Traitement chirurgical des hernies crurales Cours de Chirurgie
Introduction
:
L’orifice crural est limité en arrière par le ligament de Cooper, en
avant par l’arcade crurale et la bandelette iliopubienne, en dedans
par le ligament de Gimbernat et en dehors par la gaine vasculaire
recouvrant la veine fémorale.
Le caractère fibreux de ces
structures, leur relative rigidité et l’écartement qui les sépare, ainsi
que la proximité immédiate des vaisseaux fémoraux rendent compte
des difficultés particulières que l’on rencontre pour fermer l’orifice
crural.
Par ailleurs, la situation de cet orifice à la jonction du bassin et de la
cuisse, en dedans du passage des vaisseaux fémoraux, explique que
l’on puisse l’aborder par trois voies différentes : crurale, inguinale,
ou rétropéritonéale.
De cette pluralité de voies d’abord et des différentes possibilités
techniques de fermeture résulte une grande variété de procédés.
Par
ailleurs, comme cette hernie est beaucoup moins fréquente que la
hernie inguinale, on ne dispose pas de grandes séries et a fortiori
d’études comparatives qui permettraient de trancher radicalement
en faveur d’une technique.
Nous verrons donc les principales
techniques possibles pour chacune des différentes voies d’abord.
Les
procédés préférentiellement proposés sont ceux de Lytle, du Perfixtplug,
de McVay.
Voie crurale
:
A - VOIE D’ABORD
:
Pour la voie d’abord crurale, comme pour la voie inguinale,
l’incision est une incision inguinale basse, parallèle au pli inguinal et un peu au-dessus de lui.
Elle mesure 5 à 6 cm.
Après
découverte de l’aponévrose du grand oblique, on incise le fascia cribriformis le long de l’arcade crurale, depuis les vaisseaux
fémoraux jusqu’à hauteur de l’épine du pubis.
Ceci permet de
découvrir le sac herniaire extériorisé sous le fascia cribriformis, au
bord inférieur de l’arcade crurale, en dedans de la veine fémorale.
La veine fémorale, située en dehors du sac, à l’intérieur de la
gaine vasculaire, n’est pas visible.
La saphène interne, située dans le
même plan que le sac en dehors de lui, n’est habituellement pas
découverte.
Le sac est épais, entouré de tissu sous-péritonéal,
évaginé avec lui et parcouru de petits vaisseaux.
B - TRAITEMENT DU SAC
:
Le sac est individualisé par dissection mousse, puis il est dénudé,
séparé du tissu sous-péritonéal qui l’entoure.
Le sac est alors ouvert
et son contenu est vérifié, puis réintégré ou si besoin réséqué s’il s’agit d’épiploon qui gêne sa réintégration.
Le sac est ligaturé par
un point transfixiant et réséqué, puis le moignon est réduit dans
l’orifice herniaire.
Si besoin, la réduction du sac peut être facilitée
par une incision de quelques millimètres du ligament de Gimbernat en dedans du
sac.
Il faut
évidemment se garder de toute incision externe qui expose au
risque de blessure de la veine fémorale, ou antérieure qui
sectionne l’arcade crurale.
C -
TEMPS DE RÉPARATION :
1- Herniorraphies
:
*
Procédé de Lytle :
Selon Lytle, l’espace triangulaire entre arcade crurale et ligament
de Cooper est fermé par une triple couche formée par le fascia de
Scarpa, le ligament de Gimbernat, émanation de l’aponévrose du
grand oblique, et le fascia transversalis.
L’orifice herniaire
crural, différent de l’anneau crural et situé à quelques millimètres
au-dessous de lui, correspond à un defect dans cette triple couche,
habituellement de petite taille. Ses bords sont assez résistants
pour être suturés.
La suture consiste en un point circulaire de monofil non résorbable chargeant le bord supéro-interne qui
correspond au ligament de Gimbernat, puis le bord inférieur qui
correspond au fascia pectinéal, le bord externe qui correspond à la
gaine vasculaire, pour finir au niveau du point de départ.
La
prise au niveau de la gaine vasculaire doit être prudente, pratiquée
avec une aiguille sertie fine pour éviter de blesser la veine sousjacente.
Ce procédé simple est bien adapté au traitement des petites
hernies, notamment chez la femme où la hernie crurale est
habituellement pure.
* Procédé de Bassini
:
Ce procédé consiste à fermer l’orifice en rapprochant par suture
l’arcade crurale du ligament de Cooper ou du fascia du muscle
pectiné.
