Toxoplasma gondii est un protozoaire, parasite intracellulaire
obligatoire, de la famille des Apicomplexes, appartenant à la classe
des sporozoaires.
La première identification du parasite a été effectuée en 1908 par
Nicolle et Manceaux, à l’institut Pasteur de Tunis, dans le gondi, un
rongeur nord-africain.
A -
CYCLE DU PARASITE
:
Toxoplasma gondii peut se présenter sous trois formes évolutives :
tachyzoïte (forme végétative à haut niveau de métabolisme),
bradyzoïte (forme à bas niveau de métabolisme, contenu à l’intérieur
des kystes), et sporozoïte (dans les oocystes).
1- Tachyzoïtes :
Les tachyzoïtes ont un aspect incurvé en forme de croissant,
mesurant de 5 à 10 μm de long sur 1 à 3 μmde large.
Au pôle
postérieur, un peu plus arrondi, se situe le noyau, tandis qu’au pôle
antérieur, plus effilé, se situe le complexe apical, permettant au
parasite de pénétrer dans la cellule hôte.
Dans un premier temps, le
parasite adhère à la membrane cytoplasmique de la cellule hôte par
l’intermédiaire de molécules d’adhésion.
Plusieurs protéines de
surface des tachyzoïtes intervenant dans ces phénomènes d’adhésion
ont été mises en évidence, telles que SAG1 (ou antigène p30) et
MIC2 (micronem protein 2).
La pénétration dans la cellule hôte
s’effectue secondairement par un mécanisme actif adénosine
triphosphate (ATP)-dépendant, faisant intervenir le cytosquelette
d’actine et de myosine du parasite.
Les études in vitro sur des
cultures cellulaires montrent que les tachyzoïtes peuvent pénétrer
dans tous les types de cellules de mammifères.
Les tachyzoïtes
peuvent également être phagocytés par les macrophages/
monocytes.
À l’intérieur de la cellule, le parasite est nourri et protégé
par la membrane parasitophore, au sein de laquelle il se divise par endodyogénie.
Après plusieurs cycles de réplication, la cellule
hôte éclate et les tachyzoïtes libérés peuvent envahir de nouvelles
cellules.
En réponse à des stimuli encore mal élucidés, l’expression des gènes
du parasite va se modifier, entraînant le passage à la forme bradyzoïte.
Ceci constitue un mécanisme d’échappement du parasite à la réponse
immunitaire de l’hôte.
2- Bradyzoïtes :
Les bradyzoïtes sont contenus dans des kystes de forme sphérique
ou ovoïde, se développant à l’intérieur du cytoplasme de la cellule
hôte.
La taille des kystes varie de 20 à 100 μm, et leur densité au
sein des différents tissus de l’organisme varie en fonction de l’âge
du kyste, du type de tissu parasité, de la nature de l’hôte et de la
souche parasitaire.
Le nombre moyen de bradyzoïtes par
kyste peut être estimé à plusieurs milliers.
Les kystes n’étant pas détruits par l’acide chlorhydrique gastrique,
leur ingestion peut être contaminante.
En revanche, ils sont détruits
par une température supérieure à 66 °C ou inférieure à -12 °C.
Les kystes persistent dans les tissus de l’hôte pendant des années,
voire des décennies, sans entraîner de réaction inflammatoire
locale.
Certains antigènes de surface du parasite sont exprimés et
traversent la paroi du kyste, entretenant une immunité totale et
protectrice empêchant une nouvelle infestation.
Cependant, la paroi d’un kyste peut parfois se rompre, entraînant la
libération des bradyzoïtes qui, selon un mécanisme encore mal
connu, vont se transformer en tachyzoïtes et réactiver l’infection.
Chez le sujet immunocompétent, l’infection sera le plus souvent
rapidement contrôlée par le système immunitaire, alors que chez le
sujet immunodéprimé, une dissémination du parasite est possible.
En réponse à l’infection par Toxoplasma gondii, l’organisme de l’hôte
met en place une réaction immunitaire essentiellement de type
cellulaire par l’intermédiaire des lymphocytes T, principalement
suppresseurs CD8+, et de cytokines, notamment l’interféron
gamma.
3- Oocystes :
Les oocystes issus de la maturation sexuée sont émis dans les fèces
du chat 1 à 3 semaines après sa contamination et mesurent 10 ´
14 μm.
Chacun est constitué de deux sporocystes, contenant quatre sporozoïtes, dont la forme est ovoïde.
Dans le milieu extérieur la
sporulation dure de 1 à 5 jours et les oocystes demeurent infestants
au moins 1 an dans le sol humide.
Ils ne sont pas détruits par l’acide
chlorhydrique gastrique.
4- Contamination des hôtes
:
Le cycle parasitaire comporte une reproduction sexuée, qui s’effectue
chez le chat, et une reproduction asexuée, qui a lieu chez les hôtes
intermédiaires (mammifères, oiseaux).
Lors du cycle sexué complet, le chat se contamine en ingérant des
kystes contenus dans sa proie.
Les formes végétatives pénètrent les
cellules de l’intestin grêle du chat, où elles se reproduisent par un
mécanisme de multiplication asexuée (schizogonie).
Apparaissent
ensuite les éléments sexués, mâles ou femelles (micro- ou macrogamétocytes).
La fécondation (gamogonie) aboutit à la
formation de l’oocyste, qui est rejeté dans le milieu extérieur dans
les fèces du chat.
Lors du cycle asexué incomplet, la contamination de l’hôte
intermédiaire est liée à l’ingestion de kystes contenus dans la viande
mal cuite (essentiellement porc ou mouton), ou d’oocystes souillant
les fruits et légumes.
L’ingestion d’eau municipale contaminée a
également été incriminée, ainsi que l’inhalation d’oocystes
sporulés.
Les greffes d’organes (coeur, poumons) ou de moelle
osseuse, peuvent également constituer un mode de contamination.
En effet, des kystes quiescents au niveau du greffon peuvent être
réactivés chez le receveur, en raison de l’immunodépression induite
par le traitement visant à prévenir le rejet de greffe.
Les formes végétatives vont passer dans la circulation générale avant
de gagner différents organes, par voie lymphatique et sanguine.
Au
cours de cette phase de parasitémie, les tachyzoïtes peuvent traverser la barrière placentaire et contaminer le foetus pendant la
grossesse.
