Il s’agit d’une parasitose due à Toxoplasma gondii (protozoaire),
habituellement bénigne sauf chez le sujet
immunodéprimé (atteinte cérébrale, pulmonaire et disséminée).
Le cycle parasitaire complet passe par le chat, l’homme
n’est qu’un hôte intermédiaire et se contamine à partir des
sporozoïtes (formes « telluriques » résistantes qui dérivent
des oocystes excrétés par les chats) que l’on retrouve
dans les légumes, les crudités, les litières de chat, les
bacs à sable ou des formes kystiques (bradyzoïtes dérivés
des tachyzoïtes) contenues dans la viande crue ou
saignante des autres hôtes intermédiaires (mouton,
boeuf).
2- Généralités
:
Une infection en cours de grossesse peut entraîner des
conséquences graves chez le foetus.
Le taux de séroprévalence positive dans la population
féminine en âge de procréer varie en fonction des pays
et va en diminuant.
Très faible au Royaume-Uni (25 %),
elle est de 65 % des femmes enceintes à Paris et 54 % en
France métropolitaine ; les patientes séronégatives bénéficient
en France de contrôles sérologiques mensuels
jusqu’à la fin de la grossesse (examen obligatoire).
Le
taux de séroconversion pergravidique est de
14,8 pour 1 000 (1,4 %) femmes séronégatives en début
de grossesse ; ce pourcentage est d’autant plus important
chez les femmes jeunes et chez celles résidant dans
une région à séroprévalence élevée.
Le nombre d’infections
congénitales est estimé en France entre 940 et
1 400 pour un risque de transmission entre 20 et 30 %
soit 1,2 à 2 pour 1 000 naissances.
3- Diagnostic de la toxoplasmose maternelle :
• Diagnostic clinique : l’infection clinique est le plus
souvent asymptomatique (80 à 90 % des cas). Quand
elle existe, la symptomatologie n’est absolument pas
spécifique, il s’agit le plus souvent d’un tableau pseudogrippal
avec un éventuel syndrome mononucléosique ;
ces symptômes sont le plus souvent recherchés « a posteriori
» en cas de primo-infection.
• Diagnostic sérologique de la toxoplasmose (méthode
et interprétation) :
– test de lyse (dye test) : réaction de référence spécifique
et sensible, ne détecte que les IgG, seuil de positivité
entre 5 et 10 UI ;
– immunofluorescence indirecte : rapide et aisé (sérodépistage de la grossesse), recherche des IgG avec un seuil
de positivité à partir de 10 UI ; utilisé également pour la
recherche spécifique des IgM (test de Remington positif
à partir de 1/50e) ;
– test d’agglutination des toxoplasmes : avant le 2 mercaptoethanol
détecte les IgG et les IgM ; après le 2 mercaptoethanol
(élimine les IgM), quand il y a une chute
d’agglutination après deux dilutions, on peut affirmer la
présence d’IgM ;
– la technique immuno-enzymatique (ELISA et ISAGA)
permet de détecter les IgM et les IgG, de spécificité et de
sensibilité moyennes, c’est le test le plus souvent utilisé
en première intention ;
– autres techniques : la présence d’IgA et d’IgE (ELISA
et ISAGA) est aussi un marqueur précoce de
l’infection ; la mesure de l’avidité des IgG lorsqu’elle
est faible témoigne d’une infection récente ;
– interprétation de la sérologie : de manière générale,
toute interprétation de sérologie de toxoplasmose en
début de grossesse est grandement facilitée par la
connaissance d’une sérologie antérieure, celle-ci est
d’ailleurs obligatoire lors de l’examen prénuptial.
Par
ailleurs, tout laboratoire est tenu de conserver pendant
un an une certaine quantité de sérum ; ainsi, en cas de
diagnostic compliqué, un second sérum peut être comparé
au premier par les mêmes techniques dans un laboratoire
de référence.
C’est le plus souvent le laboratoire
de référence qui rend les conclusions définitives sur la
séroconversion ou non en cours de grossesse et ce à partir
de données cliniques (terme exact de la grossesse) et
biologiques [analyses plus ou moins sophistiquées (IgM
ISAGA ; IgA ; IgE ; test d’avidité..)].
Actuellement, les tests de détection des IgM sont devenus
tellement sensibles qu’ils peuvent témoigner d’une
réaction non spécifique ou d’une infection ancienne
(pouvant dater de plus d’un an…) ; ces IgM peuvent
persister plusieurs mois voire plusieurs années.
