Traitement chirurgical des escarres Cours de Chirurgie
Introduction
:
L’escarre n’est pas une affection comme une autre : l’escarre est une
complication.
Sa cure réussie ne guérit hélas jamais le patient.
À ce
titre, elle ne peut et ne doit être considérée comme une entité
pathologique intrinsèque.
Sa prise en charge chirurgicale a considérablement évolué ces
20 dernières années, surtout depuis que les lambeaux musculaires
ont succédé aux lambeaux cutanés.
De même, l’état nutritionnel du
patient, comme l’environnement pré- et postopératoire, sont les
conditions d’une chirurgie réussie.
Ainsi la chirurgie de l’escarre a-t-elle la particularité de s’inscrire
obligatoirement dans un contexte de prise en charge généralement
complexe et pluridisciplinaire, dont la négligence ou la
méconnaissance seule explique les échecs de la chirurgie.
C’est
pourquoi au chapitre des techniques chirurgicales se rajoutent des
chapitres tout aussi fondamentaux évoquant l’importance des
conditions de réalisation de cette chirurgie particulière.
Généralités
:
A - PHYSIOPATHOLOGIE
:
L’escarre est une plaie par compression des tissus mous entre deux
plans durs (l’os et le support).
La nécrose tissulaire s’installe quand les mécanismes de défense habituels de l’organisme sont abolis :
perte totale ou subtotale de la mobilité (paraplégie, hémiplégie),
inconscience cutanée de la compression par troubles majeurs de la
sensibilité, troubles de la conscience, et particulièrement les comas.
Le changement automatique de position, dont la fréquence moyenne
est estimée à 20 minutes, est alors supprimé et, en l’absence d’une
prévention efficace, l’escarre peut s’installer en 3 heures de
compression seulement, voire moins.
C’est la thrombose des
vaisseaux cutanés puis sous-jacents, notamment musculocutanés,
qui explique l’apparition des nécroses étendues.
La prévention,
systématique, relève de l’équipe soignante et singulièrement des
infirmières dont elle est une mission prévue par la loi.
Elle est basée
sur un changement de position toutes les 3 heures en moyenne.
Cette prévention est nécessairement permanente, maintenue nuit et
jour, ainsi que les jours fériés.
B - ÉPIDÉMIOLOGIE
:
En fait, l’escarre apparaît principalement dans trois circonstances
particulières.
1- Phase aiguë de l’immobilisation
:
Qu’il soit ultérieurement définitif ou occasionnel (fracture du col du
fémur, alitement pour grippe), le changement brutal de l’état de
mobilité normale à l’immobilisation plus ou moins stricte au lit
s’accompagne souvent d’une escarre inaugurale, en général sacrée.
Chez le tétraplégique, elle est fréquente malgré une prévention
rapidement instaurée et efficace par la suite.
2- Affection intercurrente chez le grabataire chronique
:
C’est la survenue d’un épisode infectieux aigu (infection bronchopulmonaire, infection urinaire) avec forte fièvre (supérieure
à 39 °C) qui va rendre insuffisantes les mesures habituelles de prévention et, en moins de 1 heure, l’escarre généralement sacrée
est capable d’apparaître chez de tels patients.
C’est souligner la nécessité d’adapter une prévention routinière aux
nouvelles conditions métaboliques, notamment de latéraliser les
patients toutes les heures en cas d’infection intercurrente aiguë chez
le grabataire chronique.
3- Escarre chronique du paraplégique
:
La mise en charge systématiquement trop prolongée sur le support
assis entraîne souvent l’apparition d’escarres insidieuses avec
ulcération superficielle du revêtement dermoépidermique et nécrose
répétée du tissu graisseux sous-jacent qui se résout un jour en abcès
aigu à inciser.
Il en résulte une escarre classique, au revêtement
cutané superficiel peu entamé, mais avec une grande poche de
nécrose graisseuse sous-jacente.
Dans d’autres cas, deux escarres trochantéro-ischiatiques s’installent
chroniquement, avec apparition d’un état « d’équilibre ulcéreux »
qui peut durer 10 ans et plus.
La prise de conscience par le
paraplégique et son entourage est particulièrement difficile à obtenir,
et les évolutions défavorables par poursuite des mauvaises
habitudes (mise en charge des fesses 8 heures d’affilée ou plus) sont
malheureusement assez fréquentes et se soldent par l’arthrite
septique de hanche puis le décès (septicémie et complications
urinaires).
B - STADES DE L’ESCARRE
:
*
Érythème ou « menace »
:
C’est le premier stade de l’escarre : il se manifeste lors du
changement de position par une rougeur puis un oedème au point
de pression (sacré, trochantérien, talon) qui persiste au-delà de
15 minutes en dépit de l’activation circulatoire (massage de la zone
rouge).
C’est le premier signe d’une souffrance dermoépidermique.
À ce stade essentiel, le diagnostic doit entraîner l’arrêt immédiat de
la mise en charge de la zone atteinte jusqu’à guérison.
Cet érythème,
fort comparable à l’évolution d’une brûlure du premier degré, met
8 à 10 jours à guérir avec perte progressive de la rougeur, disparition
de l’oedème et desquamation de l’épiderme après quelques jours.
* Phlyctènes
:
Des phlyctènes de taille variable, fugaces, apparaissent ensuite et ne
sont souvent visibles que sous forme d’ulcérations superficielles
épidermiques mettant à nu le derme sous-jacent, évoquant une
brûlure du deuxième degré.