Cette phase de parasitémie est limitée par l’action des
anticorps circulants qui vont neutraliser les parasites libres.
En
cas de primo-infection, les anticorps sont sécrétés en 7 à 10 jours
(immunoglobulines [Ig]M puis secondairement, IgG).
Néanmoins,
ces anticorps ne sont pas suffisants pour contrôler l’infection.
Les
macrophages activés par l’interféron gamma vont détruire les tachyzoïtes, mais restent inefficaces sur les formes kystiques.
B - VIRULENCE SELON LES SOUCHES :
Des virulences différentes selon les souches de Toxoplasma gondii ont
été soupçonnées de longue date. Les techniques de biologie
moléculaire ont permis une classification des souches par étude de
polymorphismes de restriction (RFLP pour restriction fragment length
polymorphism).
Aujourd’hui, les souches sont classées en trois types.
Le type I
correspond aux souches virulentes (exemple RH), les types II et III à
des souches non virulentes (exemple ME49, Prugniaud, CEP).
En
analysant les souches impliquées dans des cas de toxoplasmose
humaine (congénitale ou cérébrale), il a été démontré que 70 % des
souches identifiées étaient de type II.
Une étude analysant
12 prélèvements vitréens, pratiqués en cas de formes graves ou
atypiques de toxoplasmose oculaire, retrouvait huit souches de
type I (ou apparentées au type I), une souche de type III, et trois
souches de type II.
C - ÉPIDÉMIOLOGIE :
1- Séroprévalence :
La fréquence de la toxoplasmose est très variable d’un pays à l’autre
et même selon les régions.
Les habitudes
alimentaires peuvent expliquer ces prévalences différentes.
Ainsi, en
Europe, la séroprévalence chez les femmes enceintes varie de 11 %
en Norvège à 51,7 % en France.
Dans toutes les populations
étudiées, la séroprévalence augmente avec l’âge.
En Angleterre, une
étude chez 500 patients asymptomatiques infectés par le virus de
l’immunodéficience humaine (VIH) retrouvait une séroprévalence
globale de 27 %, variant de 9 % dans le groupe des moins de 20 ans,
à 67 % dans le groupe des plus de 60 ans.
Aux États-Unis, l’analyse de 17 658 sujets pris au hasard dans la
population retrouvait une séroprévalence de 22,5 % (intervalle de
confiance de 95 % : 21,1-23,9).
Le risque de contamination
augmentait avec l’âge, était plus important chez les immigrés et était
corrélé à un bas niveau d’éducation ou à des conditions de vie
précaires.
2- Prévalence et incidence de la toxoplasmose oculaire
:
La prévalence de la toxoplasmose oculaire dans la population
générale est une notion encore mal évaluée.
L’analyse d’une consultation d’ophtalmologie hospitalière à Paris
retrouvait environ un cas de toxoplasmose oculaire parmi
1 000 consultants.
Une étude réalisée dans la région londonienne
a eu pour objectif de répertorier tous les cas de rétinochoroïdite
active d’origine toxoplasmique pendant 1 an, à partir de neuf centres
(deux centres de référence dans la prise en charge des uvéites ont
été exclus).
L’incidence calculée de la rétinochoroïdite toxoplasmique
active était de 0,4/100 000/an (intervalle de confiance de 95 % : 0,1-
0,7) pour les patients nés en Angleterre et de 57/100 000/an pour
les patients nés en Afrique de l’Ouest.
Des enquêtes comparables
en Écosse et en Irlande du Nord retrouvaient respectivement une
incidence de 0,35 et 0,63/100 000/an.
Deux études aux États-Unis
retrouvaient des cicatrices choriorétiniennes évocatrices chez 0,6 %
de la population.
Au sud du Brésil, dans une région où la
séroprévalence est particulièrement élevée, des cicatrices choriorétiniennes évocatrices étaient retrouvées chez 18 % des sujets
examinés.
Dans la plupart des études, la toxoplasmose est la cause la plus
fréquente d’uvéite postérieure chez les sujets immunocompétents,
représentant de 18 à 49 % des cas.
D - MODÈLES EXPÉRIMENTAUX
DE TOXOPLASMOSE OCULAIRE
:
L’étude de modèles animaux a permis de mieux comprendre la
physiopathologie de la toxoplasmose et d’évaluer l’efficacité de
molécules antiparasitaires.
Selon le choix de l’animal d’étude et de
la souche de parasite, l’infection peut être rapidement létale ou
permettre le maintien d’une infection chronique.
1- Modèles de toxoplasmose congénitale
:
Des modèles murins de toxoplasmose congénitale ont été obtenus,
en pratiquant une injection sous-cutanée de kystes, issus de souches
peu virulentes, chez des souris en gestation. Les souriceaux
sacrifiés à 16 semaines présentaient des lésions oculaires à type de
cataracte et de nécrose rétinienne plus ou moins étendue.
L’analyse
histologique retrouvait la présence de kystes au niveau des couches
internes de la rétine (couche des cellules ganglionnaires, couche
nucléaire interne), et du nerf optique, mais jamais au niveau de la
choroïde, du vitré, ou du cristallin.
2- Modèles par injection directe intraoculaire
:
Les différents modèles utilisant l’injection directe de tachyzoïtes ou
de kystes dans l’espace suprachoroïdien ou intrarétinien produisent
une rétinochoroïdite aiguë sans encéphalite.
Ces modèles ont été
utilisés chez des lapins et des singes.
L’extrapolation des
résultats chez l’homme est discutable, puisque l’atteinte oculaire
humaine est le plus souvent due à la réactivation de kystes intrarétiniens.
3- Modèles par injection intrapéritonéale :
Des souris ou des hamsters ont été infectés de manière chronique
par injection intrapéritonéale de kystes de souches peu virulentes
(par exemple souche ME 49).
L’atteinte oculaire a pu être
réactivée en 15 à 30 jours chez des souris en les immunodéprimant
par injection d’anticorps monoclonaux anti-CD4+ et anti-CD8+.
En traitant ces souris avec des anticorps anti-interféron gamma ou
anti-tumor necrosis factor (TNF) alpha, les lésions oculaires étaient
beaucoup plus importantes, et les parasites plus abondants.
