Torticolis avec atteinte oculaire
Cours d'Ophtalmologie
Torticolis avec déséquilibre
oculomoteur
:
A - STRABISME
:
Au cours du strabisme, un torticolis peut être présent dans trois
situations : le syndrome du strabisme précoce, le syndrome du monophtalme congénital, les formes alphabétiques.
1- Syndrome du strabisme précoce :
Dans le strabisme précoce, un oeil (parfois les deux alternativement)
est utilisé en adduction et en incyclotorsion expliquant le torticolis :
tête tournée et inclinée du côté de l’oeil fixateur.
Le torticolis a alors deux composantes : la fixation en adduction
(adduction de fixation) et l’incyclotorsion de fixation.
La fixation en adduction est le caractère le plus évident de ce type
de strabisme.
Elle s’accompagne dans la majorité des cas d’une importante
limitation de l’abduction bilatérale, dite pseudoparalysie des
droits externes.
Lorsque la fixation en adduction est alternante, le torticolis
change avec l’oeil fixateur.
On parle de torticolis discordant, c’est-à-dire s’inversant avec
l’oeil fixateur.
On comprend que lorsque la dominance oculaire est installée, le
torticolis soit invariablement tête tournée et inclinée du côté de
l’oeil fixateur.
L’incyclotorsion de fixation accompagne l’adduction de l’oeil
fixateur.
C’est une caractéristique de fixation qui semble toujours exister
s’il y a une déviation verticale dissociée.
Elle entraîne un torticolis tête inclinée sur épaule du côté de
l’oeil fixateur.
En cas de syndrome alphabétique en V, le torticolis peut être
inversé.
L’amélioration de ce type de torticolis survient lorsque la
chirurgie oculomotrice rétablit le parallélisme oculaire.
Dans le syndrome du strabisme précoce, le torticolis peut être aussi
dû à la déviation verticale dissociée (DVD).
La relation entre DVD et torticolis n’est pas très claire, et
plusieurs explications sont proposées.
Pour certains, la DVD est la cause du torticolis, en argumentant
qu’elle diminue d’amplitude dans la direction du torticolis.
Pour d’autres, la direction du torticolis reste inexpliquée et ne
semble pas être corrélée à une diminution d’amplitude.
2- Syndrome du monophtalme congénital :
Ce syndrome, appelé également « syndrome visuomoteur du monophtalme
congénital », s’observe chez certains nourrissons présentant une
cécité monoculaire ou une grave amblyopie unilatérale congénitale.
Cette cécité congénitale monoculaire unilatérale entraîne une
dysmaturité du système réticulaire (nystagmus) et de la fonction de
vergence (strabisme).
On note du côté de l’oeil voyant :
–
un torticolis associé à une fixation en adduction dans 70 % des cas
et en abduction dans 30 % des cas.
À
la fixation en adduction s’associe une incyclotorsion même dans les
exotropies ;
–
un nystagmus ;
–
une difficulté de l’abduction et une asymétrie du nystagmus
optocinétique.
Ce syndrome s’accompagne le plus souvent d’une ésotropie, mais aussi
d’une orthotropie ou d’une exotropie.
L’acuité visuelle est diminuée en position primaire et remonte
toujours en adduction.
Seule la chirurgie oculomotrice apporte une amélioration de ce
torticolis.
3- Déviations alphabétiques :
On parle de formes alphabétiques lorsque la déviation horizontale
varie suivant l’élévation ou l’abaissement du regard.
Cette incomitance de déviation horizontale doit être au moins de 10
dioptries prismatiques pour parler de syndrome A, et d’au moins 15
dioptries prismatiques pour parler de syndrome V, le regard en bas
favorisant la convergence et le regard en haut la divergence.
Les formes alphabétiques peuvent être isolées, ou intégrées dans le
groupe des strabismes dus à des malformations orbitaires, elles sont
dites alors « mineures ».
La fréquence varie selon les auteurs.
Pour Hugonnier, on les retrouve dans 15 à 20 % des strabismes, avec
un syndrome V pour quatre syndromes A.
Le syndrome alphabétique peut s’observer aussi bien au cours des
strabismes convergents que des strabismes divergents.
Ces formes prennent tout leur intérêt lorsqu’elles sont pures, car
l’angle s’annule dans une des positions du regard. Dans cette
position privilégiée du regard en haut ou en bas, il peut exister
une VB qui est un facteur favorable pour le traitement.
Cette utilisation s’accompagne dans tous les cas d’un torticolis
vertical (recherche du regard en haut ou en bas) caractéristique des
syndromes alphabétiques :
–
torticolis tête baissée avec regard en haut, où on note une
orthotropie en haut avec une zone de VB ;
–
torticolis tête levée, fléchie en arrière, regard en bas, où on note
une orthotropie en bas avec une zone de VB.
Lorsque la correspondance rétinienne est anormale, cas le plus
fréquent, l’angle d’anomalie varie et s’adapte à la déviation.
Néanmoins, il peut exister exceptionnellement une zone de vision
binoculaire normale ou une neutralisation unilatérale prédominante.
Plusieurs protocoles chirurgicaux peuvent être indiqués et
améliorent le torticolis.
B - PARALYSIES OCULOMOTRICES :
Dans les paralysies oculomotrices, le torticolis est, avec la
neutralisation et l’occlusion de l’oeil paralysé, un des trois
mécanismes compensateurs : le torticolis permet d’éviter la diplopie
et de diminuer, voire d’annuler, les signes fonctionnels.
Le torticolis est une position dans laquelle il n’y a pas ou moins
de déviation, une position de meilleure acuité où le sujet se met
dans une zone où il conserve une meilleure vision binoculaire.
Le torticolis dans les paralysies oculomotrices est l’apanage des
paralysies neurogènes ou myogènes.
En revanche, le torticolis est absent dans les paralysies de
fonction ou paralysies du regard.
Dans les paralysies oculomotrices myogènes, nous étudions le
torticolis dans la maladie de Basedow, les myasthénies, les
myopathies, les myosites.
Dans les paralysies oculomotrices neurogènes, nous étudions le
torticolis dans les paralysies du III, du IV, du VI et des deux
élévateurs.
1- Torticolis dans les paralysies oculomotrices
myogènes :
*
Ophtalmopathie associée aux maladies thyroïdiennes (OAMT) :
La fréquence de l’OAMT au cours des maladies thyroïdennes semble
varier entre 30 et 62 % des cas avec une unilatéralité dans 25 % des
cas.
L’OAMT concerne la maladie de Basedow dans 85 à 90 % des cas (où la
fréquence des signes oculaires est de 75 %), les thyroïdites
lymphocytaires de type Hashimoto dans 5 à 10% des cas, ou des
anomalies auto-immunes biologiques sans maladie thyroïdienne
clinique dans 5 % des cas (syndrome de Means).
L’évolution de l’OAMT peut être dissociée par rapport à l’atteinte
thyroïdienne, qu’elle peut précéder ou suivre.
Elle peut surtout évoluer de manière autonome et être une véritable
complication qui devient beaucoup plus préoccupante que la maladie
générale elle-même.
Sur le plan clinique, les signes fonctionnels sont variables selon
la maladie et le patient, ils peuvent être majorés par l’anxiété.
Les plus fréquents sont une sensation de gêne, un inconfort visuel,
des douleurs mal définies, un larmoiement chronique, une
photophobie, une diplopie, une baisse de l’acuité visuelle, un
torticolis gênant.
Les signes cliniques sont étudiés selon la classification NO SPECS
de Werner, classification la plus utilisée, établie en 1969 par l’American
Thyroid Association.
Cette classification se répartit en six classes, et chaque classe en
quatre stades.
Les classes 2 à 6 représentent l’OAMT, O, a, b, c subdivisent les
classes en quatre stades de sévérité croissante :
–
la classe 1 définit le syndrome palpébrorétractile ;
–
la classe 2 définit l’atteinte des tissus mous (paupières et
conjonctive) ;
–
la classe 3 définit l’exophtalmie ;
–
la classe 4 définit les troubles oculomoteurs ;
–
la classe 5 définit l’atteinte cornéenne ;
–
la classe 6 définit la neuropathie optique.
L’âge de survenue pour l’OAMT est en moyenne de 43 ans, avec deux
pics de fréquence entre 40 et 50 ans, et entre 60 et 70 ans.
Il existe une nette prédominance féminine (85,8 %).
Néanmoins, les formes les plus graves sont rencontrées chez les
hommes, le stress, le tabac et l’âge (> 65 ans) étant des facteurs
aggravants.
La prédisposition familiale est vraisemblable, puisque 30 % des
patients ont des antécédents de pathologie thyroïdienne.
Chez l’enfant, l’exophtalmie basedowienne est très modérée, moins
sévère que chez l’adulte (infiltration modeste et peu ou pas de
compression du nerf optique).
Il n’y a pas d’explication, mais l’association d’une plasticité de
la cavité orbitaire chez l’enfant et d’une énophtalmie
physiologique, peut partiellement expliquer cette exophtalmie moins
sévère.
