Traitement chirurgical des escarres
(Suite) Cours de Chirurgie
Indications
:
Deux considérations doivent rester présentes à l’esprit dans la
chirurgie des escarres : le patient et son potentiel de récidive ;
l’escarre elle-même et son histoire pour poser au mieux l’indication
de la réparation.
* Caractère de l’invalidité
:
Une majorité de porteurs d’escarres sont ou seront définitivement
« grabataires » après l’incident qui a mené à l’escarre.
Il faudra
soigneusement attendre et oeuvrer médicalement pour que le patient
retrouve l’état d’anabolisme avant de le mettre sur la table
opératoire.
Le choix des techniques répond dans ce cas à trois
objectifs complémentaires : prévenir la récidive immédiate,
envisager la possibilité d’une récidive ultérieure et prévoir la
constitution possible d’autres escarres.
Il doit en résulter une
réflexion sur le meilleur management du capital musculaire et
cutané du patient.
En revanche, une partie des patients rentre d’emblée dans le groupe
des cas favorables, car non grabataires ; il s’agit essentiellement des
fractures du col du fémur, des comas ayant récupéré chez des
patients ordinairement valides et indépendants, où tout indique un
bon potentiel de retour à l’état antérieur à l’affection.
La récidive
n’est pas une crainte et il en résulte que toutes les techniques
chirurgicales, y compris les techniques les plus sophistiquées, sont
justifiées.
* Transferts musculaires
:
En règle générale, ils sont systématiquement préférés aux lambeaux
cutanés : l’excellent comblement des cavités, l’absence de
suppuration postopératoire, la simplicité des suites ont révolutionné
cette chirurgie autrefois purement cutanée.
La plupart des lambeaux
cutanés ne vivent donc plus que des contre-indications des transferts
musculaires.
* Incisions cutanées
:
Elles doivent être soigneusement pesées.
Les lambeaux de rotation
sont taillés le plus grand possible.
Les voies d’abord reproduisant
les lambeaux de rotation sont les incisions les plus favorables.
Leur
trajet ne doit pas, de préférence, traverser une zone d’appui direct.
A - ESCARRES DE LA CEINTURE PELVIENNE
:
1- Escarres sacrées
:
– En l’absence d’exposition osseuse et sur escarre de petite taille
(< 5 cm de diamètre), la cicatrisation dirigée garde tous ses droits.
L’intervention chirurgicale ne s’impose pas.
– L’escarre de taille moyenne (5-10 cm de diamètre) avec exposition
osseuse est pour nous l’indication de choix à un transfert de muscle
grand fessier greffé avec incision arciforme à distance.
Ainsi utilisée, la partie charnue intacte de l’insertion trochantérienne
du muscle sera retournée dans la perte de substance de l’escarre
qu’elle comble facilement.
L’inconvénient de la technique est le délai
de 4 à 6 semaines avant la mise en charge complète, car il faut
attendre l’épidermisation solide de la greffe.
C’est répéter tout
l’intérêt d’une prise en charge postopératoire dans un service
susceptible de respecter ce délai.
On peut lui préférer le lambeau musculocutané de rotation à
pédicule glutéal inférieur (Baeck, Kauer) et désépidermiser les
berges cutanées qui seront enfouies sous la peau de la berge la plus
distale de la réparation.
Dans notre expérience, les suites sont
souvent compliquées d’un défaut d’accolement (« savonnage ») du
lambeau sur la tranche osseuse. Des ponctions répétées sont
nécessaires pour éviter une ouverture punctiforme qui suinte
plusieurs semaines avant que l’accolement ne se fasse.
La réparation
est ensuite de très bonne qualité.
Le lambeau doit toujours être tracé
le plus grand possible pour prévoir une réintervention identique.
C’est une excellente technique si l’excès cutané autour de l’escarre
est réel (amaigrissement).
Quant au lambeau en îlot musculocutané distal, il s’adresse à des
escarres de petites tailles (5-6 cm de diamètre), bas situées, voire un
peu latéralisées du côté de la prise.
Il a l’avantage d’apporter une
vraie épaisseur cutanéomusculaire dans l’escarre sans barrer la fesse
horizontalement de manière définitive, car l’incision sera réutilisable en lambeau de rotation à pédicule supérieur.
Il a peu d’indications
en pratique.