Les lésions observées dans ces modèles expérimentaux sont très
variables, allant d’une unique zone de rétinochoroïdite bien limitée,
à de vastes zones de nécrose rétinienne.
Ces modèles confirment
le rôle majeur de l’interféron gamma dans le contrôle de l’infection
et dans la formation des kystes via la conversion des tachyzoïtes en
bradyzoïtes.
Des phénomènes inflammatoires autoréactifs ont été soupçonnés
dans la physiopathologie des rétinochoroïdites toxoplasmiques.
Ces
résultats confimeraient les données obtenues chez des patients
atteints de toxoplasmose oculaire, pour lesquels des réponses
lymphocytaires contre des autoantigènes rétiniens ont été
observées.
Prise en charge des toxoplasmoses
congénitales en France :
A - PRIMO-INFECTION ET GROSSESSE :
Le risque de transmission de Toxoplasma gondii au foetus est limité
aux cas de primo-infection maternelle au cours d’une grossesse et
correspond en France à 15,1 cas pour 1 000.
Les quelques
exceptions à cette règle sont extrêmement rares, comportant
seulement environ une dizaine d’observations publiées.
Certains de ces cas exceptionnels étaient associés à des terrains
particuliers, notamment chez des patientes immunodéprimées par
le VIH, ou sous corticothérapie.
En pratique, la constatation
d’une sérologie toxoplasmique positive avant le début d’une
grossesse permet de rassurer une femme quant à son risque de
transmettre la maladie à son foetus.
B - RISQUE DE TRANSMISSION MATERNOFOETALE
SELON LE TERME
:
En cas de primo-infection toxoplasmique au cours de la grossesse,
le risque de transmission au foetus croît avec le terme.
Des modifications de la production locale d’interleukines pourraient
avoir un rôle dans l’augmentation de la perméabilité placentaire au
parasite au cours de l’évolution de la grossesse.
C - SÉVÉRITÉ DES MANIFESTATIONS SELON LE TERME
:
Dans une étude portant sur 603 grossesses, le risque de
toxoplasmose symptomatique chez les foetus infectés passait de 61 %
à 13 semaines à 25 % à 26 semaines et à 9 % à 36 semaines.
Les
infections précoces sont responsables d’atteintes cardiaques,
cérébrales (microcéphalie, hydrocéphalie, calcifications
intracrâniennes, retard psychomoteur) ou oculaires majeures
(microphtalmie, cataracte, vastes foyers de rétinochoroïdite), tandis
que les infections plus tardives se manifestent par des signes
cliniques moins importants, voire inexistants, à la naissance.
D - PROGRAMME FRANÇAIS DE PRÉVENTION
DE LA TOXOPLASMOSE CONGÉNITALE :
1- Suivi sérologique
:
En France, un programme national de prévention des toxoplasmoses
congénitales, reposant sur des textes législatifs, a été instauré depuis
1978.
Ce programme impose aux femmes un dépistage sérologique
obligatoire lors de l’examen prénuptial et/ou prénatal pour les
femmes enceintes.
Toutes les femmes séronégatives au cours de
ce dépistage doivent faire l’objet d’une surveillance sérologique
mensuelle jusqu’à l’accouchement, afin de diagnostiquer une
séroconversion.
2- Prise en charge des séroconversions maternelles
:
En cas de séroconversion maternelle, les examens ont pour but la
recherche d’une infection foetale.
Le diagnostic anténatal de
toxoplasmose congénitale repose sur une amniocentèse pratiquée à
partir de la 18e semaine d’aménorrhée et au moins 4 semaines après
la date présumée de l’infection maternelle.
La présence du parasite
dans le liquide amniotique est recherchée par polymerase chain
reaction (PCR).
Un résultat positif prouve l’infection congénitale.
Une
recherche de toxoplasme par inoculation à la souris est encore
réalisée de manière concomitante.
La sensibilité combinée des
méthodes utilisées pour le diagnostic anténatal de toxoplasmose
congénitale varie de 64 % à 95 % selon les séries.
3- Prise en charge des infections foetales :
* Interruption thérapeutique de grossesse :
Lorsque l’infection foetale est prouvée, la sévérité des lésions
cérébrales est évaluée en recherchant des calcifications
intracrâniennes et des dilatations ventriculaires à l’échographie.
Devant des formes particulièrement sévères de toxoplasmose
congénitale, une interruption thérapeutique de grossesse peut être
proposée.
L’interruption thérapeutique est particulièrement discutée
lors d’infections toxoplasmiques en début de grossesse, associées
quasi systématiquement à des lésions oculaires et/ou cérébrales
sévères.
* Traitement prénatal
:
La prise en charge habituelle d’une séroconversion en début de
grossesse débute par la mise en route immédiate d’un traitement
par spiramycine 3 g/j.
En cas d’infection foetale confirmée, la spiramycine est remplacée par l’association pyriméthamine 50 mg/j
+ sulfadiazine 3 g/j, jusqu’à l’accouchement (avec supplémentation
en acide folinique).
Lorsque la séroconversion survient tardivement
(après 28 à 32 semaines d’aménorrhée), l’association pyriméthaminesulfadiazine
peut être prescrite d’emblée.
4- Prise en charge des enfants infectés
:
À la naissance, une sérologie toxoplasmique (comportant la
recherche d’IgM antitoxoplasmiques) est effectuée à partir du sang
du cordon et des fragments placentaires sont inoculés à la souris.
Une échographie transfontanellaire est réalisée, à la recherche de
calcifications cérébrales et de dilatations ventriculaires.
Le schéma thérapeutique habituel repose sur la sulfadiazine
100 mg/kg/j pendant 1 an.
Ce traitement est associé à la pyriméthamine 1 mg/kg/j pendant 2 à 6 mois, selon la sévérité de
l’infection, puis à 0,5 mg/kg/j jusqu’à l’âge de 1 an.
Une supplémentation en folates est systématique.
E - MANIFESTATIONS OPHTALMOLOGIQUES
DES TOXOPLASMOSES CONGÉNITALES :
La fréquence et la sévérité des atteintes ophtalmologiques
compliquant des toxoplasmoses congénitales varient
considérablement d’une étude à l’autre, selon le mode de
recrutement des patients et selon les modalités thérapeutiques préet
postnatales éventuellement utilisées.