Des mesures immédiates de décharge permettent alors la guérison,
mais le délai est de 6 à 8 semaines jusqu’à la desquamation finale
des croûtes des ulcères.
* Croûte noire
:
Elle correspond à la nécrose ischémique de toute l’épaisseur
dermique et réalise, dans le meilleur des cas, l’équivalent d’une
brûlure du troisième degré.
Souvent, hélas, elle est inaugurale, précédée 48 heures auparavant
par le classique « halo d’ischémie » : lors d’un changement de
position, une zone de plusieurs centimètres carrés apparaît, brun
chamois, manifestement nécrosée.
C’est l’indice d’une escarre très
profonde avec nécrose graisseuse et musculaire jusqu’à l’os
sous-jacent.
Quelquefois, la croûte noire finit par s’installer après confluence des
ulcérations sans décharge adéquate de la zone atteinte.
L’escarre est
alors moins profonde.
* Ulcère sanieux
:
Les processus cicatriciels vont circonscrire la nécrose cutanée
apparente en décollant en périphérie la croûte noire sous forme d’un
sillon d’élimination.
Celui-ci se constitue en 15 à 21 jours à la
ceinture pelvienne bien vascularisée, tandis qu’elle peut mettre
plusieurs mois au niveau des coques talonnières où la
vascularisation est souvent précaire.
En l’absence d’abcès sous-jacent, on attend l’apparition du sillon
d’élimination pour exciser la croûte noire, mettant à nu la graisse dévascularisée sous-jacente qu’on peut déterger classiquement par
la suite.
En cas d’abcès sous-jacent, il est bon d’inciser la
collection au milieu de la croûte noire et de drainer par une lame.
L’excision de la croûte est réalisée 15 à 21 jours plus tard.
Au talon, il faut savoir attendre plusieurs mois en général avant que
le sillon d’élimination permette l’excision.
Un pansement de
propreté et une protection antiescarre sont mis en place durant cette
attente.
* Ulcère détergé
:
En quelques semaines, la détersion des tissus nécrosés se fait
spontanément, laissant progressivement apparaître le tissu de
granulation le long des berges saines de l’escarre.
Il est évidemment préférable d’accélérer le processus en favorisant
mécaniquement la détersion (« jet à goutte ») ou chimiquement.
Après excision de la croûte noire, il faut 3 ou 4 semaines de
détersion intensive pour obtenir un ulcère propre.
* Fermeture
:
À la fin de la détersion, la contraction centripète des berges de la
perte de substance démarre brutalement et diminue très fortement
la taille de la surface ulcérée.
Cette rétraction cicatricielle est
purement physiologique et s’effectue par l’intermédiaire des myofibroblastes qui tapissent l’ulcère.
Parallèlement, les berges
s’aplatissent sous l’effet d’une rétraction de l’ulcère vers le fond par
le même processus.
La perte de substance initialement souvent
volumineuse se transforme alors en une ulcération propre de
quelques centimètres carrés de diamètre.
En l’absence d’impasse
cicatricielle, l’épidermisation à partir de la périphérie saine de
l’ulcère se poursuit vers le centre et achève le processus de
cicatrisation.
Ce stade est celui de la cicatrisation dirigée.
C - LOCALISATIONS
:
Toutes les localisations sont possibles.
Néanmoins, la fréquence est
particulièrement élevée à la ceinture pelvienne et aux talons.
1- Ceinture pelvienne
:
* Escarre sacrée
:
C’est la plus fréquente de toutes les escarres.
Liée au décubitus
dorsal, elle est unique médiane ou peut être double paramédiane
droite et gauche : la forme dépend de la proéminence variable du
plan osseux du sacrum et du bassin.
Elle expose rapidement l’os et
peut être extrêmement volumineuse.
L’anus est presque toujours
protégé car enfoui plus profondément dans le sillon interfessier.
Elle
cicatrise généralement bien, au moins la première fois.
* Escarre trochantérienne
:
Deux formes doivent être différenciées.
+ Escarre trochantérienne latérale
:
C’est celle qui se produit en décubitus latéral strict.
Elle expose la
face externe du trochanter et se complique rarement d’arthrite
septique.
Elle est sujette à l’impasse cicatricielle et doit souvent être
opérée.
·
+ Escarre trochantérienne postérieure
:
C’est une escarre de la position assise qui expose la face postéroexterne du trochanter.
En raison de la continuité avec la face
postérieure de l’articulation coxofémorale, elle est beaucoup plus redoutable que l’escarre latérale et peut se compliquer d’arthrite
septique de hanche avec apparition rapide d’une luxation
coxofémorale, en général postérosupérieure.
Elle peut évoluer à bas
bruit (découverte par... la luxation !) ou s’accompagner de signes
généraux intenses avec septicémie.
* Escarre ischiatique
:
C’est, par excellence, l’escarre de la position assise et elle affecte
typiquement le paraplégique rééduqué.
Elle entraîne généralement
une perte de substance cutanée très modérée au niveau du pli fessier
ou un peu plus haut.
En revanche, la poche profonde est vaste et
présente chez le patient couché en décubitus latéral, un trajet
ascendant de plusieurs centimètres jusque autour de l’ischion
toujours exposé.