Enfin, la fermeture de l’escarre sacrée par un lambeau musculocutané en VY sur un grand fessier peut être réalisée avec
des suites généralement plus simples, notamment une bonne
cicatrisation de surface à 15 jours.
Les inconvénients de cette
technique, probablement la plus utilisée par une majorité d’auteurs,
sont néanmoins importants :
– la fesse est définitivement « barrée » par une cicatrice qui ne
permet plus aucun lambeau cutané et ce dans une zone soumise
à compression en décubitus dorsal ;
– le muscle grand fessier ne sert que de « porte-vaisseau » au
transfert de l’îlot cutané.
La partie charnue externe du muscle
n’est pas utilisée ;
– en cas de récidive, la même intervention peut être réutilisée,
mais l’îlot cutané ne peut pas être agrandi. Les reprises sont donc
aléatoires.
Néanmoins, la simplicité des suites (cicatrisation de surface en
15 à 21 jours) pousse une majorité d’auteurs à préconiser cette
technique qui n’est indemne de toute critique que si on l’utilise
chez un sujet non définitivement grabataire.
– La fermeture d’escarres de 10-15 cm par un double lambeau en VY
répond aux mêmes critiques.
– L’escarre très volumineuse (> 15 cm de diamètre) ne peut être
fermée que par deux transferts musculaires de muscles grands
fessiers retournés et suturés ensemble sur la ligne médiane.
La voie
d’abord est alors généralement une incision en forme de lambeau
de rotation à pédicule inférieur.
Une greffe de peau mince complète
le comblement de l’escarre.
Les escarres les plus volumineuses peuvent être fermées par cette
technique.
La reprise de la marche est parfaitement possible au prix
d’une rééducation de 15 à 20 jours après une épidermisation solide.
– Les lambeaux cutanés de type rotation ne vivent que des contreindications
des lambeaux musculaires de grand fessier, notamment
en cas de récidive.
Certaines escarres de petite taille peuvent
bénéficier aussi d’un lambeau LLL simple ou double : leur
réalisation est à mettre en balance avec la cicatrisation dirigée.
Enfin,
le lambeau fasciocutané lombaire peut être utilisé en cas de récidive
de taille volumineuse.
L’évolution des lambeaux cutanés peut être rapide et excellente,
avec une cicatrisation en 15 jours.
Néanmoins, un savonnage
postopératoire de plusieurs semaines, une nécrose de bordure sans
gravité mais qui prolonge les délais de cicatrisation, voire la nécrose
partielle à subtotale non exceptionnelle, n’en font pas des lambeaux
de première intention à l’heure actuelle dans les escarres moyennes
ou volumineuses de la région sacrée.
2- Escarres ischiatiques
:
La réparation la plus simple est le transfert du chef inférieur du
muscle grand fessier pour combler la cavité d’exérèse de l’escarre.
Un lambeau de rotation fessier à pédicule supérieur est
généralement tracé le long du pli fessier prolongé en latéral et suffit
à combler la perte de substance cutanée habituellement très modérée
de cette escarre.
La variété emportant la peau en îlot latéral peut lui être préférée
sans inconvénient, mais elle est de réalisation plus délicate (calculer
l’îlot cutané) et n’apporte aucun avantage.
Si la perte de substance atteint la taille d’un poing, il faut lui préférer
le transfert des muscles ischiojambiers (semi-tendineux et biceps
crural), associé à une greffe cutanée si la perte de substance cutanée
ne peut pas être refermée par la voie d’abord en lambeau de rotation
crural à pédicule médial.
Beaucoup d’auteurs préfèrent utiliser les ischiojambiers en VY, qui
reconstituent anatomiquement un galbe fessier inférieur et le pli
fessier.
Cette excellente technique pose évidemment le problème de
la récidive ultérieure.
Les lambeaux cutanés isolés n’ont aucune indication dans l’escarre
ischiatique, mais les récidives font largement appel à eux quand ils
sont encore réalisables.
On y associe, chaque fois que c’est possible,
une suture musculaire profonde au moins partielle.
3- Escarres trochantériennes
:
La technique de choix est l’utilisation du lambeau musculocutané
en péninsule de TFL.
Peu délabrant, de réalisation rapide, il ferme
d’assez grosses escarres.
L’excès de correction obtenu par cette
technique (déformation en « épaulette ») est très favorable à la
prévention de la récidive.
À défaut, le muscle droit fémoral peut être prélevé et transféré dans
la perte de substance.