La veine est identifiée en dehors de l’orifice herniaire,
le Cooper en arrière et l’arcade crurale en avant.
La suture est faite
par quelques points de monofil non résorbable, unissant l’arcade
crurale et le ligament de Cooper ainsi que le ligament de Gimbernat ;
les points sont passés puis serrés de dedans en dehors.
On peut
faire un point en « huit », chargeant ensemble toutes ces
structures, ou suturer l’arcade crurale au fascia pectinéal.
On
peut aussi renforcer cette suture par un lambeau aponévrotique
découpé dans le fascia pectinéal et rabattu sur la suture.
Ce
procédé présente l’inconvénient de comporter une suture sous
tension.
2- Plasties prothétiques
:
* « Plug » cylindrique
:
Cette technique a été proposée par Lichtenstein en 1974.
L’intervention est pratiquée sous anesthésie locale.
Après dissection
et résection du sac, l’orifice crural est obturé par un plug cylindrique
fabriqué en roulant sur elle-même une plaque de polypropylène de
5 X 2 cm.
Le plug est fixé par des points de suture l’unissant à
l’arcade crurale, au fascia du muscle pectiné et au ligament de
Gimbernat.
Ce procédé a donné de bons résultats sur un grand
nombre de cas.
Cependant, ce type de plug exposé à
l’induration et au rétrécissement avec le temps semble être moins
utilisé actuellement.
* Perfixt-plug
:
L’intervention est pratiquée sous anesthésie locorégionale ou
locale.
L’orifice crural est obturé par un Perfixt-plug de taille
adaptée à celle de la hernie, habituellement moyenne ou petite. Si besoin, quelques pétales sont réséqués.
Le plug est introduit pointe
en avant dans l’orifice crural, jusqu’à ce que sa base affleure la marge
de l’orifice.
Le plug est fixé au pourtour fibreux de l’orifice par une
couronne de points séparés de fil fin, à résorption lente ou non
résorbable.
Les efforts de toux et de poussée permettent de
contrôler la stabilité du montage.
Ce procédé n’a donné aucune
complication ni récidive à ses promoteurs sur 24 cas.
* Méthode de Wantz
:
Cette technique est destinée au traitement des hernies crurales
prévasculaires ou récidivées.
Une incision inguinale basse permet
de découvrir la face antérieure de l’aponévrose du grand oblique et
la région crurale en réclinant la berge inférieure vers le bas.
Après
résection du sac, l’espace sous-péritonéal est disséqué à l’aide du
doigt introduit à travers l’orifice crural.
Le clivage est limité en
dehors par la naissance des vaisseaux épigastriques de la face
antérieure des vaisseaux iliaques.
Un carré de Mersilènet de 8 cm de côté est introduit dans l’orifice
crural pour être étalé dans l’espace sous-péritonéal.
Il est amarré à
la face profonde de la paroi à 3 cm au-dessus de l’arcade crurale par
trois points de suture transfixiants.
Les points sont passés à l’aide
d’une aiguille de Reverdin introduite dans l’orifice crural.
Une
cuiller ou une petite lame malléable refoule et protège le péritoine.
Les fils de suture permettent d’immobiliser le bord supérieur de la
prothèse pendant son étalement, ils seront retirés en fin
d’intervention.
Les deux coins libres de la prothèse sont saisis par
une pince courbe introduite par l’orifice herniaire et attirés vers le Retzius en dedans et vers la fosse iliaque en dehors, de façon à étaler
la prothèse.
Le defect pariétal n’est pas suturé. Wantz avait utilisé
cette méthode six fois en 1996 avec succès ; nous n’en avons pas
l’expérience.
Voie inguinale
:
A - VOIE D’ABORD
:
L’incision est parallèle au pli inguinal, située un peu plus bas que
l’incision habituelle de herniorraphie inguinale.
Après division du
plan sous-cutané, on se porte au niveau de l’arcade crurale, on incise
le fascia cribriformis le long de l’arcade crurale depuis la veine
fémorale jusqu’au pubis.
On découvre ainsi le sac herniaire
développé sous le fascia cribriformis, en dedans de la veine fémorale.
On se porte alors au niveau inguinal, on incise l’aponévrose
du grand oblique comme pour une hernie inguinale.
On explore la
totalité du canal inguinal à la recherche d’une hernie inguinale
associée, plus fréquente chez l’homme que chez la femme.
On incise
le fascia transversalis depuis l’orifice inguinal profond jusqu’au
pubis et on arrive à l’espace sous-péritonéal.