C’est une escarre qui cicatrise mal spontanément et
devient chronique et fibreuse chez le paraplégique.
* Escarre trochantéro-ischiatique
:
C’est la confluence des deux escarres trochantérienne postérieure et
ischiatique de la position assise.
Elle est souvent chronique par
poursuite de l’exposition répétée à la position assise et pose des
problèmes de couverture plus importants que chaque escarre
séparément.
* Escarre périnéale
:
Elle s’installe plus tardivement, en général quand les supports
osseux pelviens ont été réséqués, notamment les ischions et les têtes
fémorales.
Chez l’homme, elles compromettent rapidement l’urètre.
Des escarres périnéales antérieures peuvent également apparaître
chez les paraplégiques traités par ostéosynthèse du rachis et dont le
bassin est en antéversion.
Leur apparition est incontestablement un signe de gravité extrême
chez le paraplégique.
2- Talon
:
C’est l’autre localisation fréquente. L’escarre peut être postérieure,
latérale ou médiale, voire atteindre toute la coque talonnière.
Quand
elle se prolonge sur la berge médiale et/ou latérale en « carte de
géographie », elle signe un état vasculaire précaire du membre.
Elle se présente, dans la quasi-totalité des cas, comme une plaque
violacée ou noire aux limites un peu floues.
Elle se caractérise par la
lenteur de son évolution spontanée et, en raison de son terrain, elle
est peu chirurgicale.
La forme ulcérée est exceptionnelle et/ou
gravissime car elle expose le calcanéus (ostéite).
3- Autres localisations
:
Parmi les localisations plus rares mais non exceptionnelles citons :
– la pointe de la scapula : en général le traitement reste purement
médical ;
– le cuir chevelu : les escarres surviennent chez les sujets en coma
ou chez les tétraplégiques de façon inaugurale.
Elles exposent la calvaria et relèvent d’une fermeture chirurgicale locorégionale ;
– les genoux : ce sont presque toujours des lésions compressives qui
s’installent en raison d’une contraction spastique des membres
inférieurs en adduction. Leur traitement relève avant tout de la cure
de la spasticité.
D - TRAITEMENT MÉDICAL ET PRÉVENTION
DE LA RÉCIDIVE :
1- Traitement médical
:
Le traitement médical comporte tout d’abord les mêmes éléments
que la prise en charge préopératoire : renutrition, choix
d’un support adapté, bilan et traitement des infections
intercurrentes, notamment celles qui ont conduit à la constitution de
l’escarre (infection urinaire ou pulmonaire), instauration d’une
bonne hygiène locale, prévision du devenir du patient.
On met immédiatement en route la détersion, de préférence
mécanique (« jet à goutte »), de l’escarre, tout en corrigeant l’état
général du patient.
La fin de la détersion est marquée par l’apparition d’un tissu de
granulation rouge uniforme dans l’escarre, obtenu en 3 ou
4 semaines de traitement.
Le processus complet de fermeture d’une escarre sacrée dure
généralement de 4 à 8 mois, suivant sa taille.
Il reste une cicatrice
dépigmentée et souvent le revêtement est un peu précaire.
2- Prévention de la récidive
:
C’est évidemment une étape fondamentale de la prise en charge de
toute escarre : elle commence lors du traitement médical, où la
décharge de l’escarre constituée ne doit pas aboutir à la constitution
d’autres escarres.
C’est essentiellement le choix du support associé à
un plan de latéralisation qui constitue cette prévention.
C’est la
suppression des épines irritatives, déjà envisagée, et enfin le choix
d’un placement adapté du patient ou la mise en oeuvre de mesures
de prévention efficace ultérieure qui constitue l’autre volet de cette
prévention.
Prise en charge préopératoire
:
L’intervention chirurgicale de couverture doit être précédée d’une
préparation générale du patient visant à supprimer les facteurs qui
sont à l’origine de l’escarre et d’une préparation locale, de manière
à se mettre dans des conditions préopératoires optimales.
La
collaboration avec un centre spécialisé est généralement
recommandable.
A - PRÉPARATION GÉNÉRALE
:
1- Évaluation de l’état général
:
Cette évaluation va, dans un certain nombre de cas, permettre de
corriger des tares ou des troubles nutritionnels préexistants, de
manière à minimiser le risque opératoire et le risque d’échec.
* État nutritionnel
:
La dénutrition, facteur important dans la constitution ou l’évolution
défavorable immédiate de l’escarre, doit être maîtrisée.
Pour en
faire le diagnostic, l’indice courant le plus utilisé est le dosage des
protides totaux et de l’albumine.
Leur chute rapide est diagnostiquée
sans retard tandis que leur remontée est soumise à un délai de
10 jours au moins.
Il faut savoir qu’en moyenne 3 semaines sont
nécessaires pour repasser de 50 g à 60 g de protides/L.
Parmi les
mesures à prendre pour passer de 1 000 à 1 500 cal, la sonde nasogastrique siliconée de petit calibre, mise en place au moins la
nuit, est une mesure très efficace.
La gastrostomie percutanée peut
être nécessaire. Il est difficile d’obtenir une amélioration rapide de
l’état général en l’absence de ces mesures chez les patients âgés.
À l’opposé, un nombre plus restreint de patients présente une
obésité qui va constituer un facteur de risque majeur.
