Torticolis sans atteinte oculaire
Cours d'Ophtalmologie
A - CAUSES ORTHOPÉDIQUES :
Les torticolis d’origine orthopédique sont dominés chez le petit
enfant par les torticolis congénitaux néonataux et du nourrisson, et
chez le grand enfant et l’adolescent par les torticolis acquis.
1- Torticolis congénital néonatal
:
En période néonatale, il est important de savoir si le torticolis est
paroxystique, transitoire ou permanent.
Lorsqu’il est transitoire, le
plus souvent il s’agit d’une déformation posturale, lorsqu’il est
permanent, on pense au torticolis congénital musculaire ou au
torticolis malformatif.
* Paroxystique
:
Le torticolis paroxystique bénin de l’enfant survient chez le
nourrisson dans les premiers mois de vie de façon brutale, le plus
souvent entre 6 et 12 mois.
Ce sont des crises récurrentes brèves (< 1
heure) d’inclinaison de la tête et parfois de courbure du tronc,
associées le plus fréquemment à des signes d’accompagnements tels
que pâleur, vomissements, agitation et ataxie.
Le torticolis survient
d’un côté comme de l’autre.
C’est une vestibulopathie récurrente
par immaturité des voies vestibulospinales qui cesse spontanément
avant l’âge de 2 ans, avec parfois poursuite évolutive sous forme
d’ataxie.
C’est un trouble vestibulaire résolutif.
* Transitoire :
+ Torticolis congénital postural
:
Il est dû à des contraintes utérines exercées sur le foetus et se
retrouve avec une fréquence de près de 3 % chez le nouveau-né.
Cette déformation n’est pas isolée, et s’accompagne d’une asymétrie
globale de l’enfant avec tête inclinée vers la concavité thoracolombaire.
Les hanches et le bassin sont orientés vers ce même
côté, témoins du syndrome postural.
Une plagiocéphalie postérieure
associée est assez fréquemment observée.
Ce torticolis est
essentiellement reconnu par élimination des autres causes de
torticolis congénital.
L’évolution est le plus souvent favorable, car il
n’y a pas de fibrose rétractile du SCM.
La physiothérapie de posture
entraîne la guérison dans 85 % des cas, les formes sévères justifiant
une chirurgie dans 4 à 15% des cas.
+ Torticolis du syndrome de Sandifer :
Ce torticolis apparaît dans un contexte de reflux gastro-oesophagien
et/ou une hernie hiatale entraînant une oesophagite.
Ce torticolis est
antalgique, il est lié à l’abaissement de la coupole diaphragmatique
gauche pour soulager les phénomènes douloureux induits par
l’oesophagite.
Il survient pendant et après les repas, avec des
mouvements associés involontaires de la tête et du cou et une
incurvation du tronc caractéristique.
* Permanent
:
+ Torticolis musculaire congénital
:
Il réalise une entité chez le nouveau-né ou le nourrisson, dont la
pathogénie est inconnue. Les hypothèses étiopathogéniques
admises quant à la masse du muscle SCM sont soit un hématome
(spatules), soit un noyaux fibreux par trouble de croissance
musculaire dû à une compression localisée des fibres.
Plusieurs
formes sont identifiables, en fonction de l’âge de découverte, de la
déformation et de l’élément caractéristique qui est la rétraction
visible et palpable du muscle sterno-cléido-mastoïdien : une forme
néonatale typique, une forme de l’enfant plus âgé vers 4 mois, et
une forme de l’enfant âgé.
Le diagnostic peut être facile, reposant sur la conjoncture néonatale
traumatique (difficulté obstétricale), le syndrome postural avec hémihypoplasie faciale, la palpation d’un SCM modifié en forme, en
volume, en consistance, avec parfois corde ou nodule fibreux
palpable (olive du SCM), une plagiocéphalie postérieure associée.
Le diagnostic peut être plus difficile devant l’absence de contexte
traumatique, l’absence de masse ferme régulière et arrondie avec
rétraction musculaire inconstante.
Le traitement est chirurgical, effectué au plus tard à l’âge de 5 ans.
Dans la majorité des cas, ces torticolis ne s’accompagnent pas de
troubles oculaires, mais lorsque l’indication chirurgicale
orthopédique est posée, il est nécessaire de faire un examen
ophtalmologique car les formes associées ne sont pas rares.
L’association à des fibroses musculaires oculaires, bien que rare, en
est un exemple.
Cette fibrose passée inaperçue peut être une entrave
à la réussite chirurgicale.
+ Torticolis congénital par malformation :
La malformation qui va entraîner le torticolis peut être musculaire,
ligamentaire, ou osseuse.