On peut même emporter un îlot cutané
prélevé au-dessus du genou avec lui.
Ce lambeau ne ferme pas les
escarres volumineuses.
Le transfert du muscle vaste latéral permet, quant à lui, de fermer
des escarres volumineuses.
Néanmoins, il vaut mieux le réserver de
principe à la résection tête-col où son volume important représente
la seule possibilité d’un comblement suffisant de la perte de
substance.
Une greffe de peau mince y est associée immédiatement
ou après 8 à 10 jours d’évolution.
Le transfert iliaque sous-cutané reste une possibilité en cas de
récidive des escarres trochantériennes déjà opérées par un TFL.
Comme tous les lambeaux simplement cutanés, il n’a pour nous à
l’heure actuelle qu’une indication de rattrapage.
Les lambeaux locaux (LLL simple ou double) n’ont d’indication que
dans le cadre d’une fermeture d’escarre peu importante où la suture
musculaire profonde de « rapprochement » au-dessus de l’os est
possible.
Cette réparation est à mettre en balance avec la cicatrisation
dirigée qui fait en général aussi bien.
Ces lambeaux s’adressent surtout aux escarres latérales (de
décubitus) et sont moins indiqués sur des escarres trochantériennes
postérieures, généralement de plus grande taille et qui justement
amputent le capital cutané fessier latéral.
4- Escarres périnéales
:
Un lambeau local de grand fessier inférieur est utilisé surtout quand
les escarres périnéales s’associent à une escarre ischiatique.
Un
transfert de muscle gracile reste une bonne indication, mais sauf
escarre située près de la cuisse, le transfert musculocutané est
rarement possible en raison de la faible vitalité de la peau de la
moitié inférieure de la cuisse.
Il vaut mieux assurer une fermeture
cutanée complémentaire par un lambeau local ou une greffe de peau
associée. Le lambeau scrotal reste une possibilité chez l’homme.
Les
escarres de taille modérée sont également l’indication d’autres
lambeaux cutanés locaux quand ils sont possibles.
5- Escarres dépassées
:
* Escarres sacrées géantes
:
Quand l’escarre dépasse 15 cm de diamètre, le seul recours est le
transfert des deux muscles grands fessiers complets avec
retournement et suture sur la ligne médiane.
La voie d’abord est
directe en lambeau de rotation à distance des zones d’appui et
l’énorme comblement musculaire est greffé en peau mince.
L’épidermisation correcte peut durer 2 mois, mais le résultat est
généralement stable et de bonne qualité.
Le lit fluidisé ou le lit à air est indispensable en postopératoire si la
position en décubitus ventral n’est pas possible.
Cette technique
ferme les escarres sacrées les plus volumineuses.
* Escarres trochantéro-ischiatiques
:
Elles sont difficiles à fermer car aucun muscle épais n’est transférable
en dehors du grand fessier qui ne peut être utilisé qu’en appoint
éventuel en raison de son propre délabrement dans la zone utile.
Le transfert des muscles ischiojambiers associé à une greffe de peau
mince peut être proposé sans difficulté comme pour une
volumineuse escarre ischiatique.
On peut également faire appel au lambeau musculocutané
superlong de TFL.
Ce lambeau est tracé jusqu’au-dessus du genou.
En raison de la survie précaire de l’extrémité cutanée de ce lambeau
(la zone qui doit fermer la partie la plus médiale périnéale de
l’escarre), il est judicieux en général de prévoir une autonomisation
préalable : on effectue donc, 10 jours avant l’intervention, la section
cutanée et aponévrotique en regard de toute la longueur du lambeau
et on referme simplement la peau.
Si la vascularisation apparaît
précaire, il est préférable d’y ajouter un deuxième temps opératoire
levant l’extrémité distale du lambeau sur son tiers inférieur en
passant sous la bandelette iliotibiale.
Le temps ultérieur sera
consacré à la fermeture de l’escarre.
Ce lambeau a quelquefois une excellente vitalité mais son épaisseur
est malheureusement médiocre pour les régions ischiatique et
périnéale à couvrir.
Des nécroses partielles de l’extrémité
compliquent la fermeture.
Quand toutes les ressources locales sont totalement utilisées (muscle
gracile à la partie postéromédiale), force est, dans les délabrements
trochantéro-ischiatiques importants, de recourir à une
désarticulation avec utilisation du lambeau total de cuisse pour
fermer toute la région postérieure.