En effet, ces
patients présentent tout d’abord un risque d’échec majoré en raison
de la fragilité vasculaire plus importante du tissu adipeux, favorisant
les nécroses et les infections.
D’autre part, l’efficacité du lit fluidisé
souvent préconisé à la phase postopératoire immédiate, est tout à
fait illusoire pour un poids de plus de 120 kg en théorie, 80 kg en
pratique.
Fort heureusement, les lits à air plus modernes
(Therapulse, Kinair), avec pesée automatique du patient,
admettent jusqu’à 160 kg et remplaceront probablement à l’avenir
les lits fluidisés classiques.
* Recherche d’autres facteurs de risque
:
Le bilan préopératoire doit rechercher d’autres altérations de l’état
général ayant pu d’une part favoriser initialement l’apparition des escarres, et susceptibles d’autre part de limiter le geste chirurgical
pour des raisons anesthésiques ou d’être à l’origine d’une récidive
postopératoire.
Un diabète, une insuffisance cardiovasculaire, une insuffisance
respiratoire, les accidents infectieux, une insuffisance rénale, une
anémie doivent être systématiquement recherchés et éventuellement
corrigés.
Enfin, la présence de spasmes musculaires au niveau des membres
inférieurs, fréquemment retrouvés chez les patients paraplégiques
ou porteurs d’une sclérose en plaque, responsables d’attitudes
vicieuses gênant le nursing et favorisant la récidive, doit faire
entreprendre un traitement médical par myorelaxants et une
kinésithérapie adaptée, voire un « dépliage » chirurgical en cas de
rétractions fixées.
2- Prévoir le type de support postopératoire
:
Il est fondamental de prévoir avant l’intervention quel type de
support sera nécessaire en postopératoire.
Il faut vérifier que le
déclenchement de l’escarre ne rend pas inefficace le support choisi,
notamment le Cliniplott, meilleur support préventif.
En effet, en
règle générale, trois positions de latéralisation doivent être possibles
(y compris l’éventuelle position assise) pour lutter efficacement
contre l’apparition de nouvelles escarres.
La décharge absolue et permanente de l’escarre peut rendre un
support insuffisant si les trois positions ne sont plus disponibles.
Il
faut alors passer à un support plus performant, a priori un lit Nimbust ou un matelas Therakairt plus efficace sur la
décompression partielle de la zone touchée.
En cas d’escarres multiples surtout pelviennes ou d’absence de
coopération de la part du patient, il faut, dans la mesure du possible,
le mettre sur un support performant, de préférence un Clinitron ou
un lit à air (Therapulse ou Kinair) qui assure une décharge
maximale.
3- Hygiène locale
:
Une bonne hygiène locale, notamment dans les escarres de la
ceinture pelvienne, doit être instaurée en cas d’incontinences.
Dès le
stade de menace, une sonde urinaire est posée et le recueil des selles
par appareillage de l’anus est indispensable en cas de diarrhée et/ou
d’incontinence anale pour éviter d’aggraver la situation.
4- Prélèvements bactériologiques
:
Ils sont faits dans l’escarre 2 à 3 jours avant l’intervention de
fermeture.
On peut instaurer une antibiothérapie postopératoire
adaptée à l’antibiogramme systématiquement demandé.
5- Devenir du patient
:
Il faut le prévoir après sa sortie du service.
La survenue d’une escarre chez un patient n’est pas fortuite mais
est, le plus souvent, soit le fait d’une éducation insuffisante, soit le
reflet d’une baisse de la vigilance de la part du patient lui-même ou
de l’équipe soignante.
À ce titre, il est très souvent nécessaire de
prévoir dès le début un séjour postopératoire en centre de
réadaptation spécialisé, de manière à acquérir (ou à réacquérir) les
bons réflexes de prévention, et de réinformer l’entourage et le
patient sur les facteurs de risque.
Si un retour à domicile est
envisagé, une enquête devra être menée sur les moyens dont
disposera le patient pour sa prise en charge et, éventuellement,
équiper le domicile en moyens adéquats (matelas adapté, coussin
pour fauteuil, potence pour la latéralisation).
Enfin, il faut avoir
résolu dans certains cas le placement ultérieur. Le médecin-traitant
et l’assistante sociale sont généralement à associer à cette démarche.
B - PRÉPARATION LOCALE
:
1- Détersion mécanique progressive
:
Seules les escarres propres et entièrement détergées peuvent être
opérées.
Il est donc indispensable d’obtenir, par des soins locaux
appropriés, une détersion préopératoire complète de la lésion.
Le
stade de la détersion commence pour l’organisme immédiatement
après la constitution de l’escarre profonde.
Il faut attendre
l’apparition du sillon d’élimination autour de l’escarre pour exciser
la croûte noire (le derme desséché) qui va exposer la nécrose « molle
» graisseuse puis musculaire plus profonde.
* « Jet à goutte »
:
L’escarre est détergée ensuite au mieux mécaniquement par
l’utilisation du « jet à goutte » : une perfusion de sérum
physiologique contenant 20 mL de Dakint est branchée en parallèle
sur l’oxygène mural.
L’embout réunissant les deux tubulures peut
être placé dans l’escarre, et le débit du liquide et de l’air sont réglés
de manière à arriver en jet sur la nécrose.
Un ou 2 L peuvent être
passés en 10 à 15 minutes avec une efficacité très supérieure au
goutte-à-goutte classique sur le décollement des nécroses, et ce avec
un confort accru pour le patient qui reste en général en décubitus
latéral.