On découvre ainsi la
partie abdominale du sac qui pénètre dans l’orifice crural pour
s’extérioriser à la cuisse.
B - TRAITEMENT DU SAC
:
Le sac peut parfois être réduit de l’orifice crural vers l’abdomen par
une traction exercée sur son versant sous-péritonéal.
Si cela est
impossible, on peut ouvrir le sac au niveau sous-péritonéal et le
vider de son contenu pour faciliter la réduction.
On peut
aussi aborder le sac au-dessous de l’arcade crurale, l’ouvrir, réduire
ou réséquer son contenu, réséquer le sac lui-même et réduire ainsi
plus facilement le moignon à travers l’orifice crural.
Toutes ces
manoeuvres peuvent être facilitées par le débridement du ligament
de Gimbernat.
Le sac étant libéré et fermé, le péritoine est refoulé et le Cooper
largement découvert dans l’espace sous-péritonéal, par dissection mousse, en
prenant garde de ne pas blesser les branches vasculaires
anastomotiques qui croisent le ligament de Cooper.
C -
TEMPS DE RÉPARATION :
1- Herniorraphies
:
*
Procédé de McVay :
La suture abaissant le « tendon conjoint » au Cooper ou procédé de
Lotheissen, chargeant éventuellement aussi l’arcade crurale, se fait
sous assez forte tension et est peu recommandée.
Le procédé de McVay avec incision de décharge du grand droit semble le plus
adapté, notamment chez l’homme où la hernie crurale est volontiers
associée à une hernie inguinale directe.
* Procédé de Moschcowitz
:
Ce procédé consiste à rapprocher l’arcade crurale du ligament de
Cooper, comme dans le procédé de Bassini.
La suture peut être faite
par des points séparés ou par un surjet de monofilament non
résorbable.
La réparation du canal inguinal peut se faire alors par
le procédé de Shouldice.
Glassow aborde la région par voie inguinale et explore le canal
inguinal après incision de l’aponévrose du grand oblique.
En
l’absence de hernie inguinale associée, il procède à la fermeture de
l’orifice crural par le bas, par une suture unissant l’arcade crurale au
ligament de Cooper ou au fascia du muscle pectiné.
La suture est
faite au fil d’acier, au surjet en deux plans superposés.
En cas de
hernie inguinale associée, il associe à la herniorraphie crurale un
Shouldice.
2- Plasties prothétiques
:
La prothèse « parapluie » proposée par Bendavid est un disque
de polypropylène de 8 cm de diamètre, muni d’une tige axiale pour
faciliter les manipulations.
Elle est destinée au traitement des
hernies comportant un large orifice.
Le disque est introduit dans
l’espace sous-péritonéal et étalé à la face profonde du plan
musculoaponévrotique.
L’étalement se fait à l’aide d’une pince de
Kelly en s’aidant de la traction sur la tige qui passe à travers l’orifice
crural ; celle-ci sera sectionnée et retirée en fin d’intervention.
Le
disque est fixé au ligament de Cooper en arrière par quatre à six
points de suture, à l’arcade crurale en avant par deux à quatre
points, au ligament de Gimbernat en dedans par un point.
Latéralement, il est au contact de la veine fémorale et fixé par
quelques points à la gaine des vaisseaux fémoraux.
L’intervention peut être pratiquée par voie crurale ou inguinale,
selon qu’il existe ou non une hernie inguinale associée et selon la
taille de l’orifice crural.
Si cet orifice est large, le Cooper est
accessible et les points de fixation peuvent être passés par voie
crurale.
Dans le cas contraire, il faut passer par voie inguinale,
inciser largement le fascia transversalis pour découvrir le Cooper et
fixer correctement le disque.
L’intervention sera terminée par une herniorraphie inguinale de type Shouldice.
La technique de Rives qui comporte une fixation de la prothèse au
ligament de Cooper permet de fermer efficacement l’orifice crural.
Au cours de la technique de Lichtenstein pour hernie inguinale, en
cas de hernie crurale associée, le fascia transversalis est ouvert et la
prothèse est fixée au Cooper au lieu de l’arcade crurale.
Ces deux
techniques ne sont pas des procédés de traitement électif de la hernie
crurale, mais elles permettent un traitement efficace en cas de
découverte d’une hernie crurale associée à une hernie inguinale.
Voie rétropéritonéale
:
A -
VOIE TRADITIONNELLE
:
Les voies d’abord de Stoppa et de Nyhus permettent d’exposer la
totalité des orifices herniaires.