Les lambeaux cutanés ou fasciocutanés de rotation locorégionaux
sont, sauf exception, impossibles à ce stade en raison des incisions
faites antérieurement.
* Arthrites septiques de hanche : résection tête-col
Elle est indiquée dès que le diagnostic est fait, le traitement
antibiotique efficace (signes généraux) et le patient en état d’être
opéré.
C’est une complication grave et le patient est souvent dans
un état précaire.
L’intervention peut alors être un véritable
sauvetage.
L’issue fatale postopératoire n’est malheureusement pas
exceptionnelle.
La résection est classique.
Si l’état local le permet encore, on
conservera le membre et on prélèvera le muscle vaste latéral pour
fermer la cavité de résection articulaire.
On peut y associer le muscle
droit fémoral.
On peut également raccourcir le fût fémoral de
plusieurs centimètres supplémentaires si c’est nécessaire.
On peut
enfin compléter la fermeture en utilisant en surface un TFL.
Si le délabrement local est important (volumineuse escarre trochantéro-ischiatique associée à l’arthrite septique), il faudra
sacrifier le membre et recourir à la désarticulation + lambeau total
de cuisse.
* Délabrement de la ceinture pelvienne : désarticulation de hanche
et utilisation du lambeau total de cuisse
Le lambeau total de cuisse utilise la loge musculaire crurale
antérieure en sacrifiant le membre par désarticulation au niveau de
la hanche.
L’incision est celle d’une « gueule de requin » crurale
classique de l’amputation du membre à mi-cuisse, tracée le plus bas
possible.
Le membre est désarticulé au niveau de la hanche avec la
résection des escarres et des tissus mous postérieurs.
La palette
crurale musculocutanée est repliée vers l’arrière et ferme toute la
région trochantéro-ischiatique, fessière basse et périnéale.
Les
escarres sacrées ne sont pas accessibles à ce lambeau.
La couverture
est épaisse et de qualité, et la vascularisation est toujours suffisante.
C’est le lambeau du dernier recours des grands délabrements
pelviens.
Ce sont surtout les volumineuses escarres trochantéro-ischiatiques
qui posent le problème de leur fermeture correcte par le lambeau
total de cuisse.
Cette excellente intervention doit bien évidemment
avoir été soigneusement pesée.
On aura donc, en général, épuisé le TFL superlong avec autonomisation, déjà utilisé le vaste latéral et le
gracile.
La désarticulation reste alors le seul recours, même en
l’absence d’arthrite septique.
Les suites sont généralement simples
et la récidive doit être prévenue au prix d’une rééducation des
habitudes et d’une prise en charge postopératoire dans un service
de rééducation fonctionnelle.
B - ESCARRES DU MEMBRE INFÉRIEUR
:
1- Escarres du genou
:
Les escarres du genou, souvent de petite taille, sont accessibles aux
lambeaux locaux, à défaut au transfert du gastrocnémien ou aux
lambeaux fasciocutanés.
2- Escarres des talons
:
Chez le sujet âgé, la pauvreté vasculaire du membre inférieur,
associée au terrain souvent défavorable, fait de ces escarres une
« candidate farouche » au traitement médical.
L’indication opératoire ne doit être retenue qu’en cas d’exposition
du calcanéus, d’ostéite avérée (et comporte dans ces deux cas au
minimum une toilette osseuse, voire une calcanéectomie partielle)
ou encore d’échec d’une tentative de cicatrisation dirigée.
Précisons qu’il n’y a pas d’indication à réséquer la peau violacée de
l’escarre talonnière en dehors de l’apparition d’un sillon
d’élimination toujours lent à se constituer : l’excision trop précoce
en l’absence d’une maturation locale entraîne une poursuite
évolutive torpide de la nécrose sur les berges excisées, y compris en
profondeur.
Le calcanéus peut ainsi être exposé indûment et
provoquer des douleurs intenses.
Si l’indication chirurgicale est néanmoins posée, on choisira un
lambeau musculaire local pour couvrir de très petites pertes de
substance et un lambeau fasciocutané à pédicule distal en deux
temps pour les plus grandes.
Un lambeau plantaire est utilisable
pour couvrir les escarres moyennes de la zone portante.
L’amputation reste, hélas, un recours non exceptionnel en cas
d’échec avec exposition osseuse, ou de délabrement important avec grangrène et signes généraux.