La classe 4 représente la classe des troubles oculomoteurs qui
peuvent être à l’origine du torticolis.
Ils sont dus à deux mécanismes : l’engorgement orbitaire et
l’hypertrophie musculaire.
L’augmentation de volume des muscles oculomoteurs est consécutive à
leur infiltration par des cellules immunocompétentes.
Les muscles oculomoteurs doublent de volume : 8 à 10 cm3 contre 4 à
5 cm3 chez le sujet normal, et l’exophtalmie va être directement
proportionnelle à cette myopathie.
Les signes vont de la simple insuffisance de convergence au début, à
la véritable myopathie avec limitation musculaire due à
l’inflammation, l’oedème musculaire et graisseux (inflammation) et à
la fibrose musculaire.
Cette myopathie entraîne une diplopie variable dans la journée
gênant souvent la lecture, avec torticolis afin d’essayer de trouver
une position de meilleur confort visuel et de moindre diplopie.
Cette diplopie est le plus souvent verticale, car les muscles
atteints sont le droit inférieur dans 60 % des cas, le droit interne
dans 25 % des cas, le droit supérieur dans 10 % des cas.
Le droit externe est plus rarement atteint.
Les muscles sont rigides et inextensibles, et les mouvements
oculomoteurs sont limités dans le champ d’action opposé au muscle
atteint, réalisant un véritable syndrome de restriction acquis.
L’atteinte du droit inférieur est le plus souvent unilatérale avec
pseudoparalysie du droit supérieur, diplopie verticale, hypotropie
de l’oeil atteint avec exagération dans le regard vers le haut,
hypertropie de l’oeil controlatéral et torticolis.
L’atteinte bilatérale des droits inférieurs entraîne une
pseudoparalysie de la verticalité simulant un syndrome de Parinaud,
mais un important torticolis tête rejetée en arrière, une atteinte
asymétrique et le contexte clinique permettent de faire le
diagnostic.
L’atteinte du droit interne évoque une pseudoparalysie du VI avec
ésotropie, un déficit de l’abduction, et un torticolis tête tournée
du côté atteint.
Le test de duction forcée confirme la myopathie restrictive. Un
bilan neuroradiologique mesure l’exophtalmie (indice oculoorbitaire)
et le degré d’atteinte du muscle épaissi ou fibrosé.
Une imagerie par résonance magnétique (IRM) confirme les résultats
du scanner et analyse la graisse orbitaire.
Les désordres oculomoteurs représentent une forme séquellaire de l’OAMT,
et le traitement, avec notamment la chirurgie oculomotrice, est
envisagé lorsque la déviation est stable et que le patient se trouve
en euthyroïdie depuis au moins 1 an, même s’il n’existe pas de
corrélation entre l’atteinte thyroïdienne et l’ophtalmopathie
thyroïdienne.
Cette chirurgie a pour but de supprimer la diplopie en position
primaire et en vision de près (lecture), avec amélioration du
torticolis secondaire.
Cette chirurgie repose sur plusieurs techniques, soit
d’affaiblissement avec de grands reculs, soit des techniques de
renforcement avec plicature, en évitant les résections car les
muscles sont fibrosés, inextensibles et fragiles.
*
Myasthénie :
Maladie auto-immune de la jonction neuromusculaire, la myasthénie
est caractérisée par une faiblesse des muscles squelettiques et une
grande fatigabilité musculaire à l’effort (variabilité).
Les muscles oculomoteurs sont affectés, car à leur niveau il existe
moins de replis synaptiques et la décharge des fibres en est plus
rapide (400 Hz/200 Hz).
Leur atteinte est donc plus rapidement symptomatique.
Sa prévalence est de 50 à 125 cas par million.
Sur le plan clinique, le caractère fondamental est la fatigabilité à
l’effort disparaissant au repos tout du moins au début.
Lorsque la faiblesse atteint les muscles oculomoteurs, il apparaît
des diplopies binoculaires.
Ces paralysies oculomotrices myasthéniques concernent rarement un
muscle seul, de sorte qu’un torticolis éventuel résultant de
parésies combinées est un torticolis complexe, mais en outre
variable selon l’état de la myasthénie.
Lorsque la faiblesse atteint le releveur de la paupière supérieure,
il apparaît un ptosis avec torticolis tête déjetée en arrière.
Le torticolis est dû soit au ptosis soit à une paralysie.
Ainsi, les symptômes les plus fréquents sont le ptosis avec
torticolis et la diplopie en rapport avec l’atteinte des muscles
oculomoteurs.
Ces déficits oculomoteurs sont très variables et n’ont aucune
systématisation.
Ils peuvent aboutir à une ophtalmoplégie uni- ou bilatérale, la
musculation intrinsèque étant respectée.
Le diagnostic est suspecté sur l’interrogatoire, avec la recherche
de la fatigabilité à l’effort disparaissant au repos, et sur la
clinique associant ptosis, torticolis et diplopie.
La chirurgie oculomotrice et la chirurgie du ptosis ne sont
pratiquées qu’après échec d’un traitement médical bien conduit de
paralysies oculomotrices irréversibles, au moins depuis 1 an.
Le caractère non systématisé et variable dans le temps des troubles
explique qu’il est très rare qu’une chirurgie soit proposée.
En fait, la seule chirurgie le plus souvent pratiquée est la
chirurgie d’un ptosis quand la pupille masquée contraint le sujet à
prendre une position extrême de torticolis en déflexion.
La résection du releveur, très remanié et souvent infiltré de
graisse, doit être prudente.
La kinésithérapie est importante à considérer de par le confort
qu’elle peut apporter.
2- Myopathies :
Ophtalmoplégie externe progressive : ce terme regroupe un ensemble
d’affections caractérisées par l’existence d’une limitation
lentement progressive et symétrique de la motilité oculaire, un
ptosis précoce et une faiblesse de l’orbiculaire.
Le début peut s’observer à n’importe quel âge, mais les formes
précoces sont les plus sévères.
La limitation touche surtout l’élévation du regard.
Dans la forme oculaire pure, le ptosis est le symptôme le plus
fréquent, la diplopie est rare.
Le déficit oculomoteur est initialement un déficit de l’élévation,
suivi d’un déficit d’adduction, puis d’abduction et enfin
d’abaissement, pour aboutir à une amplitude de quelques degrés dans
les formes évoluées.
Le torticolis associé tête déjetée en arrière pour une meilleure
acuité visuelle est constant.
Lorsque la forme oculaire s’associe à d’autres atteintes musculaires
d’évolution descendante, elle prend le nom de « forme oculaire plus
» et s’associe alors à des parésies des muscles du visage, du cou,
de la phonation, de la déglutition, des ceintures scapulaires et
pelviennes et des membres.
Parmi ces formes associées, on a retrouvé depuis ces dernières
années des anomalies mitochondriales, ce qui permet de parler de
mitochondriopathies.
L’ophtalmoplégie externe progressive peut également s’observer au
cours de la dystrophie myotonique de Steinert, de la dystrophie
musculaire progressive oculaire et oculopharyngée, de la dystrophie
musculaire progressive ou maladie de Duchenne et de Becker.
Dans le cas de la dystrophie musculaire oculopharyngée, le ptosis et
la dysphagie s’installent lentement et inexorablement.
C’est une affection familiale, autosomique dominante à pénétrance
complète.
On retrouve cliniquement la contracture compensatoire du muscle
frontal, et un torticolis tête en arrière.
Le torticolis peut aggraver la dysphagie, et la dysphagie peut
s’aggraver après correction chirurgicale du ptosis.
Le diagnostic repose sur la biopsie musculaire.
Le traitement du ptosis, et par conséquent du torticolis, doit être
très prudent.
3- Torticolis dans les paralysies oculomotrices
neurogènes :
Dans ce type de paralysie, le sens du torticolis dépend directement
du muscle atteint.
Le torticolis peut traduire une fuite devant une limitation d’un
mouvement oculaire, afin d’éviter une diplopie ou une position
binoculaire inconfortable.
Le torticolis peut aussi être l’utilisation de cette limitation de
duction, dans le but de réduire l’angle de déviation ou d’obtenir
une vision binoculaire.
*
Paralysie du VI :
La paralysie oculomotrice de la sixième paire crânienne est la plus
fréquente des paralysies oculomotrices.
Son diagnostic est relativement simple car le VI n’a qu’une action,
l’abduction du globe.
La paralysie du VI est responsable d’une diplopie homonyme,
horizontale, maximale dans le regard du côté paralysé.
Le torticolis est caractéristique, le patient tourne la tête du côté
paralysé, limitant ainsi la diplopie binoculaire.
L’examen montre une déviation primaire en adduction dont l’angle
dépend du degré de la paralysie.
Classiquement, cette paralysie dite « non localisatrice » survient
fréquemment dans un contexte d’hémorragie des espaces
sousarachnoïdiens et/ou d’hypertension intracrânienne.