1- Toxoplasmoses congénitales non traitées
:
Une étude prospective, comportant 18 enfants atteints de
toxoplasmose congénitale n’ayant reçu aucun traitement, retrouvait
des lésions choriorétiniennes chez tous les enfants suivis depuis la
naissance, après un recul moyen de 11 ans.
Dans ce groupe, les
lésions maculaires étaient présentes dans 76 % des cas (dont 23 %
bilatérales).
Cependant, en présence de cicatrices maculaires
bilatérales, une acuité visuelle supérieure à 5/10e était conservée sur
l’un des yeux atteints, dans environ la moitié des cas.
Dans ces
formes « historiques », non traitées, sévères, le pronostic visuel peut
être également lié au développement d’une cataracte, à un décollement de rétine, à une phtise du globe ou à une atrophie
optique.
Une autre étude d’enfants non traités montrait le
doublement de l’incidence des rétinochoroïdites entre la naissance
et l’âge de 20 ans.
2- Toxoplasmoses congénitales traitées en postnatal
:
Aux États-Unis, dans une cohorte d’enfants pour laquelle la
détection de la toxoplasmose congénitale avait été néonatale, traités
dès la naissance par l’association pyriméthamine-sulfadiazine, 74 %
présentaient des lésions choriorétiniennes.
La localisation était maculaire dans 54 % des cas, mais une baisse d’acuité visuelle
bilatérale n’était retrouvée que chez 29 % des enfants.
Des études
françaises retrouvaient des lésions choriorétiniennes dans 28 à 44 %
des cas traités de manière postnatale uniquement.
3- Toxoplasmoses congénitales traitées
de manière pré- et postnatale :
La fréquence et la sévérité des manifestations ophtalmologiques
rapportées dans la littérature sont variables et peuvent
être imputées à des différences dans les modalités thérapeutiques
utilisées.
Dans certains cas, les traitements anténataux étaient encore
limités à la spiramycine, dans d’autres séries l’association
pyriméthamine-sulfadiazine était utilisée.
Globalement, les
pourcentages de lésions choriorétiniennes ou d’atteinte fonctionnelle
sévère varient de 9 % à 31 %.
Les études rapportant les plus
faibles pourcentages de lésions choriorétiniennes sont celles pour
lesquelles le traitement in utero et pendant la première année de vie
ont comporté l’association pyriméthamine-sulfadiazine.
4- Recommandations de suivi ophtalmologique
:
L’examen ophtalmologique doit être réalisé dans la période
postnatale immédiate, puis avec une périodicité régulière.
Nous
examinons ces enfants à 3, 6, 12, 18 et 24 mois, puis tous les ans
jusqu’à l’âge de 7 ans.
Au cours de ces examens, des explications
sont régulièrement données aux enfants et aux parents concernant
les signes fonctionnels éventuels qui devraient les alerter en cas de
poussée.
Les examens initiaux doivent impérativement être réalisés à
l’ophtalmoscope indirect et les lésions reportées sur un schéma
précis.
Toxoplasmoses d’origine acquise
:
A - RÔLE DES INFECTIONS ACQUISES
PARMI LES CAS DE TOXOPLASMOSE OCULAIRE
:
Classiquement, la plupart des toxoplasmoses oculaires étaient
considérées comme résultant d’une infection congénitale.
Cependant, le rôle des infections d’origine acquise a été démontré
dans de nombreux cas de toxoplasmose oculaire.
En
particulier, ces infections acquises ont été prouvées par l’observation
de toxoplasmoses oculaires chez plusieurs membres d’une même
fratrie.
Dans certaines régions, la prévalence élevée de cas de
toxoplasmose oculaire a été liée à des infections d’origine acquise.
Ainsi, dans une région du sud du Brésil des lésions oculaires
évocatrices de toxoplasmose étaient retrouvées chez 17,7 % de la
population étudiée.
Au cours d’une épidémie de toxoplasmose
acquise au Canada, liée à la contamination d’un réseau de
distribution d’eau, parmi 100 sujets infectés, 20 ont présenté une
atteinte oculaire.
Dans la plupart des cas, la primo-infection toxoplasmique est
asymptomatique ou n’entraîne qu’un banal syndrome
pseudogrippal, associé à des adénopathies.
L’examen sérologique
met en évidence la présence d’IgM ou une augmentation
significative du titre des IgG à 3 semaines d’intervalle.
Au cours
des toxoplasmoses d’origine acquise, les manifestations oculaires
peuvent être concomitantes de l’infection ou différées, parfois des
années ou des décennies après la primo-infection.
Dans une série
personnelle de 62 cas de toxoplasmose oculaire présumée, l’origine
de l’infection était acquise dans 35,5 % des cas, congénitale dans 8 %
et inconnue dans 56,5 %.
À partir de l’étude statistique
d’épidémies de toxoplasmose acquise et des taux de prévalence des
toxoplasmoses congénitales, pour certains auteurs, jusqu’à deux tiers
des cas de toxoplasmose oculaire seraient d’origine acquise.
B - PRÉSENTATION CLINIQUE DES TOXOPLASMOSES
OCULAIRES D’ORIGINE ACQUISE
:
Dans trois grandes séries de toxoplasmoses oculaires actives
d’origine acquise, l’âge des patients allait de 12 à 83 ans, avec une
moyenne de 56,3 ans.
L’absence de cicatrice choriorétinienne
pigmentée, à proximité ou à distance du foyer actif, serait évocatrice
de l’origine acquise de l’infection.
Aucune différence entre les taux
de récidive des poussées de toxoplasmose oculaire n’a été rapportée,
que l’infection soit d’origine acquise ou congénitale.
Au cours des
infections acquises, les récidives pourraient plus fréquemment être
à distance des anciens foyers, alors que ceux-ci sont habituellement
satellites des lésions pigmentées au cours des toxoplasmoses
congénitales.
La taille des foyers serait en moyenne plus grande,
supérieure à 3 ou 4 diamètres papillaires, au cours des infections
acquises.
Les lésions seraient plus fréquemment bilatérales au cours
des toxoplasmoses congénitales.
Enfin, certaines uvéites
intermédiaires ont été rapportées à des toxoplasmoses acquises.
Dans ces cas, des foyers situés au voisinage de l’ora serrata
pouvaient être non vus lors des examens initiaux.