Chez le sujet jeune, toutes les techniques sont utilisables en fonction
des axes vasculaires présents.
On préférera les couvertures épaisses
et sensibles (lambeau plantaire médial).
3- Autres escarres des pieds
:
Leur traitement est essentiellement fonction de la localisation et des
axes vasculaires présents.
Les escarres de la plante sont traitées par des lambeaux locaux
cutanés ou musculocutanés.
Les escarres dorsales sont souvent accessibles à la greffe de peau semi-épaisse ou aux lambeaux fasciocutanés à pédicule distal en
deux temps, plus rarement aux lambeaux locaux avec greffe cutanée
du site donneur.
La technique de Papineau est utilisable chez le sujet âgé en cas
d’exposition osseuse sans infection.
Les amputations partielles (transmétatarsienne, par exemple) ne sont
indiquées que chez le sujet jeune en cas de nécessité.
Chez le sujet
âgé, il faudra prévoir une amputation à mi-cuisse en cas d’échec ou
de complication d’une plastie locorégionale.
C - ESCARRES OCCIPITALES ET CRÂNIENNES
:
L’escarre type est en général d’une taille inférieure à 10 cm².
La
technique de réparation la plus simple et la plus avantageuse est le
grand lambeau de rotation du cuir chevelu ou les deux lambeaux en
« S » à rotation opposée.
La fermeture selon Orticochea n’est requise que si l’escarre fait plus
de 10 cm², ce qui est rare.
Enfin, en l’absence de possibilité d’utiliser
un lambeau de rotation (personne âgée et cuir chevelu polycicatriciel), on peut avoir recours à la technique de
granulation-greffe.
D - AUTRES ESCARRES
:
Les escarres du rachis sont fermées en fonction de leur localisation.
On préférera les lambeaux musculocutanés de trapèze (colonne cervicale et thoracique haute) ou de grand dorsal a retro (colonne
thoracique basse et lombaire), éventuellement associés à un grand
lambeau de rotation cutané controlatéral.
Les escarres importantes du coude sont fermées avantageusement
par le lambeau de grand dorsal (chef antérieur).
Le sacrifice de ce
muscle n’est fonctionnellement préjudiciable que chez le
paraplégique autonome.
L’alternative du lambeau fasciocutané
antébrachial peut être utilisée s’il y a une contre-indication au
transfert musculaire ou musculocutané de grand dorsal (problème
éventuel de réanimation ultérieure du coude).
Traitement chirurgical des rétractions
spastiques des membres inférieurs
:
Habituellement, la rétraction en flexion des cuisses se traite par
section des adducteurs sous le ligament inguinal (arcade crurale).
Nous préférons effectuer systématiquement la section du fléchisseur
principal qui est l’iliopsoas et y associer la section du nerf
obturateur, qui donne un relâchement complet très remarquable de
la spasticité en adduction.
Nous avons repris cette technique du Dr Berlemont.
Il faut y associer en général le dépliage des genoux tel
que l’a décrit le Dr Kirsch.
A - RÉTRACTION DE LA HANCHE
:
C’est la section rétropéritonéale du muscle iliaque et du nerf
obturateur.
Rappel anatomique
:
La voie d’abord est celle d’une hernie inguinale un peu plus haut
située sur l’abdomen.
On traverse les muscles larges de
l’abdomen jusqu’au péritoine, à 1,5 cm au-dessus du ligament
inguinal sur 12 cm de long.
Le péritoine est décollé de la paroi
iliaque et refoulé médialement par une ou deux valves.
On poursuit
le décollement jusqu’à l’iliopsoas et on identifie sans mal le pédicule
vasculonerveux iliaque externe.
Le nerf fémoral, très volumineux,
apparaît entre les faisceaux musculaires et on le respecte.
On commence par sectionner au bistouri électrique toute l’épaisseur
du muscle iliaque.
On sectionne de même complètement
toute l’épaisseur du muscle psoas.
Les deux berges musculaires
s’écartent très largement.
On repère ensuite le nerf obturateur en disséquant le pédicule
iliaque.
C’est le seul nerf qui chemine avec lui et il est
beaucoup plus grêle que le nerf fémoral.
On le sectionne et on coagule ses deux extrémités.
On referme sur deux gros drains de Redon aspiratifs rétropéritonéaux.
On vérifie la qualité de l’extension crurale obtenue.