Cependant, les causes d’une paralysie du VI sont nombreuses, et
certaines doivent être gardées en mémoire : les causes tumorales
chez les enfants (tumeur du tronc cérébral), la maladie de Horton,
les causes vasculaires (hypertension artérielle [HTA], diabète) et
traumatiques chez l’adulte d’âge mûr, et la sclérose en plaques
(SEP) chez l’adulte jeune.
À
noter aussi qu’une paralysie du VI peut annoncer une pathologie
intracaverneuse.
Si les paralysies du VI doivent bénéficier rapidement d’un bilan
clinique et paraclinique le plus complet possible, leur traitement
ne doit pas être précipité.
Il faut attendre entre 6 à 10 mois selon les cas pour opérer, tout
particulièrement chez l’enfant et l’adulte jeune.
Lorsqu’une indication chirurgicale est posée, le but est de
restaurer une vision simple, de traiter le torticolis et de rendre
un meilleur confort esthétique.
Le torticolis est un paramètre essentiel, c’est un des arguments
décisionnels dans la conduite chirurgicale des paralysies du VI.
*
Paralysie du IV :
La paralysie de la quatrième paire crânienne est une paralysie
oculomotrice de diagnostic simple, le IV innervant un seul muscle,
l’oblique supérieur.
Le torticolis dans la paralysie oblique supérieure est l’attitude
compensatrice la plus fréquente et la plus caractéristique.
Il réalise le « torticolis oculaire », tête inclinée sur l’épaule du
côté de l’oeil sain, menton abaissé.
Le torticolis va permettre de retrouver une vision binoculaire, de
compenser la cyclotorsion entraînée par la paralysie du grand
oblique, d’éviter la diplopie verticale qui entraîne une gêne, à la
lecture ou dans la descente des escaliers.
La paralysie du IV peut être congénitale ou acquise.
+
Paralysies congénitales :
Ce sont les plus fréquentes.
Le torticolis est un élément important pour le diagnostic, puisqu’il
s’observe dans 60 à 70 % des cas pour certains, et pour 40 % des cas
pour d’autres.
L’aspect typique du torticolis (90 % des cas) dans les paralysies
congénitales, est une attitude compensatrice qui permet d’orienter
les yeux en dehors de la zone du muscle paralysé pour éviter la
diplopie.
Ce torticolis est déterminé par trois zones de fuite du champ de
diplopie :
–
1. tête penchée sur l’épaule opposée pour éviter l’intorsion
déficitaire ;
–
2. menton orienté vers le bas pour fuir l’abaissement oculaire ;
–
3. tête tournée du côté opposé à la paralysie pour mettre l’oeil en
abduction afin d’éviter les perturbations maximales dans
l’adduction.
L’association à cet aspect caractéristique du torticolis de la
diplopie verticale permet d’affirmer le diagnostic.
Le test de Bielschowsky en mettant la tête en position opposée à
celle du torticolis (stimulant l’intorsion déficitaire) entraîne une
déviation verticale et une diplopie maximales.
Les aspects atypiques du torticolis (10 % des cas) : les trois
composantes compensatrices du torticolis ne sont pas toujours
associées, individualisant des formes atypiques dues à une
réorganisation oculomotrice secondaire.
On peut noter alors :
–
un torticolis dû à des modifications secondaires à la paralysie
primaire par hyperaction de l’oblique inférieur homolatéral,
entraînant une élévation du menton afin de s’éloigner du champ
d’action du petit oblique ;
–
un abaissement de la tête en avant quand la fusion devient
impossible à maintenir, le torticolis est tête tournée du côté de la
paralysie, afin d’augmenter l’écart entre les deux images.
Le torticolis apparaît au moment de la vision binoculaire, le plus
souvent vers l’âge de 18 mois à 2 ans.
Étant fruste, il peut n’être remarqué que tardivement.
En effet, entre 20 et 40 ans, le torticolis se décompense, avec
apparition d’une diplopie qui devient de plus en plus marquée.
D’une façon générale dans les paralysies congénitales, le torticolis
est discret et s’aggrave avec le temps.
On note une conservation de la vision binoculaire dans une grande
partie du champ visuel, due à l’amplitude de la fusion verticale qui
peut aller jusqu’à 10-15 dioptries et à l’existence de zones de
concomitances.
Une neutralisation peut être présente dans les directions du regard
où l’incomitance est particulièrement marquée.
En d’autres termes, dans la paralysie du IV, il y a une conservation
de la vision binoculaire en position de torticolis, dans une grande
partie du champ visuel.
D’une façon générale dans les paralysies acquises, moins fréquentes
que celles du VI, le torticolis est au contraire prédominant
d’emblée, la tête est inclinée sur l’épaule opposée au muscle
atteint, menton baissé légèrement.
Les formes cliniques sont des formes sémiologiques évoluées,
bilatérales et étiologiques, avec au premier plan l’étiologie
traumatique puis tumorale, et enfin les étiologies inflammatoire
infectieuse et idiopathique.
+
Indications thérapeutiques :
En cas de paralysie congénitale, elles dépendent du torticolis.
Si le torticolis est minime et n’entraîne aucune conséquence
vertébrale, aucune chirurgie n’est envisagée.
Si au contraire le torticolis est majeur avec diplopie, la chirurgie
est indiquée pour maintenir la vision binoculaire existante. Une
seule action chirurgicale (oblique inférieur hyperactif ou oblique
supérieur paralysé) peut être suffisante pour faire disparaître les
signes fonctionnels.
En cas de paralysie acquise, les traumatismes orbitaires avec
arrachement de la trochlée ou inclusion de corps étranger,
nécessitent une intervention immédiate avec traitement des dégâts
osseux.
Dans les autres cas, après 6 à 10 mois de délai, ce sont les
séquelles (motrices et sensorielles) et l’importance du torticolis
qui vont dicter la conduite à ternir quant à l’indication
chirurgicale.
En effet, parce que le torticolis peut enrayer le développement de
la statique vertébrale, il justifie à lui seul l’indication
chirurgicale.
On voit l’importance du torticolis comme argument décisionnel dans
le traitement de la paralysie du IV.
*
Paralysie du III :
Il s’agit d’une atteinte neurologique de la troisième paire
crânienne se traduisant par une paralysie oculomotrice qui peut
être, soit totale intéressant la musculature intrinsèque et
extrinsèque, soit partielle n’intéressant qu’une ou plusieurs
fonctions du III et ceci à des degrés variables.
C’est une paralysie oculomotrice plus fréquente que celle du IV mais
moins que celle du VI ; elle représente un quart des paralysies
oculomotrices chez l’enfant.
Qu’elles soient congénitales ou acquises, les aspects cliniques,
avec en particulier le torticolis, sont extrêmement variés du fait
du grand nombre de muscles innervés par le III.
Le torticolis est une attitude vicieuse où le regard fuit le champ
d’action du muscle paralysé et où la tête tourne en sens inverse.
Les diverses étiologies semblent similaires chez l’adulte et
l’enfant, mais avec des fréquences différentes.
Deux formes cliniques principales s’opposent par leurs étiologies,
leurs conduites à tenir, et leurs traitements : les formes
congénitales et les formes acquises.
+
Paralysies congénitales :
Elles représentent près de la moitié des paralysies oculomotrices du
III chez l’enfant et sont en général unilatérales.
Cependant des cas bilatéraux ont été observés.
Les formes cliniques sont très variées, mais se traduisent dans la
plupart des cas par un ptosis et/ou une paralysie de l’élévation, un
torticolis.
La paralysie est habituellement un phénomène isolé, mais des
malformations ou des anomalies neurologiques associées ont été
rapportées, à type d’hémiplégie controlatérale et de retard
psychomoteur.
Il semblerait que des traumatismes obstétricaux, une hypoxémie
néonatale, une aplasie des noyaux oculomoteurs ou une anomalie des
muscles ou de leur fascia, puissent être à l’origine de ces
paralysies congénitales.
Le bilan de ces paralysies comprend une imagerie par résonance
magnétique nucléaire (IRM), qui, en cas de normalité, clôture les
investigations.
+
Paralysies acquises :
Au terme d’un examen clinique neurologique complet, elles se
divisent en paralysies non isolées et isolées.
Le caractère non isolé, c’est-à-dire associé à d’autres signes
neurologiques, traduit une atteinte organique du système nerveux
central permettant souvent un diagnostic topographique.
En fonction des signes neurologiques associés, un bilan
complémentaire ciblé permet la plupart du temps de déterminer le
niveau de l’atteinte et l’étiologie.
Les paralysies isolées sont classées en quatre types en fonction de
deux paramètres : l’atteinte totale ou partielle de la musculature
extrinsèque, et l’atteinte ou non de la pupille.
Le type 1 associe une atteinte extrinsèque totale sans atteinte
pupillaire ; le type 2 une atteinte extrinsèque partielle avec
épargne pupillaire ; le type 3 associe une atteinte extrinsèque
totale avec une atteinte intrinsèque partielle ; le type 4 associe
une atteinte totale intrinsèque et extrinsèque.