Les IgM sont les premiers anticorps détectables et atteignent
un taux maximal en 15 jours.
Les IgG apparaissent
en 2 à 4 semaines et atteignent un niveau maximal
en 2 à 3 mois.
• Schématiquement :
– IgM < 0 et IgG < 0 : patiente non immunisée, surveillance
sérologique mensuelle et mesures
préventives ;
– IgM < 0 et IgG entre 5 et 200 UI/mL : infection probablement
ancienne, 2e prélèvement en fonction du
contexte.
– IgM <0 et IgG > 300 UI/mL : faire un second prélèvement
; taux stable : infections remontant à plus de 2
mois, ou réinfestation simple sans risque foetal ; dans le
cas contraire, l’avis du laboratoire de référence est indispensable
;
– IgM > 0 il faut faire un second prélèvement ; taux
stables d’IgG et IgM : infection de plus de 2 mois ; taux
ascendants : infection de moins de 2 mois ; dans ces 2
cas de figure, c’est le laboratoire de référence qui rend
les conclusions définitives en fonction du terme de la
grossesse.
Quel que soit le cas de figure, il faut interdire la prescription
précipitée de Rovamycine qui peut fausser les
interprétations du laboratoire.
4- Conséquences de l’infection maternelle :
L’infection maternelle entraîne une parasitémie suivie
d’une atteinte placentaire ; il en résulte une placentite qui
peut entraîner une parasitémie foetale à Toxoplasma gondii
avec une atteinte multiviscérale.
• Risque d’atteinte foetale en fonction du terme de l’infection
: on retrouve de façon exceptionnelle des
atteintes foetales consécutives à une infection précédant
la conception.
Il peut s’agir de patientes immunodéficientes
(greffe, sida...) ; dans cette situation, un traitement
préventif prophylactique peut se discuter au cas
par cas avant toute grossesse.
De manière générale, avant toute prophylaxie, les
risques sont les suivants : nuls avant ou lors de la
conception ; rares avant 8 semaines d’aménorrhée
(1 %) ; 17 % au cours du 1er trimestre ; entre 2 et 4 mois
inclus : environ 25 % d’atteinte, toujours grave ; après le
4e mois : 75 % d’atteinte, souvent formes inapparentes
ou mineures, 90 % d’atteinte à proximité du terme.
Le risque d’atteinte foetale augmente en cours de grossesse
mais sa gravité diminue en fonction du terme.
• Gravité de l’atteinte foetale en fonction du terme : les
formes graves (atteinte précoce jusqu’à 4 mois de grossesse)
ont une atteinte du système nerveux central :
microcéphalie, hydrocéphalie avec sténose de l’aqueduc
de Sylvius, calcification intracrânienne, choriorétinite,
microphtalmie, strabisme, retard psychomoteur très
important ; un retard de croissance intra-utérin associé à
une foetopathie comprenant une hépatosplénomégalie ;
voire un avortement spontané et (ou) une mort foetale in
utero.
– les formes de contamination tardive sont souvent
bénignes et peuvent se traduire par une choriorétinite se
révélant à l’âge adulte et des calcifications intracrâniennes
sans retentissement clinique.
Une infection latente ou chronique peut se révéler tardivement
dans l’existence lors d’une immunodépression.
Cependant, quel que soit le terme de la séroconversion ,
une fois le bilan initial établi et si la grossesse se
poursuit, une surveillance échographique mensuelle est
nécessaire afin de déceler tout signe d’infection foetale
pouvant survenir même tardivement en cours de
grossesse.
5- Diagnostic de l’infection foetale :
Ce diagnostic doit être fait devant toute séroconversion toxoplasmique maternelle prouvée en cours de
grossesse, que cette séroconversion ait été symptomatique
ou non.
• Méthodes biologiques : la ponction de sang foetal
(à partir de 18-20 semaines d’aménorrhée) peut montrer
des signes spécifiques et directs (toxoplasme), des
signes spécifiques et indirects (IgM) et des signes non
spécifiques (thrombopénie, hyperleucocytose, éosinophilie, élévation des transaminases et des gamma-GT,
lacticodéshydrogénase).
Elle est actuellement peu utilisée
au profit de la ponction de liquide amniotique.
Actuellement, l’examen de référence est la pratique
d’une PCR (polymerase chain reaction) sur le liquide
amniotique (la cible est le gène B1 répété 35 fois et
très conservé parmi les différentes souches de toxoplasme)
; cet examen est le plus sensible (95 %),moins
invasif et les résultats sont rendus dans les 48 heures.