Toxoplasmose oculaire :
diagnostic et traitement
A - PRÉSENTATION DES FORMES TYPIQUES :
Le diagnostic de toxoplasmose oculaire est présumé devant la
présence d’une lésion évocatrice du fond d’oeil.
1- Signes fonctionnels
:
Les signes fonctionnels sont fonction de la localisation du foyer.
La
baisse d’acuité visuelle peut être majeure, en cas de lésion fovéolaire,
ou absente au cours de certaines lésions périphériques.
Dans ces cas,
les myodésopsies, liées à la hyalite, sont habituellement les premiers
signes d’appel.
La perception d’un scotome est également
susceptible de constituer un motif de consultation.
Au décours des
poussées d’inflammation active, la perception persistante de corps
flottants est fréquente, selon les opacités vitréennes résiduelles.
La
distinction entre des signes fonctionnels séquellaires et des
myodésopsies, en rapport avec une poussée de toxoplasmose
oculaire active, est parfois difficile, constituant un motif de
consultation fréquent chez les patients sensibilisés au risque de
récidive de la maladie.
2- Uvéite antérieure :
L’inflammation du segment antérieur, par contiguïté à partir de
l’uvéite postérieure, est variable.
Cette inflammation peut être
entièrement absente ou entraîner une uvéite antérieure majeure,
paraissant au premier plan des signes de la maladie.
La présentation
de l’uvéite antérieure est fréquemment granulomateuse, avec des
précipités rétrodescemétiques en « graisse de mouton ».
Une
hypertonie oculaire, secondaire à une uvéite antérieure intense, est
parfois observée.
En cas de retard dans la prise en charge
thérapeutique, des synéchies iridocristalliniennes peuvent se
constituer.
3- Hyalite
:
L’intensité de la hyalite doit être cotée selon une échelle
standardisée.
L’inflammation vitréenne prédomine en regard du
foyer actif de rétinochoroïdite.
La hyalite est occasionnellement
absente, notamment en cas de foyer profond de toxoplasmose
oculaire.
En cas de hyalite intense, prolongée, une membrane épirétinienne peut se constituer, avec des brides s’insérant sur le
foyer ou sa périphérie.
4- Examen du fond d’oeil
:
Dans le cas le plus typique, un foyer de rétinochoroïdite se présente
sous forme d’une lésion blanchâtre, profonde, à bords flous,
fréquemment satellite d’une lésion ancienne pigmentée et/ou
atrophique.
Lorsque des vaisseaux rétiniens sont situés à
proximité de la lésion, une vascularite par contiguïté est la règle.
Les périphlébites sont plus fréquentes que les artérites, des
hémorragies rétiniennes sont parfois également observées au
voisinage du foyer.
Dans certaines formes très inflammatoires, des vascularites peuvent être observées, à distance du foyer actif.
L’évolution spontanée ou sous traitement se fait vers la cicatrisation,
progressant vers le centre de la lésion, pour aboutir à une lésion
pigmentée et/ou atrophique.
En moyenne, le délai de
cicatrisation d’un foyer actif est d’environ 3 à 4 semaines par
diamètre papillaire.
5- Angiographie
:
La présence de clichés angiographiques permet de disposer
d’images de référence pour le suivi du fond d’oeil, notamment pour
apprécier l’évolution lors d’une suspicion de récidive.
Non
systématiquement nécessaire en cas de lésion périphérique,
l’angiographie est indiquée pour les lésions du pôle postérieur.
L’aspect angiographique permet d’apporter quelques éléments
supplémentaires de confirmation diagnostique dans les cas
atypiques.
Les lésions actives sont caractérisées par un effet masque
au temps précoce.
Celui-ci est suivi par une hyperfluorescence,
débutant à la périphérie du foyer et progressant de manière
centripète au cours de la séquence angiographique.
Les vascularites par contiguïté sont visibles sous forme d’une
hyperfluorescence des parois vasculaires, augmentant aux temps
tardifs.
Les lésions cicatricielles pigmentées entraînent un effet
masque persistant.
Un liseré hyperfluorescent autour des lésions est
régulièrement observé.
Une papillite associée est fréquente, révélée
sous forme d’une diffusion précoce du colorant, suivie d’une
augmentation et d’une persistance tardive de l’hyperfluorescence.
Un oedème maculaire cystoïde, même à distance du foyer de
toxoplasmose active, peut aussi compliquer une inflammation sévère.
6- « Optical coherent tomography » (OCT)
:
L’OCT permet d’observer une coupe in vivo des lésions de
toxoplasmose oculaire.
Les foyers cicatriciels sont caractérisés par
une atrophie rétinienne au site des lésions.
L’OCT est
également utile pour détecter et pour quantifier un décollement
séreux rétinien compliquant une toxoplasmose oculaire active ou une néovascularisation.
B - PRÉSENTATIONS RARES, ATYPIQUES OU COMPLIQUÉES :
1- Neuropathie optique
:
Le diagnostic de toxoplasmose oculaire est délicat devant un oedème
papillaire, sans lésion choriorétinienne évocatrice associée.
Une lésion blanche, inflammatoire, située sur la papille, associée à
une hyalite doit faire évoquer le diagnostic.
Les lésions situées au bord papillaire sont responsables de scotomes
de Jensen, en « doigt de gant » vers la tache aveugle.
2- Néovascularisation :
Une néovascularisation sous-rétinienne peut compliquer l’évolution
d’une rétinochoroïdite toxoplasmique.
L’angiographie
au vert d’indocyanine permet de visualiser la membrane
néovasculaire.
Parfois, la néovascularisation régresse après la
disparition de l’inflammation.
Dans certains cas, les membranes néovasculaires, persistantes après résolution de la phase
d’inflammation active, sont accessibles à une ablation chirurgicale.
3- Occlusions vasculaires rétiniennes
:
Des occlusions vasculaires rétiniennes, artérielles ou veineuses,
peuvent compliquer une toxoplasmose oculaire.
Le trajet des
vaisseaux occlus peut être directement situé sur le foyer de
toxoplasmose active ou uniquement contigu au site de la rétinochoroïdite toxoplasmique.
L’angiographie à la
fluorescéine permet alors de confirmer l’occlusion, de préciser ses
limites et ses caractéristiques.
La photocoagulation de territoires
ischémiques est indiquée.