L’orifice crural se reconnaît à sa
situation en dedans de la veine fémorale.
La réduction du sac peut
être aidée par le débridement du ligament de Gimbernat en dedans.
La fermeture de l’orifice peut être faite par suture de la bandelette iliopubienne au ligament de Cooper.
Actuellement, on préfère
mettre en place une prothèse étalée recouvrant la totalité des points
faibles de la paroi, selon les procédés de Stoppa ou de Wantz.
La
technique est la même que pour la hernie inguinale.
B - CHIRURGIE VIDÉOASSISTÉE
:
On peut aussi bien utiliser la voie d’abord transpéritonéale que la
voie d’abord extrapéritonéale.
L’orifice crural est reconnu par sa
situation en dedans de la veine fémorale.
L’exploration permet de
voir s’il y a ou non des hernies inguinales associées.
Le sac est réduit
après division si besoin du ligament de Gimbernat, puis réséqué.
Une hernie inguinale associée éventuelle est également traitée.
Une
large prothèse est appliquée sur toute la zone de faiblesse de l’orifice myopectinéal.
Indications opératoires
:
A - HERNIES CRURALES COMMUNES
:
Toute hernie crurale diagnostiquée doit être opérée.
En effet, le
risque d’étranglement est dix fois plus élevé que pour les hernies
inguinales et les interventions pour étranglement comportent
un risque plus élevé de complications et de décès.
Dans une étude
comparative, les taux de mortalité et de morbidité étaient
respectivement de 0 et 10 % pour les interventions programmées
versus 10 et 30 % pour les hernies étranglées.
Le choix de la voie d’abord et du procédé repose sur la taille de la
hernie et le sexe.
En effet, il ressort de l’expérience du Shouldice
Hospital, portant sur plus de 2 000 cas, que la hernie crurale est
souvent pure chez la femme, alors que chez l’homme elle est
associée à une hernie inguinale dans la moitié des cas et que celle-ci
est directe dans un cas sur deux.
Il est donc préférable d’aborder
la hernie crurale par voie inguinale chez l’homme, alors que chez la
femme la voie crurale est habituellement suffisante.
Par voie d’abord crurale, si l’orifice herniaire est petit (10 à 15 mm),
le procédé de Lytle paraît bien adapté.
Si la hernie est plus
volumineuse, une technique de plug évitant tout rapprochement
sous tension paraît préférable à une herniorraphie.
Par voie inguinale, en l’absence de hernie inguinale associée, on peut
recourir à l’un des deux procédés ci-dessus, à condition de ne pas
inciser le fascia transversalis.
En cas de hernie inguinale associée, il
faut en assurer la réparation dans le même temps.
Le procédé de
Mac Vay, celui de Rives ou de Lichtenstein pour la hernie inguinale
modifiée peuvent être utilisés.
La laparoscopie peut être préférée par les chirurgiens qui en
possèdent bien la pratique, notamment dans les cas où il existe une
hernie inguinale associée volumineuse.
Elle permet de renforcer la
totalité du trou musculopectinéal par une prothèse étalée dans
l’espace rétropéritonéal.
Elle présente également un intérêt en cas
de diagnostic difficile, notamment en cas de petite hernie chez une
femme obèse.
Elle permet de confirmer le diagnostic et d’effectuer
le traitement dans le même temps.
B - CAS PARTICULIER DES HERNIES PRÉVASCULAIRES
:
Cette variété rare de hernie crurale passe dans la gaine des vaisseaux
fémoraux et s’extériorise, soit à leur face antérieure, soit plus
rarement encore en dehors d’eux.
À l’examen clinique, elle se
reconnaît par sa situation plus externe que la hernie crurale
commune qui est développée en dedans des vaisseaux fémoraux,
alors que la hernie prévasculaire est située en avant d’eux ou même
en dehors.
Elle est souvent plus volumineuse que la hernie crurale
commune et facilement réductible.
Il n’est évidemment pas possible
de fermer correctement cette brèche par une herniorraphie, puisque
la paroi postérieure est formée par les vaisseaux eux-mêmes.
Le
traitement consiste à placer une large prothèse rétropérinéale par
voie postérieure traditionnelle ou coelioscopique.
Lorsque la hernie prévasculaire n’a pas été reconnue et qu’elle a été abordée par voie
inguinale, on peut poser cette prothèse en utilisant le procédé
d’Alexandre pour les hernies inguinales ou le procédé de
Wantz.