Parce que ce type de torticolis est rare à la
naissance mais plus fréquent chez l’enfant plus grand, il est abordé
avec les torticolis acquis ou apparemment acquis.
+ Torticolis des plagiocéphalies :
Si certaines plagiocéphalies antérieures ou postérieures peuvent
s’associer aux troubles précédents, de nombreuses sont isolées et
motivent des consultations pour une tête qui ne tourne pas
complètement d’un côté, sans qu’il y ait de troubles de rotation
proprement dits.
La plagiocéphalie antérieure est due à une soudure prématurée
d’une suture crânienne.
Il s’agit d’un torticolis compensateur pour
assurer la vision binoculaire, perturbée par un strabisme orbitaire
dû à des modifications morphologiques des structures périorbitaires
et maxillaires à type d’aplatissement.
Les plagiocéphalies postérieures sont une déformation plastique des
os du crâne sans anomalie de soudure, n’entraînant pas de trouble
ophtalmologique, mais un torticolis qui s’améliore spontanément le
plus souvent avec la croissance.
2- Torticolis de type acquis
:
Ce torticolis survient chez un enfant relativement âgé, lié en principe
à une pathologie acquise.
Laumonier distingue trois types de
torticolis : le torticolis a frigore dont le diagnostic est un diagnostic
d’élimination, les torticolis de diagnostic clinique simple, et les
torticolis de diagnostic plus complexe, nécessitant outre une
démarche diagnostique bien conduite, des investigations
complémentaires adaptées.
D’autres auteurs proposent une
classification en cause endogène (douloureux et non douloureux),
exogène (traumatique, cicatriciel) et idiopathique.
En dehors du
torticolis a frigore et du torticolis hystérique, où le contexte permet
de faire le diagnostic (torticolis variable labile et transitoire, troubles
du comportement associés), les torticolis peuvent être également
classés en fonction des tissus anatomiques atteints.
Les étiologies
alors sont cutanée, musculaire, rachidienne, atteinte du névraxe, paravertébrale et médicamenteuse.
* Torticolis « a frigore » appelé aussi torticolis idiopathique
:
Il survient chez le grand enfant ou l’adolescent.
Parmi les causes
non traumatiques, c’est le plus fréquent des torticolis.
Il est bénin,
classique « coup de froid », mais son diagnostic ne doit être qu’un
diagnostic d’élimination, la clinique étant normale en dehors de la
contracture musculaire.
Lorsque le torticolis est prolongé, récidivant
ou touchant un jeune enfant, on recherche une affection sous-jacente.
* Étiologie cutanée :
C’est un torticolis par rétraction cutanée au niveau du cou où la
bride cicatricielle rétractile (brûlure) maintient la tête et le cou en
position vicieuse.
* Étiologie musculaire
:
C’est l’agénésie isolée d’un SCM, n’intéressant en règle générale
qu’un chef musculaire.
*
Étiologie rachidienne :
+ Cause inflammatoire : arthrite chronique juvénile
La localisation cervico-occipitale peut être inaugurale, sans atteinte
articulaire périphérique, et alors de diagnostic difficile.
Cette
localisation cervicale haute d’une mono- ou polyarthrite par les
lésions osseuses ou ligamentaires entraînées (luxation atloïdoaxoïdienne par destruction de l’odontoïde, masses latérales
de l’atlas et altération des ligaments périarticulaires dont le
transverse), peut aboutir à un enraidissement du rachis cervical
inférieur définitif.
+ Origine tumorale du rachis cervical ou de la première côte :
Il s’agit :
– d’un ostéome ostéoïde, d’un ostéoblastome, d’un kyste
anévrismal, d’un granulome éosinophile ou enfin d’un sarcome
d’Ewing : le diagnostic se fait grâce à la scintigraphie osseuse ;
– d’une discopathie calcifiante.
La calcification discale se manifeste
par une crise douloureuse accompagnant un torticolis, la
symptomatologie régresse spontanément.
Le contexte est
douloureux mais non infectieux ;
– d’une compression du névraxe, primitive ou secondaire : le
contexte de ces torticolis est douloureux non inflammatoire.
Le
torticolis est alors en règle générale raide invincible, et surtout
s’accompagne de signes d’hypertension intracrânienne.
