anale associée, la voie périnéale permet une
bonne exploration de l’appareil sphinctérien antérieur et une réparation
d’un éventuel defect repéré par échographie endoanale préopératoire.
En l’absence de defect, la réalisation d’une myorraphie préanale,
éventuellement associée à une myorraphie rétroanale de Parks, peut se
discuter ;
– une colpectomie postérieure limitée, en « losange », pour supprimer
un excès de vagin, en prenant garde à ne pas rétrécir l’orifice vulvaire
lors de la reconstruction, pour éviter une dyspareunie.
Les troubles de la statique pelvipérinéale antérieure et moyenne peuvent
être également corrigés au cours de la cure d’une rectocèle.
Il peut être
ainsi discuté une cure d’incontinence urinaire et/ou de cystocèle par voie
basse (opération de Bologna et dérivées, bandelette TVTt, laboratoires
Ethicon), une hystérectomie vaginale en cas de prolapsus utérin.
2- Par voie haute (abdominale)
:
La cure de rectocèle par voie haute est recommandée lorsqu’un geste
associé à réaliser par cette voie est nécessaire, qu’il s’agisse de la cure
ou de la prévention d’une incontinence urinaire, de la cure d’une cystocèle (suspension vaginale antérieure selon Scali + opération de
Burch), ou de la cure d’un prolapsus génital.
La douglassectomie, systématiquement associée, assure un
cloisonnement haut du pelvis.
Nous recommandons des dépéritonisations limitées au cul-de-sac de Douglas et à la face
antérieure du rectum, car il n’y a pas d’avantages à réséquer l’ensemble
du péritoine pelvien postérieur.
Cette manoeuvre fait d’ailleurs courir le
risque de traumatiser les nerfs à destinée pelvienne dont on connaît bien
l’importance.
3- En cas d’élytrocèle associée
:
Une élytrocèle est fréquemment associée à la rectocèle antérieure chez
la femme.
Il est important de la dépister et de la traiter simultanément.
Chez une femme jeune pour qui on souhaite éviter la voie vaginale, une
suspension vaginale et rectale par voie abdominale, avec douglassectomie, représente la meilleure option.
Dans les autres cas, l’élytrocèle peut être efficacement corrigée par une
suspension vaginale au ligament sacroépineux (opération de Richter).
L’intervention consiste à ouvrir la fosse ischioanale droite à partir de
l’abord périnéal de la cure de rectocèle.
Le rectum est refoulé vers la
gauche et l’on identifie au doigt la structure rigide du ligament sacroépineux reliant épine sciatique et sacrum.
Des valves longues et contre-coudées (Briesky) permettent d’exposer le ligament sur lequel
deux fils de Prolène 2/0 sont faufilés, bien en arrière de l’épine
sciatique pour ne pas léser le paquet vasculonerveux pudendal. Après
plicature rectale de la rectocèle, les fils mis en place sont faufilés à la
face postérieure du vagin et noués, ce qui attire le vagin dans son axe
anatomique.
Il est possible de réaliser la suspension vaginale de
manière bilatérale mais, dans ce cas, la fixation devra se faire sans
tension pour éviter de sténoser le rectum.
La suspension vaginale selon Richter est particulièrement utile pour
repositionner correctement le vagin sans le rétrécir, et complète de façon
intéressante la cure de rectocèle par voie périnéale en limitant une ptôse
vaginale inesthétique, sans risque sexuel.
Cette intervention largement
utilisée par les chirurgiens gynécologues mériterait d’entrer dans
l’arsenal thérapeutique des chirurgiens digestifs prenant en charge des
rectocèles.
Indications chirurgicales dans la rectocèle
antérieure de la femme :
La présence d’une rectocèle, même volumineuse, n’est pas en soi une
indication à une prise en charge. De nombreuses patientes avec des
rectocèles de taille importante n’ont en effet aucun symptôme.
De
même, la présence d’une rectocèle chez une patiente constipée ne
signifie pas automatiquement que la rectocèle est la cause principale de
sa constipation.