On peut effectuer une à deux séances par jour suivant l’état
du patient, avec section aux ciseaux des lambeaux de nécrose qui se
détachent.
Cette détersion est à la fois très efficace et très rapide,
avec peu d’odeurs désagréables ; elle reste très économique pour
l’organisme du patient car non hémorragique.
Dans l’intervalle des
détersions, des compresses vaselinées sont mises dans l’escarre
(Tulle Gras Lumièret ou Vaselitullet...) ainsi qu’un pansement
matelassé absorbant.
On peut accélérer la détersion des aponévroses
très résistantes par l’application d’Élaset dans l’intervalle.
Les
mèches d’alginate de calcium (Algostéril) sont également très
efficaces et peu coûteuses pour accélérer la fin de la détersion.
Tous
les produits colorés (éosine, violet de gentiane, mais aussi Bétadinet...) sont à proscrire, de même que les antiseptiques
habituels (chlorhexidine, ammoniums quaternaires) au profit du
sérum (l’adjonction de Dakint a surtout une efficacité importante
sur les odeurs).
Les antibiotiques locaux sont contre-indiqués sauf
en saupoudrage bref de 1 semaine sur les ulcérations épidermiques
superficielles situées autour de l’escarre quand elles résistent aux
topiques habituels (pommade à la pâte à l’eau, à l’oxyde de zinc).
2- Excision chirurgicale
:
Certains pratiquent l’excision chirurgicale initiale de l’escarre, suivie
10 jours plus tard de l’intervention réparatrice.
Sous anesthésie
générale, l’excision de l’escarre emporte alors l’ensemble des tissus
nécrotiques et on laisse l’hémostase se compléter, ainsi que le tissu
de granulation apparaître avant de programmer la phase de
fermeture chirurgicale.
Ce traitement radical est surtout affaire d’habitude mais n’a, à notre
avis, que peu d’indication à l’heure actuelle : cher pour le patient,
car c’est une intervention chirurgicale hémorragique nécessitant en
général une transfusion postopératoire, il ne dispense pas d’une
nouvelle excision lors de la réparation.
L’indication essentielle reste à notre avis les suppurations torpides
étendues avec syndrome infectieux important non jugulable par le
traitement antibiotique ; c’est alors une nécessité et quelquefois une
intervention de sauvetage du patient.
3- Détersion chimique
:
Elle a ses défenseurs ; il s’agit de favoriser, voire d’accélérer, les
phénomènes physicochimiques de détersion naturelle par
l’application sur la plaie de substances qui favorisent la pullulation
microbienne saprophyte.
Le produit le plus populaire pour cette
détersion est l’adjonction de sucre simple du commerce dans l’ulcère
sanieux : l’appel d’eau et l’apport nutritionnel créés par cette
macromolécule vont favoriser la pullulation microbienne et la
détersion locale ; le pansement est changé tous les jours jusqu’à la
fin de la détersion.
En fait, ce traitement est efficace mais présente
quelques inconvénients, notamment le problème de l’« odeur de
putréfaction », difficile à supporter.
Il peut rendre des services dans
les circonstances où la détersion mécanique ne peut être instaurée
normalement.
Beaucoup d’autres produits peuvent être utilisés mais aucun ne
présente d’intérêt réel.
La couverture de l’ulcère sanieux par les hydrocolloïdes en particulier est efficace mais répond aux mêmes
critiques ; elle est de surcroît très onéreuse.
Traitement chirurgical des escarres
:
A - PRINCIPES
:
Il faut d’abord transformer la plaie sale en plaie propre : le premier
temps du traitement est toujours l’excision de l’ulcère.
On enlève de façon économique mais néanmoins totale toute la
bourse fibreuse de l’escarre avec son tissu de granulation.
En
profondeur, une simple toilette osseuse emportant le plus
économiquement possible l’os exposé (sacrum, ischion, trochanter)
sans ostectomie vraie est indispensable pour transformer la plaie
détergée mais septique en une plaie propre.
L’hémostase est suivie
de la mise en place de compresses d’eau oxygénée, puis de
changement de champs opératoires et d’instruments avec nouvelle
installation pour la fermeture.
On travaille ainsi de façon la plus
aseptique possible tandis que l’anesthésiste passera en règle générale
un flash antibiotique durant cette excision.
Il faut surtout, lors de ce temps opératoire, éviter l’excès d’exérèse
osseuse, notamment à l’ischion : une simple toilette est requise et
non une ischiectomie dont la conséquence désastreuse sera
l’apparition d’une escarre périnéale avec, ultérieurement, exposition
urétrale.
La fermeture doit assurer un revêtement épidermique cutané et
surtout un comblement aussi complet que possible de la perte de
substance qui est un des garants de la non-récidive.
B - ESCARRES DE LA CEINTURE PELVIENNE
:
1- Escarres sacrées
:
* Lambeaux cutanés de voisinage
:
+ Lambeau de rotation
:
On peut tracer un lambeau, constamment de grande taille, aux
dépens de la peau adjacente de la fesse.
Le point de départ du
lambeau est toujours situé sur la perte de substance du côté opposé
à la plastie et le tracé est le plus grand possible.
Le pédicule est en
général inférieur mais peut également être supérieur.