4- Membranes épirétiniennes :
Compliquant une hyalite prolongée, les membranes épirétiniennes
s’insèrent sur les foyers de toxoplasmose ou à proximité de ces
lésions.
Des tractions secondaires importantes peuvent
entraîner des déchirures, des syndromes de traction maculaire avec
métamorphopsies ou des oedèmes maculaires.
Ces cas peuvent
justifier une ablation chirurgicale des membranes, à distance de la
phase d’inflammation active de rétinochoroïdite.
5- Décollements séreux rétiniens
:
Le décollement séreux rétinien est une complication de foyers de rétinochoroïdite présumés plus profonds que les cas typiques.
La
hyalite est fréquemment modérée. Le décollement peut s’étendre à
distance du foyer et entraîner une baisse d’acuité visuelle s’il atteint
la macula.
Les décollements séreux sont confirmés par
l’angiographie avec une hypofluorescence par effet masque aux
temps précoces et un remplissage progressif hyperfluorescent à
limites nettes, correspondant au décollement, aux temps tardifs.
L’OCT est particulièrement utile pour suivre la réapplication
de ces décollements sous traitement.
6- Décollements de rétine
:
Les déchirures rétiniennes peuvent être situées à proximité des
foyers actifs ou cicatriciels de rétinochoroïdite toxoplasmique.
Dans d’autres cas, notamment après une hyalite intense et
prolongée, des brides vitréennes sont responsables de déchirure ou
de décollements tractionnels.
C - PSEUDOTOXOPLASMOSES OCULAIRES :
De nombreuses causes d’uvéite postérieure peuvent simuler une
forme atypique de toxoplasmose oculaire.
Certaines étiologies cidessous
font partie des diagnostics différentiels régulièrement
évoqués.
1- Infection congénitale à cytomégalovirus (CMV) :
L’acronyme TORCH pour toxoplasma rubella cytomegalovirus herpes
est utilisé par les Anglo-Saxons pour rappeler les étiologies
d’infections congénitales sévères.
Parmi ces étiologies, l’infection
congénitale à cytomégalovirus est susceptible d’entraîner des lésions maculaires, parfois comparables aux lésions de toxoplasmoses
congénitales.
2- Virus de la chorioméningite lymphocytaire (LCMV)
:
L’infection à LCMV est transmise par les souris ou les hamsters.
L’infection congénitale est responsable de manifestations pseudotoxoplasmiques, avec hydrocéphalies, calcifications
cérébrales et vastes lésions du fond d’oeil, généralement
bilatérales.
Des cas plus tardifs avec manifestations oculaires
isolées ont également été décrits.
3- Toxocarose :
Liée à une infection par un nématode, Toxocara canis, les
manifestations de la toxocarose sont habituellement assez facilement
distinguables des toxoplasmoses oculaires.
La localisation primaire
de la lésion peut être intravitréenne, intra- ou sous-rétinienne.
La
hyalite est souvent beaucoup plus intense qu’au cours des
toxoplasmoses oculaires.
L’évolution habituelle non traitée est vers
une croissance majeure de la hyalite, avec réactions tractionnelles
vitréorétiniennes à partir de la lésion.
4- Uvéites postérieures liées à des infections
bactériennes :
Des cas exceptionnels d’uvéite postérieure liée à des infections
bactériennes peuvent simuler une toxoplasmose oculaire atypique.
Des formes de choroïdite syphilitique, liées à la maladie de Lyme, à
la tuberculose pourraient simuler une toxoplasmose oculaire.
Par
ailleurs, les manifestations oculaires de la maladie des griffes du chat
sont responsables d’une neurorétinite, avec exsudats évoluant vers
un aspect évocateur d’étoile maculaire.
Ce tableau est parfois
susceptible d’être confondu avec un foyer interpapillomaculaire de
toxoplasmose oculaire.
5- Uvéites postérieures non infectieuses
:
Des granulomes sarcoïdosiques, en particulier péripapillaires,
peuvent simuler une toxoplasmose oculaire.
Une rétinite liée à une
maladie de Behçet peut également être confondue avec une
toxoplasmose, en particulier lorsqu’une hyalite dense masque les
détails de l’examen du fond d’oeil.
D - EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :
Le diagnostic de toxoplasmose oculaire est essentiellement clinique.
Étant donné la prévalence des anticorps antitoxoplasmiques en
France, la sérologie est un examen de faible spécificité pour le
diagnostic d’une toxoplasmose oculaire.
En revanche, sa sensibilité
est de 100 %, à l’exception des syndromes très rares entraînant un
déficit de la production d’Ig.
En dehors de ces cas, une sérologie toxoplasmique négative élimine donc une toxoplasmose oculaire.
En cas de doute diagnostique, l’analyse de l’humeur aqueuse peut
contribuer au diagnostic de toxoplasmose oculaire.
1- Sang périphérique
:
* Sérologie :
L’étude combinée des IgG et des IgM, permet généralement
d’apprécier le caractère ancien ou récent de l’infection par
Toxoplasma gondii.
Les techniques de dépistages sont l’enzyme-linked
immunosorbent assay (Elisa), l’hémagglutination, et l’immunofluorescence
indirecte.
Des techniques complémentaires
(agglutination différentielle, ELIFA, mesure de l’avidité des IgG,
western blot), peuvent contribuer à préciser la date d’une
séroconversion, notamment pendant la grossesse.
* « Polymerase chain reaction » (PCR)
:
La recherche directe du parasite dans le sang par une technique
d’amplification de l’acide désoxyribonucléique (ADN) n’a pas
d’intérêt en pratique courante, sauf dans des cas exceptionnels de
toxoplasmoses graves, chez des patients à des stades avancés
d’immunodépression.
2- Humeur aqueuse
:
Dans certaines circonstances, notamment devant des rétinochoroïdites atypiques compatibles avec une toxoplasmose
oculaire, l’étude de l’humeur aqueuse peut contribuer au diagnostic.
La ponction de chambre antérieure (PCA) permet un prélèvement
de 0,2 à 0,3 mL d’humeur aqueuse.
Les risques associés à la PCA
sont faibles, mais une plaie de la capsule antérieure du cristallin
reste possible, notamment chez un patient jeune, en cas de
mouvement brutal intempestif lors de la ponction.