–
Type 1 : l’expression clinique associe un ptosis complet par
atteinte du releveur, une diplopie, une exotropie avec une légère
hypotropie de l’oeil atteint, par action principalement du droit
externe et à un moindre degré du grand oblique.
Le sujet peut présenter un torticolis complexe, tête en arrière et
inclinée du côté paralysé.
Au Lancaster, on retrouve du côté de l’oeil paralysé une limitation
de l’adduction, de l’élévation, et de l’abaissement, par paralysie
de l’oblique inférieur et des droits interne, inférieur et
supérieur.
–
Type 2 : les paralysies s’expriment par une atteinte partielle de la
musculature extrinsèque ; l’étude de l’atteinte de chaque muscle
séparément montre que le torticolis est chaque fois différent.
–
Droit supérieur : dans la paralysie isolée, il existe une diplopie
verticale, maximale en haut et en dehors.
Le torticolis est tête déjetée en arrière.
La déviation, quand l’oeil sain est fixateur, s’exprime par une
hypotropie de l’oeil atteint (par action du droit inférieur et de
l’oblique supérieur) avec une légère déviation en dehors (par action
de l’oblique inférieur).
Quand l’oeil paralysé est fixateur, la déviation est plus marquée
par hyperaction de l’oblique controlatéral (l’oeil est dévié en haut
et en dehors).
–
Droit inférieur : cette paralysie associe une diplopie verticale,
maximale en bas et en dehors (champ d’action du muscle), ainsi qu’un
torticolis tête déjetée en avant, menton baissé.
La déviation quand l’oeil sain est fixateur, est une hypertropie
(par action du droit supérieur et de l’oblique inférieur) et une
légère déviation en dehors (par action de l’oblique supérieur).
Quand l’oeil paralysé est fixateur, la déviation est plus marquée ;
il s’agit d’une hypotropie par hyperaction du synergique
controlatéral, l’oblique supérieur.
La paralysie du droit inférieur se rencontre essentiellement dans
les fractures du plancher de l’orbite.
–
Oblique inférieur : la paralysie isolée associe une diplopie en
règle peu gênante, verticale, maximale en haut et en dedans (dans le
champ d’action du muscle), ainsi qu’un torticolis tête inclinée du
côté atteint, menton relevé.
Quand l’oeil sain est fixateur, on retrouve une hypotropie très
légère de l’oeil atteint (par action du droit inférieur et de
l’oblique supérieur) avec une discrète déviation en dedans (par
action du droit supérieur).
Quand l’oeil paralysé est fixateur, on retrouve une hypertropie de
l’oeil sain par hyperaction du droit supérieur controlatéral (muscle
synergique controlatéral).
C’est une paralysie rare, qui passe souvent inaperçue.
–
Droit interne : sa paralysie entraîne une diplopie horizontale dans
le regard opposé au droit interne paralysé.
Le torticolis est présent avec face tournée du côté sain.
Quand l’oeil sain est fixateur, il existe une exotropie de l’oeil
atteint (par action du droit latéral).
Quand l’oeil paralysé est fixateur, la déviation est plus marquée
par l’hyperaction du synergique controlatéral (le droit latéral
controlatéral).
C’est une paralysie exceptionnelle à l’état isolé.
–
Les paralysies isolées de types 3 et 4 : elles complètent le tableau
clinique de type 1 avec une atteinte de la musculature intrinsèque
entraînant une mydriase aréflexique par paralysie du sphincter de la
pupille, ainsi qu’une paralysie de l’accommodation par paralysie du
muscle ciliaire.
+
Étiologie :
Chez l’enfant, les paralysies d’origine congénitale et traumatique
sont les plus fréquentes.
Les étiologies inflammatoires, néoplasiques, anévrismales, et
ischémiques peuvent se rencontrer, mais à un moindre degré.
Chez l’adulte de moins de 55 ans, ce sont les anévrismes et les
tumeurs qui sont les plus fréquemment à l’origine des paralysies du
III.
Chez l’adulte de plus de 55 ans, l’étiologie ischémique prédomine
(diabète, HTA, athérosclérose et vascularites).
Chez les adultes, les étiologies moins fréquentes sont représentées
par les traumatismes, les maladies inflammatoires, générales ou
locales, la sclérose en plaques, les atteintes myogènes, et les
causes mal connues de type migraines ophtalmoplégiques.
La conduite à tenir s’articule autour d’un examen neurologique
complet, qui, s’il met en évidence des signes d’atteintes méningées,
conduit à la pratique d’une IRM puis d’une ponction lombaire (PL).
En cas d’association à d’autres signes neurologiques, une IRM sera
faite en première intention, plus ou moins suivie d’une
angiographie.
En cas de paralysie isolée, c’est l’existence ou non d’une atteinte
pupillaire qui dicte la conduite à tenir.
+
Traitement :
Les paralysies congénitales sont non évolutives ; le traitement
n’est jamais urgent, sauf en cas d’amblyopie où un traitement par
occlusion doit être mis en place au plus vite, et en cas de ptosis
obturant où un traitement chirurgical précoce permet d’éviter le
développement d’une amblyopie.
Le traitement chirurgical se fait en trois étapes : d’abord agir sur
le décalage horizontal, puis sur le déséquilibre vertical s’il est
gênant, et enfin sur le ptosis améliorant secondairement le
torticolis.
Les paralysies acquises : le but du traitement est de restituer la
vision binoculaire en position primaire et dans le regard vers le
bas.
Le traitement étiologique peut dans certains cas faire disparaître
la paralysie, ou à un moindre degré la faire régresser partiellement
pour que le patient ne soit plus gêné dans sa vie quotidienne.
Le torticolis s’améliore secondairement avec l’amélioration de la
paralysie.
En cas de non-régression des troubles ou en cas de traitement
étiologique impossible, le traitement est toujours chirurgical (le
traitement prismatique étant inadapté dans les paralysies
verticales).
Il faut attendre une stabilité des lésions d’au moins 6 à 10 mois
après le début des troubles, pour envisager le traitement
chirurgical.
Celui-ci se compose souvent de plusieurs interventions dont les
résultats semblent peu prévisibles à l’avance.
Le traitement des paralysies congénitales est médical mais surtout
chirurgical, celui des paralysies acquises est étiologique ; la
chirurgie intervenant dans un deuxième temps, lorsque la paralysie
n’est plus évolutive.
Dans les paralysies du III, le torticolis est un signe décisionnel
dans l’attitude thérapeutique, il est secondairement amélioré par le
traitement à la fois de la paralysie oculomotrice et du ptosis.
*
Paralysie des deux élévateurs :
il s’agit de l’atteinte homolatérale de l’oblique inférieur et du
droit supérieur du même côté, qui sont deux muscles qui ne sont pas
innervés par la même branche du III.
Le ptosis plus ou moins complet du même côté est toujours présent et
a deux composantes : un faux ptosis lié à une hypotropie et un vrai
ptosis : congénital, unilatéral avec hypotropie de l’oeil atteint,
impotence d’élévation.
La paralysie des deux élévateurs peut être congénitale ou acquise.
+
Paralysie congénitale :
L’étiologie de cette rare anomalie serait une paralysie
supranucléaire, par lésion unilatérale située à proximité du noyau
du III. Lorsque l’oeil sain fixe, l’oeil atteint est en hypotropie.
L’amblyopie dans ce cas est rare, le plus souvent l’oeil paralysé
peut prendre la fixation.
On constate que le ptosis de l’oeil paralysé a une double composante
car à la fixation, le ptosis se réduit avec hypertropie très
importante de l’oeil sain.
Le traitement consiste à affaiblir les deux élévateurs de l’oeil
sain avec ou non une action sur l’oeil hypotrope pour éliminer la
part du pseudoptosis, puis, dans un deuxième temps, à traiter le
ptosis restant et le torticolis en rapport.
+
Paralysie acquise :
La diplopie verticale entraîne souvent un torticolis très fatigant.
La différence avec les paralysies congénitales porte sur le fait que
n’importe quel oeil peut être fixateur, alors que dans les
paralysies congénitales, l’oeil paralysé n’est pas fixateur.
Le traitement à cause de la diplopie oblige à un résultat parfait.
Il faut prévenir le patient que plusieurs temps opératoires peuvent
être nécessaires.
C - FIBROSES :
1- Congénitales :
*
Syndrome de Brown :
Le syndrome de Brown, ou syndrome de rétraction de la gaine du grand
oblique, se définit par une limitation active et passive de
l’élévation en adduction, dans le champ d’action du muscle oblique
inférieur.
Il existe deux types de syndrome de Brown, le syndrome congénital
qui est la forme typique et initialement décrite, et le syndrome
acquis secondaire à une cicatrice rétractile du grand oblique.
Le syndrome de Brown congénital représente près de 1 sur 450
strabismes, il est unilatéral dans 90 % des cas, sans prédominance
de sexe ni de latéralité.
L’étiologie du syndrome de Brown congénital reste inconnue. Il
semble dû à une anomalie morphologique du grand oblique.