Si une flexion
persiste, on y associe immédiatement la section classique des
insertions des trois muscles adducteurs par une incision parallèle au
pli inguinal à 2 cm au-dessous de lui.
B - RÉTRACTIONS DU GENOU
:
C’est la section des muscles postérieurs de la cuisse qui s’insèrent
sur la jambe et, si elle est insuffisante, l’ouverture postérieure du
genou par section de la capsule articulaire.
La fermeture cutanée
requiert une plastie.
Rappel anatomique des muscles de la fosse poplitée
:
Le patient est mis en décubitus ventral.
On prévoit une
incision en « baïonnette » de la fosse poplitée : l’horizontale se fait
dans le pli, la verticale médiale descend à 3 cm en arrière du bord
médial du tibia jusqu’au-delà de la mi-jambe ; une verticale latérale
courte monte le long du tendon du biceps.
Le nerf fibulaire commun très superficiel est repéré juste sous
l’incision du fascia et isolé sur un lacs.
On sectionne ensuite
tous les tendons en enlevant au passage la graisse de la fosse
poplitée qui gêne.
On sectionne ainsi, de médial en latéral, les semi-membraneux et
semi-tendineux, plus en avant le gracile, puis de l’autre côté le
biceps et généralement l’arrivée de la bandelette iliotibiale.
S’il persiste une flexion, il s’agit d’une rétraction capsulaire. Le
paquet vasculonerveux poplité est récliné d’un côté par un Farabeuf,
tandis qu’on dégage la face postérieure de l’articulation de
l’insertion musculaire des gastrocnémiens.
On sectionne
complètement la capsule en l’ouvrant, ce qui achève de détendre le
genou.
Une fois le genou revenu en extension aussi complète que possible
, on prélève par l’incision basse et médiale le muscle gastrocnémien médial qui vient couvrir la zone des sections
tendineuses.
Le muscle est suturé autour de la perte de substance et greffé en
peau mince.
Deux drains de Redon aspiratifs drainent la
loge jambière médiale et la fosse poplitée.
Si la perte de substance
est importante, on transfère également le muscle gastrocnémien
latéral dans la fosse poplitée.
Des attelles thermoformées cruropédieuses en extension sont posées
sur les deux membres inférieurs et une barre d’abduction est
installée entre les deux fosses poplitées.
Le patient est installé sur
un lit fluidisé ou un lit à air. L’attelle est enlevée à partir du 10e jour.
Ces deux interventions sont généralement associées et effectuées
dans le même temps opératoire, de préférence à deux équipes,
chacune opérant de son côté.
On peut, à la fin de l’intervention de dépliage, y associer une cure d’escarre trochantérienne.
Le résultat
fonctionnel est spectaculaire sur l’adduction, définitivement
supprimée, et récidive peu si l’on prend soin d’associer
ultérieurement des antispastiques (Liorésalt) et une kinésithérapie
d’extension quotidienne des deux membres.
Là encore, ce qui est
exceptionnel, rien ne s’oppose à une reprise de la marche si le sujet
n’est pas définitivement grabataire, comme le signale Kirsch dans
ses publications.
C - INDICATIONS
:
L’indication du dépliage est fonction des difficultés du nursing :
quand les différentes positions de décubitus dorsal, latéral et trois
quarts droit et gauche ne sont plus possibles, notamment la position
de décubitus dorsal vraie, il faut envisager l’intervention de
dépliage.
La flexion irréductible malgré les myorelaxants dépassant
30° de la cuisse sur la hanche, et surtout la spasticité en adduction,
sont une excellente indication de l’intervention de section rétropéritonéale du muscle iliopsoas et du nerf obturateur.
La
rétraction spastique en adduction disparaît complètement après cette
intervention.
Au niveau du genou, la rétraction devient gênante à partir de 30°
de flexion permanente.
En effet, le positionnement du patient en
décubitus dorsal est rendu difficile et il glisse généralement sur l’un
des deux trochanters quand il ne peut plus être calé correctement
dans cette position.
On peut ainsi voir apparaître des escarres trochantériennes latérales.
Il faut procéder à la cure des rétractions,
donc au dépliage, avant d’essayer de fermer l’escarre trochantérienne sous peine de récidive immédiate.
Évolution à long terme et récidive
:
L’évolution à long terme ne concerne que le patient grabataire
permanent.