Le torticolis
est alors révélateur d’une pathologie neurologique, diagnostiquée
par une exploration radiographique et tomodensitométrique qui
peut mettre en évidence : une tumeur primitive de la fosse
postérieure, du bulbe, de la moelle, une syringomyélie, une
compression secondaire par malformation associée basioccipitale ou
occipitocervicale, un hématome intrarachidien épidural, siégeant
entre la dure-mère et l’os, secondaire chez le nourrisson à une
ponction lombaire, entraînant un torticolis traumatique douloureux
non inflammatoire réalisant un tableau de myélopathie aiguë
transverse.
+ Origine malformative
:
Il faut penser à un rachis malformatif devant tout torticolis.
La
malformation peut toucher soit la charnière occipitocervicale, soit le
rachis cervical.
Ces malformations n’entraînent pas toutes une
instabilité.
Certaines sont instables, d’autres potentiellement,
d’autres jamais.
Le torticolis témoigne d’une instabilité du rachis
malformatif pouvant au maximum entraîner des troubles
neurologiques.
On différencie la malformation osseuse isolée de celle
qui appartient à un grand syndrome malformatif, à une maladie de
système ou à une maladie neurologique :
– malformation osseuse isolée : ces malformations peuvent être
osseuses, ligamentaires, voire musculaires.
Il s’agit d’impression
basilaire, d’instabilité congénitale C1 C2, avec laxité ou absence
congénitale du ligament transverse, de fusion occipitoatloïdienne,
d’agénésie partielle de l’atlas, d’anomalies de l’odontoïde (agénésie,
hypoplasie, aplasie) et des autres vertèbres (hémivertèbre) ;
– grands syndromes malformatifs : il s’agit d’aberrations
chromosomiques (syndrome de Down, syndrome de Turner),
d’ostéochondrodystrophies ou de mucopolysaccharidoses ;
– maladies de système : phacomatose, maladie de Larsen, de
Marfan, d’Ehlers-Danlos ;
– maladie neurologique : hydrocéphalie, syringomyélie,
malformation d’Arnold-Chiari, de Dandy-Walker.
* Étiologie paravertébrale :
+ Myosite ossifiante circonscrite
:
C’est une affection caractérisée par la présence d’un foyer osseux ou
cartilagineux bien délimité dans les parties molles.
La localisation
cervicale se traduit cliniquement par un torticolis douloureux
subfébrile et par une tuméfaction, parfois prévertébrale.
L’aspect de
calcifications radiographiques et de cocarde en TDM permet en règle
générale le diagnostic.
+ Contracture réflexe des muscles paravertébraux :
La contracture réflexe des muscles paravertébraux en contact de
façon asymétrique avec un foyer infectieux local entraîne un
torticolis réactionnel.
Ce foyer est mis en évidence par la
radiographie standard, la TDM ou la résonance magnétique
nucléaire (fuseau paravertébral, image discale anormale et/ou image
anormale des corps vertébraux, pincement d’un interligne).
Il peut
être dû à des arthrites, des ostéoarthrites du rachis cervical
supérieur, des discites ou des spondylodiscites à germes banals.
Le torticolis est en règle générale le témoin d’une affection bénigne,
les torticolis les plus fréquents étant le torticolis postural du
nouveau-né, le torticolis congénital vrai et le torticolis a frigore.
Ce caractère de bénignité ne doit pas faire oublier que le torticolis
peut être le reflet d’une souffrance du névraxe.
L’approche diagnostique se fait par un examen clinique bien conduit
et quelques examens complémentaires simples, comme la
radiographie standard qui doit être systématique.
B - CAUSES ORL
:
Dans un contexte non infectieux, les étiologies vont être dominées par
le torticolis paroxystique chez l’enfant, déjà abordé dans les causes
orthopédiques.
Dans un contexte infectieux, il s’agit du torticolis nasopharyngien de Grisel.
Il s’agit de torticolis réactionnels à des
affections de la sphère ORL.
Le bilan radiologique normal de la
colonne vertébrale associé au foyer infectieux avec aspect d’oedème
des parties molles prévertébrales permet le diagnostic.
Il peut s’agir
d’un foyer ORL (de la simple infection amygdalienne à la collection rétropharyngée), d’une adénopathie qui entraînent la contraction d’un
muscle de voisinage.
Dans ce contexte, on peut citer également le
torticolis auriculaire de Gellé dû à des otites suppurées, de même que
certaines mastoïdites qui peuvent toucher les attaches du SCM.
C - CAUSES NEUROLOGIQUES :
Le diagnostic de ces torticolis repose sur un examen neurologique.
1- « Ocular tilt reaction »
:
C’est un syndrome qui associe un torticolis, tête penchée sur une
épaule, une déviation de la verticale subjective dans le même sens
que le torticolis, une skiew deviation qui est un strabisme vertical
d’origine supranucléaire avec hypotropie de l’oeil le plus bas en
position de torticolis, une torsion oculaire dans le même sens que le
torticolis.