Seules, les rectocèles symptomatiques justifient une
prise en charge, éventuellement chirurgicale.
Il est important
d’expliquer clairement aux patientes que seuls les symptômes liés à la
rectocèle seront supprimés par l’intervention chirurgicale.
Les
manifestations de côlon irritable, fréquemment associées, ou encore
celles qui sont liées à une descente périnéale excessive ou un anisme,
bien entendu non modifiées par la chirurgie, resteront invalidantes.
Choix de la technique chirurgicale
:
La sélection des patientes à opérer repose sur l’appréciation clinique de
la gêne fonctionnelle, et l’évaluation clinique et radiologique de la
rectocèle (volume, taille supérieure à 3 cm, persistance de
l’opacification de la rectocèle après exonération).
Elle n’est pas
toujours aisée et la responsabilité de la rectocèle dans la
symptomatologie reste parfois difficile à affirmer et à quantifier.
Cependant, la bénignité des gestes thérapeutiques par voie basse permet
de les proposer en cas d’incertitude et en prévenant la patiente de la
possibilité d’échec fonctionnel.
En cas de rectocèle symptomatique, nous donnons la préférence à une
voie périnéale respectant la filière génitale et corrigeant les anomalies
digestives.
Cet abord autorise, outre la correction de la rectocèle, une
bonne réparation du plancher pelvien, sans risque notable de
dyspareunie si les précautions décrites sont prises.
Il est
intéressant de noter que cette attitude, à l’origine « gynécologique » est
actuellement suivie par des équipes « colorectales » expérimentées.
Elle a pour inconvénient de ne pas agir sur le prolapsus muqueux
rectal et la pathologie anale associée.
D’autres auteurs donnent la
préférence à une technique transanale, endorectale.
Cet abord
nécessite une bonne expérience de ce type de chirurgie.
Elle oblige à une
dilatation anale qui peut être délétère dans le contexte d’un périnée
fragile, traumatisé et éventuellement dénervé.
Elle ne permet pas la
réalisation d’une myorraphie des élévateurs de l’anus et n’a aucun effet
sur une éventuelle élytrocèle associée.
En termes de résultats, ces deux techniques sont apparemment
équivalentes tant pour la morbidité, que pour l’amélioration
fonctionnelle et/ou le risque de récidive.
Les études
disponibles sont malheureusement de qualité médiocre : pour la plupart
rétrospectives, avec un suivi insuffisamment prolongé pour ce type de pathologie, et surtout ne renseignant pas sur l’évolution des autres étages
pelviens et notamment la nécessité de réintervention sur la filière génitourinaire.
Finalement, les critères de choix de l’une ou l’autre technique
par voie basse tiennent essentiellement aux habitudes des opérateurs.
Il est maintenant bien admis que la voie haute est à réserver aux
rectocèles associées à une pathologie urogénitale justifiant un abord
abdominal.
L’intervention permet ainsi la correction de l’ensemble
des troubles de statique pelvienne.
La réalisation d’une périnéorraphie
postérieure en complément du geste par voie haute est recommandée.
Pour le chirurgien confronté à une rectocèle, il est indispensable,
à l’étape diagnostique :
– de vérifier le caractère symptomatique de la rectocèle ;
– de s’assurer par les examens appropriés que les symptômes
rapportés sont bien en rapport avec la rectocèle ;
– et d’identifier les autres anomalies, patentes ou potentielles, de
statique pelvipérinéale.
À l’étape thérapeutique, il est indispensable :
– d’expliciter le traitement et les résultats attendus à la patiente ;
– de choisir la voie d’abord et la technique la plus appropriée pour
traiter la rectocèle ;
– et d’y associer en cas de besoin, la correction des autres
troubles de la statique pelvipérinéale identifiée, prévenant ainsi le
risque de dégradation à long terme de la réparation effectuée et
l’apparition d’un prolapsus sur un autre des étages
pelvipérinéaux.