On respecte la
relation classique : longueur du lambeau (L) inférieure à une fois et
demie la largeur du pédicule (l), qui est une bonne précaution à la
ceinture pelvienne.
On peut également tracer deux lambeaux, un de
chaque côté et, comme c’est classique, les pédiculer l’un en haut et
l’autre en bas.
On emporte toute l’épaisseur cutanée jusqu’au ras du
muscle notamment grand fessier ; le fascia n’est guère visible aux
fesses.
L’excision d’un triangle d’égalisation de la grande berge, qui
est latérale, n’est pas indispensable et n’est tracée qu’en cas de
nécessité.
La suture en deux plans graisseux et dermoépidermique
se fait de proche en proche, en commençant par la zone à couvrir et
en répartissant les tensions par un bâti qui fixe en trois ou quatre
points la nouvelle position du lambeau.
+ Lambeau LLL
:
Le tracé est celui décrit par Claude Dufourmentel et la fermeture
s’apparente à celle d’un kyste pilonidal : la perte de substance
arrondie est transformée en losange et deux lambeaux d’échange
sont tracés à droite ou à gauche du defect. Un double LLL avec
inversion du tracé de part et d’autre du losange peut également être
dessiné.
+ Lambeau fasciocutané lombaire
:
Ce lambeau décrit par Hill utilise la peau lombaire située audessus
de l’escarre.
On trace, depuis la ligne médiane, un lambeau
rectangulaire de 12 x 12 cm transversalement au-dessus de l’escarre
et on le prélève en fasciocutané.
Il est vascularisé par les perforantes fasciocutanées lombaires controlatérales et la fermeture du site
donneur est réalisée par décollement-rapprochement.
Dans les
escarres supérieures à 10 cm de diamètre, on peut tracer un tel
lambeau de chaque côté, les pédiculer sur leur perforante
homolatérale et les suturer ensemble sur la ligne médiane.
* Lambeaux musculaires de grand fessier
:
+ Principe :
Il consiste à combler la perte de substance laissée par l’excision de
l’escarre avec la partie distale charnue du muscle grand fessier qu’on
laisse pédiculé sur les deux pédicules glutéaux.
On y associe une
greffe de peau mince immédiate sur le muscle.
+ Rappel anatomique
:
Le muscle grand fessier est un muscle large, épais, le plus superficiel
des muscles de la fesse.
Il s’étend de l’os iliaque et du sacrum
jusqu’à l’extrémité supérieure du fémur sur la tubérosité glutéale et
jusqu’au fascia lata (aponévrose de la cuisse).
La vascularisation du grand fessier est de type III de Mathes et
Nahai avec deux pédicules vasculaires principaux indépendants :
– le pédicule glutéal supérieur naît du tronc postérieur de l’artère
iliaque interne ; il émerge au-dessus du muscle piriforme et chemine
à la face profonde du muscle grand fessier qu’il pénètre à son tiers
latéral ;
– le pédicule glutéal inférieur a la même origine, passe en dessous du
muscle piriforme et se bifurque en deux branches, latérale mais
surtout médiale.
Il existe des pédicules accessoires à partir de l’artère honteuse
interne mais aussi à partir de l’artère circonflexe médiale et de la
première perforante de l’artère fémorale profonde.
Ces deux pédicules glutéaux supérieur et inférieur vascularisent à
peu près pour moitié le muscle. Le pédicule inférieur est
prédominant et la section du pédicule glutéal supérieur est possible
pour faciliter la mobilisation d’un lambeau sans porter préjudice à
la vascularisation globale du muscle.
Le nerf sciatique émerge lui aussi au niveau du foramen infrapiriforme.
Il rejoint la face postérieure de la cuisse en passant
sous le muscle grand fessier et en surcroisant les muscles obturateur
interne, jumeaux et carré fémoral.
+ Transfert d’un muscle grand fessier
Incision et position opératoire
La position opératoire est généralement le décubitus latéral avec
bascule trois quarts avant du patient exposant le côté choisi pour la
plastie.
Le décubitus ventral est plus confortable mais n’est pas
indispensable.
Il est préférable de choisir le côté que l’escarre a le
plus délabré.
Incision
Elle est le plus souvent possible à distance de l’escarre.
Latérale,
partant à quelques centimètres sous l’épine iliaque postérosupérieure, se dirigeant obliquement vers la saillie supérieure
du grand trochanter, à la hauteur duquel elle s’incurve pour devenir
verticale et longer le bord latéral du grand trochanter à 2 ou 3 cm
médialement.
Elle s’arrête au pli fessier (3 cm en dessous si la partie
inférieure du muscle doit être prélevée).
L’incision est menée jusqu’au muscle.
On décolle la berge
latérale sur 3 cm pour exposer l’insertion trochantérienne du muscle
et la berge médiale à ras du muscle jusqu’à l’escarre sur toute la
hauteur de l’incision.
Le passage à la face profonde du muscle grand
fessier est réalisé dans la portion inférieure.
L’orientation des fibres
montre jusqu’à quelle hauteur il faut prélever le muscle.
On fend le
muscle entre deux faisceaux, aux ciseaux et aux doigts, et on descend jusqu’au plan du moyen fessier recouvert d’une couche
aponévrotique et graisseuse en général bien individualisée.
On place deux écarteurs de Farabeuf dans les deux berges
musculaires.