C’est une affection apparaissant dans l’enfance. Les formes
acquises, ou pseudo-syndromes de Brown, peuvent avoir une origine
inflammatoire, post-traumatique et iatrogène.
Dans le cas d’une atteinte inflammatoire, il existe une ténosynovite
du grand oblique à l’origine d’un mauvais coulissage à travers la
trochlée.
La symptomatologie est le plus souvent intermittente.
Les syndromes de Brown secondaires à un traumatisme sont la
conséquence d’une cicatrice rétractile du muscle grand oblique.
Le syndrome de Brown iatrogène s’observe lors d’une chirurgie de
renforcement d’un grand oblique paralysé trop importante.
La forme congénitale présente un examen de la vision binoculaire qui
montre :
–
un torticolis, tête en légère élévation du menton et inclinée
discrètement du côté atteint présent dans 30 % des cas pour Brown ;
–
l’étude des versions, avec la limitation de l’élévation en adduction
de l’oeil atteint alors que la verticalité en abduction et
l’abaissement sont normaux.
L’oeil paraît bloqué sans pouvoir dépasser la ligne horizontale.
C’est le signe le plus évident et le plus constant, évoquant une
pseudo-paralysie du muscle oblique inférieur.
L’importance de la limitation de l’élévation de l’oeil atteint est
la même lors des ductions, des versions, ou des ductions passives ;
–
la vision binoculaire en général est normale en position primaire et
dans le regard en bas.
Lors des tentatives d’élévation en adduction, on peut retrouver une
neutralisation ou une diplopie.
Cette diplopie est le plus souvent absente en position primaire, car
le sujet compense par le torticolis.
La forme acquise réalise le même syndrome clinique que la forme
congénitale, mais survient en général dans un contexte clinique
particulier qui oriente le diagnostic étiologique.
Quelle que soit la forme congénitale ou acquise, le test de duction
forcée permet de poser le diagnostic de syndrome de Brown, en
mettant en évidence l’impossibilité d’élévation passive en adduction
du globe.
L’évolutivité du syndrome de Brown congénital est variable et
difficilement prévisible.
Le plus souvent, l’état est stationnaire car il existe une vision
binoculaire en position primaire et dans le champ inférieur du
regard.
La fréquence assez faible de ce syndrome à l’âge adulte fait
supposer une régression spontanée notée par de nombreux auteurs, ou
un non-dépistage chez l’adulte qui ne sollicite plus beaucoup son
regard en haut.
Pour le syndrome acquis, l’évolution est différente en fonction de
l’étiologie.
Il peut exister un caractère intermittent, et la régression
spontanée est plus fréquente qu’au cours du syndrome congénital.
Le traitement du syndrome de Brown congénital repose sur deux
critères : la présence ou non d’un torticolis et/ou d’un strabisme.
On ne fait pas de chirurgie si le torticolis est très discret sans
signe fonctionnel, s’il existe une bonne vision binoculaire dans le
regard vers le bas (pour la lecture), et en l’absence de désordre
oculomoteur.
Une chirurgie précoce reste encore à discuter si la gêne signalée
par ces enfants se situe dans le regard en haut pour voir le monde
adulte, car elle diminuera avec la croissance.
En revanche, l’intervention chirurgicale est envisagée si le
torticolis est important, avec des modifications irréversibles de la
musculature du cou et du rachis cervical, s’il y a une déviation
avec hypotropie importante, si la vision binoculaire s’altère en
position primaire et dans le regard vers le bas (lecture), le but
étant de normaliser le test de duction forcé afin d’obtenir en fin
d’intervention une élévation passive en adduction.
Que le syndrome de Brown soit congénital ou acquis, la présence ou
non d’un torticolis est un argument décisionnel dans l’indication
chirurgicale.
*
Syndrome de Stilling-Türk-Duane :
C’est un syndrome neuromusculaire dû à un trouble du développement
de l’innervation des muscles oculomoteurs.
Il se caractérise par une limitation de l’abduction associée à des
phénomènes de rétraction du globe oculaire en adduction.
Le syndrome de Stilling-Türk-Duane représente 1 à 4% des strabismes.
La fréquence est plus importante dans le sexe féminin.
L’atteinte est le plus souvent unilatérale, les formes bilatérales
se rencontrent dans 20 % des cas.
L’atteinte de l’oeil gauche est prédominante. La fréquence du
torticolis est de 65 %.
C’est la manifestation la plus visible et la plus fréquente de ce
syndrome.
Les signes cliniques sont la conséquence :
–
d’une hypoplasie du noyau du VI ;
–
d’une réinnervation aberrante du droit latéral par des fibres du III
associées à une fibrose des muscles (droit latéral et droit médial).
Selon les auteurs il existe trois ou quatre types cliniques.
Pour étudier le torticolis on s’aidera de la classification à quatre
types.
Le type I est le plus fréquent et simule une paralysie du VI.
Le tableau typique associe : une limitation de l’abduction très
marquée (souvent l’oeil ne dépasse pas la ligne médiane), des
phénomènes de rétraction au niveau de la fente palpébrale qui se
ferme en adduction avec énophtalmie et qui s’ouvre dans les efforts
d’abduction.
Cliniquement, on distingue deux formes :
–
une forme sans torticolis ni strabisme, la tête est droite.
Seule existe la limitation de l’abduction avec orthophorie en
position primaire ;
–
une forme avec torticolis et ésotropie en position primaire où on
note une déviation secondaire importante lorsque l’oeil atteint
prend la fixation.
Le torticolis est un torticolis de compensation, tête tournée du
côté atteint.
Il existe une orthophorie en position de torticolis.
Le sujet recherche une position de meilleur confort, c’est-àdire une
position d’adduction plus ou moins marquée pour l’oeil atteint.
L’amblyopie est rare mais on note une tendance à la neutralisation
dans le champ du droit externe.
Le type II associe une limitation marquée de l’adduction, une
limitation modérée ou absente de l’abduction, une rétraction de la
fente palpébrale en adduction avec énophtalmie.
Le torticolis est un torticolis de compensation tête tournée du côté
sain.
C’est une position d’abduction plus ou moins marquée pour l’oeil
atteint.
Le type III associe une limitation des mouvements horizontaux en
adduction et en abduction et cette limitation entraîne une position
de la tête qui correspond à la position de l’oeil atteint : en
légère ésotropie ou exotropie.
Dans le type IV, l’adduction de l’oeil atteint aboutit à une
abduction paradoxale.
Il n’y a pas d’abduction de cet oeil.
La position de torticolis se fait, tête plus ou moins tournée vers
l’oeil sain.
Quel que soit le type de ce syndrome, l’uni- ou la bilatéralité, le
sujet se met en position de torticolis pour essayer d’aligner les
axes visuels.
Si les axes visuels ne peuvent pas être alignés, le torticolis
dépend de la position de l’oeil dominant.
En cas de déviation verticale, le torticolis sera plus complexe.
Dans ces syndromes restrictifs congénitaux, le champ du regard
binoculaire est exploité au maximum et le torticolis par rapport à
l’importance du trouble moteur est relativement peu marqué.
Le diagnostic est confirmé par le test de duction passive sous
anesthésie générale qui précise les limitations.
+
Traitement :
Le traitement médical sera classique : correction optique,
rééducation d’une éventuelle amblyopie, prismes et secteurs n’ayant
pas ici d’indication.
L’indication de la chirurgie dans ce syndrome repose sur la présence
ou non d’un torticolis et/ou d’un strabisme.
On n’intervient jamais s’il existe une limitation en abduction
isolée, une vision binoculaire normale dans le regard de face et en
bas.
En revanche, on intervient s’il existe un torticolis gênant avec
strabisme en position primaire.
La chirurgie est fonction du type clinique, on privilégie le recul
musculaire supprimant les brides sans jamais de résection.
Les résultats sont globalement bons quant au torticolis et à
l’équilibre binoculaire en position primaire.
Mais il persiste souvent une impotence dans le champ d’action des
muscles atteints avec torticolis.
La kinésithérapie peut alors aider au traitement.
*
Fibrose généralisée des muscles oculomoteurs :
C’est en général une affection héréditaire de transmission
autosomique dominante.
L’examen oculomoteur montre un ptosis avec torticolis constant, une
élévation et un abaissement toujours atteints et ce de façon presque
totale.
Il peut persister un certain degré d’adduction et d’abduction, mais
il peut également ne plus en exister du tout.
Le tableau simule une paralysie bilatérale congénitale du III, le
globe est fixé en divergence (strabismus fixus en divergence), le
torticolis tête en arrière.
Ces affections semblent dues à des anomalies de développement des
ébauches oculaires.
L’action sur le ptosis doit être discutée, car l’absence d’élévation
expose à des complications cornéennes.
La chirurgie musculaire se fait en plusieurs temps avec un résultat
imparfait, il n’y a jamais de récupération motrice.
On comprend l’intérêt de l’aide de la kinésithérapie dans ces formes
où il reste toujours un certain degré de torticolis, pour améliorer
le confort de vie de ces patients.