Cette évolution est en grande partie tributaire des
mesures de prévention qui auront été instaurées, donc de
l’entourage médical et familial du patient, ainsi que de la
compréhension par l’entourage de la nécessité de cette prévention.
A - SCLÉROSE EN PLAQUES
:
C’est une affection d’évolution capricieuse.
Certaines évoluent en
quelques années vers la paralysie respiratoire et le décès, d’autres
sont stables en paraplégie sans aggravation pendant 15 ou 20 ans.
Toutes les possibilités intermédiaires existent, mais en règle générale
ces patients présentent souvent une paralysie évolutive.
Les suites
opératoires doivent être surveillées attentivement pendant 2 à
3 jours (réanimation) en raison du décès possible par arrêt
respiratoire lié à l’affection. Nous en avons déploré deux en 15 ans.
Il faut signaler par ailleurs les problèmes psychiatriques bien connus de ces patients qui sont souvent « frontaux », c’est-à-dire d’un
optimisme très disproportionné avec leur état.
Ce manque de
réalisme doit entraîner la mise systématique sur un support adapté.
Leur degré de coopération est très difficile à évaluer.
B - PARAPLÉGIES POST-TRAUMATIQUES
:
Il s’agit très souvent d’hommes jeunes qui, au bout de 6 à 18 mois,
deviendront des paraplégiques rééduqués actifs.
Leur gros problème
est la prévention de l’escarre ischiatique car il est très difficile
d’obtenir une discipline de ces sujets dont la vie de relation dépend
de leur mobilité.
Ils sont ainsi les plus exposés aux récidives par
refus conscient ou inconscient de cette discipline pourtant
indispensable et qui leur est bien expliquée.
Certains sont candidats
à l’arthrite septique de hanche et à la désarticulation et/ou à
l’amputation d’une, voire des deux jambes.
Des périodes de
dépression s’installent souvent devant la perte de l’espoir de
retrouver un jour la marche et il peut s’ensuivre la constitution
d’escarres par abandon volontaire de la discipline.
Certains patients
jeunes se laissent littéralement mourir en quelques années.
D’autres
supportent des escarres fibreuses pendant de longues années sans
complication et leur fermeture ne doit être entreprise qu’après
demande du patient et acceptation d’un changement de discipline
postopératoire en faveur d’une réelle prévention.
Ces patients sont
difficilement accessibles à une prise en charge psychologique ou
psychiatrique.
C - ESCARRES CHRONIQUES FIBREUSES
:
Le problème des escarres chroniques fibreuses, qui peuvent évoluer
20 ans et plus, est leur cancérisation.
Il s’agit souvent de sujets
jeunes (moins de 50 ans) qui présentent des escarres depuis plus de
20 ans.
Un épithélioma spinocellulaire apparaît généralement dans
la région sacrée ou ischiatique, avec éventuelle extension au rectum
et évolution très défavorable.
Le diagnostic est fait sur prélèvement
biopsique devant une plaie anormalement bourgeonnante et indurée
autour d’une ulcération chronique.
Le pronostic, dans notre
expérience, est fatal dans la mesure où il s’agit de cancérisation
généralement de très grande taille, au-dessus des ressources
curatives de la chirurgie et peu sensible à la radiothérapie qui n’est
généralement utilisée qu’à titre palliatif.
La chirurgie des escarres, quoique devenue très performante, n’a en
rien changé le problème de la récidive et n’a pas amélioré l’évolution
à long terme qui passe par l’acceptation du patient et de l’entourage
de son handicap et des mesures de prévention de l’escarre
indispensables à une survie dans des conditions optimales.
Conclusion
:
La chirurgie de l’escarre a beaucoup changé ces 20 dernières années.
Elle a gagné en efficacité et fait partie maintenant de la prise en charge
de toutes les escarres dont l’évolution sera longue (supérieure à 3 mois).
Si l’escarre du grabataire occasionnel est d’un excellent pronostic, le
problème de la prévention de la récidive reste le point fondamental chez
le grabataire chronique.
Le cadre dans lequel s’exerce cette chirurgie est important, avec
notamment la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire,
l’instauration d’un bon état nutritionnel et général, et l’utilisation d’un
support bien adapté.
Il ne faut pas oublier hélas qu’aucune couverture,
si épaisse et si sophistiquée soit-elle, ne protège le patient de la récidive
si la prévention n’est pas raisonnée et systématique.