L’ocular tilt reaction et la skiew deviation sont dues à une lésion des
voies graviceptives au niveau du tronc cérébral qui permettent au
système nerveux central (SNC) de connaître la position de la tête
dans le plan frontal.
2- Torticolis dystoniques
:
* Torticolis spasmodique de l’adulte ou dystonie cervicale
idiopathique :
Il est d’étiologie inconnue.
C’est la plus fréquente des dystonies
focales de l’adulte, parfois associée à des tremblements de la tête et
des mains.
Dans 20 % des cas, on note une association à des
dystonies extracervicales.
Le plus souvent, il n’y a pas de
généralisation des crises mais parfois extension locale (membres
supérieurs), avec souvent d’importantes douleurs associées.
3- Torticolis dystonique de l’enfant :
* Dystonie musculaire déformante :
La dystonie musculaire déformante ou maladie de Ziehen-Oppenheim
ou spasme de torsion, est une maladie liée à un trouble biochimique,
caractérisée par une dystonie initialement localisée, puis diffuse.
C’est
une affection de l’enfant âgé. Le torticolis spasmodique s’associe à la
dystonie d’un membre puis à des spasmes diffus des membres, du
tronc, une gêne à la parole et à la déglutition.
* Maladie d’Hallervorden-Spatz :
C’est une affection autosomique récessive, liée à une anomalie
métabolique inconnue, de mauvais pronostic, qui peut
s’accompagner également d’un torticolis lié à une posture
dystonique.
Il y a un syndrome extrapyramidal progressif avec
détérioration intellectuelle, déformations distales, crises convulsives
à caractère myoclonique et rétinite pigmentaire.
4- Syringomyélie cervicale
:
Le contexte neurologique met en évidence un syndrome médullaire
localisé aux membres supérieurs, au thorax supérieur et au cou, avec
amyotrophie de type Aran-Duchenne bilatérale, troubles trophiques
tégumentaires, osseux, articulaires, abolition des réflexes tendineux,
syndrome sous-lésionnel pyramidal avec paraplégie spasmodique
plus ou moins marquée.
Le torticolis par contracture de vigilance et
de sauvegarde est dû à l’instabilité du rachis. On peut noter un
syndrome de Claude Bernard-Horner.
5- Torticolis médicamenteux
:
Le torticolis est caractérisé initialement par une raideur de la nuque
et des masticateurs, une impression de gêne, puis par des
contractures douloureuses ressenties avec anxiété, s’accompagnant
parfois de troubles végétatifs durant une à plusieurs minutes.
Il
s’agit essentiellement de la prise de neuroleptiques (phénothiazine,
butyrophénone) ou de métoclopramide (Primpérant) à doses
variables : à l’arrêt du produit, le torticolis disparaît.
Apport de la kinésithérapie
:
Après le traitement étiologique, le torticolis n’est pas toujours
éliminé.
Par exemple, dans le traitement de la paralysie du VI, le
traitement chirurgical n’entraîne pas toujours la guérison, il persiste
des séquelles avec torticolis.
Plus généralement, dans de nombreuses
paralysies oculomotrices comme dans les fibroses musculaires et les
nystagmus, le traitement n’entraîne pas la disparition du torticolis
mais l’améliore.
Parce que les conséquences sur la croissance et sur
la statique céphalique et cervicale sont importantes, le rôle de la microkinésithérapie paraît alors indispensable.
En effet, quelle que
soit l’atteinte du SCM primitive ou secondaire, le traitement de ce
muscle est capital car il aide au bon développement physique et
psychique de l’individu, avec comme conséquence une
amélioration globale de son confort de vie.
Conclusion
:
Cette étude montre que le torticolis peut relever de causes bénignes
comme de causes malignes.
Le bilan étiologique doit permettre de
trouver la cause, qui peut être ophtalmologique, orthopédique, otorhino-
laryngologique, neurologique, médicamenteuse.
Ces multiples
étiologies expliquent l’importance de la collaboration interdisciplinaire,
à laquelle on peut rajouter la radiologie, a fortiori dans les formes
charnières et les formes associées.
Le torticolis est un signe capital dans les étiologies oculaires, où il est
un argument décisionnel dans la majorité des indications opératoires.
De toute façon, quelle que soit son étiologie, le torticolis est délétère par
ses conséquences importantes sur la croissance osseuse et sur la statique
vertébrale.
C’est un signe de gravité sur le long terme qui nécessite,
après le traitement étiologique, un traitement qui lui est propre.