Ses
indications doivent donc être limitées aux cas où un doute
diagnostique est présent, lorsque les résultats sont susceptibles
d’influencer une décision thérapeutique.
* Coefficient de Desmonts :
Le coefficient de Desmonts correspond au rapport IgG anti-Toxoplasma gondii/IgG totales dans l’humeur aqueuse sur le rapport
IgG anti-Toxoplasma gondii/IgG totales dans le sang.
Ce double
rapport permet de comparer la charge immunitaire de l’humeur
aqueuse par rapport à la charge immunitaire du sang.
On estime qu’il existe une synthèse locale d’anticorps anti-Toxoplasma gondii traduisant une infection intraoculaire, lorsque ce
rapport est supérieur à 3.
Lorsque ce rapport est inférieur à 2, la
production locale d’anticorps n’est pas démontrée, sans qu’une
toxoplasmose oculaire ne puisse être éliminée.
Une valeur entre 2 et
3 du coefficient de Desmonts est douteuse pour affirmer une
production locale d’anticorps.
Une première étude portant sur 1 035
cas de rétinochoroïdite pour lesquels une origine toxoplasmique
était cliniquement suspectée, retrouvait un coefficient supérieur à 2
dans 34 % des cas.
Grâce à l’amélioration des techniques de
détection des anticorps, la sensibilité actuelle de la méthode est
estimée à 70 % et sa spécificité est proche de 100 %.
Le coefficient peut être faussement négatif dans les circonstances
suivantes :
– toxoplasmose généralisée avec un taux d’anticorps circulants
élevé ;
– importante réaction inflammatoire intraoculaire avec une rupture
massive de la barrière hématoaqueuse ;
– phase précoce de la toxoplasmose oculaire.
Pour que la sensibilité de la technique soit optimale, il n’est donc
pas recommandé d’effectuer la ponction de chambre antérieure
avant 2 à 3 semaines d’évolution d’une rétinochoroïdite.
Le coefficient de Desmonts reste la technique de référence pour le
diagnostic biologique de la toxoplasmose oculaire.
* Autres techniques : recherche des IgA, « western blot », PCR
La recherche d’IgA spécifiques dans l’humeur aqueuse a été
proposée pour améliorer la sensibilité de la détection d’une
production locale d’anticorps spécifiques.
Le western blot permettrait également de mettre en évidence la
synthèse locale d’anticorps antitoxoplasmique, en comparant les
immunoblots du sérum et de l’humeur aqueuse. Une synthèse locale
est affirmée en cas de différence de profils de bandes entre l’humeur
aqueuse et le sérum.
Dans quelques cas, la présence du parasite dans l’humeur aqueuse
a pu être affirmée par la détection de l’ADN de Toxoplasma gondii
amplifié par PCR.
Selon les études, entre 31 % et 46 % des échantillons d’humeur aqueuse étaient positifs en PCR.
En
revanche, chez les patients immunodéprimés, la technique de PCR
pourrait être plus sensible que la recherche d’une production locale
d’anticorps.
Certains auteurs proposent une combinaison des
techniques disponibles pour améliorer la sensibilité globale de
l’analyse de l’humeur aqueuse.
Une étude combinée de ces
techniques retrouvait une sensibilité de 65 % pour la production
intraoculaire d’IgG, de 52 % pour la production d’IgA et de 27 %
pour la PCR.
La sensibilité globale de la combinaison des tests
(au moins un test positif) était de 91 %.
E - TRAITEMENT :
Les objectifs du traitement de la toxoplasmose oculaire devraient
être les suivants :
– tolérance satisfaisante (et absence de contre-indication) ;
– raccourcissement du délai de retour à un oeil non inflammatoire ;
– réduction de la taille finale de la cicatrice rétinochoroïdienne ;
– effet kysticide, permettant la prévention des récidives.
En fait, aucune des molécules actuellement disponibles (et aucune
association de molécules), ne permet aujourd’hui de répondre à ce
cahier des charges.
Malgré la fréquence de la toxoplasmose oculaire,
la plupart des études thérapeutiques réalisées n’ont pas été de type
randomisé, prospectif.
Les méthodes thérapeutiques proposées en
première intention restent donc anciennes, et leurs indications sont
le plus souvent non validées de manière statistiquement rigoureuse.
La durée du traitement doit être fonction de l’évolution, avec un
arrêt du traitement lorsque le retour à un état suffisamment non
inflammatoire est obtenu.
La durée de l’inflammation autour d’un
foyer de rétinochoroïdite toxoplasmique est fonction de sa taille,
empiriquement, de 3-4 semaines par diamètre papillaire.
Le processus de cicatrisation des foyers est centripète. Lorsqu’un
traitement a été prescrit, celui-ci peut être interrompu à partir de
l’obtention d’une couronne cicatricielle à la périphérie du foyer.
1- Méthodes
:
* Molécules antiparasitaires :
La pyriméthamine et la sulfadiazine sont les molécules
antitoxoplasmiques de référence.
Leur mode d’action est synergique,
bloquant la synthèse des acides nucléiques du parasite, par
inhibition du métabolisme de l’acide folique.
Ces molécules sont
actives sur les tachyzoïtes, mais n’ont pas d’efficacité sur les
bradyzoïtes.
Le cotrimoxazole a un mode d’action comparable, avec
une activité moindre sur le métabolisme de l’acide folique de
Toxoplasma gondii.
La clindamycine agit également sur les tachyzoïtes.
L’azithromycine a aussi été proposée dans le traitement
de la toxoplasmose oculaire.
La molécule est active contre les tachyzoïtes, mais son action in vitro sur les bradyzoïtes semble très
limitée in vivo.
L’atovaquone semble aujourd’hui la molécule ayant
un des meilleurs potentiels d’action in vivo, tant sur les tachyzoïtes
que sur les bradyzoïtes.
Le traitement classique antitoxoplasmique, par pyriméthamine et
sulfadiazine, se caractérise par ses effets secondaires fréquents.
Une supplémentation en folates doit être systématiquement associée
(acide folinique, 25 mg per os, 2 fois par semaine).
Les complications
redoutées sont surtout immunoallergiques, essentiellement cutanées
ou hématologiques.
Une surveillance de la numération-formule
sanguine tous les 7-10 jours est donc indiquée sous traitement.