Section distale du muscle grand fessier : on
passe l’index sous le muscle le long du grand trochanter et on le
sectionne près de son insertion trochantérienne de bas en haut au
bistouri électrique.
Le bord supérieur du muscle se raccorde
étroitement au muscle tenseur de fascia lata (TFL).
Le muscle est ensuite progressivement détaché médialement audessus
du fascia du moyen fessier jusqu’à l’émergence des pédicules
glutéaux signalés par l’apparition d’une branche du nerf moteur
qu’il convient de sectionner pour améliorer le retournement.
Le pédicule inférieur est très médial et on y accède en ayant décollé
le muscle de l’ischion sur lequel il s’insère par des tractus fibreux,
après avoir sectionné au moins une volumineuse anastomose avec
les pédicules récurrents de la première communicante fémorale.
On
reste au-dessus du nerf sciatique. Le nerf cutané postérieur de la
cuisse, quelquefois gênant, peut être coupé.
Le muscle est ensuite retourné dans la perte de substance sous la
peau.
Si le pédicule glutéal supérieur bride la rotation, on
peut le couper.
Le muscle est alors soigneusement suturé aux berges
de la perte de substance par de gros points de Vicryl, en un ou
deux plans, pour amarrer la berge cutanée au muscle. Une certaine
tension n’est pas nuisible.
Après vérification de l’hémostase, trois gros drains de Redon
drainent la zone de prélèvement.
L’un d’eux est placé sous
le muscle recouvrant l’escarre.
L’incision est refermée en deux plans
et l’escarre est greffée en peau mince, expansée ou non, maintenue
par quelques bourdonnets et par un pansement de Lagrot classique
(il est généralement plus simple d’avoir prélevé la greffe dès
l’excision de l’escarre).
La voussure fessière latérale, liée au retournement du muscle grand
fessier, s’aplatira en quelques semaines.
+ Transfert des deux grands fessiers
:
Le principe est le même : libération et détachement des deux
muscles grands fessiers près de leur insertion trochantérienne et
suture des deux extrémités musculaires ensemble sur la ligne
médiane pour combler la perte de substance laissée par l’excision
de l’escarre.
Les escarres de grande taille (10-15 cm et plus
de diamètre) peuvent ainsi être fermées.
La voie d’abord est plutôt dessinée en lambeau de rotation à
pédicule inférieur : en effet le lambeau bipédiculé cutané, réalisé en
utilisant l’incision traditionnelle, est trop étroit.
La section des insertions trochantériennes peut laisser 2 cm de
muscle en place car l’extrémité du transfert musculaire effectue un
trajet plus court vers la ligne médiane.
La section du pédicule glutéal
supérieur n’est pas nécessaire.
Les deux muscles sont cousus solidement ensemble sur la ligne
médiane.
Les lambeaux de rotation de la voie d’abord sont
soigneusement remis en place et la berge cutanée de l’escarre est
suturée au muscle.
Puis on pose la greffe.
* Lambeaux en îlots musculocutanés de grand fessier
:
+ Lambeau d’avancement en VY
:
Le principe de l’intervention consiste à avancer la peau de la fesse
dans l’escarre en se servant du muscle grand fessier comme d’un
lambeau « porte-vaisseau ».
En effet, la partie utile charnue du
muscle est trochantérienne tandis que la partie avancée dans la perte
de substance est généralement partiellement détruite par l’escarre
sacrée.
Le tracé du lambeau est en îlot triangulaire à berges convexes et à
pointe latérale.
Les deux berges supérieure et inférieure de
l’incision sont tracées de manière à ce que la plus grande largeur
entre elles soit un peu plus étendue que la hauteur de l’escarre à
fermer.
A priori, le lambeau peut être avancé d’environ 5 cm au-delà
de la ligne médiane.
Après la section de la peau jusqu’au plan musculaire, on décolle sur
2 cm la berge cutanée périphérique.
Il est prudent d’amarrer
provisoirement la peau de l’îlot triangulaire par quelques points au
muscle sous-jacent.
Le muscle est ensuite sectionné le long de
l’insertion, un peu en dehors d’elle, jusqu’au plan musculaire du moyen fessier que l’on trouve à l’extrémité latérale du lambeau.
L’îlot musculaire du grand fessier est progressivement détaché du
plan aponévrotique sous-jacent jusqu’aux pédicules glutéaux.
On
dégage ensuite les berges supérieure et inférieure jusqu’à la berge
médiale qui est détachée en dernier jusqu’à ce que le lambeau
vienne combler l’escarre.
L’îlot cutané est alors suturé en deux plans à la perte de substance
en consacrant l’avancement par la suture en VY de l’extrémité de
l’incision.
La suture musculaire n’est pas nécessaire.
Un
drainage par deux ou trois gros drains de Redon, dont un dans le
comblement de l’escarre, est mis en place.
+ Double avancement en VY
:
Si la largeur de l’escarre dépasse la ligne médiane de plus de 5 cm
et quelquefois, en cours d’intervention, si la mobilité d’un premier
lambeau n’est pas suffisante, un double lambeau est nécessaire.
On suturera les deux lambeaux cutanés ensemble sur la
ligne médiane en deux plans.
Cette technique permet de fermer des
escarres de 10 à 15 cm de diamètre.
+ Lambeau en îlot musculocutané distal
:
Elle prend le chef inférieur du grand fessier pédiculé sur l’artère glutéale inférieure et profite de l’excès cutané de la région fessière
inférolatérale pour emporter un îlot cutané arrondi.