*
Autres syndromes congénitaux :
Il s’agit de syndromes de fibrose qui n’atteignent qu’un seul muscle
oculomoteur.
+
Fibrose avec rétraction du droit inférieur :
Ce syndrome bilatéral est familial, de transmission autosomique
dominante.
Le torticolis, lorsque l’atteinte est bilatérale, est tête rejetée
an arrière pour assurer une certaine acuité visuelle.
Il est dû à l’inextensibilité des droits inférieurs.
L’adduction et l’abduction sont subnormales, le test de duction
montre une impossibilité d’élévation.
Le traitement consiste en une section chirurgicale des muscles à
leur insertion suivie d’une traction vers le haut pendant quelques
jours sinon le globe se refixe vers le bas, sans oublier qu’il n’y
aura aucune récupération de l’élévation.
Le traitement du ptosis se fait secondairement par une suspension du
releveur au muscle frontal, prudente à cause du risque cornéen.
+
Fibrose isolée du droit interne ou strabismus fixus :
Les globes sont fixés en adduction extrême dans le strabismus fixus
en convergence.
Le torticolis est un important torticolis alternant pour essayer
d’avoir la meilleure vision possible lorsqu’il n’ y a pas
d’amblyopie associée. Le strabismus fixus en divergence est le
tableau contraire.
Le traitement reste difficile à cause de l’état des muscles, mais,
après la section, le globe revient à la ligne médiane.
Les résultats sur le torticolis peuvent entraîner une amélioration
mais pas une disparition, le patient présente néanmoins un meilleur
confort.
2- Syndrome de restriction acquis :
*
Incarcération musculaire ou aponévrotique :
Il s’agit essentiellement de la paralysie du droit inférieur due à
une fracture du plancher de l’orbite traitée dans les paralysies
partielles du III.
On comprend que la déviation du globe vers le bas, associée à une
limitation de l’élévation par effet de bride directe avec absence ou
limitation majeure d’abaissement par blocage du muscle, soit à
l’origine du torticolis, tête en arrière.
*
Adhérences acquises :
Les gaines et les fascias qui sont les tissus périmusculaires sont
responsables également de brides qui limitent le mouvement, dans le
sens opposé au mouvement.
L’adhérence la plus fréquente est celle de l’oblique inférieur au
droit externe, soit après une chirurgie du recul du petit oblique ou
de plicature ou de recul du droit externe, soit plus rarement, après
ténectomie ou ténotomie du petit oblique (techniques actuellement
abandonnées).
Le traitement est chirurgical, consistant à libérer les adhérences
avec par voie de conséquence amélioration du torticolis.
D - NYSTAGMUS :
Le nystagmus est un trouble de la statique oculaire se traduisant
par l’impossibilité de fixer le regard sur un objet.
C’est un trouble de la fixation.
C’est un symptôme et non une maladie, mais il est intégré le plus
souvent dans un syndrome où une maladie causale doit être
recherchée.
On distingue, selon leur date d’apparition, deux types de nystagmus
: congénital et acquis.
Sur le plan étiologique, les nystagmus congénitaux ont une étiologie
retrouvée dans 70 % des cas, dont un tiers est oculaire, un tiers
neurologique et un tiers idiopathique.
Les nystagmus acquis sont plus rares, et nécessitent de penser à une
cause tumorale, dégénérative, inflammatoire, virale.
Le spasmus nutans ne doit être évoqué qu’après élimination des
autres causes.
Le torticolis fait partie des trois mécanismes de compensation, avec
la convergence et la vision binoculaire.
Les mécanismes de compensation sont les mécanismes sensoriels et
moteurs responsables de la diminution du nystagmus dans la zone
privilégiée.
En d’autres termes, le torticolis, chez le sujet nystagmique, est
une position dans laquelle le nystagmus disparaît ou diminue, ou
quelquefois persiste.
Le torticolis peut être unique ou double, de sens horizontal,
vertical ou oblique concordant, discordant ou alternant, monoculaire
ou binoculaire.
Il se présente avec ou sans strabisme associé, avec ou sans
binocularité.
Il peut n’y avoir aucune position de torticolis, le nystagmus étant
invariable dans toutes les positions d’examen.
Les possibilités thérapeutiques sont alors réduites.
Le nystagmus peut être pendulaire, à ressort, horizontal, vertical
ou rotatoire.
Il peut être patent, latent, manifeste latent.
1- Nystagmus congénital :
On peut distinguer deux formes cliniques de nystagmus congénital
dans lesquelles le torticolis est différent : le nystagmus patent et
le nystagmus manifeste latent.
Il n’y a pas de strabisme, le nystagmus est pendulaire.
Dans 25 % des cas, il ne varie pas, il reste pendulaire, dans 75 %
des cas, il devient pendulo-ressort ou à ressort dans les versions
où il s’amplifie.
Le torticolis est capital à étudier : 70 % des sujets présentent un
torticolis permanent ou lors d’effort de fixation.
Ce torticolis est associé à un vrai ou à un pseudoblocage :
–
le torticolis avec vrai blocage représente un tiers des sujets.
Le torticolis compensateur est alors unidirectionnel, opposé à ce
blocage permanent latéral du nystagmus.
Il y a une augmentation de l’acuité visuelle dans cette position.
À
noter dans 1/10e des cas un blocage non pas latéral mais en
convergence, qui peut induire en vision de loin un torticolis
alternant.
Ces sujets bénéficient d’une chirurgie de transfert de la zone de
blocage en position primaire, pour supprimer le torticolis et
améliorer l’acuité ;
–
le torticolis avec pseudoblocage représente deux tiers des sujets.
Il y a un vrai torticolis et il n’y a pas de vrai blocage mais une
diminution des secousses et ce dans plusieurs positions et toujours
dans des positions extrêmes horizontales, verticales ou obliques.
Le torticolis est alors à double position, et ne se manifeste que
lors d’effort de fixation ou d’attention.
Dans ces pseudoblocages, il n’y a pas d’augmentation de l’acuité
visuelle en position de torticolis.
On comprend la prudence dans les indications chirurgicales.
+
Sur le plan sensoriel :
Il y a toujours une amblyopie bilatérale en général très profonde.
Dans plus de 50 % des cas, elle est inférieure ou égale à 1/10, dans
40 % des cas, elle est comprise entre 2 et 5/10, et dans 10 % des
cas, elle est supérieure ou égale à 6/10.
L’occlusion monoculaire ne modifie pas le nystagmus, il n’y a pas de
composante latente.
La correspondance rétinienne est normale et lorsqu’il y a une acuité
visuelle suffisante, on note en vision de près une stéréoscopie
normale dans 95 % des cas, et les tests prismatiques sont possibles.
+
Étiologies :
Les étiologies dans ce type de nystagmus sont dominées à 44 % des
cas par les causes neurosensorielles (cataractes, dégénérescence
tapétorétinienne, albinismes…) puis par les causes neurologiques
congénitales et périnatales (13,2 %), les formes familiales (12 %)
et les formes idiopathiques (30 %).
Les nystagmus congénitaux sont souvent symptomatiques d’une
affection sous-jacente.
*
Nystagmus manifeste latent :
Le nystagmus manifeste latent (NML) est toujours un nystagmus à
ressort.
+
Sur le plan moteur :
Un torticolis est présent dans 70 % des cas, avec la fixation de
l’oeil dominant en adduction.
Le torticolis est un torticolis compensateur dans le sens opposé,
qui s’exagère à l’occlusion de l’oeil dominé.
Lorsque l’oeil dominé prend la fixation, il fixe en adduction.
C’est un torticolis alternant dissocié d’adduction qui peut
atteindre 30 à 40°.
Son intensité est proportionnelle à la composante latente mais
indépendante du strabisme et du sens du strabisme.
Il a toujours un strabisme associé, convergent dans 90 % des cas, et
divergent dans 10 % des cas.
Le nystagmus est toujours à ressort, il s’exagère à l’occlusion
monolatérale.
+
Sur le plan sensoriel :
Dans 15 % des cas, l’acuité de l’oeil dominant est inférieure ou
égale à 1/10, dans 55 % des cas, elle est comprise entre 2 et 5/10,
et dans 30 % des cas, elle est supérieure ou égale à 6/10.
L’acuité est meilleure que dans le nystagmus patent congénital.
La correspondance rétinienne est toujours anormale, il y a une
profonde suppression.
Dans 65 % des cas, le NML n’a pas de cause organique et est associé
au strabisme précoce.
Quand une cause organique est retrouvée, l’étiologie est par ordre
de fréquence : l’albinisme, puis l’infirmité motrice cérébrale,
l’atrophie optique, la myopie maligne, enfin la cataracte.
*
Tropies nystagmiques :
Elles associent un nystagmus congénital et un strabisme congénital.