Une
diurèse suffisante doit être assurée, si possible alcaline, pour
prévenir le risque de précipitation urinaire de la sulfadiazine.
Les
patients doivent être informés des risques du traitement et une
interruption doit être recommandée en cas de survenue de
manifestations cutanées.
La clindamycine peut être proposée en tant qu’alternative aux
sulfamides, en association avec la pyriméthamine.
Ses effets
secondaires sont essentiellement digestifs, entraînant dans les cas
les plus graves des colites pseudomembraneuses.
La clindamycine a
également été proposée en injections périoculaires.
La posologie
était de 50 mg par injection, quotidiennement pendant 5 jours, puis
2 fois/semaine.
* Corticothérapie :
Le but des corticoïdes est la limitation de la réaction inflammatoire, vitréenne ou périlésionnelle, associée aux foyers de rétinochoroïdite
toxoplasmique.
Leur utilisation ne peut être proposée que sous
traitement antiparasitaire en cours, de préférence débuté 48 heures
auparavant.
La posologie de la corticothérapie est variable selon
l’intensité de la réaction inflammatoire et la localisation du foyer.
Dans les cas habituels, celle-ci est débutée à 0,5 mg/kg/j de prednisone, avec une décroissance progressive.
Dans certains cas
particulièrement sévères avec risque immédiat pour la fonction
visuelle, la corticothérapie peut être proposée en bolus intraveineux
de 500 mg de méthylprednisolone, relayés par la prednisone per os.
2-
Indications
:
* Selon la localisation :
La localisation des lésions est l’élément déterminant essentiel de la
décision thérapeutique devant une toxoplasmose oculaire.
Un
sondage auprès d’experts confirmait que l’indication d’un traitement était quasi unanime en cas de lésion maculaire ou périmaculaire,
tandis que des décisions d’abstention thérapeutique étaient
majoritaires en cas de localisation périphérique.
Nous traitons
systématiquement tout foyer situé à moins de 2 diamètres papillaires
du point de fixation, ou à moins de 1 diamètre papillaire du bord
papillaire en temporal, ou à moins de 0,5 diamètre papillaire en
nasal du bord de la papille.
Sauf cas particuliers, notamment en cas
de réaction inflammatoire vitréenne majeure, nous ne traitons pas
les foyers périphériques à partir des arcades vasculaires.
Par ailleurs, les indications thérapeutiques sont modulées selon
l’inflammation vitréenne, la taille du foyer et surtout la tolérance
aux traitements.
* Selon le terrain :
+ Allergies
:
Les réactions d’intolérance mineure, sensibles aux thérapeutiques
adjuvantes, doivent être distinguées des réactions immunoallergiques vraies, justifiant l’arrêt du traitement classique.
En cas d’allergie aux sulfamides, la clindamycine est utilisable, en
association avec la pyriméthamine.
Dans d’autres cas, lorsque
l’indication du traitement est absolue, le recours à des molécules
n’ayant pas d’autorisation de mise sur le marché dans cette
indication (azithromycine, atovaquone) peut être discuté.
+ Immunodéprimés :
Avant l’avènement des thérapeutiques antirétrovirales hautement
actives, la toxoplasmose oculaire était une complication fréquente
de l’infection par le VIH, quasi exclusivement observée chez des
patients présentant moins de 50 lymphocytes CD4+/mm3.
Les foyers
étaient fréquemment nécrotiques, multifocaux ou extensifs, parfois
bilatéraux.
L’association à une toxoplasmose cérébrale était
retrouvée dans 29 % des cas et des co-infections rétiniennes avec le CMV étaient fréquentes.
Le diagnostic différentiel entre rétinite à CMV et toxoplasmose oculaire de l’immunodéprimé était souvent
difficile, en l’absence de cicatrices choriorétiniennes « classiques »
adjacentes des foyers actifs.
Chez les patients immunodéprimés, présentant une toxoplasmose
oculaire, l’indication thérapeutique antiparasitaire est systématique.
Les corticoïdes sont déconseillés.
Un traitement antiparasitaire doit
être poursuivi à doses d’entretien (demi-dose), tant qu’une
restauration immunitaire suffisante n’est pas obtenue.
La zidovudine
(utilisée pour le traitement de l’infection par le VIH) est susceptible
d’avoir une action antagoniste avec la pyriméthamine, cette
association est donc déconseillée.
+ Toxoplasmose oculaire chez la femme enceinte :
La présence d’un foyer de toxoplasmose oculaire active chez une
femme enceinte n’expose pas le foetus à un risque de toxoplasmose
congénitale, sauf en cas de primo-infection maternelle.
De manière générale, au cours de la grossesse, seuls les cas avec
menace immédiate de la fonction visuelle doivent justifier un
traitement.
Dans ces indications thérapeutiques impératives, à partir
du deuxième trimestre de la grossesse, l’association classique pyriméthamine-sulfadiazine-corticoïdes peut être utilisée.
Au cours
du premier trimestre, les cas extrêmes, nécessitant un traitement
urgent, peuvent être traités par injections locales de clindamycine.
+ Nouveau-né
:
Les toxoplasmoses congénitales relèvent d’un traitement antitoxoplasmique systématique pendant une durée de 1 an, y
compris lorsque le fond d’oeil est normal.
Les foyers de rétinochoroïdite active, détectés lors de l’examen néonatal, peuvent
nécessiter l’adjonction d’une corticothérapie transitoire.
+ Sujets âgés
:
La toxoplasmose oculaire du sujet âgé est non exceptionnelle.
La
présentation des foyers est fréquemment atypique, avec des lésions
de taille supérieure à 3 diamètres papillaires, parfois multifocales ou
diffuses.
Des formes sévères peuvent être confondues avec une
nécrose rétinienne d’origine virale.
Dans ces cas, le caractère
extensif des lésions justifie un traitement, dont la durée doit souvent
être prolongée.
+ Toxoplasmose oculaire en zone tropicale
:
Les formes acquises de toxoplasmose oculaire des régions tropicales
du globe, notamment au Brésil, sont particulièrement sévères.
Dans
ces cas, les indications thérapeutiques peuvent être élargies, au-delà
des localisations justifiant habituellement un traitement. L’objectif
thérapeutique est la prévention de l’évolution vers une forme
extensive de toxoplasmose oculaire.