Il faut tracer
l’îlot cutané de manière à pouvoir le suturer verticalement en paratrochantérien ou horizontalement juste à l’extrémité latérale du
pli fessier.
Il faut généralement agrandir la voie d’abord en incisant
la moitié latérale du pli fessier, puis décoller la peau entre l’îlot et
l’escarre comme dans la technique du transfert simple.
Il faudra soigneusement libérer le lambeau musculaire jusqu’au
pédicule glutéal inférieur.
L’îlot est alors amené dans la perte de
substance et les deux plans musculaires et cutanés sont suturés aux
berges de l’escarre.
* Lambeaux de rotation musculocutanés de grand fessier
:
Principe : améliorer la vascularisation du lambeau cutané de rotation
classique en transférant le muscle grand fessier sous-jacent tout en
conservant la vascularisation musculocutanée.
+ Lambeau unilatéral
:
Le tracé peut rester relativement classique ou être plus aplati en
partant de la berge de l’escarre du côté du tracé.
Il faut
soigneusement éviter de passer dans les zones de compression
maximale ou directe comme pour tous les lambeaux de rotation
quand c’est possible.
Après l’ouverture cutanée, le muscle grand fessier est incisé
à l’aplomb de la berge cutanée.
La dissection s’effectue dans le plan
graisseux sus-aponévrotique séparant le muscle grand fessier du
moyen.
Il faut délibérément sacrifier le pédicule glutéal supérieur
pour permettre au lambeau de tourner dans la perte de substance.
Une fois la libération profonde suffisante, l’excès de berge cutanée
est désépidermisé pour se glisser sous la perte de substance
controlatérale ou réséqué.
Fermeture de la peau en deux plans
graisseux et cutané sur deux à trois drains de Redon aspiratifs.
+ Lambeaux doubles
:
On les trace inversés : l’un sera à pédicule inférieur, l’autre à
pédicule supérieur.
On sacrifiera donc le pédicule glutéal supérieur
pour l’un des lambeaux, l’inférieur pour l’autre si toutefois la
rotation ne s’effectue pas sans ce sacrifice.
Les tracés peuvent également être bilatéraux et pédiculés tous deux
sur le pédicule inférieur.
La rotation s’accompagne alors d’un
empilement des deux lambeaux pour fermer l’escarre.
Le
déplacement des lambeaux est moins important, mais les cicatrices
sont bilatérales.
2- Escarres ischiatiques
:
En général, la perte de substance cutanée est modeste, bien
compensée par la rétraction centripète des berges, tandis que la
bourse fibrogranuleuse est profonde avec, chez le sujet en décubitus,
un trajet ascendant jusqu’à l’ischion qui reste circonscrit par la
bourse.
Là encore, il faut assurer le comblement de la zone excisée
pour obtenir une guérison.
* Lambeaux cutanés et fasciocutanés de rotation
:
+ Lambeau fessier
:
Le tracé emporte les berges de l’escarre et permet de mieux accéder
à l’excision.
Il suit le pli fessier et s’incurve à son extrémité latérale
vers le haut.
Il longe le bord latéral du trochanter dont il reste
éloigné de 2 ou 3 cm pour éviter le tracé en zone ultérieurement
comprimée.
La libération, la suture et le drainage sont classiques.
+ Lambeau crural
:
Le tracé est le même, mais le trait s’incurve à l’extrémité latérale du
pli fessier vers le bas et réalise un lambeau crural postérieur dont la
hauteur peut aller jusqu’au-dessus de la fosse poplitée.
Il est
préférable de disséquer le lambeau en emportant le fascia, pas
toujours bien individualisé dans cette région.
* Transfert musculaire du chef inférieur du grand fessier
:
Le principe est de combler la perte de substance résultant de la
résection de l’escarre par une partie du chef inférieur du muscle grand fessier.
La perte de substance cutanée, peu
importante, est généralement fermée par un lambeau cutané de
rotation a minima qui constitue en fait la voie d’abord du transfert
musculaire.
Il est plus difficile de réaliser un lambeau musculocutané de rotation en raison de la perte de substance
musculaire du grand fessier en face de l’escarre.
Le comblement est
meilleur si les deux éléments sont séparés.
L’excision de l’escarre est réalisée en utilisant une partie du tracé du
futur lambeau cutané.
Il est bon de changer les champs
opératoires et les instruments pour poursuivre l’intervention.
La
peau est détachée sur quelques centimètres du muscle grand fessier
au-dessus mais aussi en dessous de l’incision.
À la partie latérale,
on libère le prolongement du chef inférieur du muscle grand fessier
sur la partie basse du trochanter.
On calcule ainsi au mieux la
longueur nécessaire au transfert pour combler la perte de substance.
Il est tout à fait inutile de remonter la dissection jusqu’au pédicule glutéal inférieur et on prélève une largeur musculaire égale à celle
de la perte de substance augmentée de 50 %.
La portion musculaire utile est détachée le long de ses fibres après
détermination de la longueur utile et disséquée juste assez pour être
tournée dans la perte de substance à laquelle elle est soigneusement
suturée en profondeur par des points de Vicryl.
La
fermeture cutanée se fait en profitant de l’excès cutané local sur deux
drains de Redon aspiratifs.