Quéré en distingue trois formes :
–
tropie avec NML (58 % des cas), où il y a dans 100 % des cas
association à un strabisme. Le nystagmus entraîne un torticolis
discordant avec adduction de fixation ;
–
tropie avec nystagmus patent (17 % des cas), où le torticolis est
toujours unidirectionnel ;
–
tropie nystagmique intermédiaire (25 % des cas), où il y a
association d’un strabisme, d’un nystagmus pendulaire avec
composante latente : le torticolis est toujours unidirectionnel.
Sur le plan thérapeutique, il est important de connaître ces formes,
car, comme le souligne Quéré, les torticolis, en particulier les
torticolis unidirectionnels, peuvent être aggravés par des actions
opératoires inopportunes.
2- Nystagmus acquis :
Ils sont d’origines vestibulaires, neurologiques, spasmus nutans.
Le spasmus nutans est caractérisé par la triade oscillations
rythmiques de la tête/nystagmus oculaire asymétrique
d’amplitude/torticolis.
Il survient dans la première année de vie et évolue spontanément
vers la guérison.
3-
Traitement :
Sur le plan thérapeutique, dès que le torticolis dépasse 5°, il est
néfaste pour le rachis cervical et le développement de la face.
Le problème posé par l’association torticolis et nystagmus est en
fait celui du torticolis.
Il faut alors se poser plusieurs questions : y a-t-il une zone
privilégiée ?
Quel est le degré du torticolis ?
Y
a-t-il un strabisme associé ?
*
Y a-t-il une zone privilégiée ?
Si cette zone privilégiée est en torticolis, il va falloir la
transférer en position primaire.
Il s’agit de déplacer de façon conjuguée les yeux pour éliminer le
torticolis, en déplaçant la zone privilégiée vers la position
primaire.
En d’autres termes, c’est un déplacement conjugué des yeux à
l’opposé de la zone privilégiée, en direction du torticolis.
Deux procédés sont couramment pratiqués : celui d’Anderson qui vise
à affaiblir les muscles synergiques du mouvement en direction de la
zone privilégiée, et celui de Kestenbaum qui ajoute à cet
affaiblissement un renforcement des muscles antagonistes.
Si cette zone privilégiée est en vision de près, il va falloir
l’étendre à la vision de loin en position primaire, en créant un
déplacement non conjugué des yeux, appelé encore mise en divergence
artificielle, pour élargir la zone privilégiée en vision de loin.
S’il y a un double torticolis sans compensation en convergence,
certains font un recul des quatre muscles droits horizontaux,
d’autres s’abstiennent jusqu’à ce que le sujet choisisse une
position de torticolis.
*
Quel est le degré du torticolis ?
La réponse à cette question est primordiale, car le torticolis chez
le sujet nystagmique est un argument décisionnel pour la chirurgie.
En effet, si le torticolis est léger, la chirurgie n’est pas urgente
(4 ans).
En revanche, si le torticolis est sévère, une chirurgie très précoce
(1 an) doit être envisagée, car elle permet également de récupérer
un meilleur centrage de la correction optique, et par voie de
conséquence une meilleure acuité visuelle.
Enfin, si le torticolis est néfaste pour la statique vertébrale avec
signes fonctionnels associés (gêne dans le travail en vision de
près, céphalées), la chirurgie doit être effectuée avant la fin de
la croissance.
*
Y a-t-il un strabisme associé ?
Soit le nystagmus est au premier plan, soit le strabisme est au
premier plan, soit le strabisme est aussi important que le
nystagmus.
De toute façon, quel que soit le tableau clinique, c’est le
torticolis qui va dicter la chirurgie.
Il va falloir opérer le torticolis de l’oeil dominant d’abord.
Cette chirurgie est faite en deux temps.
Le premier temps portant sur le torticolis de l’oeil directeur au
risque d’aggraver le strabisme, qui sera traité dans un deuxième
temps.
On voit l’importance du torticolis comme argument décisionnel dans
le traitement du nystagmus, c’est la base de l’indication
chirurgicale.
La chirurgie du nystagmus nécessite des protocoles généreux, au
risque de s’exposer d’emblée à une réapparition du torticolis.
E - TORTICOLIS DE CAUSE ORBITAIRE :
Les strabismes orbitaires sont dus à une pathologie du système
suspenseur musculoaponévrotique par malformation orbitaire.
Ces malformations orbitaires peuvent être mineures comme dans les
syndromes alphabétiques, ou majeures comme dans les craniosténoses.
1- Malformations orbitaires mineures :
Elles sont responsables de syndromes alphabétiques, mais aussi de
nombreux strabismes dus à une altération de la forme, de la taille,
de la direction des orbites, dont les dimensions s’écartent des
valeurs normales observées dans les populations sans strabisme.
Tous les syndromes alphabétiques n’ont pas une cause orbitaire, mais
il faut néanmoins y penser car ils sont en revanche présents dans
tous les désordres orbitaires majeurs.
2- Malformations orbitaires majeures :
Une craniosténose est caractérisée par une soudure prématurée d’une
ou plusieurs sutures crâniennes.
La fréquence de cette malformation congénitale est de 1/2 000 à 1/2
500.
Le site de la synostose conditionne la forme du crâne et permet la
classification.
La répercussion se fait au niveau de la voûte crânienne pour les
craniosténoses, avec association pour les craniofaciosténoses d’une
malformation de la face moyenne.
Il y a alors deux conséquences majeures, une liée à la déformation
crânienne, et l’autre au développement du cerveau qui va se heurter
à la déformation crânienne et faciale.
La gravité de ces malformations dépend du nombre et du type des
sutures concernées (type de craniosténoses), et de l’association ou
non à des anomalies de la face (craniofaciosténoses).
Les complications sont neurologiques (hypertension intracrânienne [HTIC],
retard mental) et ophtalmologiques.
Le développement de la vision binoculaire se faisant jusqu’à l’âge
de 6 mois et la croissance du cerveau se faisant jusqu’à l’âge de 3
ans, on comprend l’importance de la chirurgie craniofaciale, et son
influence sur le développement visuel.
L’étiologie des craniosténoses est inconnue.
La soudure
prématurée d’une ou plusieurs sutures crâniennes s’accompagne
d’un arrêt de la croissance dans la direction perpendiculaire à la
suture synostosée, alors que la croissance est normale dans la
direction parallèle.
Selon le site de la ou des suture(s) synostosée(s),
on distingue les craniosténoses isolées : plagiocéphalie,
trigonocéphalie, scaphocéphalie, brachycéphalie, oxycéphalie, et les
craniosténoses associées à des malformations faciales, les
craniofaciosténoses : syndromes d’Apert et de Crouzon.
Nous
décrivons les craniosténoses qui entraînent des troubles
oculomoteurs avec torticolis, c’est-à-dire les plagiocéphalies, et les
craniofaciosténoses où il y a association de plusieurs synostoses :
brachycéphalie et oxycéphalie.
* Craniosténoses isolées
:
La plagiocéphalie antérieure est la soudure prématurée d’une
hémisuture coronale.
Le crâne est asymétrique, avec une région
frontale aplatie du côté atteint.
Il y a une dystopie verticale des
orbites.
L’hémiface atteinte est comme enroulée autour de l’hémiface
opposée.
L’orbite atteinte est plus haute, étirée, ovalisée, avec une
bascule en arrière du plan de l’orbite.
Le canthus externe est plus
haut et la distance oropalpébrale est plus longue du côté atteint que
du côté sain.
La fente palpébrale du côté atteint présente une
inclinaison mongoloïde, à la différence du côté sain qui présente une
inclinaison antimongoloïde.
Le côté dit sain est le siège de
mécanismes compensateurs.
* Craniofaciosténoses
:
Il s’agit des syndromes de Crouzon et d’Apert qui comportent à la
fois une déformation du crâne par fermeture précoce des sutures
crâniennes (craniosténoses, brachycéphalie, oxycéphalie), et une
altération de la face moyenne.
+ Brachycéphalie
:
C’est la soudure prématurée des deux sutures coronales.
Le crâne
est aplati avec un front haut et vertical.
L’aspect est acro- ou
turricéphale selon que la compensation se fait aux dépens de la
fontanelle ou de la suture sagittale.
Les signes ophtalmologiques
sont fréquents à type d’exophtalmie, d’hypertélorisme, de strabisme
et d’obliquité antimongoloïde des fentes palpébrales.
Il y a un raccourcissement de l’étage antérieur du crâne, et les
orbites sont peu profondes et obliques.
+ Oxycéphalie
:
La déformation crânienne est complexe car plusieurs sutures sont
concernées : la sagittale, les coronales et même la lambdoïde.
Le
crâne est petit, ovoïde, convexe en « pain de sucre ».
Le front est
plat et fuyant.
L’exorbitisme est fréquent, avec réduction de la
profondeur des orbites.
L’hypertension intracrânienne est très
fréquente en l’absence de traitement chirurgical.
L’orbite « carrefour du crâne et de la face » étant directement
impliquée dans les craniofaciosténoses, on comprend que les
troubles ophtalmologiques engendrés puissent menacer la vision et
l’équilibre oculomoteur.