Cependant l’examen ne doit être pratiqué qu’à partir
de 18 semaines d’aménorrhée, et au moins 15 jours à
3 semaines (voire un mois pour certains) après la séroconversion.
Les méthodes d’isolement du parasite (culture dont le
délai de réponse est une semaine) ou d’inoculation du
sang et du liquide à la souris (délai d’obtention 6
semaines) sont pratiquées parallèlement à la PCR.
• Méthodes échographiques : en fait, l’échographie
est rarement l’examen initial du diagnostic de toxoplasmose
foetale.
Elle permet de repérer une embryofoetopathie
en cas de diagnostic biologique positif, ou
lors de la surveillance systématique mensuelle en cas
de séroconversion prouvée avec une PCR négative sur
le liquide amniotique (des cas d’infection foetale tardive
pouvant rarement se produire avec un bilan initial
négatif sous chimioprophylaxie par la Rovamycine).
La présence d’une anomalie à l’échographie est toujours
de mauvais pronostic.
L’absence d’anomalie
échographique ne met pas à l’abri d’anomalies non
visibles (par exemple des foyers de choriorétinite).
L’échographie pourra retrouver une atteinte cérébrale
avec dilatation des ventricules cérébraux, calcification,
zones hyperéchogènes ; une hépatomégalie avec zones
hyperéchogènes, hyperéchogénicité des anses intestinales,
ascite ; un épanchement pleural et péricardique,
placentomégalie.
6- Conséquences de l’infection foetale :
L’embryopathie et (ou) la foetopathie toxoplasmique est
d’autant plus grave que l’atteinte est précoce, mais sa fréquence
augmente avec le terme de gestation.
Le premier relais de l’infection foetale est le placenta, le
passage du placenta au foetus est inconstant et le délai de
passage est variable (précoce ou tardif).
L’intérêt de la spiramycine (Rovamycine) qui n’est qu’un parasitostatique
est de bloquer l’étape de dissémination placentaire
et donc d’éviter la contamination foetale ; son efficacité
n’est cependant pas absolue puisqu’une infection foetale
peut malgré tout survenir justifiant donc la pratique d’un
suivi échographique mensuel.
La Rovamycine diminue
de moitié le risque de transmission de la maladie à l’enfant
(d’autres macrolides plus efficaces sont à l’étude).
• De la période périconceptionelle jusqu’à 16 semaines
d’aménorrhée, on institue une chimioprophylaxie par la
spiramycine, puis une PCR sur liquide amniotique est
pratiquée; si la PCR est négative, une surveillance échographique
mensuelle est instaurée.
Si la PCR est positive,
certains proposerons une interruption médicale de
grossesse devant la gravité de l’infection foetale et la présence fréquente d’abcès cérébraux non repérés d’emblée
par l’échographie ; pour d’autres et pourvu que la
surveillance échographique soit normale, un traitement
par Malocid et Adiazine sera instauré.
Ce traitement
n’est débuté qu’à partir de 16 semaines d’aménorrhée
(risque tératogène).
En cas d’anomalie survenant à l’échographie,
une proposition d’interruption médicale de grossesse
sera discutée au cours d’une réunion pluridisciplinaire
(obstétricien, pédiatre…) et sera proposée au couple ; en
cas de non-proposition d’interruption médicale de grossesse
ou si le couple refuse celle-ci, le traitement spécifique et
la surveillance échographique seront maintenus et l’enfant
pris en charge de manière adaptée par les pédiatres à la
naissance.
• À partir de 16 semaines d’aménorrhée, on institue une chimioprophylaxie par la spiramycine , puis une PCR sur
liquide amniotique est pratiquée, si la PCR est négative une
surveillance échographique mensuelle est instaurée.
Si la
PCR est positive et sous couvert d’une surveillance échographique
un traitement par Malocid et Adiazine sera instauré.
Ce traitement n’est débuté qu’à partir de 16 semaines
d’aménorrhée (risque tératogène).
En cas d’anomalie survenant
à l’échographie, une proposition d’interruption
médicale de grossesse sera discutée (en fonction de l’anomalie)
au cours d’une réunion pluridisciplinaire (obstétricien,
pédiatre…) et sera proposée au couple ; en cas de non-proposition d’interruption volontaire de grossesse, ou
si le couple refuse celle-ci, le traitement spécifique et la
surveillance échographique seront maintenus et l’enfant
pris en charge de manière adaptée par les pédiatres à la
naissance.