La morphologie craniofaciale dans ces deux
syndromes classiquement à peu près similaire peut être en fait très
différente, variant selon le degré de la déformation :
– orbites courtes avec hypoplasie maxillaire dans le syndrome de Crouzon avec oxycéphalie ;
– brachycéphalie avec télorbitisme dans le syndrome d’Apert et
syndactylie au niveau des mains et des pieds.
Ces deux syndromes sont à l’origine de perturbations sévères du
développement craniofacial incluant la voûte et la base
cartilagineuse du crâne, le complexe maxillaire et les orbites.
Les
orbites présentent des anomalies de position et des anomalies de
taille en profondeur.
Ces deux syndromes sont rares et transmis selon le mode
autosomique dominant à pénétrance totale, mais les cas sporadiques
sont malheureusement les plus fréquents, et seraient favorisés par
un âge paternel élevé.
* Torticolis
:
Le torticolis des craniosténoses et des craniofaciosténoses est dû aux
anomalies ophtalmologiques.
Il s’agit essentiellement du strabisme,
associé ou non à un astigmatisme non ou mal corrigé.
+ Strabisme
:
La fréquence du strabisme est importante.
C’est un strabisme dit
« orbitaire » dû à la configuration orbitofaciale anormale.
Craniosténose : la fréquence du strabisme dans les plagiocéphalies
est importante, allant de 13 à 82 %.
Ce strabisme est dans
46 % des cas vertical et dans 13 % des cas horizontal.
La fréquence
du strabisme semble directement liée à la précocité de la chirurgie :
plus la date de chirurgie correctrice est précoce, plus la fréquence
du strabisme est basse.
Il s’agit dans la majorité des cas d’un
tableau de pseudoparalysie du grand oblique avec asymétrie faciale
et un torticolis classique de paralysie du grand oblique, tête penchée
du côté sain.
Depuis ces dernières années, l’examen TDM a permis une meilleure
compréhension en montrant que c’était la région frontozygomatique
qui était reculée de façon unilatérale dans la plagiocéphalie, et que
la région de la poulie du grand oblique est celle qui est la moins
atteinte.
Craniofaciosténose : la fréquence du strabisme dans les
craniofaciosténoses est également importante.
Ce strabisme est
caractérisé par une typologie alphabétique : syndrome V avec
élévation du globe oculaire en adduction, avec exotropie dans le
syndrome de Crouzon ou ésotropie dans le syndrome d’Apert.
Le syndrome V s’accompagne très souvent d’un torticolis.
Cette
grande fréquence des strabismes est expliquée dans le syndrome de Crouzon, plus par la divergence des axes orbitaires, que par le
télorbitisme qui n’est pas toujours constant. Les orbites sont en
extorsion ou en intorsion.
Dans le syndrome de Crouzon, il y a recul
du rebord orbitaire supérieur, diminution de la profondeur et
extorsion des orbites, dans le syndrome d’Apert les orbites sont
plutôt en intorsion ce qui peut expliquer la fréquence du
strabisme convergent.
Ces strabismes orbitaires présentent une correspondance rétinienne
anormale dans tous les cas par immaturité du système oculomoteur
à la naissance, la malformation osseuse étant un obstacle au
développement d’une vision binoculaire normale.
+ Astigmatisme
:
La fréquence de l’astigmatisme dans les craniosténoses comme dans
les craniofaciosténoses est importante.
L’astigmatisme le plus
souvent compris entre 2 et 5-6 dioptries est provoqué par l’altération
des forces exercées sur le globe oculaire par l’orbite et la périorbite.
Ces modifications sont importantes à considérer, car elles
surviennent pendant le développement visuel.
L’astigmatisme
présent à la naissance tend à diminuer les 2 premières années, pour
disparaître dans la majorité des cas vers l’âge de 5-6 ans.
La
déformation orbitaire par les tractions anormales exercées sur la périorbite se répercute sur la partie antérieure du globe induisant
un certain astigmatisme, tout en enrayant sa diminution
physiologique.
Dans les craniosténoses un lien est établi entre la puissance de
l’astigmatisme et l’âge tardif d’intervention : plus la chirurgie
correctrice se fait tard plus le degré de l’astigmatisme est
important, l’astigmatisme unilatéral devenant bilatéral avec les
phénomènes de croissance osseuse compensatoire.
Dans les craniofaciosténoses l’astigmatisme est bilatéral et oblique.
Dans les craniosténoses comme dans les craniofaciosténoses, la
considérable traction exercée sur l’orbite et la périorbite peut
expliquer l’astigmatisme « orbitaire » retrouvé.
Nous verrons dans le chapitre des torticolis sans trouble
oculomoteur, l’intérêt d’une correction optique exacte en axe et en
puissance chez ces patients pour ne pas aggraver le torticolis.
Torticolis sans déséquilibre
oculomoteur :
A - CAUSES RÉFRACTIVES :
Les causes réfractives peuvent être isolées ou associées aux torticolis
des déséquilibres oculomoteurs, expliquant les formes frontières
comme par exemple un astigmatisme associé à un nystagmus
congénital ou à un ptosis dans le cadre des paralysies oculomotrices
myogènes.
Dans un souci de classification, nous étudierons les
causes réfractives isolées.
Il s’agit principalement de certains astigmatismes et des ptosis qui
entraînent un torticolis pour permettre une position de meilleure
acuité visuelle.
B - ASTIGMATISME :
Le torticolis n’apparaît que lorsque l’astigmatisme est oblique et
supérieur à 1,5 dioptrie.
Le sujet adopte une position de meilleure
acuité visuelle, en utilisant le méridien cornéen le moins astigmate.
La correction dans le bon axe fait disparaître le torticolis et, à
l’inverse, une mauvaise correction maintient la mauvaise position
de la tête.
Chez l’enfant nystagmique, la mise en évidence et la
correction de l’astigmatisme grâce aux réfractomètres automatiques
ont permis dans un grand nombre de cas l’amélioration du torticolis.
Correction optique :
L’ordonnance des verres est importante à vérifier en cas de torticolis.
En effet, une correction optique ne doit pas gêner mais améliorer :
une mauvaise correction optique peut être à l’origine d’un torticolis,
l’enfant regardant par-dessus ses verres.
L’adaptation des verres
relève de l’opticien, mais l’ophtalmologiste ne peut s’en
désintéresser.
Pour la monture, en particulier chez l’enfant, elle doit
être choisie en fonction du visage de l’enfant en considérant qu’il
regarde souvent vers le haut de par sa taille et vers le bas en vision
de près pour jouer, apprendre à lire et à écrire : la monture idéale
devant être en plastique avec un grand champ de vision, un pont
surbaissé, avec des coussins de silicone (pas de plaquettes), les
verres atteignant ou dépassant les sourcils.
Ces lunettes bien
centrées, stables, efficaces et esthétiques sont portées sans difficulté,
dans leur plus petite taille, dès l’âge de 6 mois, à condition que la
famille soit persuadée de leur utilité et que le matériel soit
spécialement conçu pour cet âge.
Les verres ronds sont déconseillés,
en particulier lorsqu’il y a une correction d’astigmatisme, à cause
du risque de rotation avec apparition de torticolis secondaire.
C - PTOSIS :
Le ptosis congénital peut être simple et isolé ou associé.
En
recherchant une meilleure acuité visuelle lorsque la paupière
recouvre les pupilles, l’enfant va présenter un torticolis avec rejet en
arrière de la tête, menton relevé et contraction compensatoire du
muscle frontal.
L’étude de la réfraction peut mettre en évidence une anisométropie
cylindrique, un astigmatisme.
L’astigmatisme, compris généralement
entre 1,5 et 3 dioptries, créé par l’appui de la paupière ptosée sur la
cornée, est amblyogène et peut aggraver le torticolis.
Nous parlerons essentiellement des ptosis myogènes congénitaux,
avec le ptosis congénital simple ou isolé, et le ptosis congénital
associé à des anomalies oculomotrices comme la paralysie
congénitale du III, la paralysie des deux élévateurs, le syndrome
de Marcus Gunn, la fibrose congénitale des muscles
extraoculaires, certaines malformations congénitales faciales ou
générales.
Le ptosis congénital est le plus fréquent.
C’est une dystrophie
musculaire primitive du muscle releveur.
Il est bilatéral dans 25 %
des cas (symétrique ou asymétrique) et unilatéral dans 75 % des cas.
Le mode de transmission est le plus souvent sporadique, plus
rarement familial.
La présence du torticolis est importante à relever dans l’examen,
car il est souvent un argument décisionnel dans l’indication
chirurgicale.
L’indication chirurgicale se fait en fonction de l’amblyopie, de la
sévérité du ptosis, de la sévérité du torticolis et de la présence ou
non d’un strabisme associé.
Les autres ptosis myogènes ont été abordés dans les paralysies
oculomotrices myogènes.
Dans les causes non oculaires, la place du torticolis est capitale, car
en dehors des causes réfractives, il justifie à lui seul une intervention
chirurgicale.