7- Modalité pratiques du traitement :
• Les médicaments :
– spiramycine (Rovamycine), effet toxoplasmicide important
in vivo et in vitro, sans effet tératogène, elle est utilisée
en prévention de la contamination foetale mais ne peut pas
servir de traitement (effet plus parasitostatique) ;
– pyriméthamine (Malocid : antipaludéen de synthèse)
intervient dans le métabolisme de l’acide folique ce qui
explique sa toxicité (thrombopénie, anémie, leuconeutropénie,
agranulocytose). Sa prescription sera accompagnée
d’une supplémentation en acide folique (50 mg/j pendant 15
jours).
Il ne sera pas prescrit au cours du 1er trimestre de la
grossesse ;
– sulfadiazine (Adiazine) : mécanisme d’action antifolique
mais à un autre niveau enzymatique.
Agit en synergie avec
la pyriméthamine ; en plus des complications décrites plus
haut, on peut observer des manifestations cutanées et une
toxicité rénale. Contre indiqué en cas d’allergie aux sulfamides
et de déficit en G6PD.
L’association pyriméthamine-sulfadiazine semble être efficace
mais doit être maniée avec précaution.
• Indication du traitement : en cas d’infection maternelle
sans infection foetale décelée, le traitement repose sur la spiramycine
(3 g par jour, 3 x 3 MUI/j) jusqu’à l’accouchement,
le traitement doit être entrepris le plus rapidement
possible.
En cas d’infection foetale confirmée, le traitement varie en
fonction des écoles mais comporte des cures alternées de spiramycine : 9MUI/24 h en 3 prises pendant 2 semaines et
pyriméthamine(50 mg/j) + sulfadiazine (3 g/24 h) pendant 4
semaines ; acide folique (15 mg/24 h) en continu, associée à
une surveillance hématologique appropriée (en pratique
hebdomadaire).
Le traitement est poursuivi jusqu’à l’accouchement et sera
ensuite adapté chez l’enfant en fonction de son bilan lésionnel
clinique et paraclinique.
8- Conduite à tenir à la naissance :
• Patiente séronégative, sans séroconversion en cours
de grossesse : à la naissance, un dernier prélèvement est
pratiqué chez la mère ; sur le sang de cordon et sur le placenta
seront pratiquées une sérologie spécifique (IgM,
IgA) et une inoculation à la souris.
• Patiente séronégative, séroconversion en cours de grossesse,
diagnostic anténatal négatif :
– à la naissance : un prélèvement est pratiqué sur le sang
de cordon et sur le placenta ; seront pratiqués une sérologie
spécifique (IgM, IgA) et une inoculation à la souris ;
– surveillance sérologique du nouveau-né tous les
2 mois jusqu’à l’âge de 10 mois ; on vérifie ainsi l’absence
d’anticorps provenant de l’enfant. Maintien du traitement
par spiramycine du nouveau-né ; arrêt du traitement maternel.
• Patiente séronégative, séroconversion en cours de grossesse,
diagnostic anténatal positif :
– à la naissance, un prélèvement est pratiqué sur le sang de
cordon et sur le placenta ; seront pratiqués une sérologie
spécifique (IgM, IgA) et une inoculation à la souris.
Examen initial de l’enfant, (plus approfondie que dans le
cas précédent) clinique (hépatomégalie...), examen paraclinique
( fond d’oeil, échographie transfontanellaire...).
9- Prévention contre l’infection :
– éviter : contact avec les chats, consommation de crudités,
viande crue ou mal cuite (mouton, boeuf) ;
– cuire la viande à plus de 60° C, la viande congelée est
autorisée ;
– éviter de se toucher la bouche ou les yeux en manipulant
de la viande crue ;
– éviter tout matériel qui a pu être en contact avec des
matières fécales de chat ;
– se laver soigneusement les mains après avoir manipulé
viande crue, terre, légumes souillés de terre ;
– laver fruits et légumes avant la consommation ;
– empêcher mouches et blattes de contaminer la nourriture ;
– porter des gants quand on travaille dans le jardin ;
– éviter les griffures de chat (et toute griffure avec des objets
souillés de terre) ;
– dépister obligatoirement la sérologie toxoplasmique ;
– surveillance prénatale mensuelle des patientes séronégatives,
mise en route d’une prise en charge rapide et d’un
traitement précoce si nécessaire.